Château de Clisson

Le château de Clisson, autrefois très fortifié, bâti sur un roc au bord de la Sèvre et en face de l'embouchure de la Moine, était encore regardé, au XVIIe siècle, comme un des remparts de la Bretagne ; il domine cette cité, et fut le berceau et le principal fief de l'illustre maison dont il porte le nom. La ville, élevée sur des collines et sur des rochers de granit qui encaissent les deux rivières de la Sèvre et de la Moine, produit, par ses constructions dans le goût des fabriques italiennes, des tableaux pittoresques qui rappellent particulièrement les sites de Tivoli.

Les deux petites rivières qui arrosent ce pays fertile, prennent leur source dans deux départements limitrophes ; la Sèvre commence au-dessus de Châtillon, dans la commune de Beugnon, arrondissement de Niort (Deux-Sèvres), et la Moine, dans la forêt de Vezins, à l'étang de Péronne (Maine-et-Loire). Elles roulent l'une et l'autre à travers des roches de granit qui opposent des obstacles continuels à la rapidité de leur cours. Dans la Moine, ces accidents forment à chaque pas de superbes cascades ; mais dans la Sèvre, qui est beaucoup plus large et plus profonde, la grande différence des niveaux produit des cataractes d'un effet imposant ; elles animent, par leur bruissement, ce silencieux paysage dont l'aspect agreste donne l'idée des premiers âges de la nature.

Clisson possédait, avant la révolution, une haute justice qui ressortissait au présidial de Nantes ; elle renfermait cinq églises paroissiales : Notre-Dame, la Trinité, Saint-Gilles, Saint-Jacques et la Madeleine-du-Temple, qui était une commanderie de l'Ordre de Malte. Il y avait deux prieurés, l'un à la Trinité, l'autre à Saint-Jacques, et Notre-Dame avait un chapitre de chanoines qui fut fondé le 5 février 1407, par testament du connétable de Clisson, qui dota cette collégiale de sa terre et baronnie de Montfaucon, ne se réservant pour lui et ses successeurs que la collation des prébendes et bénéfices ; il fonda également à Clisson le couvent des Cordeliers, par un codicille en date du 6 du même mois. Il existait aussi un couvent de Bénédictins, appelé le monastère de la Trinité, fondé, en 1105, par des moines Augustins ; mais ces moines ayant été réunis par la suite aux opulents Bénédictins de Vertou, ils cédèrent cette maison à des religieuses de leur ordre. qui la possédèrent jusqu'en 1789, époque de la suppression en France de toutes les communautés religieuses.

Un hôpital augmentait encore le nombre des édifices de cette petite ville ; mais, en 1793, l'insurrection vendéenne ayant fait de cette contrée le théâtre d‘une des plus affreuses guerres civiles qui aient jamais ensanglanté la France, Clisson, qui était au centre de cette guerre, y prit une part très active, perdit beaucoup d'habitants, et fut entièrement réduite en cendres.

Il est difficile de dire quelque chose de positif sur l'existence ou l'importance que pouvait avoir Clisson avant le Ve siècle. Cependant on assure que les Romains ayant tracé une route qui allait de Condivicnum, aujourd'hui Nantes, à Limonum, Poitiers, cette voie antique passait par Clisson, Tiffauges, Mortagne et Bressuire, ce qui prouverait suffisamment l'existence de cette petite ville du temps de la domination romaine dans les Gaules. On remarque d'ailleurs, en comparant les diverses divisions géographiques faites par les empereurs Auguste et Adrien, que le pays de Clisson devait faire partie de la Gaule Aquitanique, dont il ne fut probablement détaché pour servir de frontière à l'Armorique, et depuis à la Bretagne, que vers le temps où les Wisigoths pénétrèrent dans l'Aquitaine.

Le château de Clisson, dont on voit actuellement les ruines, fut rebâti en grande partie, en 1223, par Olivier ler, sire de Clisson, sur l'emplacement qu'occupait l'ancien manoir de sa famille, et cet antique manoir avait lui-même autrefois remplacé les fortifications élevées dans le Bas-Empire ; on croit que ces fortifications avaient été détruites par les Normands, dans les courses que ces barbares firent dans ce pays depuis le commencement du IXe siècle jusqu'au milieu du Xe, ou par des guerres féodales dont l'histoire ne nous a pas conservé le souvenir. Ce même Olivier ler fit également entourer la ville de fortes murailles : Clisson devint dès lors une place régulière ; elle arrêtait les armées formidables, et celles même de nos jours ne l'eussent pas méprisée si l'on eût entretenu ses fortifications. Le connétable, cent cinquante ans après, fit achever et augmenter ces remparts ; et le duc de Bretagne, François II, les fit entièrement réparer en 1464.

Le sire de Clisson, Olivier Ier, s'était croisé, en 1218, avec plusieurs chevaliers et seigneurs bretons. Il est probable que ce fut à son retour qu'il fit construire cette forteresse dans le genre de celles qu'il avait vues en Syrie et sur les bords du Jourdain, car il est bon de remarquer, à cette occasion, que la plus grande partie des châteaux bâtis. en Bretagne du temps des croisades, ne tiennent en rien au style gothique qui régnait alors ; c'est de l'architecture mauresque ou sarrasine dans toute sa pureté ; le plan, l'élévation et les détails de celui de Clisson ont complètement ce caractère : on a même remarqué que les profils et la forme des créneaux et des mâchicoulis étaient parfaitement semblables à ceux du château de Césarée dans la Palestine, vulgairement appelé la Tour des Pélerins.

Dans les siècles antérieurs à celui où les progrès de l'artillerie firent entièrement changer le système de défense des places fortes, le château de Clisson était regardé comme un chef-d'œuvre de fortification, et les ingénieurs de nos jours l'admirent encore. Son plan est irrégulier, et cette irrégularité est moins l'effet de la nature du terrain que celui d'une combinaison savante qui en défendait l'approche et la sape ; aussi, dans les divers sièges qu'il soutint, les armées, qui ne purent s'en emparer par capitulation, furent obligées, après de vains efforts, d'en lever le siège ; et, pour le battre en brèche, le canon ne fut d'aucun secours à Henri IV et au duc de Mercœur ; leurs boulets échouèrent contre des murs de seize pieds d'épaisseur, fondés sur un roc de granit.

La principale porte du côté de la ville était masquée par un bastion ; cette porte, du plus beau caractère d'architecture mauresque, est accompagnée de hautes murailles qui se prolongent jusqu'aux tours qui en flanquent les extrémités, et ces belles lignes produisent l'effet d'une superbe décoration théâtrale.

Olivier Ier ne donna d'abord à ce château que cette seule entrée : mais il pratiqua plusieurs poternes et Issues masquées, ouvertes sur la campagne par de nombreux souterrains, qui, dans ces temps reculés, étaient une des principales défenses des forteresses ; et aux XIIIe et XIVe siècles le château de Clisson était célèbre en ce genre, au même degré que ceux d'Auray, de Josselin, de la Roche Derrien, de Chantocé, de Derval, de Chanteauceaulx, de Craon et de Châteaubriant, illustrés dans les temps de la chevalerie par tant de brillants faits d'armes. Outre la double enceinte de murailles et de fossés qui entouraient le château du côté de la campagne, on y ajouta encore, vers la fin du XIVe siècle, des bastions, des remparts, et un large fossé extérieur, avec une contre escarpe et des glacis. ll est probable que ces ouvrages modernes furent élevés au temps des guerres de la Ligue ; car l'histoire de Bretagne fait mention qu'à cette époque les états firent considérablement fortifier ce château, et que, jusqu'à la pacification d'Angers, ils y entretinrent une forte garnison. Cette place aurait été susceptible, de nos jours, d'être encore avantageusement défendue avec de l'artillerie ; mais un abandon de près de deux siècles avait déjà mis ces fortifications en état de ruine, lorsqu'en 1793 l'armée républicaine, dite de Mayence, s'en étant emparée de vive force, acheva de les détruire ; et quoique cette forteresse fût alors ouverte de tous côtés, et qu'elle n'offrit plus qu'un amas de décombres, les troupes s'y réfugièrent néanmoins, et pendant la durée de cette guerre elles en firent une place d'armes, où elles n'éprouvèrent jamais les funestes résultats de ces attaques subites et terribles, si familières aux Vendéens.

Pour éviter toute surprise, on plaçait une sentinelle sur la principale tour ; elle pouvait facilement, de cette hauteur, découvrir l'approche de l'ennemi et donner l'alarme ; car de cette tour, la vue se porte à plus de quatre myriamètres de rayon. Ce château n'était pas moins fortifié dans l'intérieur qu'à l'extérieur ; et pour pénétrer de vive force dans la dernière cour où se trouvaient les bâtiments qui servaient à l'habitation seigneuriale, il fallait d'abord se rendre maître de deux bastions et du donjon : ces fortifications intérieures étaient également défendues par des fossés, des poternes, des mâchicoulis, des ponts-levis et des herses ; mais, depuis longtemps, la végétation s'est emparée de toutes ces constructions abandonnées, et la crête de ces vieux murs est actuellement revêtue de masses de chèvrefeuille, de rosiers, et d'autres arbustes odoriférants dont les fleurs retombent en guirlandes sur ces décombres qui rappellent tant de souvenirs.

Dans le bastion de la première cour on remarque deux ormes qui ont plus de quatre mètres de circonférence, et qui couronnent majestueusement ces hautes murailles ; les branches énormes de ces arbres vénérables, que la nature a produit d'elle même et par hasard, se sont fait jour à travers des créneaux à demi ruinés ; et ces ouvertures gothiques, qui lançaient autrefois tant de traits meurtriers, sont ombragées aujourd'hui par de superbes rameaux que le vent agite et balance mollement dans les airs.

Ce château fut confisqué, en 1420, par Jean V, duc de Bretagne, sur la famille de Clisson, et possédé, jusqu'en 1480, par la maison régnante de Bretagne. A cette époque il fut donné, par le duc François II, à François d'Avaugour, son fils naturel ; mais cette maison s'étant éteinte, en 1746, par la mort de Henri-François de Bretagne de Goello, comte de Vertus, baron d'Avaugour, le prince de Rohan Soubise hérita d'une partie de cette terre : non-seulement il n'eut point le désir de visiter ce château, mais il renonça même à l'habiter ; et à peine fut-il en possession, qu'il en fit vendre tous les meubles et transporter ailleurs les archives. Tous les logements furent alors donnés gratuitement à divers particuliers, qui les occupèrent jusqu'à l'incendie de 1793, où tous les bâtiments modernes que les seigneurs de la maison d'Avaugour avaient fait construire furent entièrement détruits par le feu. Après la mort du prince de Rohan Soubise, en 1787, divers héritiers se partagèrent encore les terres ; et le château sans dépendance étant tombé, en 1791, dans les domaines du gouvernement, il fut cédé, dix ans après, à la caisse d'amortissement, qui mit cette ruine en vente en 1807.

Il existait au milieu de la dernière cour un très-beau puits, taillé dans le roc et extrêmement profond ; il est actuellement comblé : des scènes horribles. ensanglantèrent ce lieu en 1793 et 1795. La moitié du donjon s'écroula verticalement vers le milieu du XVIIe siècle : on ignore si cette chute fut l'effet d'un tremblement de terre ou d'un vice de construction ; mais la partie qui est restée debout doit longtemps encore, par sa solidité, défier le temps et ses outrages.

D'anciennes traditions assurent qu'il existait autrefois sur la plate-forme de ce donjon un fanal, que l'on allumait tous les soirs polir guider les voyageurs exposés à s'égarer pendant la nuit dans un pays excessivement couvert et où il n'y avait point de grande route : ce fanal pouvait aussi servir, dans les temps de guerre, à donner des signaux, à indiquer la place aux troupes qui venaient à son secours, et à diriger la garnison lorsqu'elle faisait des sorties ou des excursions nocturnes dans cette contrée, que l'on peut aujourd'hui comparer à un labyrinthe inextricable.

Source : Notice sur la ville et le château de Clisson 1841.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 70788
  • item : Château de Clisson
  • Localisation :
    • Pays de la Loire
    • Loire-Atlantique
    • Clisson
  • Code INSEE commune : 44043
  • Code postal de la commune : 44190
  • Ordre dans la liste : 2
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : château
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 5 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 13e siècle
    • 1ère moitié 13e siècle
    • 14e siècle
    • 15e siècle
    • 16e siècle
  • Type d'enregistrement : ZPPAUP
  • Dates de protection :
    • 1924/08/13 : classé MH
    • 2004/08/30 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/11/22

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site archéologique : 44 043 1 AH
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :6 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • tour
    • douves
    • fossé
    • pont
    • bastion
    • douve
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers : 3 informations diverses sont disponibles :
    • propriété de la commune
    • propriété du département
    • propriété privée 1992
  • Détails : Les restes du château : classement par décret du 13 août 1924 - Les éléments suivants des remparts (cf plan annexé à l'arrêté) : bastion sud-est, fin 16e siècle (cad. AK 192), bastion sud, fin 16e siècle (cad. AK 184), rempart de liaison entre les bastions sud et sud-est (cad. AK 190, 191), tour médiévale de l'ancienne enceinte de la ville (cad. AK 206), tour ronde de l'ancienne enceinte de la ville dite "cul chaud" (cad. AK 38), terrains d'assiette du système de défense entre le château médiéval et les deux bastions sud, fin 16e siècle (cad. AK 186 à 191, 193 à 196, 155 à 158), les douves nord du château (cad. AK 148, 149), le pont maçonné reliant la rue du Château au château (non cadastré), les terrains d'assiette des douves ouest du château (cad. AK 153, 154), les sols nus des fossés (glacis de protection avancés sous les bastions) (cad. AK 159, 169 à 171, 185, 755, 180, 181, 754, 183, 748, 749) : inscription par arrêté du 30 août 2004
  • Référence Mérimée : PA00108588

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies