tournan en brie

La ville de Tournan, située dans une vallée sur la route de Paris à Sezanne, est traversée par un ruisseau qui vient des bois qui sont au nord et se termine à une demi lieue environ au moulin de Villeginare, commune de Presles, dans un gouffre placé sous la roue du moulin même.

On prétend que ce nom de Tournan vient du mot celtique turn ou torn dont on ignore la véritable signification, ce qui ferait présumer que l'origine de ce lieu remonte à la plus haute antiquité , quoique rien d'ailleurs ne le constate, les guerres et les calamités publiques ayant fait périr toutes les pièces authentiques qui pouvaient donner quelques lumières à cet égard.

Dans les anciens actes, Tournan est désigné sous les noms de Turnihamus; plus tard on a écrit Turnomium, Turnoacum, Tornemium, et quelquefois Tornomium, et en français Tornan, Tornen ou Tornam, puis Tournon et quelquefois Tournehem.

Si l'on doit s'en rapporter à une ancienne tradition, la terre de Tournan viendrait des ancêtres de Sainte-Fare, abbesse du diocèse de Meaux. Celle-ci aurait établi un monastère dans cet endroit, colonie de celui de Farmou tiers; mais les religieuses l'abandonnèrent durant l'invasion des Normands dans le IXe siècle.

L'évêque de Paris ayant retiré les biens de ce couvent dont des mains étrangères s'étaient emparées, en devint le premier seigneur et y établit des chanoines, qui n'y restèrent pas longtemps puisque nous voyons qu'en 1088, Guy de Vitry et Havise sa femme donnèrent, du consentement des chanoines aux moines de Saint-Maur l'église de Saint-Denis de Tournan.

Cette église de Saint-Denis dans le vieux château à l'occident de la ville, est un édifice du XIIIe siècle ou du commencement du XIVe qui n'a rien de remarquable; on y voit une tombe du XIIe siècle.

Le prieur de Saint-Denis jouissait de prérogatives assez considérables.En 1192, Anseau de Garlande,IIe du nom, seigneur de Tournan, avait reconnu que les moines avaient toute justice dans ses terres, que ceux qui demeuraient sur ces mêmes terres ne lui devaient pas de corvées ni n'étaient tenus de moudre à son moulin; enfin qu'il ne pouvait s'établir aucune école dans la paroisse de Tournan sans la permission du prieur.

L'église de la Madelaine construite avant le XIe siècle était la seule paroisse de Tournan, l'église de Saint-Denis ne servait qu'aux moines de Saint-Maur pour faire l'office divin; et, comme la Madelaine leur était soumise, ils ne permettaient pas qu'on la regardât autrement que comme une chapelle.

Cette église a été détruite à la révolution, et le culte s'exerce maintenant dans l'église Saint-Denis.

Les évêques de Paris ont toujours conservé quelques droits sur la seigneurie de Tournan. C'étaient eux qui donnaient l'investiture au nouveau seigneur en lui mettant au doigt un anneau; droit qui leur fut confirmé par une charte de Philippe-Auguste donnée à Paris au mois de mars 1185, et le seigneur de Tournan avait la singulière prérogative d'être un de ceux qui portaient le nouvel évêque à son entrée au siège épiscopal.

Le plus ancien seigneur de Tournan dont on ait connaissance est Guy ou Guillaume de Vitry. Il vivait en 1088; son fils Manassès lui succéda, et Guy, son petit-fils, voulant entreprendre le voyage de Palestine, vendit, en 1147, la terre de Tournan à Guy de Garlande.

La maison de Garlande posséda cette terre sous sept seigneurs jusqu'en 1293; ce sont:

  • Guy de Garlande qui vivait encore en 1186;
  • Ansean de Garlande Ier dont on n'a aucun titre;
  • Anseau de Garlande II qui vivait en 1192;
  • Robert de Garlande.
  • Anseau de Garlande III de 1246 jusqu'en 1255.
  • Jean de Garlande frère de ce seigneur, ayant rendu hommage à l'évêque de Paris pour la portion qu'il avait dans la seigneurie de Tournan, le prélat voulut lui en donner l'investiture en lui mettant entre les mains un bâton ou un fétu. Mais Jean ne voulut point l'accepter disant qu'il voulait être mis en possession par la réception d'un anneau d'or, ce que l'évêque refusa de faire alors.
  • Anseau de Garlande IV, vers 1257 jusqu'en 1287 où il mourut sans postérité.
  • Jean de Garlande, son neveu, lui succéda, et ce fut de lui que Pierre Chambly, chevalier, acquit, en 1293, suivant un acte revêtu du sceau de l'évêque de Paris et de ceux des abbés de Lagny et de Saint-Maur, parties intéressées, les châtellenie et ville de Tournan et les seigneuries de Marie, Fontenay, Favières et Conches.

La terre de Tournan fut ensuite démembrée, et l'abbé Lebeuf pense que Pierre de Chambly l'a peu à peu transportée à Charles, comte de Valois, troisième fils de Philippe-le-Hardi et père de Philippe de Valois qui la donna avec la châtellenie en 1343 à Jean, son fils aîné, duc de Normandie. Cette terre fut successivement possédée par plusieurs autres seigneurs.

  • En 1350, Odard de Renti s'engagea à garder pour le roi le château de Tourneham.
  • En 1446, Charles VI fait don de la terre de Tournan à Andry de Cassai dit le Lombard. En 1467, Louis XI en assigne la capitainerie et le revenu à Charles Dubuz, écuyer d'écuyrie du roi.
  • En 1029, François Ier donne à François d'Escars, seigneur de la Vauguyon, Tournan et d'autres terres en place de terres à lui appartenant qu'il avait cédées pour le roi à l'empereur Charles-Quint. D'après le traité du 5 août 1528.
  • En 1562, Nicolas Durand de Villegagnon, jouissait des droits seigneuriaux de cette terre.
  • En 1584, la terre de Tournan fut engagée au comte de Lignis, puis à Nicolas Lesueur.
  • En 1639, elle fut vendue à Jean-Louis de la Valette, duc d'Epernon.
  • En 1641, Michel Arhoult en devint possesseur.
  • En 1270, Tournan était un lieu réputé pour le charbon; le voyer de Paris avait alors le droit de prendre deux sacs chaque marché dans le nombre de ceux qu'on y apportait.

La ville de Tournan est assez bien bâtie; elle ne consiste, pour ainsi dire, qu'en une longue rue avec un gros de maisons aux environs de l'église. La place du marché la seule de la ville est peu spacieuse. Le quartier de la Madelaine est séparé par le ruisseau que l'on nomme glacis et que Ton traverse sur un pont.

Il se tient à Tournan le lundi et le jeudi de chaque semaine un marché assez fort en denrées, mais dans lequel on vend peu de blé. En 1669, Henry de Beringhen, premier écuyer du roi, seigneur de Tournan, obtint des lettres patentes pour l'établissement de ce marché et pour deux foires par an.

Les restes de l'ancien château ne consistent plus qu'en deux tourelles en ruines, et l'on a édifié sur l'une des portes des constructions modernes. C'est dans ce local que se tiennent les assemblées municipales et les audiences du juge de paix.

Il y avait aussi à Tournan un Hôtel-Dieu qui subsistait du temps de Saint-Louis et une maladrerie qui fut par la suite réunie à cet Hôtel-Dieu. Maintenant les secours sont administrés à domicile aux indigents.

Tournan était avant la révolution le siège d'une justice royale, d'un prévôté et d'une châtellenie; cette ville est aujourd'hui le chef-lieu d'un canton, le siège d'une justice de paix et la résidence d'une brigade de gendarmerie.

Tournan a plusieurs écarts, ce sont :

  • Combreux, château situé au sud-est de Tournan. On prétend que ce nom vient de combos ; on sait que Facere combros signifiait abattre des arbres et en couvrir le chemin. Dès le XIIe siècle il y a un Gervais-de-Combreux : en 1268 Pierre-de-Combreux fut choisi par Anseau de Garlande, seigneur de Tournan, pour le remplacer dans l'honneur de porter le nouvel évêque de Paris, Etienne Tempier, à sa première entrée dans la ville épiscopale. Cette seigneurie relevait du seigneur des Egrefins, commune de Neufmoutier.
    Le château de Combreux a été nouvellement reconstruit; il domine un joli vallon; son parc est traversé par le ruisseau qui sépare la ville de Tournan du quartier de la Madelaine.
  • Armainv1lliers qui est aussi nommé Ermainvilliers, et Hermainvilliers, Hermani villare, campagne d'Herman, est un château situé à l'ouest de Tournan, avec un parc qui renferme un étang considérable.
    Gaucher-du-Châtel en était seigneur en 1380.
    En 1704, Jacques-Louis de Beringhen, premier écuyer du roi, dont la famille était originaire du duché de Gueldre, obtint des lettres patentes qui érigeaient en titre de comté sous le nom d'Armainvilliers les terres d'Hermainvilliers, Tournan, Châtres, Marles, Gretz et autres.
  • La Bourgognerie, autre fief au sud-est.
  • Courcelles la Mote à l'est, sur le bord de la route de Tournan à la Houssaie.
  • Villé, Mocquesouris au nord-est, etc. etc.

La population de Tournan est de 1,800 habitants.

Cette ville est située à sept lieues au nord de Melun; son territoire est en terres labourables, en prairies et en bois.

Source : Histoire topographique, politique, physique et statistique du département de Seine et Marne par E. H. Félix Pascal 1836.