Ancien hôtel de Villars et bâtiment dit de l'Aumônerie

On admet généralement que la première agglomération qui reçut le nom de Condrieu date de la conquête des Gaules, lorsque les Romains construisirent, sur la rive droite du Rhône, la voie de Narbonne. Ce n'est qu'une hypothèse, d'ailleurs assez vraisemblable.

Condrieu fut incorporé dans le domaine de l'Église de Lyon, en 984, suivant les uns, et, suivant quelques autres, en l'an 1000. Revendiquée par les comtes de Forez, tour à tour possédée par eux et par les archevêques de Lyon, la ville fut définitivement adjugée à ces derniers par transaction de 1173. L'archevêque Renaud de Forez peut être considéré comme son véritable fondateur. C'est lui qui fit élever, de 1193 à 1226, des remparts et un donjon pour assurer la défense de la place. De plus, en 1199, il concéda Le vieux Château, aux habitants un certain nombre de privilèges tels que l'exemption des tailles et exactions, l'abolition de la leyde, le droit de voter l'impôt, d'élire des syndics, de pêcher, de chasser, etc. Nul ne pouvait être arrêté sans un ordre exprès de l'obéancier ; le service militaire, hors de la ville et du mandement, était aboli, à moins que le patrimoine de l'Église ne fût en danger.

Grâce à ces privilèges, Condrieu se peupla rapidement et acquit une réelle importance. Renaud de Forez ne négligeait, d'ailleurs, aucun moyen d'agrandir le domaine de l'Église. En 1252, il acheta de Girin de Siffrey la viguerie de Condrieu et les droits que le viguier exerçait sur diverses maisons de Marchail et du château. Des acquisitions successives de fiefs et de propriétés, notamment de tous les biens que possédait la famille d'Ampuis (juin 1254), dans le mandement de Condrieu, accrurent encore l'importance de cette ville qui comptait de nombreux feudataires. MM. d'Urgel, précenteur, Guichard de Saint-Symphorien, prévôt de Fourvières, et Hugues de la Tour, sénéchal, reçurent, en 1288, l'hommage de Henri de Grigneu, Hugues de Tolneu, Reymond Lambert, Brianczone, Guillaume et Guichard Alamana, Guillemet de Saint-Laurent, Pierre de Verleu, Guillaume et Péronnet de la Chaza, etc.

Le territoire de Condrieu s'étendait alors au delà du Rhône et comprenait toute la commune des Roches. La fixation des limites, sur la partie qui touchait à Saint-Clair, amena entre les Églises de Lyon et de Vienne une série de conflits qui se prolongèrent pendant près d'un siècle. En 1314, à la suite d'une lutte sanglante, l'intervention royale parut devoir rétablir définitivement la paix et la tranquillité. Mais, en 1330, dix mille hommes, partis de Vienne, s'emparent de Condrieu, démolissent le château et saccadent toute la région environnante. Le roi intervient de nouveau et, sur l'ordre de Philippe de Valois, le bailli de Mâcon, Philippe de Chauvirey, enlève de vive force le château de Saint-Clair, le détruit, livre aux flammes et le bourg et l'église, puis fait passer la garnison au fil de l'épée. Malgré la sévérité de cette répression, le différend entre le Chapitre de Lyon et celui de Vienne ne fut définitivement réglé qu'en 1383.

Condrieu cependant prenait une extension de plus en plus grande. Le Chapitre s'efforçait d'assurer son développement, il réglementait le marché, créait une boucherie, ainsi qu'une halle au blé, et s'occupait très activement d'assurer l'hygiène publique fort négligée à cette époque. En 1348, sur les bords de l'Arbuet, fut construite une maladrerie pour les victimes de la peste, dans le quartier qui depuis prit le nom de Maladière.

Malheureusement Condrieu était arrêté dans son essor par des luttes incessantes et ses habitants, à une époque où le désordre était général, se livrèrent eux-mêmes à des agressions injustifiables. En avril 1382, ils détroussèrent une compagnie de gendarmes du roi et furent, à la suite de cet acte d'insubordination, condamnés à une forte amende. Vers la même époque, de 1375 à 1382, leur ville menacée par les Tards-Venus fut mise en état de défense par Ponceverd. Plus tard le Chapitre confia les fonctions de châtelain à Guillaume d'Albon, membre d'une des plus illustres familles du Lyonnais. En 1399, de nouveaux troubles surgissent à l'occasion de mesures coercitives prises contre quelques habitants de Condrieu qui avaient chassé le cerf sur le territoire des Roches, malgré la défense du châtelain Jean de Châlons, seigneur d'Auberive. L'intervention du bailli de Mâcon termina heureusement ce conflit.

Le commencement du XVe siècle fut marqué par les exactions sans nombre d'André Pape, garde du grenier à sel, et de son lieutenant Jean-Nicolas, dit Paule. Les plaintes de la population, du Chapitre et de l'obéancier restèrent sans effet. Grâce à des protections inexplicables, Pape put conserver ses fonctions et continuer de commettre les plus criants abus.

En 1414, un gendarme du Dauphiné s'empare de la serpe d'un paysan de Condrieu. Il n'en faut pas davantage pour provoquer de nouvelles et interminables luttes.

Sous le règne de Charles VI, en 1422, Condrieu eut encore à se défendre des attaques du sieur de Rochebaron qui tenait le parti du duc de Bourgogne. Imbert de Grolée, sénéchal de Lyon, et le comte de Perdriac se mirent à la poursuite de cet agresseur et l'obligèrent à quitter la contrée où il exerçait les plus grands ravages.

La paix renaît enfin sous le gouvernement de Charles VII, mais elle devait être troublée bientôt par les guerres de religion.


Vieille ville

En 1562, les protestants s'emparent de Condrieu. Reprise par les catholiques, la ville tombe une seconde fois aux mains des huguenots qui la ravagent complètement. En 1589, elle embrasse le parti de la Ligue contre le roi de France et s'expose ainsi à toutes les horreurs de la guerre.

Dans un registre des baptêmes de la ville, du 3 décembre 1586 au 19 mai 1594, nous trouvons les deux notes suivantes relatives à l'attaque de cette petite cité par les protestants :

Feuillets 21 V° 22 : « Le dimanche, de matin, et deux heures après la mynuit, 18e jour du moys de juing 1589, la ville de Condrieu fust donné l'assaut du cousté de la porte de l'Ospital par monsr de Breysie, son frère, Poumé et plusieurs aultres, jusques au nombre de troys cent homme à cheval armés et aultant d'arquebousiers jeans de pied, et lesquelz hennemys de Dieu et de son esglise tant appostolique que romaigne, myrent deux pétars, le premier fust my et appliqué au tour où illy a une chayne, lequel tour fut rompu par led. petar. Non comptant de ce, myrent l'aultre pétard à la grand porte, laquelle fut brisée, sçavoir une grande partie de l'ennemy pouvoyt entré aysément, mais Dieu qui ne n'oblie jamays les siens, ne volu permettre que lad. ville de Condrieu fust ainsi murtrie, sacqegé et pillyé, ainsi furent repoussé lesd. hennemys d'une force vive couraige par la garnison, que alors estoit en lad. ville de Condrieu, savoir noble cappitayne Anthoine de Mallesieu, natif de Lyon, cappitayne de deux cens hommes, tant mosquetayres, arquebousiers que picquier, lesquelz se montrent valliant à l'assau, Et ne fault hoblier la bonne conduicte, forse et valliantise de monsieur de Confiant, lequel Dieu voulu qu'il se trouva led. jour et assault, lequel combatit valliamment sur le pourtal de lad. porte brisé, donnant courage à tous les bons souldars et messrs de la ville que de leur cousté faysoit leur debvoir, estant commandé par noble Claude de Villars, cappitayne de la ville, don, par la grâce de Dieu, les henemys furent si bien repousé qu'ilz furent contrainct se retirer à leur grand honte, non sans plusieurs blessé à mort, comme nions, de Pomé, frère dud. Bressie, ensemble le pétardyé, qu'après troys jours rendy l'esperit, ayant délaissé troys pétardz aud. Condrieu, don illy an avoyt ung, le plus groz, qui demeura chargé. Led. cappitaine donna à l'esglize celluy que vouyés, qu'est pendu en nostre esglise pour mémoyre et souvenance. Lequel pétar fust converty en une vitre. »

Feuillet 28 V°. « Le 20° jour de novembre 1589, la ville de Condrieu fust assigée et environnée par le seigneur Alfonse, se disant gouverneur du Daulphiné, accompagné de mons. d'Eguidière, Gouvernet et Blacon, Chambaud et aultres huguenault aussi accompagné de nionsr de Malgeront et monsr de Mures, et lesquelz led. jour assigare lad. ville de cousté de la tour, au bas de la ville, appelé lad. tour La Vallatte avec quatres piesses de baterie, là où ilz fust tiré plusieurs coup de canon contre lad. tour, que enfin ilz myrent une grande partie de lad. tour par terre, ensemble les murs de lad. ville et y firent grand bresche. Parquoy led. jour ilz son entré de grand rage et ont pillié le bas de la ville, faisant mille maulx, meultres et pilleries. Et au bout troys jours ilz allarent assigé Vienne de cousté du Daulphiné. Mays Dieu ne voulust pas qu'ils y puissent entré, ains se retirare avec ung grand honte et perte. »

Condrieu se range, en mars 1590, au parti du Béarnais devenu roi de France et reçoit une garnison royale : « Au mois de mars 1590, ladite ville et chasteau fust remis par cappitulation et accord soubz l'hobéissance du Roy Henry quatriesme, roy de France et de Nauarre soubz la charge de Monsieur le baron de Virieu et après de Monsieur de Bothéon, lieutenant pour sa majesté en ce pays. »

A la mort du baron de Virieu, le duc de Nemours, qui cherchait à se créer un petit état, s'empara de Condrieu, en septembre 1592. La situation resta troublée, dit un document contemporain, « jusques environ la Saint-Jehan 1595, que la paix généralle fut faicte par le Roy, avec ses subjectz, tant d'une part que d'autre ».

A partir de cette époque, l'ordre se rétablit peu à peu dans toute la France et Condrieu n'eut plus à souffrir des horreurs de la guerre ; la paroisse fut érigée en baronnie au commencement du XVIIe siècle. « Le treizième du mois de décembre 1622 le roy et la roynne madame sa femme et aussy sa mère » firent leur entrée à Condrieu se rendant au siège de Montpellier.

Parmi les établissements publics de cette petite cité, il en est un, l'hôpital, qui mérite une mention particulière. Il existait déjà en 1288, mais n'était alors destiné qu'aux pauvres de passage. A la suite de certains abus, on dut modifier sa destination et le réserver exclusivement aux malades. Les bâtiments tombaient en ruines et l'on ne put tout d'abord utiliser qu'une chambre à deux lits. Ce n'est qu'en 1527 que, grâce à un don généreux de Gaspard Besson, l'établissement disposa des ressources nécessaires à l'hospitalisation de douze malades.

Quant au collège, il fut organisé, en 1555, par Floris Chol et Claude Roux, syndics, et généreusement doté par Claude Besson, fondateur de l'hospice.

Quelques noms se rattachent à l'histoire de Condrieu. Citons, tout d'abord, l'illustre famille de Villars, d'où est sorti le maréchal de France qui, en 1712, remporta sur les Impériaux une victoire mémorable.

Nous lisons sur le père du vainqueur de Denain, dans la Biographie universelle de Michaud (tome 43, page 416) une note assez curieuse :

« Le roi voulant récompenser ses longs services le comprit, en 1688, dans la promotion de l'ordre du Saint-Esprit. Cette faveur fit des jaloux et Villars fut du nombre des chevaliers auxquels on reprocha de n'avoir pas la noblesse nécessaire pour parvenir à cette distinction ». On trouve ce couplet dans les mémoires du temps :

«Colbert prendra dans l'Ecosse Des titres de chevalier, Car les livres de négoce Ne donnent pas le collier. Montbron, ce foudre de guerre, En aura chez un faussaire Et Villars a ses aïeux Au greffe de Condrieux ».

Pour les besoins de la rime, on a modifié l'orthographe du nom de la commune, mais cette épigramme n'en atteste pas moins que Condrieu est bien le pays d'origine des de Villars.

Château de Rozay

D'ailleurs, à trois kilomètres environ au nord-ouest du bourg, en remontant le chemin de grande communication n° 15 (embranchement de Condrieu au Pilon), on trouve encore une ancienne demeure seigneuriale, le Rozay, qui appartint, dit-on, à cette illustre famille. Le château semble dater du XVIe siècle. Il aurait été construit par Charles de Villars qui prit le nom de son nouveau domaine. Uni à Diane de Vernon, le seigneur du Rozay mourut sans avoir eu un fils qui lui succédât. Sa famille hérita de ses biens et les conserva jusqu'à la Révolution.

Devenu la propriété de Marius Pichat, en 1842, le château fut vendu, en 1897, à M. Mulletier, le propriétaire actuel ; il a subi, malheureusement, des modifications qui en ont quelque peu altéré le caractère. Plusieurs tourelles ont été décapitées et des brèches semblent avoir été ouvertes dans le mur d'enceinte. Les palissades à clairevoie qui garnissent ces ouvertures ôtent à l'ensemble l'aspect imposant qu'il devait avoir jadis. Ajoutons enfin qu'il est fait mention du « Curtile de Rosei » dans un acte de juin 1225, par lequel Girin Siffrey, viguier de Condrieu, céda à Renaud de Forez, archevêque de Lyon, tous les droits et revenus de sa viguerie.

Condrieu est encore le lieu d'origine de la famille d'Arces qui comptait parmi les siens le brave de Lyvarot resté célèbre à la suite du duel auquel prirent part Schomberg, Maugiron, Quélus, Ribeyrac et Entraguet. Citons aussi Bertrand de la Chapelle, archevêque de Vienne, de 1328 à 1353 ; les de Lambert, les de Gayant, etc.

A l'époque où des luttes incessantes troublaient l'ordre public et menaçaient les biens et la vie même des citoyens, les habitants de Condrieu organisaient des fêtes périodiques dont le souvenir est venu jusqu'à nous. Dans une notice très documentée de N-F. Cochard, nous trouvons à ce sujet quelques détails intéressants.

« A propos de la fête patronale, on mettait à l'enchère la nomination d'un roi a qui n'avait d'autres fonctions à remplir que de fournir à l'église la cire nécessaire au culte et, l'année suivante, le pain bénit ».

« En mai, les jeunes gens élisaient un autre roi et cette élection, comme la précédente, donnait lieu aux divertissements les plus variés ».

La fête la plus importante était sans contredit celle des Bachelards ou jeunes hommes. Elle durait du 31 décembre au 4 janvier et avait pour origine la concession faite par la maison d'Arces aux jeunes gens des Roches, du Port et de la Maladrerie, du privilège de percevoir les droits de bac pour le passage du Rhône, le 2 janvier, jour de la Saint-Clair.

Les Bachelards élisaient un roi, eux aussi ; ils avaient un porte-enseigne et, pendant toute la durée des fêtes, ce n'était qu'une succession de festins et de bals entremêlés de cérémonies bizarres.

En ce qui concerne les produits locaux, il faut signaler d'une façon toute spéciale les vins de Condrieu qui jouissent d'une réputation fort ancienne. Le Chapitre et le Consulat de Lyon faisaient entrer ces vins dans les présents qu'ils réservaient aux princes et aux grands seigneurs. On prétend aussi que le célèbre vignoble de l'Hermitage doit son origine à celui de Condrieu.

Des mines de plomb auraient été découvertes, en 1768, sur le territoire de la commune. Elles n'ont jamais été exploitées.

« Autrefois les habitants de Condrieu étaient renommés pour leur force, leur prudence, leur habileté et leur connaissance du Rhône. Ils fournissaient les meilleurs patrons pour diriger les bateaux sur ce fleuve dont l'inconstance dépasse la rapidité. » Mais la création des chemins de fer a complètement transformé les moeurs du pays et, aujourd'hui, les habitants se consacrent surtout aux travaux de l'agriculture.

Source :

  • Titre : Dictionnaire illustré des communes du département du Rhône
  • Auteur : Rolland, E. et de Clouzet, D.
  • Éditeur : C. Dizain (Lyon)
  • Date d'édition : 1901-1902

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 116993
  • item : Ancien hôtel de Villars et bâtiment dit de l'Aumônerie
  • Localisation :
    • Rhône-Alpes
    • Condrieu
  • Adresse : rue Dubost
  • Code INSEE commune : 69064
  • Code postal de la commune : 69420
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : hôtel
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Dates de protection :
    • 1988/04/01 : inscrit MH
    • 1995/09/12 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/12/03

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • Le décor est composé de : 'peinture'
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :2 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • élévation
    • décor intérieur
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété d'une personne privée 1992
  • Détails : Façades et toitures (cad. AB 23, 546) : inscription par arrêté du 1er avril 1988. Totalité du plafond peint situé au premier étage de l' aile en retour sud (cad. AB 546) : inscription par arrêté du 12 septembre 1995
  • Référence Mérimée : PA00117749

photo : Dominique Robert