Eglise Notre-Dame-la-Grande

Cette abbaye forme la première dignité du Chapitre de Notre-Dame-la-Grande de Poitiers.

C'est un Évêque de Poitiers qui, vers l'an 319, a fait construire cette église qui attire journellement un grand concours de peuple. Son Chapitre est composé d'un abbé, à la nomination de M. l'Évêque. Ce premier dignitaire est aussi personnat dans l'église cathédrale. Ce Chapitre a aussi un chantre, un sous-chantre, quinze chanoines et quatre hebdomadiers. Le chantre, qui nomme le sous-chantre, est lui-même nommé par le Chapitre, qui confère tous les canonicats sur la présentation du chanoine en semaine.

Histoire

C'est une bonne fortune de commencer une topographie par Poitiers, et une notice d'archéologie par Notre-Dame-la-Grande. La ville est un musée de monuments de divers siècles ; le temple est un chef-d'œuvre des artistes byzantins. Débuter par la capitale du Poitou, c'est donc inaugurer dignement une collection de lithographies et de notices sur le moyen-âge.

Mais à côté de la richesse du sujet, on rencontre la difficulté du choix et la brièveté du texte.

Il faudrait un volume, et je n'ai qu'une page ; Il faudrait une année, et je n'ai qu'un moment !

Mes lecteurs me pardonneront donc la rapidité de la narration et la sécheresse des descriptions, conséquences forcées des bornes qui me sont imposées.

Poitiers était une ancienne cité fortifiée des Gaulois, déjà célèbre dans le temps de César sous le nom de Limonum ; elle s'attacha sans réserve aux Romains qu'elle eut le tort de servir même contre ses compatriotes. Pillée par les barbares sous les faibles successeurs occidentaux de Constantin, ravagée et soumise par les Visigoths, elle appartint enfin par droit de conquête à Clovis, vainqueur d'Alaric.

Poitiers fut témoin de la fameuse bataille livrée au roi Hispano-Arabe Abdérame, par Eudes, duc d'Aquitaine et Charles de France son allié. Les envahisseurs furent défaits, comme chacun sait, et le lieutenant des Califes fut tué. Charles fut surnommé Martel parce qu'il avait écrasé ses ennemis, comme le marteau sur l'enclume ; cependant il est difficile de croire les historiens qui jonchent le terrain des cadavres de 360,000 ennemis, puisque Charles n'osa poursuivre l'armée musulmane dans sa retraite sur les Pyrénées.

Notre dame la grande et place du marché à Poitiers dessin de Chapuy, Nicolas-Marie-Joseph (1790-1858).

Si, dans ce grand choc, le sultan de Cordoue avait été victorieux, si le croissant eût abattu la croix, c'en eût été fait de l'Europe chrétienne. La foi catholique se serait couchée toute entière dans la tombe sanglante de Charles-Martel. Sous le rapport de la civilisation, reconnaissons le avec la bonne foi d'un observateur impartial, la France y aurait peut-être gagné. Les sciences qui instruisent, et les arts qui embellissent la vie, étaient déjà portés à un haut point de perfection chez les Arabes alors que les Sicambres et leurs rois chevelus n'étaient encore que des barbares. L'Islamisme implanté en France aurait pénétré dans l'Angleterre par les Normands devenus musulmans eux-mêmes pendant leur séjour dans la Neustrie. Aujourd'hui, ce serait la vieille et poétique civilisation orientale qui gouvernerait le monde d'où la chasse chaque jour la nouvelle et prosaïque civilisation de l'Occident.

La défaite d'Abdérame est donc l'événement politique et militaire le plus important selon moi, depuis que l'histoire enregistre les actions des hommes et des peuples modernes.

Cette première bataille de Poitiers, sous Charles-Martel, était la lutte universelle du Nord contre le midi, du Christ contre Mahomet ; la seconde, celle de Maupertuis, fut celle de la France contre l'Angleterre: 60,000 hommes furent vaincus par une armée cinq fois plus faible. Le courage était égal, mais l'habileté du général et la discipline des soldats devaient triompher. Joignez-y les prodiges du désespoir ; la retraite était coupée, la paix refusée, il ne restait aux Anglais que la mort ou la victoire.

Una salus... . nullam sperare salutem !

A Poitiers, le malheureux Jean, blessé deux fois au visage, rendit son épée à un gentilhomme français nommé de Morbec, comme François Ier sous les murs de Pavie à Pompéran. Si la bravoure personnelle jette un voile assez épais pour couvrir la vanité, l'entêtement et l'incapacité, les deux rois eurent le droit de s'écrier également. dans ces journées de deuil: Tout est perdu, fors l'honneur!

Dans les temps malheureux qui suivirent les désastres de Crecy, de Poitiers et d'Azincourt, les Anglais, maîtres de Paris et d'une grande partie de la France, furent sur le point de s'emparer du reste et de nous rapporter la race Normande que nous avions importée dans leur île. Ils pouvaient nommer avec dérision Charles VII roi de Poitiers, plutôt que roi de Bourges, puisque ce prince fit son séjour habituel de la première ville pendant quatorze ans, et qu'il y transféra même sa cour du parlement.

En 1562, après le massacre de Vassy, les protestants s'emparèrent de Poitiers qui embrassa chaudement la réforme. Les convertis, dans l'ardeur de leur zèle, renversèrent une partie des églises, et détruisirent les saints et les reliques ; les catholiques le leur rendirent bien à leur tour. Devenus maîtres de la ville, sous les ordres du maréchal de Saint-André, ils vengèrent la ruine des objets inanimés par le pillage et la mort des vivants. le maire et les notables furent pendus ; nombre d'hommes, de femmes et d'enfants furent égorgés et Poitiers, dont l'enceinte avait été agrandie pendant le séjour de Charles VII, fut si cruellement dépeuplé, qu'il est resté désert depuis ! De Serres rapporte même qu'un des soldats du maréchal « fit une fricassée d'oreilles d'hommes, conviant à ce banquet quelques siens compagnons où les blasphèmes furent prononcés si horribles qu'ils ne peuvent s'écrire. » O beaux jours de Thyeste, vous étiez revenus !

C'est aussi dans Poitiers qu'Urbain Grandier fut jugé, condamné et brûlé vif pour avoir ensorcelé les religieuses de Loudun !

En vérité, lorsqu'on retrace ces horreurs, on est tenté de s'écrier avec Lucrèce : « Tantum potuit religio suadere malorum ! »

Mais la réflexion nous arrête et nous apprend seulement à gémir sur la cruauté des hommes qui savent tirer ces effroyables actions des dogmes de la plus pure, de la plus sainte et de la plus tendre des religions.

Poitiers est une des plus grandes villes de France, mais, ainsi que nous venons de le dire, il n'est pas peuplé en raison de son étendue ; le dénombrement de 1832 ne lui donne que 23,128 habitants. Les maisons sont mal bâties, les rues étroites et rapides, les pavés incommodes ; enfin d'immenses jardins et des champs cultivés rompent l'harmonie de l'ensemble et augmentent la tristesse de ce désert habité.

Partie de la façade de N D la Grande à Poitiers dessin de Chapuy, Nicolas-Marie-Joseph (1790-1858).

La part du mal faite, voici le bien :

La capitale du Poitou est bâtie et se développe sur les versants d'une large colline qui s'élève en amphithéâtre au milieu de deux riants vallons ; des édifices multipliés s'élancent comme des mâts au milieu d'un océan de maisons ; une ceinture de murailles féodales arrondit ses courtines, et élève ça et là ses tours pittoresques; le Clain et la Boivre entourent de trois côtés et rafraîchissent de leurs eaux les remparts, les promenades, les habitations et les usines dont elles baignent le pied ; enfin, la nature a placé comme à plaisir, le coteau des dunes en face de cet admirable tableau, toujours mobile et nouveau sous le jeu de la lumière et des ombres !

Dans la vaste enceinte de la cité, on trouve réunis les monuments divers de tous les peuples qui ont successivement foulé le sol antique des Pictones. Les Celtes y ont laissé leur pierre-levée ou Dolmen ; les Romains leurs aqueducs et leurs amphithéâtres ; les Gallo-Romains leur temple de Saint-Jean ; les Francs féodaux leurs murailles, leurs ponts fortifiés et leurs palais avec les statues des sept vicomtés du vieux Poitou. Tous les caractères d'architecture y sont mêlés également. Le style roman a produit Saint-Hilaire et Saint-Porchaire ; le style byzantin Notre-Dame-la-Grande et Sainte-Radegonde ; le style ogival, la cathédrale de Saint-Pierre et la salle des Pas-Perdus au palais ; en un mot, si Fontainebleau a été ingénieusement nommé un rendez-vous de châteaux royaux, Poitiers peut être appelé le rendez-vous des temples de toutes les nations qui ont habité les Gaules.

Notre-Dame-la-Grande de Poitiers est, avec les églises de Saint-Gilles et Saint-Trophime à Arles, et de Civray, dans le département de la Vienne, le spécimen le plus parfait de l'architecture grecque du Bas-Empire en France, comme Saint-Vital de Ravennes est en Italie la plus belle fleur de la couronne byzantine. La forme de Notre-Dame est celle d'une basilique antique dont le caractère est altéré par des chapelles circulaires ajoutées au chœur dans le XVe siècle.

La façade est la partie la plus intéressante de Notre-Dame-la-Grande. On y trouve dans les sculptures, les chapiteaux et les moulures, la pureté du style byzantin, terme moyen entre le Romain et le Roman, moins pesant que le second, moins classique aussi que le premier. Cette façade présente plusieurs singularités ; la réunion d'une porte centrale à plein cintre et de deux portes latérales à ogives subdivisées par des arcades semi-circulaires ; une double frise à modillons pour séparer les étages ; un appareil en disque de pierres entourées d'un ciment rouge, etc. La sculpture a répandu avec profusion ses richesses sur cette façade ; toutes les surfaces lisses disparaissent sous les arcades, les reliefs et les colonnes ; le gable même est composé d'un double fronton brisé. On y a placé une grande figure du Christ accompagné des attributs des quatre Évangélistes et surmonté d'un chœur d'Anges.

Les personnages nombreux qui se profilent sur cette vaste page, ont conservé l'empreinte évidente du ciseau des artistes venus directement de Constantinople ou de l'Italie, dans le XIIe siècle, qui ont laissé de si glorieuses traces dans l'Ouest de la France, et qui appartiennent tous à l'école byzantine. Les figures n'ont ni la pureté classique de l'Hellénie, ni la desharmonie de formes des sculptures romanes, tertiaires ou gothiques.

Mais on ne l'a pas assez remarqué, l'incorrection des statues de cet âge dont les portails latéraux de Chartres et de Bourges, ainsi que le Narthex de Vezelay offrent un si célèbre spécimen est préméditée. La longueur des bustes et des jambes, l'immobilité des bras toujours collés au corps ; la sécheresse des chairs qui recouvrent à peine les muscles et les os ; ce type grossier, en apparence, est admirable de profondeur de pensée, et saisissant d'effet dans les masses. C'est le jeûne, c'est la macération monastique, c'est la prière chrétienne personnifiée ; c'est un mythe en action, c'est le symbole religieux et le résumé de tout le moyen-âge catholique.

Mise au tombeau du Christ à Notre-Dame de Poitiers dessin de Dauzats, Adrien (1804-1868).

Deux clochetons fort élégants accompagnent la façade de Notre-Dame-la-Grande; ils étaient très-rares aussi à l'époque de sa construction. Les écailles du toit se relèvent, au lieu de s'abaisser selon l'usage ; si cette disposition semble moins favorable à l'écoulement des eaux, elle est beaucoup plus agréable à l'œil. Mais on est péniblement affecté à la vue de deux dais gothiques, plus récemment ajoutés aux côtés de la fenêtre principale. Ce sont deux verrues sur un beau visage. Leur élégance ne rachète pas leur inconvenance, et le non erat hic locus, du latin des collèges en fait promptement justice.

Forcé de terminer cet article trop long, mais que j'ai écrit d'un trait avec un plaisir que je souhaiterais de voir partagé par mes lecteurs, il ne me reste qu'une ligne pour recommander un groupe de statues placé dans une des chapelles latérales, et disposé en retable. La tête du Christ surtout est d'une noble et touchante expression ; on plaint l'homme et on admire le Dieu.

Source : Le Moyen-âge pittoresque, nonuments d'architecture, meubles et décors du Xe siècle par Nicolas-Marie-Joseph Chapuy 1838.

photo pour Eglise Notre-Dame-la-Grande

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 140902
  • item : Eglise Notre-Dame-la-Grande
  • Localisation :
    • Poitou-Charentes
    • Poitiers
  • Code INSEE commune : 86194
  • Code postal de la commune : 86000
  • Ordre dans la liste : 15
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 11e siècle
    • 12e siècle
  • Date de protection : 1840 : classé MH
  • Date de versement : 1993/10/27

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : 18 04 1914 (J.O.)
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : 05b1d4ed2bd438bf185e9afa6b0bff69.jpg
  • Détails : Eglise Notre-Dame-la-Grande : classement par liste de 1840
  • Référence Mérimée : PA00105596

photo : gerardgg

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