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Bilan des travaux réalisés de mai 1972 au 31 décembre 2008 par l'association de sauvegarde de la forteresse de châtel sur moselle.
Concernant la démolition du château de Chatel sur Moselle 1670.
La vallée de la Moselle possède, dans le département des Vosges, et sur une étendue de cinquante kilomètres seulement, quatre villes autrefois importantes comme places de guerre :
Nous pourrions y ajouter le château d'Arches qui, lui aussi, eut ses épisodes dans les guerres de la Lorraine.
Deux de ces villes , Remiremont et Épinal, ont en, pour essayer de retracer leur passé historique, des écrivains auxquels on doit savoir gré de leurs efforts dans le but de réunir et de coordonner tous les documents qu'il leur a été possible de se procurer (l'abbé Guinot, pour Remiremont, et M. Chanzy, pour Épinal). Leurs ouvrages ont au moins préparé la voie aux hommes laborieux qui voudraient un jour les continuer.
Mais Châtel et Charmes, après avoir donné le jour à un assez grand nombre d'hommes de mérite, attendent encore chacune son historien. L'une et l'autre de ces anciennes cités fui le théâtre de faits dignes d'être connus ; espérons donc qu'un jour viendra où une main amie saura les venger d'un trop long oubli, et tirer de la poussière, pour les mettre au jour et les faire connaître à ses compatriotes, les importants matériaux que renferment leurs archives et nos vieilles chroniques.
En attendant ces monographies précieuses, qu'il nous soit permis de mettre a la disposition des écrivains dont l'intention serait de faire des recherches sur l'histoire de l'ancienne forteresse de Châtel, un document intéressant et en grande partie inédit, que nous a conservé, sur la destruction de cette place, un des manuscrits de la bibliothèque d'Épinal.
Ce document nous a paru précieux, surtout en ce qu'il indique le nombre et l'espèce de pièces d'artillerie, ainsi que la quantité et la nature des munitions que Châtel qui, d'après Dom Calmet, était, en 1651, « la ville la plus forte et la mieux munie de toutes celles de ces quartiers-là » , possédait encore en 1670, après avoir soutenu les sièges les plus meurtriers, de la part des Français, en 1636, 1641 et notamment en 1651, et de la part des Lorrains en 1637 et en 1650. Il nous apprend aussi combien les fortifications de cette petite ville étaient solidement établies, puisque après la reddition de la place, il ne fallut pas moins de six semaines aux Français pour faire sauter, au moyen d'une immense quantité de poudre, les tours et les remparts de sa forteresse, de manière à en empêcher le prompt rétablissement pour le cas d'une nouvelle rentrée du duc de Lorraine dans ses États. Mais cette coûteuse précaution était inutile, car le malheureux Charles IV ne devait plus revoir les rives de la Moselle. Toutefois, il est une chose dont la force ne put dépouiller la petite ville de Châtel devenue simple bourgade champêtre, c'est le souvenir des luttes glorieuses qu'elle soutint, pendant quarante ans, pour l'indépendance de la patrie, et dont les derniers actes sont la capitulation de 1670 et cette démolition de son château, que nous allons rapporter d'après le témoin oculaire, qui fût, comme il le dit lui-même, l'un des rédacteurs des pièces où ces faits ont été consignés.
Louis XIV ayant résolu de réunir la Lorraine à la France, et de déposséder définitivement le duc Charles IV, chargea, en 1670, le maréchal de Créqui d'exécuter ses volontés. Le maréchal réduisit d'abord à l'obéissance du roi, Nancy et les petites places de la Lorraine ; bientôt il ne resta plus au pouvoir des troupes ducales que les villes d'Epinal, Châtel et Longwy.
Épinal manquant de munitions, capitula après cinq jours de siège seulement, avec l'humiliante condition, pour tous les militaires de la garnison, de se rendre prisonniers de guerre et de subir le traitement rigoureux qu'il plut au vainqueur de leur infliger.
On s'attendait à une sérieuse résistance de la ville de Châtel ; le courageux Beaufort y commandait, lui qui s'était acquis la plus belle réputation en défendant cette place contre le maréchal de la Ferté en 1651 ; mais soit que le traitement fait à la garnison d'Épinal ait intimidé les troupes, soit que le gouverneur et les officiers aient vu avec raison que toute résistance serait inutile et n'aboutirait qu'à la perte d'une quantité de braves dont la vie ne devait point être sacrifiée uniquement à une vaine gloire, on parla de capituler presqu'aussitôt qu'on vit l'ennemi. Le 28 septembre, les Français investissaient la place, le 30, la capitulation qu'on va lire était signée et quatre jours après, la place était livrée aux assiégeants. La garnison de Longwy se rendit de même quelques jours après.
Ainsi, un mois de temps avait suffi aux troupes de Louis XIV pour accomplir une dernière fois la conquête de la Lorraine désolée, ruinée et épuisée par des guerres presque continuelles de 1633 à 1670.
On dit que pendant celle dernière invasion, l'infortuné Charles IV errait dans les montagnes des Vosges, et aux environs des places assiégées. Une tradition, bien connue dans le pays, rapporte qu'il resta caché plusieurs jours dans un puits de la cour du château de Domèvre-sur-Durbiou, à environ une lieue et demie de Châtel, pour échapper aux Français accourus sur ses traces.
Par M. Chapelier
Remarques curieuses faites par M. Jean-Natal Menissier, ancien régent et choriste en la paroisse de Chastel-sur-Moselle, touchant la capitulation de M. le maréchal de Créquy au siège de la ville dudit Chastel, avec la distribution de la poudre employée à la démolition des tours et fortifications de la ville et chasteau dudit lieu en l'an 1670 et 1671.
Articles que présente le Sr de Beaufort bailly et gouverneur de Chastel à Monsr le maréchal de Créquy :
Fait au camp devant Chastel le trentiesme et dernier septembre 1670.
Signé : Le Maréchal De Créquy.
Cejourd'huy premier jour d'octobre 1670 , les soussignez officiers de la garnison de Chastel-sur-Moselle assemblez par Monsieur de Beaufort bailly et gouverneur duditlieu, ayant été sommés par Monsieur le maréchal de Créquy commandant l'armée qui est devant ladite place à luy remettre en main au plustôt a peine d'être traité comme à Épinal, et encore pire, ils ont tous unanimement, pour le plus grand service de Son Altesse, resoult de rendre ladite place sous les conditions avantageuses qui leurs ont été offertes; et la première, et la plus considérable, est la conservation des compagnies des chevaulx-légers et mousquetaires qui auroient été perdues avec ladite place qui ne pouvoit pas longtemps tenir, la garnison étant les deux tiers composée d'Esleuz et de François qui branloient tous au manche; et mesme presque sans asseurance à cause du mauvais traitement qu'avoient reçu les Esleuz et les François par la capitulation d'Espinal, et mesme ils en auroient une telle appréhension qu'ils désertoient étant en sentinelle jusqu'à des caporaulx avec la parollc, en telle sorte qu'il la faloit rechanger fort souvent, outre que l'on ne pouvoit ly asseurer, d'autant que le Sr de Mitry allant visiter le poste où estoit l'attaque et commandé par le Sr de Maison-Neuve capitaine d'Esleuz, il receut un coup de fusil par un du poste mesme qui luy appuya son coup; bien plus que les armes, le plomb, les boulets à canon, et les pierres de fusil y-manquoient tellement qu'à l'ouverture de la tranchée et où estoit l'attaque, la plus grande partie ne pouvoit plus ny ne vouloit tirer, et infime l'on fut obligé nonobstant la disposition que l'on voyait à un assault général de retirer le Sr Salin avec la compagnie des mousquetaires de son poste pour l'envoyer au poste dudit Sr de Maison-Neuve capitaine d'Esleuz, auquel étoit l'attaque, outre qu'il a été considéré que pendant le temps de la capitulation, et par celuy accordé par icelle pour donner advis du tout à sadite Altesse, il se rencontre que l'on a plus de temps que l'on n'auroit pu tenir quel effort que l'on puisse faire; et ce sont les raisons principales pour lesquelles on a traité avec ladite armée, ayant mesnagé cinq jours pendant la capitulation, et quatre autres pour avertir sadite Altesse. Fait en ladite place de Chastel-sur-Mozelle soub le seing de tous les officiers, à la réserve du sieur de Mitry, qui n'a pu signer, à cause qu'il a le bras cassé, et a consenty.
Signé : Beaufort, de Belle-Rose, Coublan, Salin, Moretal, Chauvirey, de Vaudoncourt, A. D. Monnot, Saint-Martin, Juvrecourt de Valfleury, DesHazards, Fournier, Gueblanche, Cœurmont, Themerot, J. Bailly, Virion, Salonné, Maurice, la Jeunesse de Ràinville, A. du Bourg, Micard, N. d'Espilliers, De Guilly, de la Prayrie, la chambre.
Inventaire des pièces et munitions d'artillerie de la ville et chasteau de Chastel-sur-Mozelle, fait par nous Sr de Saint-Hilaire, lieutenant de l'artillerie, et le commandant en l'armée du roy en Lorraine, en présence du sieur Geoffroy, commis de Monsieur le contrôleur général de l'artillerie de France.
Poudre, plomb, mesches et autres munitions.
S'ensuivent les remises faites des pièces et munitions de l'armée dans ladite place.
Estat de consommation de poudre qui a este employée pour les mines et fourneaux de Chastel, lorsqu'on a démoly la ville et le chasteau, avec les noms de chacune des tours, et la date de chacun jour, à commencer du vingt quatrième décembre 1670 jusqu'à parfaite démolition.
Somme totale de la poudre employée aux articles cy-devant pour la démolition de la ville et chasteau de Chastel, se monte sauf erreur de compte et calcul, à vingt-six mille quatre cent deux livre.
Pour copie tirée des vrays originaux, à la description desquels ledit Menissier souscript certifie avoir été employé les an et jour spécifiez cy-devant, tesmoin son seing manuel cy mis.
Fait à Chastel cejourd'huy 25 mars 1708, signé Menissier, avec paraphe.
Source : Société d'émulation du département des Vosges - 1862