photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies
(...) Enfin on atteint le château, qui, de ce côté, ferait à peine deviner les décombres qu'il renferme : les douves extérieures sont des prairies ; on en fait le tour, et l'on se rend par la porte du sud à demi-démolie, ornée de deux tourelles de briques, et qui sert aujourd'hui de porte de ville. C'est là que commencent les murailles fortifiées qui environnaient le vieil édifice et les maisons qui s'étaient groupées à ses pieds. Ces murailles, qui défendent encore la ville, ont été élevées par Olivier Ier de Clisson, augmentées par le Connétable et réparées par François II, duc de Bretagne. Du point où l'on est, ou peut étudier la savante combinaison de ces fortifications, qui datent d'une époque antérieure a la découverte de l'artillerie, et qui font encore l'admiration des ingénieurs.
A côté de cette porte, on monte sur le boulevard, garni d'arbres dans sa longueur et qui offre une promenade paisible dans un lieu qui a vu tant de combats. On arrive aux secondes douves, remplies d'acacias, de pins, et on s'introduit par la petite porte de l'esplanade, sur laquelle s'attachent des graminées, des violiers, et où deux pieds de lierres gravissent de chaque côté, pour remplacer par des colonnes naturelles, celles que le temps va achever de détruire.
A l'aspect de ces fleurs, de ces arbrisseaux, implantés dans les pierres déjointes, l'esprit ne songe plus avec amertume à la vanité de nos travaux ; mais il s'identifie, en quelque sorte, avec cette nature qui fait sortir la vie du théâtre même de la mort. La nature, en effet, n'est jamais plus belle que là : elle nous fait voir que les ouvrages les plus pompeux des hommes s'anéantissent et que les siens ne meurent jamais.
L'entrée ordinaire est par la grande porte du nord. Elle est accompagnée d'une plus petite qui, comme elle, avait son pont-levis. A gauche, des lierres descendent en guirlandes sur ces murs antiques, et cet arbuste, dont les anciens couronnaient les déités champêtres, tapisse aujourd'hui, de ses festons toujours verts, ces débris dont la structure massive n'atteste que le génie belliqueux des temps féodaux. Les créneaux mutilés laissent à découvert, au-dessus d'eux, les branches de deux ormeaux. Ces arbres, sous lesquels les poètes aiment à représenter les danses du village, ont envahi la demeure déserte des héros d'autrefois. C'est ainsi que, dans ce lieu, les végétaux qui sont l'emblème du deuil sont dispersés dans les bosquets, et que ceux qui rappellent des scènes plus douces, aident à cacher la nudité des ruines.
Source : Voyage à Clisson par Edouard Richer