photo : kristobalite
Blasimon, arrondissement de La Réole, canton de Sauveterre. Eglise abbatiale bénédictine. Vocable : saint Maurice ; l'autel affecté au service de la paroisse était dédié à saint Nicolas.
L'abbaye de Blasimon, qui est citée dès le Xe siècle, paraît avoir dépendu, suivant les époques, de La Sauve ou de Saint-Jean d'Angély. On n'a pas de documents sur la construction de l'église. Le monastère fut assiégé par les Huguenots en 1587 ; après plusieurs jours, les défenseurs « estoient sur la voûte, qui n'en pouvoient plus », quand les gens de Rauzan forcèrent les assaillants à se retirer.
La Gamage alimentait les fossés de l'enceinte. Ces fossés ayant été négligés, les alentours de l'église se transformèrent en marais.
L'édifice, longtemps mal entretenu, souffrit et souffre encore de cet état de choses. En 1844, J- Girard, architecte de la Commission départementale des Monuments historiques, fit un devis des travaux. Ce document, comme il arrive souvent en pareil cas, est très pessimiste : le mur de façade était, dit-il, « on ne peut plus dégradé » ; la porte ne pouvait être réparée « que par le remplacement presque total des douelles, tambours et chapiteaux » ; la fenêtre placée au-dessus de cette porte devait être démolie et refaite, etc.
A l'intérieur : « gratage et rejointage de la voûte et des murs », etc. En somme, on n'avait heureusement pas exécuté en entier le projet de Girard : dans la porte on avait logé des fûts, taillé maladroitement des bases, substitué des blocs bruts à deux chapiteaux et à la moitié d'un autre. du moins, presque toute la sculpture a été sauvée du désastre. On peut l'étudier de confiance.
L'église de Blasimon, dont l'orientation incline un peu vers le Nord, comprend trois travées de nef, plus une travée de chevet, laquelle est rectangulaire. L'axe de cette travée est brisé vers le Nord. Les quatre travées sont inégalement longues. Elles sont de deux ou trois 3 époques différentes, au XIIIe siècle, peut-être à suite d'un désastre, on jeta des voûtes sur l'ensemble du vaisseau.
Il est difficile de savoir comment la nef était couverte antérieurement à la construction des voûtes actuelles. Je n'ose pas faire étal de deux ou trois entraits grossièrement ouvragés pour conclure à l'existence d'une charpente apparente. Dans les angles Ouest, on a repris les supports et substitué aux assises supérieures d'une colonne engagée unique un faisceau de trois colonnes : peut-être la voûte était-elle en berceau brisé sur doubleaux, avec formeret aux deux bouts ; ainsi s'expliqueraient l'épaisseur des murs, la présence de colonnes engagées dans les angles et, peut-être même, le nombre des fenêtres et des contreforts. La voûte est aujourd'hui voûte est aujourd'hui de structure gothique, avec de vigoureux doubleaux de section carrée, avec des ogives et des formerets moulurés, de profil robuste. Les compartiments, surtout à l'Est, sont fortement bombés.
Les fenêtres latérales, très simples, sont généralement percées à raison de deux par travée, de chaque côté ; dans plusieurs travées, les appuis des deux baies sont à deux niveaux différents. Il existe à l'Est quatre baies, posées sur deux rangs, une, trois, et à l'Ouest une large fenêtre géminée.
La porte principale est à l'Ouest ; une autre porte, ouverte dans le flanc Sud de la travée du sanctuaire, donnait dans le cloître.
Un escalier, logé dans une cage carrée qui fait saillie sur le flanc Nord, conduit sur les voûtes ; il part à 4m30 au-dessus du sol actuel, et on l'atteint de la nef par une échelle volante.
L'extérieur comprend deux parties bien distinctes : d'une part la travée Ouest, de l'autre le reste de l'édifice. C'est principalement du côté Nord qu'il faut étudier l'extérieur ; une notable portion du côté Sud était englobée dans les bâtiments réguliers.
L'élévation Nord de la travée occidentale, bien que découronnée, bien que défigurée par l'addition d'un arc-boutant pesant, est l'un des plus jolis morceaux d'architecture romane dans la Gironde. A la travée intérieure deux travées correspondent extérieurement, séparées par un faisceau de trois colonnettes engagées, dont l'une soutenait la corniche, tandis que les deux autres portent la retombée d'arcs de décharge brisés.
Les fenêtres sont à colonnettes, avec tête d'arc et archivolte d'extrados décorées. La parenté est étroite entre cette ordonnance et celle de l'abside de Pujols.
L'analogie s'étend jusqu'à certains détails : deux fenêtres ont à peu près exactement la même décoration. Le flanc Nord est armé de contreforts, dont un est gothique, et qui sont plantés non pas seulement au droit des doubleaux, mais aussi à mi-longueur des travées.
Blasimon vaut surtout par sa façade : le pignon a été refait vers la fin du gothique ; les rampants sont garnis de crochets et lestés aux naissances par des pinacles, d'ailleurs mutilés. Les deux étages inférieurs sont divisés en trois compartiments par des colonnes accouplées, qui forment deux ordres superposés, à l'inverse des colonnes d'angle, lesquelles montent jusqu'en haut d'une seule venue.
La porte est la plus belle que l'art de cette époque ait produite en Gironde. Sur la voussure interne sont disposés quatre Anges ; sur la quatrième, quatre Vertus foulant aux pieds des Vices ; deux de ces Vertus portent à gauche, suspendu à la guiche, un écu rond du haut et couvrant la moitié du corps, pareil à l'écu de la lin du XIIe siècle ou du commencement du XIIIe ; l'archivolte externe porte des scènes de chasse ; le reste des voussures est couvert d'une flore stylisée. Les chapiteaux, tailloirs et corbeilles, forment une frise d'entrelacs et de feuillages entremêlés de personnages et d'animaux.
Le portail de Blasimon appartient à l'école poitevine ; il ressemble fort aux portails bien connus d'Aulnay ou de Parthenay. II faut l'ajouter à la liste de ces portes dont l'ornementation est inspirée de la Psychomachie. L'exécution est remarquable : la statuaire est étirée, amincie à l'excès, plus que dans les arcades latérales du porche de Moissac, presque autant que dans certaines œuvres bourguignonnes ; pour ce motif peut-être, les corps immatériels des Vertus et des Anges produisent un effet surprenant. Quant à la sculpture décorative, la vigueur du modelé, la multiplicité des côtes et des perles donnent une extraordinaire impression de richesse et d'éclat.
Les pentures, dont la technique offre de l'intérêt, ont été publiées par Viollet-le-Duc Les bâtiments claustraux sont en ruine. Certaines parties forcent l'attention : dans une fausse porte, la tête de l'arc est ornée de deux tores entre lesquels sont rangés des losanges et l'archivolte d'extrados est semée de pointes de diamant. Tout à côté est un groupe de chapiteaux étrange et troublant : le bas de la corbeille porte des plissements, qui font songer à un buste de chair enfermé dans un corselet de toile.
Source : Les vieilles église de la Gironde 1912.
Crédit pĥoto : Kistobalite sous licence CC BY-NC-ND 2.0
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