nogent le rotrou

Histoire

Quoique des restes authentiques de constructions romaines, trouvées à Nogent-le-Rotrou à différentes reprises, prouvent que cette ville joua un certain rôle dans l'antiquité, les plus anciens documents qui en fassent mention ne sont point antérieurs à la fin du Xe siècle. A cette époque, le bourg s'appelait Nogent-le-Châtel. Sur les ruines de la forteresse primitive (Castrum Nogioni), détruite par les Normands, Geoffroi II, comte du Perche, petit-fils et successeur de Rotrou Ier, fit élever un nouveau château, au commencement du XIe siècle Le quartier Saint Jean se forma peu a peu sous la protection de ce château et de l'église voisine, aujourd'hui détruite, tandis que d'autres maisons se groupaient autour de l'église Saint-Laurent et du monastère de Saint-Denis, fondés aussi au XIe siècle. Le comte Rotrou II passa en Espagne pour combattre les Sarrasins, en 1089. et eut pour dernier descendant mâle Thomas, comte du Perche et seigneur de Nogent, tué, en 1217 à la bataille de Lincoln, en Angleterre, sans laisser de postérité. La seigneurie de Nogent fut érigée en duché en 1567, en faveur de Louis de Bourbon, prince de Coude, oncle d'Henri IV. Il fut tué au combat de Jarnac,en 1569,et laissa de son second mariage avec Françoise d'Orléans, Charles de Bourbon, comte de Soissons né à Nogent en 1567. Sully, ayant acquis cette seigneurie en 1624, la transmit à ses héritiers, qui l'aliénèrent en 1770. Lors de la Révolution, elle fut confisquée sur le comte d'Orsay.

Depuis son érection en chef-lieu d'arrondissement, Nogent est devenue la principale ville de l'ancienne province du Perche. Elle a vu naître le général Saint-Pol, tué à l'assaut de la tour Malakoff.

Monuments

L'église Saint-Hilaire (monument historique), qu'une belle avenue plantée d'ormeaux relie à la gare, s'élève sur la rive droite de l'Huisne, dans un enclos marécageux récemment entouré de murs. Cette église, fondée à la fin du Xe ou au commencement du XIe siècle, se compose de parties de différentes époques. Le portail principal, sans caractère, a été défiguré au XVIIe ou au XVIIIe siècle. Il est surmonté d'une baie ogivale, à meneaux flamboyants, inscrite dans un pignon aigu. On remarque aussi à l'extérieur: les fenêtres des bas cotés, surmontées de pignons à crochets; les gargouilles, dont plusieurs sont malheureusement mutilées; et surtout la tour, bâtie en pierres de taille (1560) comme tout le reste de l'édifice, au-dessus de la chapelle terminale du collatéral du Sud. Cette tour, carrée, percée dans sa partie supérieure de baies ogivales à dentelures, se termine par une galerie entourant un petit dôme, que surmonte une lanterne à jour. L'extérieur de Saint-Hilaire a été restauré en partie en 1866. A l'intérieur, nous signalerons l'arcade ogivale qui sépare la nef principale du sanctuaire, et dont l'archivolte ornée d'une belle guirlande de feuillage s'appuie sur des piliers décorés de dais ou clochetons sculptés. Les autels sont surmontés de retables grecs dans le goût du XVIIIe siècle. Au dessus des arcades de la nef sont suspendus douze tableaux plus que médiocres, représentant les Apôtres. Une autre toile, donnée en 1866, par le gouvernement, est une copie du Saint Michel terrassant le dragon de Raphaël. Quelques vitraux modernes en mosaïque et un beau confessionnal, également moderne, dans le stylo ogival du XVe siècle, attirent aussi l'attention.

A côté de l'église Saint-Hilaire, de l'autre côté de la rue du même nom, s'étend le nouveau cimetière, planté en partie d'arbres verts.

L'église Notre-Dame (monument historique), daus la rue Dorée, autrefois chapelle de l'hôpital, n'a conservé d'ancien qu'un portail principal (XIIe ou XIIIe siècle), décoré de moulures en dents de scie. De nombreuses transformations ont fait perdre au reste de l'édifice son caractère primitif. A l'intérieur, composé de trois nefs, on remarque: les colonnes, à chapiteaux coniques; une rosace garnie de vitraux, au-dessus de l'arcade qui sépare la nef du choeur; les fenêtres des collatéraux, du style ogival flamboyant. Dans le bas côté de gauche, au-dessus de l'autel, une niche voûtée en cul-de-four renferme une curieuse crèche, dont les personnages, au nombre de quatorze, représentent, outre l'Enfant Jésus, la sainte Vierge et saint Joseph, les rois mages, les bergers et plusieurs anges. Les mages ont la couronne sur la tête, et l'un d'eux porte une lyre à la main.

A côté de l'église, dans la rue de Sully, se trouve l'entrée principale de l'hôtel Dieu (monument historique), ancien hôpital de Saint-Jacques de l'Aumône, fondé en 1190 par le comte Rotrou IV. Les bâtiments actuels sont modernes, à l'exception de la grande porte flanquée de colonnes soutenant un fronton où se voyaient, avant la Révolution, les armes de Sully, supportées par deux Hercules. Sully fut, en effet, après le comte Rotrou, le principal bienfaiteur de cet établissement. Dans la cour, à droite en entrant, contre l'église Notre-Dame, un édicule hexagonal, construit par Rachel de Cochefilet, veuve du grand ministre, renferme le tombeau du duc et de la duchesse de Sully (pour le visiter, s'adresser au concierge de l'hôtel-Dieu; pourboire). Un piédestal en pierre, recouvert de peinture, supporte les statues en marbre blanc des deux illustres morts, revêtus de leur grand costume et représentés à genoux, les mains jointes. Devant eux, deux petits coussins en marbre blanc, portent, l'un deux bâtons de commandement et la couronne ducale, l'autre, un livre de prières. Les glands qui ornaient ces coussins, ont été brisés pendant la Révolution, ainsi que les trèfles de la couronne. Sur la face antérieure du piédestal sont sculptées, en marbre blanc, les armes des deux époux; le coté qui fait face à la porte d'entrée offre celles du mari seul accompagnées des Hercules en supports. Le socle de la statue de Sully porte le nom du sculpteur et la date de l'oeuvre : B. Bovdin. F. 1642. En face du mausolée, contre le mur de la chapelle funéraire, une inscription reproduit les dix commandements de Dieu. Dans le mur opposé, une grande table de marbre offre l'épitaphe de Sully et de Rachel de Cochefilet. Cette épitaphe a été rétablie en 1784, par Pierre-Gaspard-Marie Grimod, comte d'Orsay, d'Antrey et de Nogent-le-Béthune (Nogent-le-Rotrou), tant en son nom qu'en celui de la princesse de Hohenlohe-Waldenbourg, son épouse. C'est au moins ce que constate une inscription supplémentaire, en partie effacée à coups de marteau. Enfin, près du tombeau, sur le sol, est déposé un buste de Sully, en bronze, autrefois placé sur un cippe dans le jardin de l'hôtel-Dieu, qu'une grille sépare de la rue Dorée. Sully et Rachel de Cochefilet reposaient, avant la Révolution, dans un caveau, au-dessous du monument funéraire; mais leurs cendres furent jetées au vent en 1793.

L'église Saint-Laurent (monument historique), près de la rue du même nom, a été agrandie et reconstruite à différentes époques. Elle est surmontée d'une tour carrée, en pierres de taille, décorée de corniches élégamment sculptées. Les fenêtres à meneaux du collatéral de droite et les arcades ogivales de la nef paraissent dater du XVIe siècle. L'église entière est actuellement (1866) l'objet d'importantes restaurations. La nef principale, autrefois recouverte d'un lambris en bois, a été voûtée; tous les murs intérieurs ont été peints en blanc; les chapelles des Fonts et de la Vierge, à l'entrée des collatéraux, ont été décorées de peintures polychromes d'un effet satisfaisant. Dans la chapelle de la Vierge, un beau vitrail représente, en quatre compartiments: l'Annonciation, le Mariage de la Vierge, la Fuite en Égypte et Jésus au milieu des docteurs. D'autres vitraux ornent les fenêtres du chœur, que déshonorent encore un autel et une boiserie du XVIIIe siècle. Nous signalerons enfin, dans la nef, un bon tableau du Martyre de saint Laurent.

Contre l'abside de l'église, un passage voûté en ogive donne entrée dans une rue où l'on remarque la maison d'arrêt et le tribunal, installés dans un ancien couvent. A côté, s'élève le collège, fondé au XVIe siècle. par Jacques Lescot, évêque de Chartres. Nogent-le-Rotrou possède aussi un petit séminaire dit de Notre-Dame, et une institution de sourds-muets, dirigée par les sœurs de l'Immaculée Conception.

Le château de Saint-Jean, ainsi nommé d'une église dédiée à saint Jean-Baptiste et à saint Jean l'Ëvangéliste, que le comte Geoffroi II avait fait construire à côté de sa forteresse, se dresse au sommet d'une colline abrupte, d'où il domine la ville et tout le pays environnant. Sur les pentes de la colline s'étagent des maisons et des jardins; mais les rampes ardues et tortueuses qui conduisent au sommet sont en trop d'endroits bordées de masures ignobles, dont la population mal famée encombre les chemins d'ordures et poursuit les visiteurs de ses sollicitations importunes.

Après avoir été la demeure des anciens comtes du Perche, le château de Nogent fut aussi l'une des résidences favorites de la famille de Condé,dont la présence.fut plus d'une fois une sauvegarde pour la ville. Le prince de Condé s'y établit, en 1566, avec Françoise d'Orléans, sa seconde femme, qui y donna le jour à Charles, comte de Soissons. Catherine de Médicis y fut reçue en 1573, lors du voyage qu'elle fit en Anjou pour aller rejoindre son plus jeune fils. Plus tard, Sully se prit à son tour d'affection pour son nouveau domaine. Il voulut faire restaurer le château; mais, en ayant été empêché par les réclamations des moines de Saint-Denis, il se retira à Villebon. Pendant la Révolution, le château de Saint-Jean fut plusieurs fois vendu, d'abord à un ébéniste de Paris, qui tenta de le restaurer, puis à un spéculateur, qui essaya inutilement de l'abattre pour trafiquer des matériaux, enfin â Mme la comtesse de Reiset, qui l'acheta pour le soustraire au vandalisme de la bande noire. Le vieux manoir des comtes du Perche, mutilé par les guerres et par le temps, est encore une des plus belles et des plus intéressantes ruines féodales. Il appartient aujourd'hui à M. Desmurs, qui s'y est fait une demeure charmante, au détriment peut-être des souvenirs historiques et du caractère de ce vieil édifice.

Un écriteau appliqué à la porte de l'enceinte extérieure défend de pénétrer sans permission dans les jardins qui entourent la forteresse, le long des anciens fossés aujourd'hui recouverts de verdure. Mais pour obtenir cette permission et celle de visiter l'intérieur du château, gracieusement ouvert aux étrangers, il faut pénétrer dans l'enceinte et aller sonner sans crainte à la grande porte du château.

La partie la plus ancienne de ce château est le donjon fondé par le comte Geoffroi II (1003-1030). Comme la plupart des donjons de la même époque, il forme un parallélogramme plus long que large. Les murs, qui ont plus de 3 mètres d'épaisseur à la base et qui s'élèvent à 35 mètres de hauteur, sont renforcés par des contre-forts dont l'épaisseur diminue progressivement d'étage en étage. L'entrée primitive du donjon, de niveau avec le premier étage, a été masquée et remplacée depuis 1492 par une porte à pont-levis et par deux tours que surmonte une galerie couverte, à mâchicoulis, et que couronnent des toits coniques. A Nogent comme dans tous les donjons du XIe siècle, on descendait du premier étage dans les appartements inférieurs, qui n'avaient pas de portes en dehors. Jusqu'au deuxième étage, la tour du donjon était divisée par un mur porté au rez-de-chaussée sur deux arcades cintrées. Au second étage, on remarque encore des cheminées fort curieuses dans les murs du Nord, de l'Ouest et du Sud Les arrachements des poutres et des solives prouvent que le donjon de Nogent renfermait quatre étages. Il fut démantelé, en 1378, par ordre de Charles V, pour empêcher que les Anglais ou les compagnies qui couraient la France ne s'y fortifiassent.

Les courtines ou remparts et les fossés profonds qui composent l'enceinte du château sont postérieures, au moins dans leur ensemble, au donjon même. Cette enceinte à pans irréguliers en renferme une autre beaucoup plus petite, formant une cour autour du donjon.

M. Desmurs a réuni dans le château de Nogent d'intéressantes collections de meubles, de tapisseries et de peintures du moyen âge et de la Renaissance, auxquelles se mêlent des chinoiseries et des curiosités diverses. Des fenêtres du château et du jardin qui l'entoure, on découvre de magnifiques points de vue sur Nogent-le-Rotrou, sur la vallée de l'Huisne et sur les prairies qu'arrosent cette rivière et son affluent, le Petit-Rhône.

L'hôtel de ville de Nogent est une belle construction récemment élevée entre la rue Chaponnerie et la place du Marché. La différence de niveau entre la place et la rue a permis d'établir sous l'édifice de vastes halles couvertes, dont l'entrée est de plain pied sur la place. A l'étage supérieur de l'hôtel de ville sont installées la salle de spectacle et la bibliothèque communale, ouverte tous les jours au public.

Au milieu de la place du Marché, a été érigée, en 1857, la statue en bronze du général Saint-Pol, oeuvre médiocre du sculpteur Debay. L'une des faces du piédestal en granit porte cette inscription : Jam nobilis, morte nobilior (noble par ses aïeux, plus noble par sa mort).

Plusieurs rues de Nogent-le-Rotrou offrent encore d'anciennes maisons intéressantes. Nous signalerons, entre autres :

  • rue Saint-Laurent, 47, une maison dont la porte, surmontée de tourelles engagées en encorbellement, offre cette inscription à double sens : DE PIERRE BLANCHE DURAND FEBVRIER JE FUS FAICTE 1542.
    Ce qui veut dire qu'en 1542, Pierre Durand et Blanche Février, sa femme, se bâtirent cette demeure;
  • rue Giroust. une maison à tourelles, datant de 1579
  • rue Bourg-le-Comte, les maisons portant les n° 2 et 5;
  • à l'angle de la rue Saint-Laurent et de la rue Dorée, une ancienne maison en bois, dont le premier étage en encorbellement est soutenu par des solives curieusement sculptées, mais offrant plusieurs détails obscènes;
  • rue Dorée, 83 et 85, une maison à toit élevé, décoré de gargouilles, et, sur les rampants, de feuilles de choux (les portes de cette maison ont conservé leurs anciens ferrements), etc.

Nous avons déjà parlé des belles promenades plantées d'arbres qui encadrent les prairies situées au centre de la ville. Il nous suffira de mentionner :

  • une fontaine, composée de deux vasques superposées et d'un petit jet d'eau, rue Charronnerie, près de Notre-Dame
  • plusieurs ponts sur l'Huisne
  • un bel établissement de baint, rue Saint-Hilaire
  • et surtout les curieux moulins superposés que mettent en mouvement les chutes successives de l'Huisne et du Petit-Rhône.

Industrie

Des fabriques d'étamines, de burats, de serges, de breluches et d'autres étoffes de laine emploient à Nogent-le-Rotrou un grand nombre d'ouvriers. L'Huisne et ses affluents abondent en écrevisses, dont la pêche est une source de revenus pour plusieurs familles pauvres (on trouve presque constamment, à la gare du chemin de fer, des femmes qui offrent aux voyageurs des écrevisses à des prix inférieurs à ceux du marche de Paris).

Promenades

Les environs de Nogent offrent de jolies promenades, des sites pittoresques et quelques monuments curieux. On visitera particulièrement avec intérêt (3 kilomètres) la charmante vallée de l'Arcisse, ses cascades et les ruines de l'ancien monastère d'Arcisse. L'église de Margon s'élève dans une charmante situation (2 kilomètres au Nord Est de Nogent), près du confluent de l'Arcisse et de l'Huisne, sur une hauteur d'où l'on découvre le château de Nogent. Ce petit édifice, qui fut donné vers le milieu du XIe siècle aux moines de Saint-Denis à Nogent par l'un des Rotrou, comte du Perche, offre des parties du XIe et du XVe siècle. Les deux statues du maître-autel proviennent de l'abbaye d'Arcisse. Au-dessous du cimetière se voit un manoir (1617) nommé le Pavillon et percé de nombreuses meurtrières; c'était la demeure des seigneurs de Margon. Sur le territoire de la même commune, dans la vallée de l'Huisne, près de la ferme de la Borde, se trouve un dolmen formé d'une pierre couchée horizontalement sur d'autres pierres verticales.

Source : Itinéraire général de la France, volume 8 Par Adolphe Joanne en 1867.

complément

C’est au Moyen Age qu’un nouveau bourg s’établit au pied de la motte fortifiée d’où jaillira la silhouette du château Saint-Jean qui domine toujours la ville. ROTROU 1er (955-998) fut le premier d’une dynastie de seigneurs de Nogent ... puis du Perche. Véritable carrefour de routes et de «pays», la cité est située dans !la vallée de l’Huisne. Capital du Perche, très belle région au paysage vallonné et verdoyant, dotée d’un riche passé historique et culturel lui valant entre autres, de figurer au sein du réseau des « 100 plus beaux détours de France ».

Nogent-le-Rotrou (hôt.: du Dauphin et de Saint-Jacques réunis, rue Charornnerie; de la Boule Verte, place du Marché ; du Chemin de Fer de l'Ouest, près de la gare; libraires, Ronsin et Cirou), Ville de 7105 habitants, chef-lieu d'arrondissement du département d'Eure-et-Loir, est située à 105 mètres d'altitude, sur l'Huisne. Bâtie au milieu d'un riant vallon, que domine au Sud un coteau escarpé, elle offre tout à la fois les agréments de la ville et les charmes de la campagne. Nogent se compose, en effet, de quatre rues principales qui, semblables aux longues galeries d'un cloître, forment un parallélogramme irrégulier au milieu duquel s'étendent de belles et vastes prairies. De longues avenues sablées, plantées d'arbres et bordées de fossés remplis d'eau, facilitent les communications d'un quartier à l'autre et aboutissent aux promenades publiques ou à de jolies maisons cachées au fond de leurs frais jardins. Cette disposition donne à Nogent une physionomie singulière et une très-grande étendue, peu en rapport avec sa population.

Source : Contributeur Grand Titus.