Abbaye de Port-Royal (ancienne)

Il y avait deux Abbayes de ce nom, l'une aux champs, l'autre à Paris, et toutes deux de l'ordre de Cîteaux. C'est la première de ces deux Abbayes qui a donné le nom et les biens à celle de Paris. Elle fut fondée en 1204, par Mathieu de Montmorenci, seigneur de Marly, et par Mathilde de Garlande, sa femme, dans le fief de Porrois ou Port-Royal, Porregius ou Portus Régis, auprès de Chevreuse. On prétend que Philippe-Auguste s'étant égaré à la chasse, fut trouvé en cet endroit dans un oratoire, dédié à Saint Laurent, et que c'est à cause de cette rencontre, qu'on lui donna le nom de Porrois ou de Port-Royal.

L'Abbaye de Port-Royal de Paris est située dans la rue de la Bourbe, et doit son origine à celle des champs. Celle-ci tomba dans la fuite des temps dans un grand relâchement ; mais en 1609, elle fut reformée par l'Abbesse Jacqueline-Marie-Angélique Arnaud. Cette réforme fit tant d'éclat, que le nombre des Religieuses s'accrût tous les jours. En 1625, on y comptait 80 Religieuses ; et quoique l'Abbaye n'eût que 6000 livres de rente, elles y trouvaient un nécessaire suffisant.

La maison de Port-Royal se trouva alors trop resserrée pour une aussi nombreuse communauté ; il fallut donc songer, ou à augmenter les bâtiments, ou à sonner un second établissement où l'on pût envoyer une partie des Religieuses. Catherine Manon, veuve d'Antoine Arnaud, Avocat célèbre, qui avait plusieurs filles dans ce monastère, et dont l'une en était Abbesse, détermina bientôt la communauté sur le parti qu'elle avait à prendre. Madame Arnaud acheta une grande maison, située à l'extrémité du Faubourg Saint-Jacques, appelée l'hôtel de Clagny, et la donna à l'abbaye de Port-Royal, pour lui servir de décharge. On travailla aussitôt à convertir cet hôtel en monastère, qui prit, comme l'autre, le nom de Port-Royal ; et en 1616, toute la communauté de Port-Royal des champs y fut transférée. Comme on ne trouvait point encore dans l'hôtel de Clagny, ni les lieux réguliers, ni les autres commodités nécessaires à une communauté religieuse, Madame Arnaud entreprit de faire bâtir un grand monastère, pour la construction duquel il fallut faire des dépenses, qui auraient extrêmement obéré l'Abbaye, si la Providence n'eût fait trouver des secours suffisants pour conduire ce bâtiment à fa perfection.

Dame Anne-Hurault de Chiverny, veuve de Charles, marquis d'Aumont, Lieutenant général des armées du Roi, ayant choisi cette maison pour y vivre retirée, lui donna d'abord des biens considérables, en acquitta presque toutes les dettes, fit bâtir le chœur et tous les logements qui sont au-dessus, éleva les murs de clôture du grand jardin et construisit le bâtiment où elle logeait, et contribua encore au rétablissement du monastère de Port-Royal des champs. Un si pieux exemple fut suivi de plusieurs personnes, parmi lesquelles il y en avait d'une grande naissance.

La Marquise de Sablé fit construire le corps de logis, avec le chapitre au bout du chœur ; la Princesse de Guéménée, le logement dont le bas sert de sacristie, et fait partie de l'un des côtés du cloître ; Mademoiselle d'Acquaviva, M. de Sevigné, Madame le Maître, qui s'y rendit Religieuse depuis ; M. de Guenegaud, Garde des Sceaux des ordres du Roi, et Secrétaire d'Etat ; Elisabeth de Choiseul-Praflin, sa femme, et quelques autres, firent bâtir au-dehors plusieurs corps-de-logis pour s'y retirer, et gratifièrent le monastère de plusieurs autres bienfaits. Madame de Pontcarré y fit un legs de 14000 livres ; Madame de la Guette de Champigny, veuve de M. de la Guette de Chesay ; Madame de Boulogne, veuve du Baron de Saint-Ange, premier Maître-d'Hôtel de la Reine-mère ; Madame de Rubantel, veuve de M. le Camus, en furent aussi les bienfaitrices. Ces deux dernières y embrassèrent la vie religieuse après la mort de leurs maris ; Madame Seguier, veuve de M. de Loeny de Gragneule ; M. le Maître, et MM. de Sericourt de Saci, ses frères, lui donnèrent tous leurs biens, dont ils ne se réservèrent que l'usufruit. M. Benoise, Conseiller-Clerc au Parlement ; M. Bricquet, Avocat général, et M. le Roi de la Potherie lui firent aussi du bien. Ce dernier donna une rente de 150 livres et une épine de la couronne de J. C. Louise-Marìe de Gonrague de Clives, qui avait été élevée à Port-Royal, et qui fut Reine de Pologne, porta le Roi son mari à faire de riches présents à ce monastère ; il donna entre autres un ciboire d'une agathe enchâssée dans l'or, et enrichi de diamants, un soleil de cristal garni d'or, etc...

Le désir qu'avait la mere Angélique de conserver la réforme dans Port-Royal, lui fit entreprendre deux changements dans l'état de ce monastère ; l'un, de le mettre fous la juridiction de l'Ordinaire ; et l'autre, de se démettre de la dignité d'Abbesse, pour la rendre élective. Au mois de juin 1627, elle obtint du Pape Urbain VIII une bulle qui la tirait de la juridiction de l'Abbé de Cîteaux, pour la soumettre à celle de l'Archevêque de Paris. Le Roi donna ses Lettres patentes pour l'enregistrement de cette bulle, au mois de juillet de la même année. L'Abbesse obtint l'autre du Roi Louis XIII, au mois de janvier 1609, par le moyen de la Reine Marie de Médicis. Le Roi renonça à son droit de nomination en faveur de la réforme, et fit expédier des Lettres patentes pour accorder l'élection triennale de l'Abbesse. Après toutes les formalités, la mère Angélique Arnaud donna sa démission pure et simple au mois de juillet 1630. Enfin, en 1647, elle fit un troisième changement dans ce monastère, en y établissant l'adoration perpétuelle du Saint Sacrement ; et le 04 octobre de la même année, elle et ses Religieuses prirent le scapulaire blanc, avec la croix rouge par-dessus.

Port-Royal de Paris, se trouvant à son tour trop peu étendu pour contenir le grand nombre de Religieuses que la réforme y attirait, l'Abbesse et les Religieuses demandèrent à l'Archevêque de Paris la permission d'envoyer quelques Religieuses a Port-Royal des champs dont on avait rendu le séjour plus sain. L'Archevêque leur accorda leur demande le 27 juillet 1647, à condition que les Religieuses qu'on y enverrait ne feraient point un corps de communauté particulière ; mais seraient toujours soumises à la juridiction, dudit Archevêque, et à l'autorité de l'Abbesse de Port-Royal de Paris, qui changerait et rappellerait ses Religieuses, lorsqu'elle le jugerait a propos. L'Archevêque de Paris, n'ayant pas trouvé dans la plupart des Religieuses de Port-Royal toute la soumission qu'il demandait d'elles, pour la signature du formulaire, fut obligé d'en faire enlever plusieurs, que l'on dispersa d'abord en différents couvents, et que l'on conduisit ensuite, au mois de juillet 1665, à Port-Royal des champs, de même que quelques-unes qu'on avait laissées dans le monastère de Paris, quoiqu'elles ne fussent pas plus soumises que les autres.

La paix de Clément IX ayant apaisé tous les troubles élevés au sujet du formulaire, le Roi fit rendre un arrêt par son Conseil le 13 mai 1669, qui sépara les deux maisons de Port-Royal en deux titres d'Abbayes indépendantes l'une de l'autre : l'une à Paris pour être à perpétuité de nomination Royale ; et l'autre aux champs, pour être à perpétuité élective et triennale : le Roi partagea en même temps les biens en deux, et ordonna que les deux tiers appartiendraient à perpétuité à l'abbaye de Port-Royal des champs, et l'autre tiers, à Port-Royal de Paris.

Le monastère de Port-Royal des champs a subsisté sur ce ce pied-là jusqu'au 11 juillet 1709, qu'après une bulle de Clément XI, du mois de mars 1708, le Cardinal de Nouilles, Archevêque de Paris, rendit un décret de suppression du titre abbatial de Port-Royal des champs, et de réunion de ses biens a l'abbaye de Port-Royal de Paris. En conséquence, les Religieuses de Port-Royal des champs, au nombre de vingt-deux, furent dispersées dans plusieurs convents de différents Ordres, et les bâtiments du monastère détruits, conformément à un arrêt du Conseil, rendu le 26 d'octobre de la même année 1709. Ainsi, il n'y a plus aujourd'hui qu'une Abbaye de Port-Royal, qui est celle du faubourg Saint-Jacques à Paris.

Les fondements de l'Eglise de ce monastère furent posés le 22 d'avril 1646. Elle fut achevée en 1648, et bénite le 7 juin de la même année, par l'Archevêque de Paris. C'est le Pautre, Architecte, alors en grande réputation, qui en donna le dessin, et le fit exécuter. Elle est petite, mais d'ailleurs d'une architecture d'assez bon goût. On y conserve une épine de la couronne de J. C. qui fut donnée à cette maison par M. le Roi de la Potherie. ainsi qu'on l'a dit ci-devant.

Le 04 décembre 1646, Dieu opéra un miracle à l'occasion de cette sainte épine, par l'attouchement de laquelle Marguerite Perrier, nièce du fameux M. Pascal, Auteur des lettres Provinciales, âgée de 10 ans, fut guérie subitement d'une fistule lacrymale. Ce miracle fut juridiquement examiné et publié par les Grands Vicaires de l'Archevêché de Paris, qui ordonnèrent qu'il en fut rendu de solennelle a actions de grâces à Dieu. On voit dans cette Eglise, au côté gauche de la grille du chœur, un tableau qui représente Mademoiselle Perrier, telle qu'elle était lors de sa guérison, avec cette inscription au bas.

« Marguerite Perrier, jeune fille, âgée de dix ans, ayant été, par l'attouchement de l'épine vivifiante, guérie en un moment, le 24, mars 1656, d'une dégoûtante et incurable fistule qu'elle avait depuis trois ans à l'œil gauche ; ses Parents ont consacré à Jésus-Christ Sauveur ce portrait qui la représente, pour être un témoignage de la reconnaissance qu'ils ont d'un si grand bienfait ».

De loutre-côté, est le portrait de demoiselle Claude Baudrand, en symétrie avec celui de Mademoiselle Perrier.

Cette Demoiselle avait 15 ans lorsque Dieu fit voir en elle on des effets extraordinaires de sa puissance. Elle fut miraculeusement guérie en 1657, par l'attouchement de la sainte épine, d'une horrible tumeur dans toute la partie du bas ventre, mal dangereux, dont on ne pouvait humainement espérer la guérison ; mais Dieu lui rendit, en un instant, une santé parfaite, au grand étonnement des Médecins.

Dans le chœur des Religieuses est un tableau qui représente la cène, ou J. C. assis avec les douze Apôtres. Ce tableau est original, et a été peint et donné par Philippe Champagne, Peintre, natif de Bruxelles, et fort attaché à l'abbaye de Port-Royal, où il avait une fille Religieuse.

Source : Dictionnaire historique par Pierre Thomas N. Hurtaut,Magny.

photo pour Abbaye de Port-Royal (ancienne)

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 121944
  • item : Abbaye de Port-Royal (ancienne)
  • Localisation :
    • Ile-de-France
    • Paris 14
  • Adresse : 121, 125 boulevard de Port-Royal
  • Code INSEE commune : 75114
  • Code postal de la commune : 75014
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : abbaye
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 17e siècle
    • 2e quart 17e siècle
  • Années :
    • 1625
    • 1652
  • Dates de protection :
    • 1928/10/19 : inscrit MH
    • 1933/10/24 : classé MH
  • Date de versement : 1993/06/24

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site inscrit 06 08 1975 (arrêté) .
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :12 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • élévation
    • toiture
    • chapelle
    • salle
    • choeur
    • pavillon
    • cloître
    • bâtiment conventuel
    • musée
    • sol
    • salle capitulaire
    • bâtiment
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • Cette construction a été affectée a l'usage de : hôpital cochin

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété d'un établissement public 1992
  • Photo : d7073a6d7323e750000408ebc30343b3.jpg
  • Acteurs impliqués dans l'oeuvre : Arnauld Jacqueline Marie Angélique (habitant célèbre, mère abbesse)
  • Détail :
    • Façades des bâtiments qui entourent la chapelle : inscription par arrêté du 19 octobre 1928
    • Chapelle, choeur des religieuses
    • façades et toitures du pavillon de l' Administration (ancien hôtel d' Aumont)
    • cloître et son aire
    • ancienne salle capitulaire (actuellement musée) : classement par arrêté du 24 octobre 1933
  • Référence Mérimée : PA00086606

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

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