photo : Resurrection Shotz
Ce quartier de châlon, dont la seigneurie appartenait à l'abbé et aux religieux de Toussaints, était jadis appelé le ban de Toussaints ou le ban de nie. On ne sait s'il était peu ou pas habité à l'époque où l'évoque Roger II fonda l'abbaye ; ce qui est certain, c'est qu'il faisait partie du territoire de Fagnières et qu'il fut acheté par l'évoque à Ayrard, possesseur du fief.
Tout porte à croire que la rivière de Marne ne passait pas alors le long du cimetière de l'Est et que le territoire de Toussaints n'était séparé de la ville que par le bras de la rivière qui fluait au lieu où se trouve l'ancienne chapelle de la Doctrine, bras de rivière qui a subsisté jusqu'en 1567. Ce n'est que dans le cours du XIIe siècle que le ban de Toussaints fut entouré de murs et que la rivière fut dérivée pour enceindre cette nouvelle clôture ; le terrain où se trouvait l'abbaye fut alors séparé du ban par le bras de la Marne qui longe le cimetière.
L'emplacement exact où fut construite l'abbaye se trouve hors des murs, à la pointe sud du terrain que traverse le canal latéral de Châlons à Dizy, au lieudit aujourd'hui la Billerie. On en a retrouvé des vestiges significatifs lorsque le canal a été creusé en 1841.
Bien que la charte de dotation ne soit datée que de 1062, c'est à l'an 1042 que l'on doit reporter celte fondation, ainsi que l'établit certaine mention d'une déclaration de biens de 1062, qui nous donne en outre quelques renseignements topographiques sur le monastère primitif: « ... est assavoir que dès l'an 1042 ou environ, ladite église et monastère de Toussaints furent fondez par feu Rogier, lors jadis évesque de Chaalons ; et est ladite église assise près et au dehors du dit Chaalons, laquelle avec les habitations, jardins, prez et place tout en un tenant, qui contient environ XXIIII arpens, sont en fasson d'une isle, clos et environnez pour la plupart de la rivière de Marne et pour la moindre part de fossés ; duquel lieu lesdits religieux, abbé et couvent sont, seigneurs haulx, moyens et bas. mais n'y a audit lieu aucuns bourgeois demeurans en icelle isle hors Chaalons que les familiers et serviteurs desdis religieux. »
En 1392, l'abbaye fut pillée et brûlée par les Anglais, disent nos historiens : l'évêque Charles de Voiliers en dressa procès-verbal, et la plupart des titres furent perdus dans ce désordre.
A l'approche de Charles-Ouint en 1544, l'abbaye fut détruite et rétablie dans le ban de l'Ile les années suivantes. Nous parlerons plus fard de cette abbaye nouvelle. Le terrain de l'ancienne devint une ferme que les religieux donnaient à bail. En 1558, elle était louée à Simon Lallement pour six ans, moyennant 23 livres 8 sols par an en argent, « à charge aussi de fournir aux religieux, par chacun jour de l'année, les herbages et potagers verts ou secs, mesme les puis et les febves à culx nécessaires pour leur nourriture, selon les saisons ; fournir de vaisselle pour passer et repasser Peinte par les abbé, religieux et domestiques de ladite abbaye, entretenir les édifices de pel et torche et couvertures, fournir trois livres de beurre par chacune sepmaine, etc. »
On voit par la condition du bail que nous avons soulignée que, quoiqu'on en ait dit, il n'a point existé de pont entre la ville et Toussaints-Dehors, et que le passage s'effectuait par eau lorsqu'il y avait lieu. On pourrait objecter qu'il en était peut-être autrement avant la démolition de l'ancienne abbaye ; il n'en est rien ; un document de 1422 nous apprend que déjà à cette époque l'accès de Toussaints-Dehors n'était possible que par eau. On lit en effet dans le journalier de l'abbé Nicolas des Mailles : « Jehan Rogicr est loué pour faire le passage à la nef de Toussaints, lequel il doit faire bien loyaument et diligemment ung an entier ; et pour ce faire doit avoir dix livres tournois et douze boisseaux de seigle. »
Un passeur était d'autant plus nécessaire que la maison abbatiale était alors située dans le ban de l'Ile, près de l'hôpital Saint-Nicolas, par conséquent séparée de l'église et lieux réguliers par un bras de la Marne.
C'est en 1562 seulement que la ville fit établir sur ce terrain de Toussaints-Dehors, alors qu'il n'y avait plus ni abbaye, ni religieux, un hôpital ou lazaret pour les pestiférés.
La ferme de Toussaints-Dehors subsista jusqu'à la Révolution ; elle consistait alors en bâtiments, cour, jardins, chenevières, terres et prés, louée par bail du 1er février 1788 moyennant 1,200 livres en argent, 30 setiers de froment et 300 bottes de foin. Elle fut vendue comme bien national le 4 février 1791, à M. Lierre-Mathieu Dagonel, moyennant 66,000 livres.
Source : Topographie historique de la ville de Châlons-sur-Marne par Louis Grignon 1889.