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La commune actuelle se compose de trois anciennes paroisses : Ajou, Mancelles et Saint-Aubin-sur-Risle, qui ont été réunies en 1792.
Le nom de cette paroisse est cité pour la première fois dans une charte de la seconde moitié du XIIe siècle, par laquelle Henri II, roi d'Angleterre, confirma la donation que Vauquelin de Mancelles et sa soeur avaient faite aux moines du Bec, du patronage de l'église d'Ajou, des dîmes de la paroisse, de la seigneurie et de 20 acres de terre près de l'église.
Quelques années après, l'abbaye du Bec échangea ses possessions d'Ajou, avec le chapitre d'Evreux, contre différents droits et avantages que les chanoines lui firent ; il fut stipulé, entre autres conventions, que l'abbé du Bec et ses successeurs seraient à perpétuité chanoines d'Evreux, sans être tenus à résidence, et que leur prébende se composerait des droits de patronage et autres qu'avait le chapitre à Saint-Aubin-d'Ecrosville, Marbeuf, la Roussière, Emalleville, Barc et Hellenvilliers.
Ici, comme partout, nous trouvons une famille portant le nom de la paroisse. Nous voyons en 1280 Raoul d'Ajou donner à l'abbaye du Bec le droit qu'il avait sur le moulin de Gadencourt, près de Meulan.
Les seigneurs du fief de Mesnil-Lucas ayant essayé à plusieurs reprises de s'emparer du patronage d'Ajou, au préjudice du chapitre, les chanoines obtinrent, en 1322, des lettres de Charles-le-Bel ordonnant au bailli de Rouen de leur en assurer la possession, et, en 1325, le vicomte de Pont-Audemer, lieutenant du bailli de Rouen, rendit une sentence pour faire exécuter les ordres du roi.
Ajou nous offre, au commencement du XVIe siècle, des renseignements curieux sur la possession des bénéfices à cette époque. Nous empruntons à M. Lebeurier le récit suivant :
« Etienne de Couches ou Conchéez, curé d'Ajou, venait de mourir à 2 heures de l'après-midi, le 11 novembre 1505, lorsque Jean Seurey, prêtre, partit d'Ajou pour se rendre à Rouen, franchit en quartre heures les douze ou treize lieues qui l'en séparaient, en changeant de cheval, et arriva à 6 heures du soir. Il se rend tout botté chez le cardinal Georges d'Amboise, pour lui annoncer la mort d'Etienne de Conches, et solliciter la cure d'Ajou, dont la collation, prétendait-il, appartenait au cardinal légat du pape. Le bénéfice lui fut accordé et il fut mis immédiatement en possession. Mais pendant que Seurey courait a Rouen, un autre prêtre, Jehan de Vétigni, courait à Evreux pour annoncer la mort du curé défunt à Jacques Baudoux, chanoine, qui était en tour de bénéfice, c'est-à-dire qui avait le droit de nommer aux bénéfices dépendant du chapitre et vacants, pendant la semaine, droit que les chanoines exerçaient successivement. Il y arriva à six heures du soir, précisément à la même heure que Seurey à Rouen ; messire Baudoux fit immédiatement assembler le chapitre devant le portail de la cathédrale et lui présenta, pour occuper la cure d'Ajou, Toussaint Lefrançois, clerc, qui fut agréé et mis en possession par le vicaire-général du diocèse, le 13 novembre 1505.
« Peu de jours après, Lefrançois résigna son bénéfice entre les mains de l'évêque d'Evreux, et le 17 novembre, Jehan Collas, chanoine, qui était semainier, présenta pour curé Jacques Baudoux lui-même, qui fut agréé et mis en possession le 23. Au mois de mars suivant, Seurey interjeta Clameur de Haro. Après plusieurs années de procédure aux assises de Beaumont-le-Roger, pendant lesquels les fruits et revenus du bénéfice furent placés sous séquestre, l'affaire fut portée au parlement, qui la termina par arrêt du 28 juillet 1508 dont voici le dispositif :
« La Cour en faisant et disant droit
« aux parties sur le principal de la matière, a mis et met ledit Seurey en amende dudit haro, a maintenu et gardé, maintient et garde ledit Baudoux en la possession et jouissance dudit bénéfice d'Ajou, fruits et revenus d'iceluy, lève le séquestre à son prouffit et condamne Seurey en restitution des levées se aucunes en acueillées et perceues ou empêchées cueillir et percevoir et le condamne aux dépens. »
En 1519, le chapitre abandonna aux curés de la paroisse la seigneurie d'Ajou en se réservant seulement la collation du bénéfice ; aussi, à partir de cette époque les curés prenaient la qualité de seigneurs temporels et spirituels et payaient au chapitre une rente de 41.5 sous.
Cet état de choses dura jusqu'à la Révolution, qui s'empara des biens et les vendit au profit de la nation. Le dernier curé,seigneur temporel, fut Henri Barde, qui l'était encore en 1790.
Source : Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l'Eure, par Charpillon et Anatole Caresme 1868.