photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies
Ce Séminaire est situé dans cette rue, du même côté que le Collège de Laon, et vis-à-vis celui de Navarre.
Il a pris son nom de trente-trois Bourses, ou places qui y font fondées, pour procurer à autant de pauvres écoliers l'avantage de faire dans l'université de Paris leurs études de Philosophie et de Théologie. Ce Séminaire fut institué en 1633 par Claude Bernard, Prêtre dont la charité a si fort éclaté dans Paris. Touché de compassion pour de pauvres écoliers qu'il visitait souvent, il résolut d'en ramasser un certain nombre, et de leur procurer une vie moins dure, et des instructions plus solides et plus salutaires. Il fit ensuite connaître cette institution à Anne d'Autriche Reine de France, qui étant devenue Régente du Royaume, ordonna que tous les jours on donnât trente-trois livres de pain à ces pauvres ecoliers, et cette charité leur fut continuée sur le même pied pendant plusieurs années, après lesquelles cette aumône fut commuée en une pension de neuf cens livres sur le Trésor Royal. Le Clergé de France leur a fait longtemps, à chaque Assemblée, un don de mille cinq cens livres.
Cette petite Communauté ne fut d'abord que de cinq écoliers pour honorer les Cinq Plaies de Jésus-Christ, puis de douze en l'honneur des douze Apôtres, et enfin de trente-trois pour honorer les trente-trois années que Jésus-Christ a passées sur la terre.
Leur première habitation fut une sale bafsse du Collège des Dix-Huit, où, comme dans une étable, ils ne couchaient que sur de la paille. On loua six chambres dans le Collège de Montaigu, ensuite on loua une maison vis-à-vis ce même Collège, appelée l'Hôtel de Marly, où ils demeurèrent jusqu'en l'année 1657, et le 7 de May on acheta pour eux l'Hôtel d'Albiac, situé dans la rue de la Montagne, vis-à-vis le Collège de Navarre. Les Directeurs présentèrent pour lors Requête aux Vicaires Généraux du Cardinal de Retz, Archevêque de Paris, qui était absent, pour faire approuver ce séminaire, lesquels consentirent à son institution et établissement, sous le titre de séminaire ecclésiastique des Trente-Trois Écoliers, sous l'autorité, juridiction, supériorité, visite et dépendance de l'Archevêque de Paris, et de ses successeurs en cet Archevêché. Dès le mois d'Avril de cette même année, les Directeurs avaient obtenu du Roi des Lettres Patentes à même fin, par lesquelles ce Séminaire est rendu capable de recevoir tous legs et donations qu'on lui voudra faire. Ces Lettres furent vérifiées et registrées au Parlement le 7 de Septembre 1658, et à la Chambre des Comptes le 30 Décembre 1659. Il y est expressément porté que ce séminaire sera administré par six personnes, savoir trois Ecclésiastiques pour le spirituel, et trois Laïques pour le temporel. Ces six Directeurs ensemble nomment un Supérieur pour la conduite du dedans, et choisissent un successeur à celui d'entre eux qui vient à mourir, ou à se retirer.
La fin de ce séminaire est le soulagement des pauvres écoliers, non seulement de Paris, mais de toutes les Provinces du Royaume, et même dehors, comme des Cantons Suisses, etc de les rendre capables d'être promus au Sacerdoce, et de servir l'Eglise et le prochain. Pour y être admis, il faut être né de légitime mariage, être Clerc Tonsuré, ou au moins en état de l'être aux premiers Quatre-Temps prochains, avoir le corps et l'esprit bien faits, être au moins capable d'étudier en Logique, et être tellement pauvre, qu'on ne puisse pas subsister d'ailleurs.
Source : Description de Paris, de Versailles, de Marly, de Meudon, de S. Cloud, de Fontainebleau et de toutes les autres belles maisons et châteaux des environs de Paris, par M. Piganiol de la Force 1742.