Eglise Saint-Sulpice

Située sur le territoire du Monastère de Saint Vincent, dit Saint Germain des Prés.

Ce que j'ai rapporté ci-dessus à propos du martyrologe d'Usuard conservé à Saint Germain des Prés touchant la Dédicace d'une église dont S. Jean-Baptiste était le premier Patron et Saint Sulpice le dernier, m'a frayé le chemin pour penser que cette église qui devait être distincte de la grande église de l'Abbaye, et n'en devait cependant pas être fort éloignée, a été située au lieu même où est bâtie celle de Saint Sulpice ou aux environs, et que c'était l'église baptismale du bourg de l'Abbaye : en sorte que ce Bourg aurait eu son baptistère comme la Cité avait le sien à Notre Dame dans les siècles reculés. On sait que par lettres du Boy de l'an 1297 ce bourg appellé Villa Sancti Germant fut déclaré n'être compris dans les Faubourgs de Paris. Le sentiment de ceux qui croient que c'était la Chapelle de S. Pierre occupée aujourd'hui par les Religieux de la Charité, qui était ce baptistère, m'a paru être fondé sur un monument trop récent et trop équivoque, quoique cité par Sauvai, pour pouvoir faire foi ; l'auteur qui vivait vers l'an 1430 faisant le catalogue des dépendances de l'Abbaye, s'explique en ces termes : In Villa Sancti Germani propè Parisios, Ecclesia Sancti Sulpitii quae est Capella Beati Pétri in atrio ejusdem Villae. Ce texte est si visiblement corrompu, que Dom Bouillard a cru le devoir donner d'une autre manière sur un manuscrit de la fin du XIV siècle où ces deux lieux Ecclesia Sancti Sulpitii et Capella Sancti Pétri sont distingués l'un de l'autre.

La Chapelle de S. Pierre qu'on a appellé S. Pere, comme on fait encore à Chartres, à Auxerre et en beaucoup d'autres lieux, et qui a donné son nom à la rue que l'on nomme aujourd'hui par corruption des Saints Pères, avait toujours été au même lieu depuis sa première construction, elle pouvait avoir été bâtie en mémoire de ce que les cryptes de la grande église de Saint Germain démolies ou bouchées, avaient été sous l'invocation de S. Pierre. L'église de Saint Jean-Baptiste, Saint Laurent et Saint Sulpice a toujours aussi été dans l'endroit où on la voit, et où elle est connue sous le titre de ce dernier saint. Il peut seulement se faire que pendant quelques années on ait fait les fonctions curiales en cette chapelle de S. Pierre pour une partie du Bourg de S. Germain, pendant qu'on bâtissait l'église de Saint Sulpice, qui a été dernièrement abattue ; et c'est ce qui aurait porté à croire que S. Pierre était le premier Patron de la Paroisse de Saint Sulpice.

Saint-Sulpice, dessin à la mine de plomb et lavis à l'encre brune.

Saint-Sulpice, dessin à la mine de plomb et lavis à l'encre brune.

Le caractère dont est écrite dans le martyrologe d'Usuard l'annonce de la Dédicace de Saint Jean, Saint Laurent et Saint Sulpice au 10 Mai paraissant être d'environ l'an 1100 ou 1150, l'on peut fixer l'époque de cette Dédicace à la fin du XI siècle : mais insensiblement l'usage qui fait abréger l'énumération des Patrons des églises, aura porté à ne conserver ici que le dernier. Quoique le premier Curé de S. Sulpice connu soit Radulfe qui vivait en 1210 sous lequel l'étendue de la Paroisse fut diminuée du côté de Paris à l'occasion des nouveaux murs de la Ville construits par ordre de Philippe-Auguste, il ne s'ensuit pas qu'il n'y en eut eu aucun auparavant. On voit dans un titre rapporté dans du Breul les relations où était avec l'Abbaye ce Prêtre de Saint Sulpice, pour le gouvernement de sa Paroisse. Le détail fait voir combien les choses changent avec le temps.

Les anciennes églises Paroissiales dépendantes des Abbayes avaient ordinairement assez près d'elles un cimetière : et on y enterrait les morts jusques dans le parvis ou Atrium de l'église, d'où même l'on croit que le nom d'Atrium a signifié souvent un cimetière. Or c'est dans le parvis de Saint Sulpice qu'ont été trouvés en 1724 deux sépulcres de pierre les pieds tournés vers l'orient, l'un de cinq à six cens ans, l'autre d'environ mille ans. Le premier indiquait le XIIe siècle ou environ à en juger par la plaque de cuivre émaillé qu'on y trouva représentant l'histoire d'Elie et de la veuve de Sarepta, ce qui dénote une sépulture chrétienne. L'autre tombeau de pierre était aussi d'un chrétien nommé Herluin, avec une inscription en caractères du VIIIe siècle au plus tard. dont voici la teneur : Hîc jacet inclusus Tetopi de stirpe creatus. Herluinus comdam vocatus nomme qui obiit L. Les connaisseurs en ont jugé par la gravure qui est dans un journal. Ainsi on ne peut guère douter que la destination chrétienne de ce lieu n'ait environ mille ans d'antiquité. L'éloge qu'Usuard fait de S. Sulpice en son martyrologe, suppose que ce saint lui était particulièrement connu ; et peut-être dès son temps, c'est-à-dire au IX siècle, il était patron de l'Oratoire de ce lieu là. Ce degré d'ancienneté peut servir à prouver que le Prêtre préposé à toute la Paroisse, résidait à Saint Sulpice, et qu'il a seulement pu être autrefois dans l'usage d'aller par droit ou par charge, au nom de l'Abbaye, officier à certains jours dans la Chapelle de S. Pierre, et d'y venir en Procession avec ses Paroissiens, ainsi que le marque un titre de l'an 1380 conservé à l'Abbaye de Saint Germain : et par conséquent la fréquentation de cette église de Saint Pierre n'est point une preuve démonstrative qu'elle ait été l'ancienne Paroisse.

La partie de l'église de Saint Sulpice qui fut abattue en 1646 était la plus ancienne : mais comme il n'en est point resté de dessin, on ne peut pas dire précisément de quel siècle elle était ; on peut conjecturer seulement qu'elle était du XIIIe siècle, parce que ce fut alors que l'affranchissement accordé aux habitants rendit le bourg plus peuplé. La nef que nous avons vue au commencement du siècle où nous sommes était un accroissement qu'on lui avait donné sous le règne de François Ier, et comme la voûte en était fort étroite et fort basse, cela laisse à penser que l'ancienne église n'avait pas été plus élevée ni plus large. Cet accroissement que j'ai vu dès l'an 1701, était assez récemment fait en 1548, lorsque l'évêque de Megare y bénit un autel avec la permission de l'évêque de Paris.

Église Saint-Sulpice à côté d'une habitation.

Église Saint-Sulpice à côté d'une habitation.

L'affranchissement dont je viens de parler avait été accordé en 1247 à tous ceux du bourg de S. Germain qui étaient serfs par l'Abbé Hugues d'Issy et par son successeur, moyennant certaines redevances, du nombre desquelles étaient les pains du lendemain de Noël, et une redevance de vin, d'autant qu'une grande partie du territoire de Saint Sulpice était en vignes : d'où il est aisé d'inférer que plusieurs des habitants n'étaient encore que de simples vignerons. On lit aussi dans ces lettres de manumission que les femmes après la célébration de leur mariage, et après leurs relevailles, continueraient de se rendre à l'église de l'Abbaye comme à l'église matrice.

Les Religieux de leur côté qui étaient alors dans l'usage de sortir aux Processions des Rogations, allaient le premier jour à Saint Sulpice ; le second jour à Saint Pierre ; le troisième jour ils se transportaient au-delà de leur territoire, savoir à Notre-Dame des Champs où sont à présent les Carmélites Faubourg S. Jacques.

Dès le XIVe siècle au moins la Paroisse de Saint Sulpice avait une Fabrique, sous le nom de laquelle les actes se passaient. On m'a fait voir le sceau de cuivre qui a servi à les sceller, et qui a été trouvé dans un champ à Mont-rouge en cette présente année 1753, S. Sulpice y est représenté en mitre, tenant une Croix, et bénissant un estropié avec cette inscription autour, en lettres capitales gothiques : S. FABRICE STI SVLPICII PPE PAR.

Façade de l'église Saint-Sulpice, dessin de Jean Baptiste Lallemand 18e siècle.

Façade de l'église Saint-Sulpice, dessin de Jean Baptiste Lallemand 18e siècle.

Un Abbé de Saint Fuscien proche Amiens nommé Audrand a fait dans la Paroisse de S. Sulpice une fondation vers l'an 1570. Il a laissé huit cent livres pour marier tous les ans huit orphelines de la Paroisse à chacune desquelles on doit donner cinquante livres ; et vingt francs pour quatre écoliers à chacun desquels pendant cinq ans on doit donner cent sols pour avoir des livres et pour d'autres besoins. Et en reconnaissance il imposa l'obligation de célébrer à Saint Sulpice son anniversaire le lundi dans l'octave de la Fête-Dieu. On m'a assuré que la fondation subsiste encore quant à l'article des Filles, et que tous les ans M. le Curé de Saint Sulpice envoyé au P. Prieur de S. Germain pour signer l'exécution de ce legs.

Quant aux personnes inhumées dans cette église ou dans son cimetière, je me borne à quelques-uns qui sont connus dans la République des lettres, et dont on n'y voit plus d 'épitaphes, au cas qu'il y en ait eu autrefois. De ce nombre sont l'abbé Bourdelot mort en 1683. Barthelemi d'Herbelot décédé en 1695. Etienne Baluze mort en 1718. Parmi les célèbres Peintres, Roger de Piles et Jean Jouvenet décédés en 1709 et 1717.

Cette grande église étant presque finie en 1745, d'autant qu'il n'y restait que le haut du portail et des tours à faire, a été dédiée la même année. Je ne puis pas dire le jour, parce qu'on ne l'a point marqué dans aucune des deux inscriptions qui ont été mises pour conserver la mémoire de cette Dédicace et qui sont placées à l'entrée de cette église des deux côtés. Comme c'était le temps de la tenue de l'Assemblée du Clergé, la cérémonie fut faite par vingt et un tant Archevêques qu'évêques.

La nomination à cette Cure appartient à l'Abbé de Saint Germain des Prés. J'ai lu qu'en 1669 le Dimanche 7 Juillet M. de Perefixe Archevêque de Paris y vint officier solennellement en sa qualité d'évêque Diocésain, M. Raguier de Poussé étant alors Curé.

S'étant élevé sur cette Paroisse quelques difficultés au sujet de la reddition du Pain-béni et de la Quête alternative pour les Pauvres ; sur le refus fait dans quelques maisons, il a été ordonné par Arrêt du Parlement du 12 Avril 1753 que chaque maison rendrait le Pain-béni à son tour lorsqu'on en serait averti par la présentation du chanteau, à peine d'y être contraint ; et de même sur l'autre chef.

Place Saint-Sulpice, dessin de Gobaut Gaspard (1814-1882).

Place Saint-Sulpice, dessin de Gobaut Gaspard (1814-1882).

La Paroisse de Saint Sulpice comprend tout le faubourg S. Germain, mais comme les limites de ce faubourg ne sont plus si sensibles depuis qu'il touche à la Ville, et que les murs et les portes de Paris ont été abattues, il est besoin pour désigner l'étendue de cette Paroisse de marquer ses bornes du côté des Paroisses de Saint Severin, de Saint Côme et de Saint André. D'abord elle touche à celle de Saint Severin dans la rue d'Enfer où elle a quelques maisons proche la porte du Luxembourg et du même côté. Elle en a encore quelques-unes vers le Séminaire de S. Louis. Elle poursuit son terrain dans le côté supérieur de la place S. Michel, puis elle continue dans le côté gauche de la rue des Fossez de M. le Prince en descendant. Elle a ensuite la rue de Touraine des deux côtés ; dans la rue des Cordeliers depuis la seconde maison d'après l'égout, et depuis celle d'après la fontaine jusqu'au Carrefour des anciens Fossez. Ce qui lui appartient ensuite consiste dans la rue des Fossez de S. Germain, après laquelle elle a quatre ou cinq maisons en entrant dans la rue S. André, tant d'un côté que d'un autre, puis six ou sept maisons à l'entrée de la rue Dauphine tant à droite qu'à gauche. Elle s'étend ensuite dans les deux côtés de la rue Mazarine, et elle prend en passant les trois ou quatre premières maisons de la rue Guenegaud de chaque côté jusqu'aux restes des vieux murs qui paraissent encore. Elle continue la rue Mazarine jusqu'au Collège des quatre Nations où finit son territoire inclusivement. Tout ce qui est du côté du couchant, au-delà des limites qui viennent d'être désignées, est réputé faubourg S. Germain, et censé de la Paroisse de Saint Sulpice.

On sait que ce n'est que depuis cent cinquante ou deux cent ans au plus que ce territoire a été couvert de différents Couvents, Hôpitaux, Hôtels de Prince et de gens de qualité. Il renferme plus de vingt Couvents ou Communautés : trois ou quatre Hôpitaux, trois ou quatre Séminaires et deux Collèges.

La Paroisse de Saint Sulpice plus étendue que bien des Villes considérables (non pas cependant autant que celle de Saint Germain l'Auxerrois l'avait été originairement) renfermait encore du temps de François I,er plusieurs rues, qui, quoique peuplées, n'étaient pas encore pavées. Le Parlement ordonna le 30 Mars 1544 de paver la rue de Seine. On ne faisait que commencer à paver la rue des Buttes près la Porte de Bussy en 1545. On peut juger par là de l'état où étaient toutes celles qui sont plus éloignées. Aussi plusieurs n'ont-elles commencé à avoir des noms que depuis que l'Abbaye de Saint Germain appartint à la Congrégation de S. Maur, laquelle leur a donné des noms de plusieurs Saints connus dans l'Ordre de S. Benoit.

Il y a près du Séminaire de S. Sulpice une rue du nom de laquelle aucun des Historiens de Paris n'a donné l'origine. C'est la rue du Gindre. J'ai trouvé dans le traité de la Panneterie de France par Miraumont page 412, que Gindre signifie le Maître-Valet ou plutôt Maître-Garçon d'un Boulanger. Ménage a fait la même remarque dans son Dictionnaire, et il pense qu'il vient du latin, gêner.

Source : Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris par l'abbé Jean Lebeuf 1867.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 121373
  • item : Eglise Saint-Sulpice
  • Localisation :
    • Ile-de-France
    • Paris 06
  • Adresse : place Saint-Sulpice
  • Code INSEE commune : 75106
  • Code postal de la commune : 75006
  • Ordre dans la liste : 33
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 3 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 17e siècle
    • 18e siècle
    • 19e siècle
  • Date de protection : 1915/05/20 : classé MH
  • Date de versement : 1993/07/08

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site inscrit 06 08 1975 (arrêté)
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Eglise Saint-Sulpice : classement par arrêté du 20 mai 1915
  • Référence Mérimée : PA00088510

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

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