Eglise

L'église paroissiale de Joinville, dédiée à Notre-Dame en sa nativité, offre avec l'église de Blécourt, qui dépend de la même circonscription cantonale, une analogie marquée, pour ne pas dire une identité frappante. Plus ancienne, de lignes moins correctes et de proportions moins heureuses, elle appartient comme elle à cette époque de transition où le style roman allait céder la place au gothique et où le plein cintre, à demi détrôné, s'alliait encore à l'ogive victorieuse et envahissante1.C'est peut-être autour de ces monuments mi-partis,dit avec raison un écrivain moderne, que s'est amassé le plus d'incertitude et d'obscurité. Vieillir ce qui est ancien est un plaisir auquel bien peu d'esprits savent résister. C'est là ce qui explique l'empressement avec lequel on s'appuie sur des textes ambigus ou mal interprétés pour donner à quelques monuments une antiquité exceptionnelle et merveilleuse.

Des traditions incertaines, des archives presque muettes et des historiens peu clairvoyants, voilà pour la fondation de l'église de Joinville, comme pour tant d'autres, les seules ressources dont on puisse disposer.

Edme Baugier, doyen du présidial de Châlons, qui écrivit au commencement du dix-huitième siècle des mémoires historiques sur la province de Champagne, en parle en ces termes:

« L'église N.-D., qui est la paroisse, a été fondée par les anciens seigneurs de Joinville; la charpente du chœur passe pour un chef-d'œuvre en matière de ces sortes d'ouvrages. Thibault le Grand, comte de Champagne, et Mathilde, son épouse, ont fait réparer cette église et fait faire le portail qui subsiste encore aujourd'hui, et qui était assez beau pour ce temps-là. On y voit les statues de ce prince et de cette princesse, qui y sont demeurées en leur entier avec les marques des bienfaiteurs de cette église. »

Mais un manuscrit de 1632 que nous avons eu déjà l'occasion de citer dans une notice précédente, fait remonter jusqu'à Jovin, fondateur présumé de Joinville, la construction de l'église paroissiale, « laquelle, dit le narrateur, se trouve si ancienne, qu'il n'en serait demeuré a aucun instrument escript. » Il donne des deux statues du portail la description suivante: « L'une, au costé droit, est d'un seigneur présentant à Dieu ceste église en l'une de ses mains, et de l'autre tenant un rouleau pendant, auquel y avoit quelques écritures effacées par le temps; icelui personnage portoit une couronne en teste, en forme de delta ou pointes de rayons; l'autre figure au costé senestre est d'une dame ayant diadème en forme de trèfle; esquelles deux couronnes restent quelques vestiges d'or. Et quant au vestement du seigneur, il est en forme de cotte d'armes de couleur rouge ou pourprine selon les marques qui en restent. D'où nous pouvons conjecturer, poursuit l'écrivain, que ce sont les effigies de Jovin et de son espouse. »

Si nous avions à opter entre les deux interprétations, nous serions disposé à croire, avec Baugier, que ces effigies devaient rappeler le souvenir des seigneurs de Champagne ou des sires de Joînville, plutôt que celui de Jovin et de sa femme, qui vivaient sous l'empereur Valentinien, au quatrième siècle de notre ère.

Aucune charte, aucun livre ancien ne parle de la construction de l'église de Joinville. On voit bien, de 1250 à 1273, figurer dans quelques actes, soit «Maistre Raous, curé, » soit « Bertrand, doyen de la chrestienté et curé de Joinville, » mais nulle part il n'est question de l'église Notre-Dame.

En l'absence de documents écrits on ne peut qu'interroger l'architecture et tirer de son examen des inductions plus ou moins concluantes pour la date de la construction. Notre-Dame de Joinville paraît appartenir à la fin du douzième siècle ou au commencement du treizième.

A l'extérieur, la rose du portail, les trois fenêtres et la rose de l'abside; à l'intérieur, le triforium et les arcatures figurées, sont du plein cintre; les arcs des travées, les voûtes et la plupart des baies offrent la brisure ogivale.

Placée au centre de la ville, mais environnée de maisonnettes et de boutiques qui se sont établies entre les contre-forts et qui gâtent ses lignes extérieures, l'église paroissiale n'est pas sans intérêt sous le rapport de l'art; elle n'est plus assez vaste pour la population de nos jours. On y pénètre par trois portes: l'une au nord, qui ne mérite pas d'être autrement mentionnée; l'autre au midi et la troisième à l'ouest. Cette dernière, qui forme l'entrée principale, est précédée d'un portique d'environ cinq mètres carrés, décoré de pilastres d'ordre toscan et remontant tout au plus au seizième siècle. On a regardé souvent et bien à tort cette construction comme étant la plus ancienne partie de l'église. Sans doute elle aura remplacé quelque ancien porche qui menaçait ruine, et dont on pourrait encore trouver des traces, mais elle n'a rien qui puisse intéresser l'archéologue ou l'historien.

Dans deux niches extérieures, deux apôtres d'exécution médiocre figurent où se voyaient jadis les deux statues dont nous avons parlé plus haut; ces statues ont été brisées en 1794. Le tympan de la porte principale est veuf de ses sculptures, seulement il reste un bas-relief mutilé qui présente quelques scènes de la vie de la Vierge, patronne de l'église. Les tores et les zigzags composant l'archivolte sont d'un certain mérite; on y découvre la trace de la peinture et de l'or qui ont dû les recouvrir autrefois. L'ensemble de cette porte et toute la façade ouest du monument, méritent de fixer l'attention de l'observateur.

On descend à l'église par un escalier semi-circulaire de douze marches. Le vaisseau n'offre point à l'intérieur la croix latine que dessinent les arêtes des toits, il se divise en trois nefs aboutissant à des autels et se terminant carrément. La nef principale se compose de quatre travées; de chaque côté, comme à Blécourt, on a figuré une galerie ou triforium à cintres géminés; des fenêtres ogivales, mais d'une date postérieure, ont été percées au-dessus de cette galerie. Les piliers ont leurs chapiteaux ornés de crochets et de feuillages, ces ornements ont été mutilés ou cachés sous le badigeon. Le chœur est moins élevé que la nef, le sanctuaire moins élevé que le chœur.

Jadis l'abside, comme la partie occidentale, était éclairée par une rose romane et par trois fenêtres symboliques qu'on aperçoit encore du dehors; mais, depuis longtemps un retable cache ces ouvertures, et deux grandes baies ouvertes à droite et à gauche du sanctuaire lui versent de la lumière.

Du côté méridional on a construit, au seizième siècle, une chapelle dédiée à saint Crépin; les fenêtres, de forme disgracieuse, aussi larges que hautes, conservent quelques panneaux de vitraux coloriés dans le goût de l'époque. Au nord, on a aussi ouvert une chapelle placée jadis sous le vocable de saint Memmie, patron du diocèse de Châlons; elle est sans intérêt.

Plusieurs fois l'église paroissiale a été atteinte par l'incendie. En 1544, notamment, l'empereur Charles-Quint, affligé de la perte du prince d'Orange, son neveu, tué au siège de Saint-Dizier, vint mettre le feu à Thonnance et à Joinville; le feu n'épargna pas le lien saint, les voûtes du chœur conservent encore des pierres calcinées et d'autres traces du fléau.

Claude de Lorraine, alors seigneur de Joinville, aida beaucoup, par ses libéralités, à la reconstruction des édifices dévastés par la flamme; le château, si l'on en croit la-tradition, soutint bravement l'attaque de l'ennemi et ne se rendit pas. C'est sans doute pour consacrer ce souvenir qu'on a frappé des médailles ou jetons au millésime de 1544, présentant d'un côté l'effigie du duc de Guise, dont nous parlons, et de l'autre les armoiries de sa maison surmontées d'une couronne ducale.

Vers 1580, on éleva le portail qui regarde la place; il est orné de colonnes cannelées dans le goût de la renaissance. Sur une plaque de marbre noir, placée au fronton, on lit cette sentence : "Fais ce que tu voudras avoir fait quand tu mourras". Les maisonnettes appliquées contre l'église, bâties en bois jusqu'alors, avaient favorisé l'incendie de Charles Quint, on les réédifia en pierres à la même époque.

L'intérieur de l'édifice a subi bien des révolutions. L'autel était très-anciennement entouré de colonnes et placé en deçà du mur; en 1667, un curé fit tout enlever; les colonnes furent vendues et l'autel repoussé contre l'abside; on démolit aussi plusieurs petits autels placés dans la nef et dans les collatéraux, et on abattit un jubé en bois établi à l'entrée du chœur. Toutefois on conserva jusqu'en 1770 au-dessous du jubé une lourde balustrade qui laissait à peine entrevoir le sanctuaire. A celte époque, M. Petitjean, curé de Joinville, détermina plusieurs confréries et quelques personnes pieuses à l'érection d'une grille en fer beaucoup plus légère; on la voit encore aujourd'hui.

Lors de la démolition du château, l'autel majeur de l'église seigneurale fut, avec son couronnement en cuivre, placé à l'église paroissiale; mais bientôt un ordre du Directoire le fit enlever et conduire à Chaumont ; le métal servit à couler deux canons du calibre de quatre, qui restèrent longtemps à la ville et furent envoyés à Auxonne en 1803.

Plus tard on éleva un mur devant la grille du chœur, lorsqu'on voulut y établir un club; mais le jour même où devait s'en faire l'ouverture arriva le décret abolissant toutes ces réunions.

La restauration la plus complète est celle qui eut lieu en 1837; le pavé et les bancs furent complètement relevés et remis à neuf. On acheva de remplacer par des grilles en fer les lourdes balustrades qui séparaient le chœur des chapelles latérales, et ces chapelles des nefs; toutes les boiseries furent repeintes et les dorures renouvelées; il est à regretter qu'on ait alors englué de peinture la chaire en bois sculpté donnée par Nicolas Madiot et qu'on l'ait couronnée d'un chou gothique dérobé au pupitre du chœur. Une couche de peinture à l'huile est venue également recouvrir la balustrade de l'orgue, dont les panneaux en bois sculpté offrent les plus heureuses variétés du style gothique.

Avant 1789, l'église Notre-Dame avait un doyen duquel dépendaient soixante curés. Plus anciennement, elle possédait un titre d'archidiacre à la cathédrale de Châlons; l'office s'y faisait presque à l'instar des collégiales, par cinq prêtres établis en 1585. Avant eux, les cordeliers de Sainte-Anne venaient y chanter les messes hautes. Trois chapelains de Saint-Memmie de Saint-Nicolas et de Saint-Claude se joignaient aux cinq prêtres ci-dessus; mais aujourd'hui restent seulement un curé et deux vicaires.

Nous ne quitterons pas l'église Notre-Dame sans jeter un regard de regret sur son clocher, naguère encore l'un des plus beaux de la province. Placé sur le chœur à la croisée du transept et s'élevant carrément sur huit à dix mètres de côté, il forme deux étages de hauteur inégale dont l'un est à jour. Des tourelles élégantes et légères ornent les quatre angles ; du milieu du dôme s'élevait une flèche surmontée d'une lanterne octogone et d'une croix en fer richement travaillée. Il y a quelques années, il a fallu couper la flèche à sa naissance; les solives étaient vermoulues et une ruine paraissait imminente. Depuis lors, la ville a perdu, pour toujours peut-être, le charme de son aspect. La fabrique, le conseil municipal et l'administration supérieure n'arriveront jamais sans doute, même en réunissant leurs efforts, à réparer ce désastre.

Le clocher renfermait anciennement six cloches. En 1793, cinq furent cassées, une seule resta, elle existe encore aujourd'hui. On y lit celte inscription : "Marie de Lorraine, duchesse de Guyse et de Joyeuse, paire de France, sénéchal héréditaire de Champagne 1684" ; elle pèse quatre milliers. En 1823, quatre nouvelles cloches sont venues peupler le clocher ; deux autres ont été ajoutées en 1850. L'horloge remonte à 1546.

Source : Mémoires, Volume 1 par Société historique et archéologique de Langres

photo pour Eglise

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 82587
  • item : Eglise
  • Localisation :
    • Champagne-Ardenne
    • Haute-Marne
    • Joinville
  • Code INSEE commune : 52250
  • Code postal de la commune : 52300
  • Ordre dans la liste : 5
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 16e siècle
    • 4e quart 16e siècle
  • Année : 1580
  • Date de protection : 1925/10/09 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/03/29

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : 0cfd81f13ebe808a6533f0ce2b494246.jpg
  • Détails : Eglise : inscription par arrêté du 9 octobre 1925
  • Référence Mérimée : PA00079079

photo : Lomyre

photo : Lomyre