photo : Lumière du matin
L'ancien nom latin de Nexon est Anexonium, on en a d'autres preuves. La paroisse de Saint-Martin-le-Vieux, dont il est question dans l'inscription, est à huit kilomètres au nord-ouest de Nexon. A l'aide des cartes de Cassini, on constate qu'il s'y trouve un hameau de La Brugière, ancien domaine ou lieu de naissance du curé donateur. Comment le chef de saint Ferréol, évêque de Limoges au VIe siècle, était-il possédé par une église de campagne ? C'est ce qu'explique très-bien un passage du père Bonaventure de Saint-Amable. A l'époque où les reliques fuyaient les grandes villes devant les invasions normandes, et se retiraient dans les châteaux les plus forts du pays, le seigneur de Lastours se chargea de protéger contre les profanations le chef de saint Ferréol, qu'il garda ensuite, et que ses descendants finirent par donner à l'église de Nexon, la plus importante qu'offrît leur baronnie.
Après le texte, examinons le monument. M. Jules de Verneilh l'a dessiné avec le plus grand soin, de face et de profil, et s'est plu à le graver sur cuivre. On pourra donc juger du talent d'Aymeric de Chrétien : il n'avait pas fait précisément un chef-d'œuvre : la tête de saint Ferréol ressemble plutôt au portrait de quelque jeune évêque, un peu mondain, du XIVe siècle qu'à l'image idéale d'un saint. Ses moustaches sont retroussées, et sa barbe frisée avec trop de recherche. La figure me paraît courte, et la physionomie singulière. Mais le buste est modelé au repoussé avec beaucoup de précision, et retouché au ciselet avec une grande finesse. Il faut louer aussi la forme originale du plateau sur lequel repose le chef de saint Ferréol: elle serait digne d'être imitée, car elle s'adapte parfaitement à l'ovale de la poitrine, et ne manque pas d'élégance. On remarquera que la croix pectorale du saint évêque s'étale sur une des ogives saillantes du plateau. La mître, ornée de cabochons et de riches ciselures, est mobile, et s'enlevait pour laisser voir le crâne du saint, que l'église de Nexon conserve toujours, mais dans un autre reliquaire en argent, d'origine assez récente. En regardant à l'intérieur de la tête, on observe qu'elle est formée de plusieurs pièces de cuir jaune, assemblées et soudées avant la dorure.
Quant aux émaux, ils se réduisent à l'inscription, dont tous les creux sont remplis d'émail vert, et aux quatre-feuilles tracées sur le devant et sur le derrière de la mître. Les fonds de ces quatre-feuilles sont aussi de couleur verte, avec quelques points rouges noyés dans la pâte. Il est est de même des nimbes et des terrains, dont la nuance est seulement un peu plus claire. Les figures sont réservées dans le métal, et tous les traits sont rehaussés d'émail rouge, comme c'est l'usage au XIVe siècle. A cela près, la méthode suivie par Aymeric de Chrétien n'a pas varié depuis cent cinquante ans. Il n'a nullement essayé, par exemple, de faire des émaux translucides, ainsi qu'on en faisait alors en Italie et à Paris : les siens sont parfaitement opaques, et même assez ternes de ton.
Le chef de saint Ferréol n'en est pas moins une œuvre très précieuse à tous égards, et vous vous féliciterez, Messieurs , qu'elle ait été conservée dans l'église même pour laquelle elle avait été faite. Elle a plus de prix à Nexon que partout ailleurs, et vous direz avec moi qu'elle doit y rester toujours. Elle est en assez bon état pour reprendre sa première destination; mais, en fût-il autrement, la fabrique devrait encore la garder, quelque prix qu'on en offre. C'est un modeste trésor que celui de Nexon; mais, grâce au chemin de fer, il aura ses visiteurs comme ceux de Conques et d'Essen, et il fera honneur à la paroisse qui le possède.
Source : Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin par Société Archéologique et Historique du Limousin 1863.