Ferme de l'Hôpital, ancienne commanderie des Templiers

Les Templiers s'établirent à Coulommiers, au commencement du XIIe siècle. Thibault, comte de Champagne, leur donna différents biens, et entre autres le château de Montbillard ou Monlbaillard, situé au sommet de la montagne au nord de la ville. On prétend que cette forteresse existait sous les rois de la seconde race; qu'elle a été détruite, et qu'une grange l'a remplacée. Lorsque l'ordre des Templiers fut anéanti, on sait que les chevaliers de Malte héritèrent d'une portion de leurs domaines : celui-ci prit le nom d'hôpital, qu'il a toujours conservé depuis. La commanderie fut ensuite transférée à la Maison-Neuve qui n'est plus aujourd'hui qu'une ferme.

Avant la révolution, Coulommiers était le siège d'une élection, d'une subdélégation, d'un baillage qui ressortissait nullement au parlement de Paris, d'une maîtrise particulière des eaux et forêts, et d'une commanderie de Malte (ndw : Au commencement du XIVe siècle (1311), le pape abolit l'ordre des Templiers et donna leurs biens aux chevaliers hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. depuis appelés chevaliers de Malte), l'une des quatre qui existaient dans le diocèse de Meaux; il est aujourd'hui le chef-lieu d'un arrondissement de sous-préfecture, d'un chef-lieu de canton, le siège d'un tribunal de première instance, d'une lieutenance et d'une brigade de gendarmerie.

Source : Histoire topographique, politique, physique et statistique du département de ... par E H Félix Pascal 1936.

Décoration et ornementation

Bien qu'elle serve de grange à fourrages depuis plus d'un siècle, la chapelle de l'Hôpital est dans un excellent état de conservation. Elle était entièrement peinte, et ce système de décoration, dont il est possible de constater encore l'élégante simplicité et la parfaite harmonie, me semble un excellent modèle à offrir pour la restauration de nos églises rurales du XIIIe siècle. Mieux vaut assurément cette sobriété , en harmonie avec les chétives ressources des fabriques, que les honteux peinturages multicolores infligés de toutes parts aux églises provinciales par les hordes, sans cesse renaissantes, des plâtriers piémontais et lombards.

Toute cette décoration est faite à la détrempe, procédé qui est pourvu d'une suffisante solidité quand il est appliqué dans de bonnes conditions.

Les quartiers des voûtes sont peints en blanc avec des refends de brun rouge (pl. v).

Les nervures, à leur extrémité supérieure près de la clef de voûte, sónt décorées, sur une largeur de 0m,6o, d'un ruban enroulé ou mirliton, rouge et bleu alternés, et bordé d'un filet blanc; l'arête aiguë entre les deux tores de la nervure est peinte en vert; la gorge en rouge et la moulure en bleu. A partir de ce ruban jusqu'à la console, l'arête aiguë devient rouge; il en est de même de l'arête de l'arc doubleau, mais celui-ci n'a pas de ruban au sommet.

J'ai dessiné la console la plus complète, elle conserve des traces évidentes de coloration en rouge, bleu et jaune. Je n'ai remarqué aucune trace de dorure.

Tous les murs verticaux sont décorés de refends. J'ai constaté deux époques.

La plus ancienne est une sorte de fresque sur un mortier de chaux et de terre à briques, qu'on trouve sur le territoire même de l'Hôpital; elle est d'un ton jaune foncé un peu verdi, avec refends en blanc. Ces refends sont larges de 0m,35 et hauts de 0m,13.

La plus récente est un badigeon de chaux ocrée avec refends en brun rouge. Les refends sont beaucoup plus grands : 0m,6o sur 0m,24.

Les fenêtres sont bordées d'un large filet de brun rouge de 0m,2o de large, qui forme archivolte et encadrement. l'ébrasement des fenêtres conserve des refends en brun rouge sur fond blanc.

Telle est cette ornementation, permise aux plus petites bourses et facile dans les lieux les plus dépourvus d'ouvriers intelligents.

Vue générale du site

Les bâtiments d'exploitation agricole sont nombreux et vastes, et n'ont point été modifiés extérieurement depuis la suppression de l'ordre de Malte. Le pignon nord de l'un d'eux est soutenu par deux contre-forts du XIIIe siècle. Le bâtiment qui servait à l'habitation des chevaliers occupe le côté oriental d'une grande cour rectangulaire; sa construction date du XVIe siècle. Il n'y a qu'une fenêtre avec ogive en accolade, mais on voit plusieurs baies avec des meneaux en croix et des moulures du XVIe siècle. La vis de l'escalier est pratiquée dans une tour en saillie sur la façade occidentale : cette tour est carrée depuis le sol jusqu'à la hauteur de cinq mètres et devient octogone à cette hauteur. Le toit est supporté par des corbeaux ou modillons sans caractère; la base de la tour est en grès; la partie supérieure est bâtie avec des cordons de briques et des lits de pierre meulière alternés, système de construction à peu près inconnu dans cette partie de la Brie, où la brique, d'un prix élevé, est rarement employée. L'intérieur de ce bâtiment est dépourvu de tout caractère d'architecture.

Sous une grange placée à l'extrémité opposée de la cour, on trouve encore de beaux caveaux d'une construction très-régulière; l'un est voûté en berceau; l'autre, carré, a des voûtes en plein cintre portées au centre par une colonne trapue et sans base, mais pourvue d'un chapiteau dont la corbeille ronde est surmontée, aux angles du tailloir, de crochets en forme de têtes de fantaisie qui remontent évidemment au commencement du. XIIIe siècle.

A l'Hôpital, comme dans la plupart des monuments des temps féodaux, la tradition locale assure qu'un conduit souterrain établissait une communication entre l'habitation des Templiers et la place du Marché de Coulommiers. Les gloses ne manquent pas, on le pense bien, mais aucune trace ne vient appuyer la croyance populaire. D'abord, la différence de niveau entre le plateau de l'Hôpital et le sol de la ville est d'au moins 80 mètres; puis, la distance n'est pas moindre de deux kilomètres; tout au plus pourrait-on admettre qu'une sortie débouchait dans la campagne aux premières déclivités de la colline. Toutefois le propriétaire actuel de la ferme m'a affirmé qu'il avait pénétré assez avant dans ce conduit, mais qu'il n'avait pu compléter la reconnaissance, parce que les lumières s'éteignent à certaine profondeur sans qu'on puisse les ranimer. Lors d'une épizootie qui régna dans la ferme, il y a une trentaine d'années, les cadavres des animaux furent jetés en grand nombre dans ce caveau, dont l'orifice fut immédiatement rempli de terre.

Un autre conte, qui ne trouve plus guère de crédules, mais qui peut plaire aux collectionneurs de légendes, fait de ce souterrain le théâtre de drames horripilants. Selon les conteurs des hameaux voisins, la porte de ce passage était de pierre, étroite, et ne s'ouvrait dans l'église que le deuxième dimanche avant Pâques. De grandes indulgences étaient accordées à l'audacieux qui, ce jour-la, osait entreprendre le voyage, aller et retour, de l'Hôpital à la ville; mais il fallait que ce voyage fût accompli pendant la durée de la lecture de l'évangile de la Passion. S'il n'était de retour qu'après l'achèvement du texte saint, la porte de pierre tournait sur ses gonds avec la rapidité de l'éclair, et se refermait irrévocablement sur l'imprudent, qui disparaissait pour toujours. Sous l'absurde de ce conte, n'y aurait-il pas un souvenir des cruautés, etc., imputées aux Templiers ?

La chapelle de l'Hôpital est construite parallèlement au flanc méridional de l'habitation principale ; l'abside est tournée vers l'orient d'équinoxe. Cette église présente un élégant spécimen de l'architecture monastique au XIIIe siècle : c'est un parallélogramme rectangle de 21m,20 de longueur, de 6m,72 de largeur, dans œuvre, et élevé sous la voûte de 11 mètres. L'édifice est divisé en quatre travées à peu près égales et éclairé de chaque côté par quatre hautes fenêtres ogivales; l'abside est carrée et éclairée par trois fenêtres ou triplet ogival.

Les parties basses des murs et les contre-forts, dans toute leur hauteur, sont bâtis en grès, comme sont en cette contrée presque tous les édifices religieux du moyen âge; les parties élevées sont en pierre meulière avec des chaînes de gresserie et de pierres de taille. La charpente est belle et solide; au centre, on retrouve les points d'appui d'une flèche détruite après la révolution de 1789.

Les arcs doubleaux et les nervures des voûtes sont composés de deux tores avec arête aiguë et retombent sur des consoles ayant des tailloirs à quatre côté (moitié d'un octogone). Les consoles des quatre angles de la chapelle représentent des têtes humaines; les autres sont terminées par des feuilles a crochets et des fleurs indigènes. Ces consoles, très fermement taillées, sont en pierre de Vareddes, près de Meaux.

L'entrée principale de la chapelle, à l'ouest, était précédée d'une salle carrée, avec voûtes d'arête en cintre surbaissé, retombant sur six colonnes et six consoles. La voûte a 3m,2o de hauteur. Deux chapiteaux intacts et deux autres mutilés existent encore : ils appartiennent au commencement du XIIIe siècle. Une tourelle, contenant un escalier en vis, flanque l'angle nord de cette salle, devenue une étable, et qu'on nomme encore la salle du chapitre.

La chapelle est complètement carrelée en briques du pays, mais, à 4 mètres environ en avant de l'autel, qui a disparu, se voyaient naguère encore deux pierres tombales d'époques différentes.

L'une représente un chevalier. Prise en échange d'une pierre d'évier, par un tailleur de pierres de Coulommiers, elle fut sciée en deux et réduite à une épaisseur de 0m,o5, et devait être employée à des usages domestiques. Sur mes instances, l'ouvrier voulut bien ne pas la détruire; mais il exigeait pour cette conservation une somme de trente francs, que le conseil municipal de Coulommiers refusa nettement. J'ai dû l'acquérir et la donner à un de mes amis, M. Hermann-Léon, artiste du théâtre impérial de l'Opéra-Comique, qui la conserve précieusement dans sa villa de Batignolles. Cette dalle est très-fruste, couverte d'une croûte dure et raboteuse impossible à enlever.

Le chevalier est inscrit dans une arcade ogivale trilobée, ses mains sont jointes sur sa poitrine et ses pieds reposent sur un chien vu de profil. Il est vêtu d'un habit de mailles et d'une cotte longue; son épée pend au côté gauche de sa ceinture. Sa coiffure mériterait une étude particulière; il me semble deviner une sorte de calotte ou barette monacale d'où sortent les cheveux roulés et entourant la nuque. Le champ autour du personnage est semé de huit fleurs de lis, et dans les coins supérieurs de l'ogive sont deux écussons portant une croix. L'inscription entière échappe à mes investigations; cependant je ne désespère pas de la compléter. On lit seulement :

Cette tombe, qui date évidemment du XIIIe siècle, porte les dimensions suivantes : longueur, 1m,85; largeur à la tête, 0m,98; largeur aux pieds, 0m,82.

L'autre pierre tombale, longue de 1m,8o, large par le haut de 1m,05 et par le bas de 0m,7o, date du XVe siècle. Une croix fleuronnée avec sa hampe occupe toute sa longueur; elle est gravée en relief avec une remarquable précision. Sous les bras de la croix se voient deux écussons semblables à ceux signalés sur la dalle précédente; mais ici les quartiers de l'écu ou cantons portent des lions rampants, je crois. L'inscription, en caractères gothiques, est très lisible, à l'exception de la ligne de la partie inférieure, qui est brisée et fruste :

"Cy gist humble religieux en Dieu, frère Simon Hardi co.mendeur de céans. de Bibertost et du temple de Passi qui lon temps demeura en Rodes et fut soubs prieur de leglise conventual du lieu lequel trespassa lan de gracc mil cccc. xx le du mois de ..... Priez Dieu pour ..... trespassez. Nud.. revermr iluc."

Je n'oserais certifier la lecture de ces trois derniers mots. Le nom du mois et le quantième jour de ce mois n'ont jamais été gravés. Biberlost, aujourd'hui Biberleult, dont il est ici question, est une ferme voisine de la commanderie de Maison-Neuve et qui en dépendait. J'espérais sauver cette tombe aussi facilement que la première; mais un locataire nouveau de la ferme de l'Hôpital a imaginé d'en faire le foyer de la cheminée et de l'ensevelir à moitié sous une cloison.

Source : Bulletin du Comité de la langue, de l'histoire et des arts de la France en 1856.

photo pour Ferme de l'Hôpital, ancienne commanderie des Templiers

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 125381
  • item : Ferme de l'Hôpital, ancienne commanderie des Templiers
  • Localisation :
    • Ile-de-France
    • Seine-et-Marne
    • Coulommiers
  • Code INSEE commune : 77131
  • Code postal de la commune : 77120
  • Ordre dans la liste : 3
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : commanderie
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 13e siècle
    • 14e siècle
  • Date de protection : 1994/02/10 : classé MH
  • Date de versement : 1993/06/24

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • Le décor est composé de : 'peinture'
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Inscription 15 01 1932 (arrêté) annulée. Instance de classement : 05 10 1949.
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :6 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • chapelle
    • salle
    • ferme
    • grange
    • salle capitulaire
    • grange aux dîmes
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • Cette construction a été affectée a l'usage de : musée du papier

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : 0a8ee11b0697ee8f6da9f68be9f5f86c.jpg
  • Détails : Ferme de l' Hôpital (cad. AN 223) : classement par arrêté du 10 février 1994
  • Référence Mérimée : PA00086906

photo : Daniel Pelletier