condrieu

Condrieu,ou coindrieux, petite ville sur la rive droite du Rhône, sept lieues au-dessous de Lyon, où il y a une Paroisse, un Couvent de Récollets, & un de filles de la Visitation. Elle est plus connue par ses vins que par autre chose, & on dit que l'Empereur Probus fit apporter de Dalmatie le plan de ce vignoble.

Sur la rive droite et à 500 mètres environ du fleuve du Rhône, se trouve placée la ville de Condrieu, disposée en amphithéâtre demi-circulaire, sur le penchant d'un monticule que domine un vieux château. Avant que ce château eut éprouvé les rudes atteintes de la révolution, c'était une belle couronne gracieusement posée sur la ville.

Comme dans toutes les villes anciennes, les rues y sont étroites, irrégulières ; mais ces angles multipliés, ces passages resserrés et tortueux, qui sont des défauts aujourd'hui, nos devanciers les calculaient comme moyens de défense dans les cas nombreux d'invasions ennemies auxquelles ils étaient exposés.

L'étymologie la plus reçue de Condrieu, c'est Coin-de-Rieux, à cause des trois ruisseaux qui y affluent. Son origine semble remonter à trois cents ans avant Jésus-Christ. Pline, en parlant de ce pays, cite avec éloge les vins fins qu'on y recueillait ; cette qualité est justifiée par la nature des plans qui provenaient de la Dalmatie.

Quand les Romains prirent Vienne, leur domination s'étendit jusqu'aux Helviens ou Vivarais. Lymony en fournit chaque jour la preuve par les médailles et autres objets d'antiquités qu'on y découvre, presque à la superficie du sol. La première agglomération, qui fut le noyau de Condrieu, remonte à l'époque de ces conquérants des Gaules, lorsqu'ils pratiquèrent une voie romaine, dite de Narbonne sur la rive droite du Rhône.

Le territoire de Condrieu se divise en trois principales bourgades : la ville, le port et la Maladrerie, distantes entre elles d'un kilomètre environ. La ville a en perspective les coteaux du département de l'Isère, qui longent le Rhône et offrent un coup-d'œil ravissant, soit par la variété de leurs productions, soit par la forme et le site des nombreuses habitations dont ce rideau est parsemé. A gauche, on aperçoit dans le lointain les ruines des anciennes fortifications de Vienne ; à droite, s'élève majestueusement le mont Pila, dont les flancs, cultivés à une hauteur considérable, contiennent plusieurs petits villages qui produisent, de loin, un effet très pittoresque. De nombreuses îles, formées de distance en distance par l'inconstance et les caprices du fleuve, semblent flotter sur l'eau et donnent un nouveau charme à ce tableau. Sans cesse l'imagination est occupée par les scènes diverses que la navigation et la joie animent de la manière la plus agréable ; aussi, cette ville était-elle autrefois le séjour d'un grand nombre de familles opulentes, l'aisance qu'elles procuraient dans toutes les classes des citoyens, en faisait un lieu de délices.

Après les Romains, la ville de Condrieu devint une possession du chapitre de l'église primatiale de Lyon, depuis Vernon jusqu'à Bassanon, c'est-à-dire dans toute la largeur de son territoire, le long du Rhône ; suivant une Charte de l'an 984, Gaudemar de Jarez refusait à l'église de Lyon hommage pour les terres qu'il possédait dans le mandement de Condrieu ; l'archevêque Reynaud de Forez le cita devant le bienheureux Burcard, archevêque de Vienne, comme revêtu de l'autorité compétente ; une enquête eut lieu dans l'église de Sainte-Colombe, le 3 des ides de mars (13 mars) 1012. Gaudemar de Jarez se vit contraint de rendre hommage. Sa soumission authentique porte la date de Lyon, maison de l'archevêque, au mois de mai 1217. C'est vers la fin du douzième siècle, l'an 1199 environ, que furent construites les murailles de Condrieu, on y creusa des fossés, des remparts et des courtines y furent élevés, ainsi qu'un donjon, pour la défense de la ville ; tout cela se fit par les libéralités du vénérable Reynaud de Forez, quatre vingt cinquième archevêque de Lyon ; aussi peut-il être considéré comme le fondateur de cette cité. Une grande partie des murailles se voient encore. En même temps que les murs d'enceinte, s'élevait le château-fort dont il ne reste plus que les ruines imposantes ; cependant, une des tours est encore debout, c'est celle qui servait de prison. Les vieillards du quartier aiment à parler des cris lamentables qui s'en échappaient.

Reynaud de Forez ne se borna pas à fortifier Condrieu ; afin d'y attirer des habitants, il leur concéda, par des lettres de l'an 1199, différents privilèges : immunité des tailles et exactions quelconques, sauf les prestations d'usage, dans des cas déterminés ; abolition de la leude, droit de voter l'impôt, d'élire les syndics ou procureurs de la ville ; de n'être pas jugés, pour les cas de juridiction ordinaire, hors de la ville, et de ne pouvoir être arrêtés sans un ordre exprès de l'obéancier ; exemption du service militaire, hors de la ville et du mandement, à moins qu'il ne fût question de défendre le patrimoine de l'église ; liberté de pêcher, de chasser, de vendanger à volonté. C'est une remarque que les historiens impartiaux n'ont pas omise : qu'il faisait bon relever de la puissance ecclésiastique, les droits seigneuriaux y étaient allégés beaucoup plus qu'ailleurs.

Condrieu prospérait, il se peuplait rapidement ; nombre de familles distinguées vinrent s'y établir.

Ici nous avons à raconter une guerre, comme s'il s'agissait de l'histoire d'un grand état. En 1285, le chapitre de Vienne délibéra qu'il serait transigé sur les différends des juridictions et châteaux de Givors, Loire, Condrieu et Saint-Clair. Si le traité eut lieu, du moins ne mit-il pas fin aux débats. En 1297, Givors et Loire entrent en guerre. Condrieu et Saint-Clair à l'envi, prennent les armes ; le sang coule en plusieurs rencontres. De quoi s'agissait-il ? De déterminer les limites entre la paroisse de Saint-Clair et le territoire de Chaponnay, dont s'est formée la paroisse des Roches, et qui dépendait alors de Condrieu. Parmi les prisonniers que firent ceux de Condrieu, se trouve Alleman de Condrieu, obéancier de Saint-Clair ; emmené à Lyon, il travailla à la conciliation des partis, de telle sorte que les deux archevêques furent choisis pour arbitres et mirent fin à la guerre.

En 1314, nouvelles hostilités : les habitants de Condrieu portent le ravage à Saint-Clair. Le chapitre de Vienne réclame auprès de l'archevêque de Lyon, et en même temps envoie des troupes contre les agresseurs. Condrieu, investi par les troupes réunies du chapitre et du Dauphin, est à l'extrémité, quand un corps auxiliaire arrive de Lyon, et force les Viennois à lâcher prise. Furieux de leur défaite, le clergé et les citoyens de Vienne concertent de nouvelles attaques. La guerre devient plus acharnée que jamais, mais les parties ne sont plus égales: l'autorité royale s'interpose en faveur de l'église de Lyon. Philippe-le-Bel commence par envoyer des commissaires à Tournon, pour s'instruire du sujet de la guerre. Par leur entremise, une trêve est consentie d'abord, mais violée peu après. Nouvel armistice conclu les derniers jours d'août 1515, entre le clergé et les habitants de Vienne, d'une part ; le chapitre de Lyon, ses ayant-causes et les habitants de Condrieu, d'autre part. Les parties belligérantes déclarent s'en rapporter aux doyens des deux églises. Pendant l'arbitrage, deux notables du parti viennois demeuraient en otage à Condrieu.

Le pays est tranquille pendant quelques années, mais en 1328, dix mille Viennois se portent sur Condrieu, s'en emparent, ruinent le château, pillent la ville et ravagent les environs. Sur ce, Philippe de Valois donne ordre au bailli de Mâcon de venger Condrieu. Philippe de Chauvirey lève des troupes, passe le Rhône et assiège le bourg et le château de Saint-Clair. D'abord la garnison se défend avec énergie, mais le gouverneur ayant été tué, le bailli se rend maître de la place, massacre la garnison, incendie le bourg, l'église et le château de Saint Clair. Six ans après cette expédition, par lettres-patentes du 19 mars 1334, le roi incorpora à son royaume le bourg de Sainte-Colombe, et fit bâtir, à l'entrée du pont, la tour que nous y voyons encore.

Les deux églises de Lyon et de Vienne, qui n'étaient plus en guerre, se trouvaient en procès. L'archevêque de Vienne, dans un synode tenu à Condrieu l'an 1338, avait statué qu'il lui serait payé, par cette obéance, une somme de 15 livres ; les obéanciers s'y refusèrent, prétendant qu'ils devaient rester étrangers à ce synode. Lassés par les monitions qu'ils recevaient de l'archevêque de Vienne, ils en appelèrent au souverain Pontife. Deux cardinaux furent chargés d'examiner l'affaire ; ils se prononcèrent en faveur du chapitre de Vienne, et celui de Lyon fut condamné par un arrêt du 1er mars 1341.

Les seigneurs de Condrieu surent profiter de la paix en faveur de leur seigneurie. Une Charte du 10 mars 1344, porte que plusieurs maisons, situées à la tête du marché, seront converties en boucherie, qu'une halle au blé sera construite à côté des murs de la ville, avec deux portes, l'une donnant sur le marché, l'autre donnant sur le chemin public de Charnevol, c'est-à-dire du marché aux porcs. Les vieillards de notre époque ne se souviennent pas d'avoir rien vu qui rappelle la boucherie et la halle au blé dont nous venons de parler. La même Charte accorde un sauf-conduit général pour se rendre au marché de Condrieu chaque mardi. Nul ne doit être molesté, cité, arrêté, saisi, si ce n'est pour des délits commis dans le marché même. Tous ces règlements sont un témoignage de l'importance de l'endroit ; en effet, la pièce que nous citons déclare que Condrieu contient un grand nombre de familles, et qu'il est une des plus importantes seigneuries de l'église de Lyon.

La contagion de 1349 enleva le tiers de la population. Par mesure de salubrité, les malades étaient transportés hors de la ville, et soignés dans des infirmeries destinées à cet effet. De là, le nom de la Maladrerie que ce quartier porte aujourd'hui.

A cette époque désastreuse, le brigandage organisé parcourait la France. Seize mille bandits massacrèrent, à la bataille de Brignais, les troupes du roi, commandées par Jacques de Bourbon. Après cela, ils se partagèrent en deux corps. Pendant que les uns tournaient à l'occident, les autres poursuivirent, vers le midi, le dessein primitif de piller Avignon, résidence du pape.

Ces hordes de mauvais sujets, grossissant chaque jour, souillaient leur marche de crimes et de dévastations. Ils essayèrent de prendre Condrieu, mais la bonne contenance des habitants les força d'abandonner ce projet. Maîtres, pour la seconde fois, du pont du Saint-Esprit, ils inspiraient au pape et aux cardinaux les plus vives craintes, lorsque le marquis de Montferrat offrit d'en purger le pays, moyennant la somme de 60,000 florins que lui promit Innocent VI. Il leur fit accepter de marcher sous ses ordres contre les Visconti, de Milan. Le souverain Pontife leva cette somme sur la chrétienté environnante. Condrieu fut taxé à 210 florins 6 gros. Quatre ans plus tard, un autre détachement des grandes bandes nécessita un nouvel impôt de 500 florins, qui fut perçu conformément à un acte capitulaire du 24 janvier 1367.

Ponceverd, chevalier seigneur de Valprivas, était châtelain de Condrieu, dans l'intervalle de 1375 a 1382 ; nous avons de lui plusieurs ordonnances portant injonction aux habitants de retirer leurs effets et leurs récoltes dans la ville, de veiller aux réparations du château et d'y faire le guet pour n'être point surpris par les Anglais. Maîtres d'une partie considérable "de la France, ils réduisaient l'autre partie au dernier degré d'abaissement.

La tranquillité, une fois troublée, se rétablit difficilement ; les habitants de Condrieu, poussés par l'esprit de désordre, avaient fait aussi, dans le courant d'avril précédent, des courses jusqu'au lieu de la Chance, et y avaient détroussé, une compagnie de grenadiers bretons du roi de France, et pour réparation de ce délit, les habitants ainsi que le chapitre de Lyon, furent cités devant le bailli de Mâcon, qui les condamna solidairement à quelques amendes pécuniaires qui furent payées par une cotisation des habitanis. Malheureusement pour Condrieu, sa position topographique et la fertilité de son territoire étaient autant de causes pour y attirer les gens de guerre.

Une partie de chasse, faite en 1399 par quelques citoyens de Condrieu, sur le territoire des Roches, dans laquelle quelques cerfs furent pris, fut l'occasion de nouveaux troubles. Le châtelain de Jean de Châlon, seigneur d'Auberive, pensant que cette chasse avait eu Heu dans l'étendue de sa juridiction, fit saisir tous les biens que les habitants de Condrieu possédaient dans le mandement d'Auberive, les fit mettre à l'encan ; il ordonna même que ceux qui s'y rendraient pour cultiver les terres ou tout autre motif, seraient arrêtés et incarcérés. Le chapitre eut recours à l'autorité du bailli de Mâcon, qui lui accorda des lettres patentes, le 3 février 1399, portant défense au châtelain d'Auberive de donner suite à cette affaire.

Un titre de l'an 1412 dénote que le roi de France avait établi un grenier à sel à Condrieu ; qu'André Pape, homme puissant, en avait été nommé gardien ; que ce même Pape avait aussi obtenu du maître des ports de Lyon, d'être son lieutenant ez-marches de Condrieu, Tournon, Givors et d'ailleurs, et que par ses exactions sur les marchands, il détruisait les foires et le commerce de cette ville. On y voit encore que les compagnies de gendarmes, licenciées en novembre 1411, n'en continuèrent pas moins à ravager le pays ; que le roi, pour en arrêter le cours, ordonna aux baillis, sénéchaux, châtelains, etc., de veiller soigneusement à la garde des villes, châteaux, forteresses, ports, etc. ; et que ces ordres ayant été publiés à Condrieu, les principaux citoyens s'assemblèrent pour pourvoir à la garde et défense de leur ville, qui est, est-il dit, grand ville et spacieuse, bien close et bien fermée, assise sur le Rhône ; enfin, il est ajouté que des compagnies, commandées par Jauyeuse, se vantèrent plusieurs fois de grever Condrieu et ses habitants, et de s'y loger plus volontiers qu'ailleurs, étant une terre de l'église ; qu'elles s'en approchèrent effectivement, mais que la bonne contenance des citoyens annula leurs desseins. Le traître Nicolas, lieutenant de Pape, qui avait voulu livrer la ville, ne fut pas même puni, tant on craignait André Pape ; mais alors la justice était sans forces, et le peuple gémissait sous le poids de la plus révoltante anarchie. Des lettres du roi Charles VI, datées du 29 octobre 1414, adressées au bailli de Mâcon, nous apprennent une nouvelle querelle qui eut lieu entre des compagnies de gendarmes du Dauphiné, revenant de l'armée et passant par Lyon pour retourner dans leur province. L'un d'eux ayant enlevé à un paysan sa serpe ; sur les plaintes de celui ci, on sonne le tocsin, le peuple s'arme, les chaînes sont tendues dans les rues, et sans la prudence et les discours du sénéchal qui était accouru, la ville aurait eu à déplorer un nouveau carnage. Les esprits étant calmés, les gendarmes continuèrent leur route, mais les choses n'en restèrent pas là ; une animosité violente se manifesta entre les Lyonnais et les Dauphinois ; chaque jour fut marqué par quelque nouvelle scène, et toute communication fut interrompue jusqu'à l'intervention de l'autorité royale et celle du Dauphin. D'autres événements firent oublier celui-ci, qui reçut alors le nom de guerre de la serpe.

Une délibération du 4 juillet 1422, qui permet aux habitants de Condrieu de lever une taille de 600 francs pour réparer leurs murailles, afin de se défendre des incursions du seigneur Rochebaron du parti du duc de Bourgogne, nous apprend qu'Imbert de Grolée, sénéchal de Lyon, et le comte de Perdriac, se mirent à la poursuite de ce seigneur, et parvinrent à l'éloigner de nos contrées, où il commettait les plus grands dégâts. Une autre délibération du 8 novembre 1430, par laquelle le chapitre de Lyon demande une indemnité pour les grandes dépenses qu'il a été obligé de faire au château de Condrieu, prouve combien cette petite ville eut à souffrir dans ces cruelles circonstances. Enfin, une autre délibération du 15 février 1444, nous instruit que le châtelain de Condrieu avait été député par le chapitre auprès du roi et du dauphin, pour obtenir satisfaction des insultes et mauvais traitements qu'exerçaient vis-à-vis des habitants du Lyonnais, le bâtard d'Armagnac et ses gendarmes.

La tranquillité dont la ville de Condrieu commença à jouir sur la fin du règne de Charles VII, ne fut plus troublée qu'à l'époque où les erreurs de Calvin fournirent aux ambitieux un prétexte d'allumer la guerre civile dans toutes nos provinces. La ville de Condrieu suivit le sort de celle de Vienne : prise en 1562 par les protestants, reprise à plusieurs époques, l'église, le château et nombre d'autres édifices furent entièrement ruinés, et les habitants plongés dans la plus affreuse détresse. Aussi le chapitre de Lyon fit il venir en 1569, des bois de Doysieu et de Dargoire, et versa-t-il des sommes pour faire réparer le château et l'église, attendu que les habitants de Condrieu se trouvaient dans l'impossibilité de le faire.

L'agitation de la France exigeant que chaque endroit se mit en garde contre les surprises, le château de Condrieu eut presque continuellement une garnison. En 1589, une ligue, sous le titre de la Sainte-Union, se forma contre Henri III ; les habitants de Lyon l'embrassèrent le 24 février 1589 ; Condrieu imita leur exemple, et, par suite, essuya toutes les calamités de la guerre, occasionnées par les détachements d'hommes armés des forteresses de Vienne, Sainte Colombe, Ampuis, qui reconnaissaient encore la puissance royale, et parcouraient les campagnes en y commettant toutes sortes d'excès.

Dans les premiers jours de juin de la même année, le Consulat de Lyon envoya au secours de Condrieu deux compagnies de gens de pied, commandées par les sieurs de Sacconnay et de Beauvillars ; elles y descendirent par le Rhône, dans deux grands bateaux.

M. de Pomet, fils de M. de Brissieu, de la maison d'Oraison, vint attaquer Condrieu, le 18 juin, à deux heures du matin ; il avait avec lui cent quarante chevaux et trois cents hommes de pied, et comptait, à l'aide de quelques intelligences qu'il avait dans la place, s'en rendre facilement maître ; mais M. de Conflans et M. de Malezieu, capitaines de Lyon, qui défendaient Condrieu, paralysèrent les efforts de M. de Pomet, qui fut même blessé et repoussé avec perte d'un grand nombre des siens. .

Chevrières-Saint-Chamond, qui avait attaqué Vienne lors de la diversion opérée par le colonel Alphonse d'Ornano et Les diguières, se contenta de renforcer la garnison ; mais le capitaine Chambaud ayant fait avancer du côté du Vivarais quelques compagnies de protestants, dans la nuit du 20 au 21 novembre, dirigea son attaque avec tant de succès et de prudence, qu'il emporta d'assaut Condrieu ; la ville fat livrée au pillage, et devint le théâtre des plus grands excès!

Chevrières sentant combien la perte de Condrieu était préjudiciable à son parti, envoie toute sa cavalerie et cinq cents arquebusiers d’élite pour reprendre cette place ; il combine ses mouvements avec ceux d'une frégate armée, que la ville de Lyon avait fait descendre pour seconder ses opérations, et avec les troupes que M. de Villars avait de son côté, il s'empare presque sans résistance de ce poste important, le 23 du même mois. Mais il ne le conserva pas, puisque les protestants le possédaient déjà le 5 mars 1591.

Sur la fin de l'année 1592, Condrieu passa encore sous la domination du duc de Nemours, qui y mit une garnison de cent hommes, sous le commandement du capitaine Jacques Forlin. Mais en 1593, le peuple, fatigué des dissensions intestines et désillusionné sur les intentions du prince,se détermina à reconnaître la puissance de Henri IV, comme l'unique moyen de ramener le calme et la tranquillité dans l’État. Lyon ouvrit ses portes aux troupes de ce grand roi, le 7 février 1594, et le connétable de Montmorency prit possession de Vienne le 1TM mai 1795.

Ainsi, Condrieu qui, d'abord après la reddition de Lyon, s'était rangé dans le devoir, reçut garnison royale, qui devint inutile par la reddition de Vienne.

Les habitants de Condrieu s'empressèrent de recourir au chapitre de Lyon, afin d'obtenir le licenciement d'une troupe qui leur causait beaucoup d'incommodités et de dépenses, leur demande fut accueillie le 18 novembre 1595, sous le bon plaisir du roi et du gouverneur de la province, M. de la Guiche, mais à la charge de garder, suivant leur offre, la ville, le château, et d'obtenir un capitaine-chevalier, natif et domicilie de la même ville, très-affectionné au service de Dieu, du roi et du chapitre, qui y commanderait au nom du Mansionnaire.

L'ordre qui ne tarda pas à renaître, fit même cesser toutes ces mesures.. La ville de Condrieu n'a plus eu à gémir., depuis cette époque, du fléau de la guerre ; les plaies qu'elle en avait reçues se sont insensiblement cicatrisées. . De tout temps, les habitants de Condrieu ont eu un penchant trop bien prononcé au plaisir, pour qu'ils eussent négligé d'établir diverses fêtes, propres à entretenir parmi eux cet esprit de gaîté qui semble leur être naturel. Celle des patrons était toujours marquée par ; des danses, des festins et d'autres divertissements. Voici ce qui se pratiquait: Le jour de la fête du patron, à l'issue des vêpres, le Saint Sacrement étant exposé, on mettait à l'enchère la nomination d'un roi ; le curé recevait les mises, et celui qui avait offert de donner le plus de cire, était proclamé : on chantait alors un Te Deum ; on déposait la couronne sur la tête du dernier miseur ; les cloches annonçaient au peuple son exaltation, et ce roi.... de cire n'avait d'autres fonctions à remplir que de donner la cire qu'il avait promise, et de présenter l'année suivante, à l'offrande, un pain béni considérable.

Le premier mai amenait d'autres divertissements : un procès-verbal, du 30 avril 1606, en fournit la preuve. Le roi de mai, élu par les jeunes gens, était armé d'une demi pique et ses sujets d'arquebuses; il faisait planter un grand arbre à la porte du citoyen le plus distingué de la commune ; l'on tirait au prix, et la danse et d'autres exercices y succédaient.

La nuit du 30 avril au 1er mai, les garçons passent la nuit à courir de porte en porte et à chanter les louanges du mois de mai au-devant des maisons où demeurent de jeunes filles : les portes sont ouvertes aux chanteurs ; ils offrent aux jeunes filles des bouquets, et on leur donne en retour des œufs, du beurre, de la volaille, etc. Le lendemain, les provisions se consomment ; la joie brille partout, et la danse termine agréablement une journée aussi bien remplie.

La fête la plus imposante était celle de Saint-Clair, que les Bachelards (synonyme de jeune homme) de Condrieu célébraient avec la plus grande pompe. Leur chef avait aussi le titre de roi, et il paraît qu'elle devait son origine à la concession faite, par la maison d'Arces, aux jeunes gens des Roches, du port et de la Maladrerie, du privilège de percevoir, le jour de Saint-Clair, 2 janvier de chaque année, les droits de bac pour le passage du Rhône, sous la condition qu'ils maintiendraient la police du port.

Cette fête, véritablement curieuse par les cérémonies et les dépenses qu'elle occasionnait, commença le 31 décembre au soir ; les Bachelards,ayant à Jear tête le roi, décoré de sa canne ou bâton royal, et l'officier porteur du drapeau ou enseigne de saint Clair, partie bleu-céleste et blanc, allaient faire donner des sérénades, par les musiciens qui les précédaient, au premier magistrat, à M. Chrétien, propriétaire de la maison du maréchal de Villars, et à leurs parents : un grand bal terminait cette première journée.

Le 1er janvier, les Bachelards se rendaient à la messe de paroisse ; leur habillement était en beau drap, les souliers de même, leurs chapeaux garnis de plumes, couleur bleu clair et blanc, l'épée au côté ; ils se plaçaient dans le chœur et faisaient donner des aubades au-devant de la chapelle de la famille d'Arces et de celle de Saint-Nicolas ; après la messe, ils allaient visiter le curé, qui leur délivrait la liste des personnes mariées dans l'année.

De retour au port, ils dînaient ensemble dans une hôtellerie, et se rendaient ensuite au nouveau port, nommé le Rafour, et faisaient danser leurs parentes, qui recevaient des livrées qu'elles plaçaient sur leur sein pendant toute la fête.

De là ils allaient chez M. Chrétien, qui faisait distribuer à chacun d'eux une branche de laurier ; on y dansait encore, et à l'issue des vêpres, la bande joyeuse se transportait à la porte de la ville, du côté du port, où l'on mettait à l'enchère la ferme du bac pour le lendemain. Le roi, monté sur une pierre, recevait les mises, et pendant cette opération on buvait le vin blanc, on mangeait les biscuits que le propriétaire de l'ancienneté ( maison exempte du droit de bac ) était dans l'usage de leur offrir. Si l'adjudication ne se tranchait pas, on faisait une nouvelle criée au port ; la boîte de saint Nicolas était aussi mise à l'enchère, et le produit de ces objets couvrait une partie des frais de la fête. La journée se terminait par des sérénades et un bal.

Le lendemain, 2 janvier, l'adjudicataire du bac était de bonne heure en exercice ; les Bachelards passaient le Rhône, et allaient entendre la messe au village Saint-Clair ; ils dansaient ensuite sous l'orme, se rendaient à Vernon, revenaient aux Roches et repassaient à la Maladrerie. Le conducteur du bac, à qui ces diverses courses donnaient de l'occupation, recevait, pour son salaire, un dinde, deux pains bis de trois livres et quatre bouteilles de vin.

Le fermier de la vigne, appelée Chery, était tenu de présenter à chacun des Bachelards, au moment où ils allaient de la Maladrerie à la place de Condrieu,un échalas qu'ils portaient comme un trophée. De là, les Bachelards se rendaient au port du Sablier, où ils s'exerçaient quelques instants à l'escrime ; et sur le soir ils allaient chercher deux anciens rois, les conduisaient à l'hôtellerie où le souper était préparé ; en leur présence, on passait l'adjudication au dernier miseur de la canne ou bâton royal et de l'enseigne de saint Clair ; pendant le souper, on portail des tostes au nouveau roi ou porte-drapeau, aux anciens, et chaque fois les verres étaient jetés en l'air.

Le souper achevé, le bal commençait par le branle du roi, celui du porte-enseigne, des anciens, des nouveaux mariés, etc. ; l'on dansait une partie de la nuit.

Le 3 janvier, les Bachelards allaient en grand costume entendre la messe à l'église des Récollets. Les religieux, auxquels ils envoyaient un dinde rôti, six pains bis et douze bouteilles de vin leur donnaient à déjeuner au sortir de la messe ; on faisait ensuite la farandole le long des cloîtres, et le nouveau roi qui, ce jour-là, portait la canne, conviait ses sujets à dîner. La boîte de saint Nicolas était, après le dîner, attachée à une barre de fer ; deux des garçons la portaient, et la troupe des Bachelards visitait, toujours la musique à sa tête, les jeunes mariés du port, de la Maladrerie et des Boches, et exigeait de chacun d'eux 75 cent., qui étaient mis dans la boîte. Si quelqu'un des nouveaux mariés, pour se soustraire à la taxe, fermait sa porte, le roi la faisait enfoncer avec la barre de fer et contraignait les refusant de payer.

Enfin, le 1 janvier, les Bachelards, après le déjeuner, faisaient emplir de vin une grande cruche ; on l'attachait à la barre de fer portée par deux garçons ; ils parcouraient la ville, faisant boire à chaque coin de rue les personnes de leur connaissance et parvenus à la porte des Granges, ils suspendaient la cruche à une branche de noyer et la compagnie lançait des pierres jusqu'à ce qu'elle fût cassée. On se retirait ensuite pour vaquer à ses affaires, en chantant ce couplet:

La saint Clar è morta,
Ge nin soi pas causa:
Laissi veni l'an que vint,
No serons ben mé de gins.

C'est ainsi que se terminait cette fête mémorable, dont l'origine est très-ancienne.

Comme le territoire de Condrieu était couvert de forêts, puisqu'on y chassait à la bête fauve, ses habitants jouissaient anciennement du privilège de la chasse. Diverses sentences et jugements, obtenus contre le châtelain de Condrieu et le célerier du chapitre, ordonnent de leur restituer les filets pour prendre les perdrix, et leur permis de 1437, de chasser à la grande bête, en donnent la preuve. Malgré toutes les tracasseries, tous les procès qu'ils eurent à soutenir pour user de ce privilège, ils y furent enfin maintenu par une délibération du chapitre, en date du 29 juillet 1460, qui leur permettait de chasser à toute sorte de gibier, excepté la perdrix ; le procureur de la commune accepta cette condition, et ils en ont toujours joui, jusqu'au moment où les ordonnances royales l'ont restreint à la seule noblesse.

Pendant long-temps., Condrieu a été le séjour de la bonne compagnie ; plusieurs familles distinguées s'y étant établies, il fut le berceau de quelques hommes du plus grand mérite.

On pense que Bertrand de la Chapelle, qui occupa si dignement le siège archiépiscopal de Vienne, depuis 1328 jusqu'en 1353, avait pris naissance à Condrieu : ce qui justifie cette opinion, c'est que Hugues de la Chapelle, chevalier, son frère, y avait son domicile, et que le prélat s'y rendait souvent.

A la famille de Lambert, l'une des plus anciennes de Condrieu, succéda celle d'Arces, dont il a déjà été fait mention. Claude d'Arces,fils de Bon et de Louise Lambert, fut d'abord célerier de l'Ile-Barbe, ensuite abbé de Boscodon, et enfin élu archevêque d'Embrun.

Les Chapuis ont habité, durant plusieurs siècles, la ville de Condrieu ; la fortune qu'ils y possédaient, et leurs services, les avaient investis d'une haute considération.

Les de Gavant s'honorent d'avoir eu, au commencement du dix-septième siècle, Jean-Charles de Gayant, chevalier et gentilhomme de la chambre du roi.

La famille de Villars a jeté un trop grand éclat en France, pour ne pas entrer dans quelques détails à son sujet. Elle est originaire de Lyon, et se divisa en deux branches au commencement du quinzième siècle. Celle qui continua d'habiter Lyon, a fourni d'illustres prélats et des magistrats d'un rare mérite. L'autre vint se fixer à Condrieu: dans le nombre des hommes célèbres qu'elle a produits, on remarque Pierre IV, et Henri de Villars, archevêque de Vienne ; Claude de Villars, baron de Maclas, chevalier et gentilhomme de la chambre du roi ; Nicolas de Villars, évêque d'Agen ; Pierre de Villars, lieutenant-général des armées du roi, chevalier de ses ordres, ambassadeur extraordinaire près des rois d'Espagne et de Danemarck ; et Louis-Hector duc -de Villars, maréchal de France, si connu par la victoire de Denain, qu'il remporta sur les Impériaux en 1712. Le fief de Villars lui appartenait ; il a été vendu dans la suite à la famille Dervieu, qui le possède encore, originaire elle-même de Condrieu.

Mais plusieurs localités revendiquent l'honneur d'avoir donné naissance à ce vaillant maréchal.

Claude de Gelas, archidiacre d'Agen, en 1595, en devint évêque en 1609, par la résignation de Nicolas de Villars, son oncle ; Condrieu était aussi sa patrie.

Claude Geoflray, chanoine de Saint-Dié, et Jean Geoffray, docteur-médecin du duc de Lorraine et son conseiller, n'oublièrent point, dans leurs dernières dispositions, une ville où ils avaient reçu le jour ; ils firent, en 1529 et 1550, diverses fondations pieuses à l'église de Condrieu.

Noble Nicolas Bertieu, fils d'un patron de cette ville, s'éleva par son mérite et sa valeur, à la place importante de capitaine des ponts et bateaux de l'armée de France ; il vint finir ses jours dans la maison paternelle, en 1584.

Jean Marquis, médecin, également né à Condrieu, se distingua par ses grandes qualités et son rare savoir ; il fut le médecin de plusieurs maisons illustres. On doit à ce savant homme un recueil de vers grecs, latins et français, faits sur la mort de Jean Morel, gouverneur de Henri d'Angoulême, grand-prieur de France, et la chronologie de Genebrard.

Jean Pelisson, contemporain de Marquis, jouit aussi d'une grande renommée. On peut se former une idée de ses talents par l'épitre et les vers qu'il adresse à l'archevêque Pierre Palmier, en 1534, à l'occasion d'une nouvelle édition des livres de la Liturgie de Vienne. Pelisson mourut en 1613.

Gabriel Blanchard, père du célèbre peintre Jacques Blanchard, était natif de Condrieu.

Le Père Jérême de Condrieu, capucin, gardien du couvent de Valence, fut martyrisé par les calvinistes, durant les troubles de la religion.

Louis Grubis, docteur-médecin, se distingua dans son art ; il habitait Vienne vers le milieu du dix-septième siècle.

Source : La France par cantons et par communes: Département du Rhône par Théodore Ogier 1856.

Maison du Gouverneur de la Gabelle

Les sources ne s'accordent pas sur l'origine de cette construction, certaines la place au XVe siècle d'autre au XVIe, quoi qu'il en soit il semble qu'elle fut active jusqu’à la révolution. D'un point de vue architectural elle tiens plus de la maison bourgeoise que du simple grenier a sel que nous connaissons de nos jours.

Eglise

L'église de Condrieu remonte aux treizième et quatorzième siècles ; elle a conservé une partie de la belle architecture de cette époque, où le gothique était d'une pureté sévère. Cet édifice est composé de trois nefs voûtées ; la partie moderne a été construite il y a un siècle environ, à la suite d'un éboulement. Plusieurs chapelles latérales ont été élevées dans les bas côtés.

Couvent de la Visitation

Condrieu possède encore de nos jours un couvent dit de la Visitation, dont la fondation remonte en l'année 1629. Les religieuses furent tirées de la maison mère de Bellecour, à Lyon. A l'époque de la révolution, elles étaient au nombre de vingt-sept et six sœurs agrégées.