Eglise Paroissiale Saint Léonard

Le territoire qui forme actuellement la commune de Saint-Léonard, dans le canton de Samer, a toujours été l'un des moins étendus et des moins peuplés du Boulonnais. Il ne comptait, en 1698, que 116 âmes répandues sur une superficie de 256 hectares. Au XVIIIe siècle, il y avait trois fiefs relevans du roi, ceux de Hocquinghen et de Waincthun, et la terre et seigneurie du Pont-de-Briqucs. Enfin, les marais salans que l'industrie boulonnaise avait créés anciennement sur les deux rives de la Liane, dans l'intérêt des produits de la pêche de ce port, s'étendaient, dit-on, jusqu'à l'église de St.-Léonard. S'il fallait admettre les suppositions de quelques esprits aventureux, les Romains auraient eu dans ce lieu, soit un temple, soit un établissement de défense militaire, et peut-être même les deux tout ensemble.

Sans vouloir nier la possibilité du fait, nous ne voyons pas qu'on en pouve l'existence par les plus simples témoignages. On doit le mettre au nombre de ces fantaisies où se complaisent les imaginations qui suppléent par leurs propres créations au silence de l'histoire et à l'absence des monuments, et qui ne sauraient se résigner à trouver une place ou une époque vides d'événemens dans le passé. Nous croyons, quant à nous, à ce qui se manifeste par quelque indice; mais nous ne reconnaissons pas d'événemens nécessaires.

On trouvera dès lors ici peu de choses sur le sujet de Saint-Léonard, parce que nous ne voulons rien dire que ce qui peut se démontrer, et parce qu'il y a peu de faits qui se soient conservés, du moins à notre connaissance, en ce qui le touche. Le nom que porte ce lieu indique déjà qu'il y a toute raison de ne pas rechercher son origine et ses commencemens au delà des temps où vécut le personnage de qui il l'a reçu. L'Eglise chrétienne a consacré, dans ses fêtes, le souvenir de deux saints de ce nom, tous deux morts au VIe siècle, l'un en 559, le 6 novembre, l'autre en 570, au plus tard. C'est le premier qui est le patron de l'église de St.-Léonard que nous verrons plus ordinairement nommée de St.-Liénard sur d'anciens titres, ainsi que les historiens nomment également son patron. Il paraît qu'outre celui-ci, notre église en reconnaissait encore un autre, dont les agiographes ne parlent pas, et qu'elle plaçait au huit de mai.

Nous ne rencontrons aucune trace de l'existence de cette localité entre 559 et le commencement du IXe siècle; à moins que l'on ne rapporte à cet intervalle la désignation de Sancti Léonardi Fanum, sous laquelle elle est citée d'après des sources qu'on n'indique pas. Malbrancq l'a placée sur la carte du pays des Morins, qu'il a dressée pour faire connaître la géographie de cette contrée sous Charlemagne, à partir de l'an 800. Henry, qui a dressé aussi une carte du Boulonnais pour le tems qui a suivi la retraite des Romains, nous aurait rendu un plus grand service que d'y faire figurer St.-Léonard après Malbrancq, s'il avait cité les divers auteurs qu'il dit avoir consultés à cet effet. On peut n'étudier l'histoire que pour soi ; mais il faut l'écrire pour autrui. Nous tâchons ici, pour cette raison, d'éviter à ceux qui écriraient après nous sur St.-Léonard le besoin des mêmes recherches, en précisant toutes les circonstances des nôtres sur les points qui précèdent et sur ceux que nous allons noter.

En 1477, le roi Louis XI, voulant connaître les revenus féodaux du comté de Boulogne, avant de l'acquérir par échange, fit dresser un état des fiefs, arrière-fiefs et nobles ténemens de ce comté, et St.-Liénard y est nommé pour un fief qui s'y trouvait situé.

Dans une assemblée des Etats du Boulonnais, tenue le 25 octobre 1560 pour les doléances des trois ordres aux Etats généraux d'Orléans, nous voyons comparaître, dans l'ordre du clergé, M.e Bauldrain de Galonne, curé de St.Etienne et de Sainct-Liénard, son secours, avec son vice-gérant, sire Jehan Grandsire).

En 1562, sur le rôle des hommes que chacun des bourgs, paroisses et villages du Boulonnais est appelé à fournir pour la défense de ce pays et celle de la ville de Boulogne, St.-Liénard est compris pour trois hommes.

Le Pont-de-Briques, en latin Pons-Lateritius, fut, dit-on, en 631, le séjour de Saint-Liévin, lorsqu'il vint évangéliser les Morins. Il y avait dans le château de ce lieu une chapelle qui lui était dédiée, et dans laquelle se célébrèrent, en 1695 et en 1711, les mariages de deux filles du seigneur d'Hubersent à qui ce château appartenait. Il passa, avec la seigneurie d'Hubersent, dans la maison des Fatras de Campaigno; et le 27 novembre 1777, Louis-François Marie de ce nom, avant-dernier sénéchal du Boulonnais, y rendait le dernier soupir.

Nous avons des lettres de Jean, comte de Boulogne et d'Auvergne, en date du 24 mai 1387, par lesquelles il donne à cens à messire Collart d'Isque, capitaine de sa ville de Boulogne, les droits de mannée et bannières, écluses et autres appartenant à son moulin du Pont-de-Briques; et l'on voit par le même acte, que ce moulin était à reconstruire; celui qui s'y trouvait auparavant, ayant été brûlé et ruiné par le faict des guerres.

Du Bellay nomme plusieurs fois le Pont-de-Briques dans la partie de ses Mémoires relative aux opérations militaires, qui eurent pour objet de reprendre Boulogne aux Anglais, en 1545. C'est par là que passèrent l'artillerie et l'armée françaises, lorsqu'elles quittèrent la rive gauche de la Liane sous le commandement du maréchal du Biez, pour prendre position au Mont-Lambert.

Voilà le peu de faits et d'élémens historiques au milieu desquels il nous faut placer la fondation, les destinées et les services de l'église de Saint-Léonard, dans le village de ce nom. Malbrancq, sur sa carte, fait de ce territoire un simple vicus, et donne lieu de supposer, si l'historien a été exact, qu'au IXe siècle il n'avait pas d'église : car, lorsqu'il se trouve un temple joint à un vicus dans une localité, il l'indique par un signe particulier qui ne paraît point ici. Nous ajouterons que Malbrancq n'y marque point d'ouvrage militaire.

II ne nous serait donc possible de découvrir l'origine de cette église que par les formes et le caractère de son architecture. Malheureusement, la partie la plus ancienne de ce monument n'existe plus, ou, du moins, il n'en reste que les débris d'une tour quadrangulaire qui doit lui avoir servi de clocher. Nous ignorons d'après quelles chroniques on a pu dire que cette tour avait été construite pour la défense du passage de la Liane, et en faire un établissement distinct de l'église, mais nous ne saurions admettre qu'elle ait été bâtie du tems de Philippe Hurepel, comte de Boulogne, vers 1231. Elle nous paraît plus ancienne : sa porte d'entrée à l'occident, dont la forme est restée dessinée, offre un plein cintre et caractérise une construction du XIe au XIIe siècle, ce qui se vérifie exactement par une autre ouverture du même style, qui a été conservée dans un vieux pan du mur méridional de l'ancienne église, encore adhérant à cette tour, et par la forme d'une pierre tombale qui provient de cette église et se rapporte très-vraisemblablement à ses temps les plus reculés. Cette pierre, arquée à ses deux extrémités, diminue de largeur à mesure qu'elle s'étend de la tête aux pieds : elle ne porte aucune inscription, mais elle est armoriée d'une sculpture en relief représentant, dans toute sa longueur, une espèce de végétation dont nous n'avons pas découvert l'emblême.

Pour en revenir à la tour, on remarque encore, sur sa face orientale, l'angle d'un toit qui venait y aboutir, et qui était sans doute celui du vaisseau de l'église primitive. A l'un de ses angles, vers le nord, une tourelle renferme l'escalier en pierre qui conduit à sa partie supérieure et qui avait son entrée dans l'intérieur de l'église elle-même. Cette église se prolongeait, selon toute apparence, jusqu'à l'extrémité du monument actuel, comprenant dans cette étendue une nef et un chœur. Déjà, en 1715, la nef avait cessé d'exister, et l'on disait même alors qu'elle avait été démolie depuis longtemps. Ce sont les termes d'un procès-verbal de l'archidiacre Aboi, qui en faisait la visite. « Il n'en reste plus, ajoutait-il, que le chœur qui est voûté et une grande chapelle de Saint-Léonard toute plafonnée de planches. » Le chœur, à son tour, a été démoli à la fin du siècle dernier; et la grande chapelle de Saint-Léonard, dont parle l'archidiacre Abot, ne pouvant qu'être celle qui constitue la partie ancienne de l'église de nos jours, et qui fut construite latéralement au chœur de l'église primitive, nous aurions de la peine à nous expliquer comment, en 1715, on pouvait dire qu'elle était plafonnée en planches : car ses voûtes actuelles, ainsi que la chapelle elle-même, portent le cachet irrécusable des constructions de la lin du XVe siècle ou du commencement du XVIe. Mais il est présumable que le procès-verbal a fait en cet endroit quelque confusion. Au moins des hommes anciens dans la localité assurent-ils, pour l'avoir vu, que c'était le chœur et non la chapelle, qui se trouvait plafonné ainsi. Nous ne nous engageons pas plus avant sur ce point rétrospectif, dans une Notice dont le principal objet est de constater l'état actuel de notre monument.

C'est de l'intérieur de la chapelle que nous donnons une vue avec cette Notice. L'ornementation architecturale n'y est point partout d'exécution primitive : beaucoup de parties y ont dû être refaites ou restaurées, il y a peu d'années, par suite de dégradations survenues avec le tems et les événemens de notre époque, cette église ayant servi de magasin aux fourrages, pendant l'établissement des camps, sous le Consulat et l'Empire. Ou y a même ajouté, il faut bien le dire, les corbeilles ou paniers qui tombent de ses pendentifs, et qui ont le tort de les éclipser sans les valoir. Mais, à cela près, la restauration et le complètement des parties délabrées ou détruites se sont faits, presque généralement, sans que l'on s'écartât des anciens plans et des modèles survivans : et ce qui s'y est conservé de pur et d'original, particulièrement les grâcieuses nervures de ses voûtes, en torsades et à nœuds, donne l'idée d'un ouvrage d'art à placer au rang des productions élégantes de l'architecture et de la sculpture gothiques, dans une contrée où il en est peu resté.

On a pu dire encore de cette chapelle, et toujours sans rapporter aucune preuve, qu'elle avait été construite dans un temps où la journée de l'ouvrier était payée indifféremment un boisseau de blé ou un sol. D'autre part, M. de Bazinghen croit se souvenir d'avoir lu dans les archives de sa famille, ou dans les manuscrits composés par l'un de ses ancêtres sur l'histoire du Boulonnais, qu'une somme assez considérable avait été donnée pour l'érection de cette chapelle. Elle aurait été, dès-lors, l'acquittement d'un vœu, et l'on s'expliquerait comment elle est venue s'ajouter à une église qui était bien assez spacieuse, si petite qu'elle fût, pour les besoins de la population du lieu. Nous avons dit en commençant que cette population n'était, en 1698, que de 116 âmes.

Quant au nom de St.-Léonard, porté par notre église et étendu sans doute de l'église au village, nous n'essaierons pas de découvrir à quelle occasion ce saint est devenu son patron. Entre tant d'actes de dévotion que la foi, la piété et la reconnaissance peuvent avoir inspirés en son honneur, nous n'aurions que des suppositions à faire. « L'opinion que l'on a eue du pouvoir particulier que Dieu lui avait accordé pour la délivrance des prisonniers, dit Baillet, a beaucoup contribué à l'accroissement et à l'extension de son culte. » On l'honorait particulièrement dans le diocèse de Rheims; et en 1117, un comte de Guînes, Manassés, lui dédiait un monastère de femmes qu'il fondait dans le faubourg de cette ville. Il pouvait donc y avoir des raisons générales de l'invoquer, sans exclusion, toutefois, des cas particuliers. C'est ainsi que les matelots et les malades se rendaient en dévotion à l'église de St.-Léonard.

On a vu qu'au XVIe siècle, l'église de St.-Léonard était une succursale de celle de St.-Etienne. Elle l'était toujours en 1626, comme le prouve l'inscription de la cloche qui lui sert encore aujourd'hui ; mais elle fut érigée en cure par décret du 3 décembre 1661, et resta paroissiale jusqu'à la suppression du culte eu 1793. L'abbé de St.-Wlmer présentait à cette cure, comme à celle de St.-Etienne.

Son premier curé fut Oudard Disquemue De Monguillain, qui mourut le 21 novembre 1693, et laissa à son église, entr'autres legs, un tableau peint de sa main, pour la décoration du grand autel ; nous ne savons ce qu'est devenu ce tableau. Son testament renferme, en outre, cette disposition toute particulière, qu'il veut être enseveli, comme les laïques, le visage couvert. Après lui se succédèrent, dans le gouvernement de la paroisse, huit curés dont le dernier, nommé Avisse, a signé aux registres des actes de baptêmes, mariages et sépultures, jusqu'au 31 janvier 1793.

Aujourd'hui, l'église de St.-Léonard se compose de deux nefs, si l'on doit nommer ainsi l'ancienne chapelle et celle que l'on vient de construire à côté, sur l'emplacement de l'ancien chœur. La place qu'occupait la nef détruite, avant 1715, est demeurée vide entre cette dernière chapelle et la tour qui sert encore de clocher, malgré son état de vétusté. Voici l'inscription de la cloche, telle qu'elle nous a été communiquée:

1626 M. Lovis Macquet, pbr, curé de St.-Estienne et de ceste église de St.-Léonard.
IHS. MA. Sanson Pierre s.r de Constant gentilhome ord.re de la chambre dv Roy et lieut.nt au gouvern.t des ville et cha.v de Boulogne.
Berthelemy de Montleson, escuyer, s.r de Busca, cap.ne du régiment de Picardie. Jehan Mouton, s.r de Tardinghen, pays de Boule.
Dam.le Elisabeth de Chollart, espouse de Louis de Boisleure, escuyer. s.r de la Tour-Neufve.
Dam.le Marie Dusaultoir, espouse de Charles Mouton, sieur de Longueville et maieur de Disque, escuyer, s.r de la Tour de Hocquinghen.
Dam.le Jacqueline Bertrand, vefve de feu Guillain.
Boulogne.

Constatons, en terminant, que toute l'importance de la commune se trouve plus que jamais concentrée au sein du Pont-de-Briques, qui a eu sa grande part de l'éclat répandu, par le nom et la présence de Napoléon sur la ville de Boulogne et sur ses souvenirs. Napoléon vint souvent visiter le camp de Boulogne, dans les années 1803 et 1804, et il habita alors, dans le Pont-de-Briques, le château qui était devenu la propriété de M. de Clocheville. Cela vaut bien un souvenir du tems des Romains.

Source : Statistique monumentale du département du Pas-de-Calais, Volumes 1 à 2 Par Commission des antiquités départementales du Pas-de-Calais en 1850.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 101876
  • item : Eglise Paroissiale Saint Léonard
  • Localisation :
    • Nord-Pas-de-Calais
    • Pas-de-Calais
    • Saint-Léonard
  • Adresse : R.N. 1
  • Lieu dit : l'Eglise
  • Code INSEE commune : 62755
  • Code postal de la commune : 62360
  • Ordre dans la liste : 6
  • Nom commun de la construction : 2 dénomiations sont utilisées pour définir cette construction :
    • église
    • église paroissiale
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Enquête : 1979
  • Date de protection : 1914 : classé MH partiellement
  • Date de versement : 1990/09/06

Construction, architecture et style

  • Materiaux: 8 types de matériaux composent le gros oeuvre.
    • calcaire
    • moellon
    • pierre de taille
    • appareil mixte
    • pierre
    • grès
    • essentage
    • essentage de tuile
  • Couverture : On remarque 5 types de couverture différents :
    • toit à longs pans
    • croupe
    • croupe polygonale
    • toit conique
    • toit
  • Materiaux (de couverture) : 2 types de matériaux de couverture entrent en jeux dans le couvrement de cet ensemble
    • ardoise
    • tuile plate
  • Autre a propos de la couverture : 2 modes de couvrement répertoriés :
    • voûte d'ogives
    • voûte en berceau plein-cintre
  • Etages :
    • Etage type : 2 vaisseaux
  • Escaliers : 3 types d'escaliers différents sont présent sur le site :
    • escalier en vis
    • escalier demi-hors-oeuvre
    • escalier en vis sans jour
  • Décoration de l'édifice :
    • Le décor est composé de : 'sculpture'
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • Plan Type 'plan allongé'

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes : 3 parties constituantes distinctes relevées :
    • chapelle
    • cimetière
    • chapelle funéraire
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété publique
  • Auteurs de l'enquête MH :
    • Boissé Claudie
    • Boissé Pierre
  • Référence Mérimée : IA00062558

photo : joel.herbez

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