photo : pierre bastien
Saint Diogène et saint Vaast évêques d'Arras étaient venus dans les premiers temps du christianisme prêcher l'Évangile à La Bassée ; cette ville avait déjà alors son église ; d'anciennes chroniques rapportent qu'elle était fréquentée par les populations des environs, à plusieurs lieues à la ronde et qu'on venait des bords de la Lys y apporter des enfants pour être baptisés ; ce qui doit nous faire supposer que c'était la seule église qui existât dans cette contrée et qu'elle dût, à cette circonstance, la faveur d'avoir été visitée plusieurs fois par les saints prélats que nous avons nommés.
Plus tard, quand la religion se fut répandue par tout le pays, et eut pénétré jusque dans les hameaux les plus reculés, on s'occupe de bâtir ça et là des églises ou des chapelles ; il n'y eut pas si petit village qui ne voulût avoir la sienne : la première église que l'on vit s'élever dans les environs de La Bassée fut a Douvrin : c'était vers 1100 ; la plupart des villages ne suivirent cet exemple que longtemps après.
Jusqu'à la fin du siècle dernier la ville de La Bassée fit constamment partie de l'évêché d'Arras, bien qu'elle fut située dans la châtellenie de Lille, qui ressortait généralement de celui de Tournai. Nous voyons dans les anciennes chartes de l'Artois, qu'elle était le chef-lieu d'un doyenné qui comprenait vingt-cinq paroisses, savoir : Aubers, Fournes, Fromelles, Hantay, Herlics, Illies, Marquillies, Sainghin-en-Weppes, Salomé, Wicres qui composent le décanat actuel de La Bassée. Auchy, Billy-Bercleau, Douvrin, Givenchy, Haisnes, Violaisnes du décanat de Beuvry. Fleurbaix, Laventie, Lorgies, Neuve-Chapelle, Sailly-la-Lys du décanat de Laventie. Armentières et Erquinghem-lez-Lys, du décanat d'Armentières.
On avait voulu comprendre sans doute dans le même doyenné toutes les Paroisses qui, dans les premiers temps, n'ayant pas d'églises, étaient desservies par celle de La Bassée qu'on pouvait considérer, à juste titre, comme l'église-mère de la contrée. Le démembrement de cet important doyenné n'eut lieu que postérieurement à 1656, car nous voyons, d'après un titre authentique de cette année-là, qu'il était encore alors composé des vingt-cinq paroisses que nous avons citées, mais il fut ensuite considérablement réduit et n'en comptait plus, en 1789, que treize qui étaient Auchy, Billy-Bercleau, Cuinchy, Givenchy, Haisnes, Hantay, Illies, Lorgies, Marquillies, Salomé, Sainghin-en-Weppes, Violaisnes et Wicres.
Voici les noms de plusieurs curés-doyens de La Bassée dans les siècles derniers :
La loi de 1790 qui diminua le nombre des évêchés, changea la circonscription des diocèses et modifia aussi celle des doyennés ou des décanats ; celui de La Bassée s'amoindrit encore et ne fut plus formé que des dix communes qui composent aujourd'hui son canton.
L'église actuelle est remarquable sous plusieurs rapports : à son premier aspect, on est frappé de la grandeur de l'édifice. Nous avons déjà dit les raisons qui, selon nous, expliquent la cause de ses vastes proportions : d'un autre côté son architecture qui appartient à diverses époques est, pour un archéologue, un objet de curiosité et d'étude.
Sa forme est une croix latine ; elle a trois nefs ; les colonnes sveltes et légères sur lesquelles reposent les énormes cintres en gré piqué de la nef du milieu sont d'une grande hardiesse et produisent un bel effet par leur élévation combinée avec leur espacement, qui est d'environ huit mètres.
Les parties les plus anciennes, comme les plus curieuses de ce monument sont :
Ce sont là les restes conservés d'une église plus ancienne qui fut brûlée en 1478 ; ils sont du style de l'ère romane secondaire, c'est-à-dire qu'ils remontent au onzième ou douzième siècle.
La nef principale a été reconstruite vers la fin du quinzième ; elle est un peu moins large que celle qui la précédait et dont on aperçoit encore aujourd'hui les points où elle se raccordait au mur de chaque coté de l'orgue ; cette reconstruction eut lieu à une époque où la ville et tout le pays environnant avaient été ravagés par les guerres. On manquait d'argent ; pour s'en procurer, on fut forcé de vendre, en 1486, une grande partie des ornements et des vases sacrés de l'église et on fit des quêtes à Lille, à Béthune, dans les évêchés de Tournai, de Thérouane et dans la Picardie où l'on avait obtenu, pour cela, la permission du maréchal d'Esquerdes
Les nefs latérales ne furent faites que longtemps après, sans doute parce qu'on manquait toujours d'argent, elles ne furent terminées que vers 1550.
La charpente du vaisseau fut posée quelques années plus tard; c'est une oeuvre qui fixe l'attention elle à été un peu endommagée lors des sièges de 1642 et 1647 par des boulets de canon qui l'ont traversée : On l'apercevait autrefois du parvis de l'église ; mais en 1764 on la cacha par des lambris qui ôtèrent au monument ce qu'il avait de sévère et de religieux.
Le porche était anciennement ouvert, comme, dans la plupart des églises du moyen-âge, la porte qui fermait l'église se trouvait à l'arcade du mur qui est sous l'orgue.
A la partie culminante de la façade extérieure qui surplombait le porche il reste encore des fenêtres à plein cintre, ornées de colonnettes, que l'on a bouchées ; elles sont du style roman et remontent à la même époque ; c'est au-dessous d'elles qu'on perça, en 1549, une immense vitrine qui fut supprimée, en 1699, quand on fit la devanture du portail; dans le même temps on rétrécit les autres fenêtres de l'église qui étaient d'une dimension extraordinaire, à en juger par les traces qu'elles ont laissées dans les murs.
Le clocher n'a pas toujours eu la place qu'il occupe actuellement : dans l'ancienne église, il reposait au milieu, sur les deux gros piliers du transept qui sont encore là aujourd'hui ; ce fut, dit-on, sous Charles-le-téméraire, comte de Flandre, et en vertu de ses ordres qu'il fut démoli et reconstruit plus tard où il se trouve maintenant.
En 1551, on y avait monté une sonnerie remarquable ; elle se composait de treize cloches plus ou moins fortes et dont les sons, bien d'accord entre eux, produisaient le plus bel effet
Ce n'était pas dans le clocher actuel que cette sonnerie avait été établie, car il ne date que de 1699, et d'ailleurs il n'eût pas été assez grand pour la recevoir.
En 1717, on éleva les deux tourelles qui sont de chaque côté du portail.
Voici le poids de ces cloches:
Les cloches furent fondues et livrées par un nommé Delacourt de Douai. Elles coûtèrent 1127 florains 6 patards ; mais il faut observer que l'église lui avait abandonné sa grosse cloche qui pesait 36th livres, et une autre de 2013 liv. avec 35 livres de vieille mitraille. (Comptes de l'église)
Le chœur est la partie la moins ancienne de tout l'édifice, il date de 17 7; il est fâcheux que sa dimension ne soit pas en rapport avec le reste du monument.
Cette église est donc, comme on le voit, un assemblage assez singulier de diverses constructions, dont le genre varie avec l'époque où elles ont été élevées : d'après le simple aperçu que nous en avons donné on peut juger que c'est un monument qui renferme des détails d'un grand intérêt, aujourd'hui surtout que les vieilles églises ont presque toutes disparu et qu'il est si rare d'en rencontrer qui conservent encore quelque chose de l'architecture romane.
Nous ajouterons à ce que nous venons de dire, quelques particularités que nous avons cru à propos de recueillir sur l'intérieur de cette église, ses ornementations d'autrefois et sur les cérémonies et usages qu'on y observait.
Dans les quinzième et seizième siècles, il y avait, à presque toutes les fenêtres, des vitraux peints qu'on appelait alors verrières ; la plupart de ces verrières portaient les noms de ceux qui les avaient données : ainsi, il y avait la verrière de M. le vicomte de Gand, la verrière de M. Gilleson, celle de Jehan Bicquier, celle de Robert Mascelier, etc. En 1522, on avait placé derrière le chœur une magnifique verrière qui représentait l'arbre de Jessé, et pour laquelle on avait fait une souscription ; on en posa une autre aussi très belle en 1550 dont le sujet était la conversion de St Paul.
Quand on songe au degré de perfectionnement qu'avait atteint alors la peinture sur verre, on se prend à regretter qu'il ne reste plus rien de ces vitraux qui, probablement, seraient considérés aujourd'hui comme des chefs-d'œuvre.
Le beau jeu d'orgues que l'on voit actuellement y a été posé en 1775, et a coûté 9575 livres ; il en remplaçait un autre qui datait de 1597, et qu'on avait acheté à un nommé Pierre Isoré, facteur à Bergues, pour 669 livres.
Un des caractères distinctifs des ouvrages de menuiserie à l'époque dont nous parlons, c'était la quantité de bois qu'on y faisait entrer et les énormes proportions qu'on donnait souvent aux objets qu'on avait à confectionner. C'est ainsi que le maître-autel que l'on dressa dans le chœur en 1561 était un travail d'une dimension et d'un poids extraordinaire, puisqu'il fallut quinze chariots à deux chevaux chacun pour en ramener de Lille toutes les pièces.
Les chapelles où se trouvaient les autres autels étaient celles de saint Nicolas. de saint Maur, patron des arbalétriers, de saint Sébastien, patron des archers, de saint Jangon ou Ganjon, dont on n'entend plus parler, mais dont les reliques attiraient la l'église de La Bassée une foule de visiteurs des campagnes, qui s'y rendaient en pèlerinage chaque année à un jour donné : il en était de même pour saint Fiacre, que l'on venait honorer et servira La Bassée, comme le rapporte le père Martin Lhermitte, afin d'impétrer aux enfants la force de marcher.
Une autre chapelle non moins ancienne, et qui existe encore aujourd'hui, était celle de Saint-Roch ; avant la révolution on y conservait, dans une grande statue d'argent, une partie des restes de ce saint : il y avait aussi une confrérie de Saint- Roch à qui le pape Paul V avait accordé plusieurs indulgences par une bulle donnée à Rome le 20 mars 1628; mais en 1685 cette confrérie fut réunie à celle des Charitables par l'autorité de l'évêque diocésain qui, à cette occasion, lui donna des règles et statuts qui furent confirmés par lettres patentes du roi données à Versailles au mois de janvier 1781.
Source : Recherches sur la ville de La Bassée et ses environs par Eugène Mannier 1854.
Eglise construite en pierre reconstituée, en partie produite avec le concassage des pierres de l'église ruinée. Plan en croix latine : 5 travées de nef, 2 travées par bras de transept, 1 travée droite de choeur et chevet à 3 pans. Une chapelle orientée sur chacun des bras de transept. Déambulatoire, très étroit, prenant jour derrière les parties tournantes du choeur.
Tour à l'ouest, surmontant un porche ouvrant par 3 portails, couverte actuellement par une flèche polygonale en ciment flanquée de 4 tourelles d'angles. Vaisseau central (nef) flanqué d'arc-boutants. Toits couverts d'ardoises.
Choeur : contreforts extérieurs percé d'un passage à la base des fenêtres hautes. Elévation intérieure à 3 niveaux : grandes arcades, faux-triforium, fenêtres hautes ; 2 niveaux seulement dans le choeur.
Voûtes d'ogives quadripartites. Baies : 2 lancettes supportant un oculus ; roses de transept. Piles cantonnées.Sacristie et chapelle annexe, dans les angles rentrant du transept vers le choeur, couvertes en terrasse.
Chapiteaux constitués d'éléments moulés.Dimensions : flèche culminant à l'origine à 80 m ; 21 m sous voûte ; longueur hors tout : 60,9 m, développement du transept : 34,50 m.