cathédrale Notre-Dame

L'Église cathédrale de Chartres

Malgré les nombreux ravages commis à la suite des événements de 1789, la France moins connue que beaucoup de contrées lointaines, possède encore une multitude de monuments du moyen-âge, aussi remarquables par leurs grandes dimensions, que par le caractère et la richesse de leur architecture. Ces monuments élevés par la piété de nos rois, des seigneurs particuliers, des évêques et des fidèles en général, ont été heureusement préservés de la destruction, par le zèle et la bienveillance de plusieurs citoyens de chaque ville, qui se sont intéressés à leur conservation. De ce nombre est l'église cathédrale de Chartres, l'un des temples les plus vastes et les plus imposants que l'architecture ait produits dans le moyen-âge .

L'étude des monuments de cette période, est une école aussi utile pour l'histoire de l'art, que pour celle de nos moeurs et de nos usages. Elle nous apprend des faits intéressants que nous chercherions en vain dans les écrits du temps. A cette époque reculée où les sciences et les arts étaient en quelque sorte relégués dans les cloîtres, on n'avait guère que le secours des pierres et des marbres pour transmettre à la postérité, les faits qui pouvaient l'intéresser ou l'instruire. C'est sur les murs des édifices religieux que le peuple, tant des villes que des campagnes, apprenait à connaître les mystères de la Religion. Des tableaux peints sur verre ou sculptés sur la pierre, parlaient continuellement à ses yeux et gravaient profondément dans sa mémoire les préceptes qu'il recevait de la bouche de ses ministres. En plaçant sous les yeux des fidèles, des traits de l'histoire sainte ou de l'histoire civile, on voulait rendre plus sensibles les vérités de la Religion ou les principes de la morale.

Tel a été le but des différents architectes qui ont dirigé la construction des temples improprement appelés gothiques, et spécialement de celui de la cathédrale de Chartres, dont toutes les sculptures et les peintures sur verre, attestent la simplicité des siècles qui les ont produites, en même temps qu'elles présentent par la variété des formes, l'état de l'art, aux différentes époques qui ont précédé sa renaissance.

L'origine des temples consacrés à la divinité, justifie le zèle et la persévérance des premiers pasteurs pour la propagation de la Foi. Cette origine toujours enveloppée d'un voile mystérieux, exige un examen particulier dans celle de l'église de Chartres.

Toutes les traditions s'accordent à placer dans le pays des Carnutes ou des Chartrains, aujourd'hui le département d'Eure-et-Loir, la résidence habituelle des anciens chefs des Druides ou prêtres Gaulois. C'est dans cette contrée, qu'ils avaient établi l'un de leurs principaux collèges ; là se trouvait aussi le sanctuaire consacré à l'exercice de leur culte ; ils y célébraient à la renaissance de l'année, la cérémonie du Gui-de-Chêne qu'ils allaient détacher avec une serpette d'or pour le distribuer en forme d'étrennes.

dessin François-Gabriel-Théodore Basset de Jolimont

Les Druides dont la doctrine n'est pas parfaitement connue, étaient tout à la fois, les prêtres, les philosophes, les littérateurs et les médecins des anciens Gaulois-Celtes. Ils avaient pour principe de ne rien écrire ; c'était chez eux une loi fondamentale de ne point révéler les mystères de leur système religieux. Ces ministres les dérobaient à la connaissance du vulgaire, en les enveloppant sous des fables, sur lesquelles ils fondaient les pratiques puériles, superstitieuses ou même barbares de leur culte. Enfin ils réunissaient tout ce qui peut tendre à affermir l'autorité, et à subjuguer les hommes par la crainte et l'espérance.

Les premiers établissements ecclésiastiques ont presque tous été placés dans les lieux où les Druides avaient coutume de vaquer à l'exercice de leur culte : voilà, sans doute, ce qui a donné lieu de croire que la cathédrale de Chartres, dont la construction primitive remonte à l'établissement du christianisme dans les Gaules, avait été bâtie sur l'emplacement d'un ancien temple de Druides.

Cette assertion ne serait pas assez convaincante, quand même l'on ignorerait que c'était sous l'ombrage des plus épaisses forêts, que les Druides se livraient à la prière et à la contemplation : ils n'avaient point d'autres temples, et croyaient que d'en élever un, eut été renfermer la divinité qui ne peut être circonscrite.

Plusieurs anciens-manuscrits attestent qu'il existait à Chartres un bocage sacré et une grotte sur le sommet de la montagne sur laquelle a été érigée l'église principale, et que les Druides ayant appris par une révélation particulière qu'une vierge enfanterait pour le salut du monde, y établirent un culte en son honneur, et lui élevèrent un autel au dessus duquel fut placée l'image de la mère du Sauveur, tenant son fils sur ses genoux, avec cette inscription : Virgini Paiuturae. Sans entrer dans plus de détails sur ce fait apocryphe, qui a donné lieu à de longues et fastidieuses dissertations, il suffit de dire qu'on peut considérer comme une chose certaine que saint Savinien et saint Potentien, fondateurs de l'église métropolitaine de Sens, vinrent à Chartres, et que saint Aventin leur disciple, qu'on reconnaît pour le premier évêque de cette ville, y jeta les fondements de la première église, vers la fin du troisième siècle.

La persécution qu'éprouva cette église naissante, sous la domination romaine, fit un grand nombre de victimes : plusieurs furent précipitées dans un puits vulgairement appelé le Puits des saints Forts, en mémoire du généreux dévouement des premiers chrétiens.

Cependant l'exercice public de la Religion chrétienne ayant été autorisé en 313, par l'empereur Constantin, les Chartrains nouvellement convertis, qui s'étaient rassemblés jusqu'alors dans des lieux secrets pour éviter la persécution, s'empressèrent conjointement avec leur évoque, d'élever un temple à la divinité, sur l'emplacement de celui que nous voyons aujourd'hui.

Cette première basilique de Chartres dont on ignore la forme et l'étendue, subit le sort commun à la plupart des édifices religieux de cet âge ; elle fut incendiée vers l'année 858, par les Normands, qui entrèrent dans la ville, sous le prétexte d'y recevoir le baptême et de rendre les honneurs de la sépulture à Hastings leur chef, qu'ils supposèrent mort, et mirent tout à feu et à sang.

Ayant été réparée par l'évêque Gislebert, cette église fut encore incendiée en 962 ou 973, pendant la guerre entre Thibaud-le-Tricheur comte de Chartres, et Richard duc de Normandie. Enfin en l'année 1020, le 7 septembre, veille de la nativité de la vierge un incendie dont on ignore la cause, et qu'on présume avoir été occasionné par le feu du ciel, embrasa en très peu de temps presque toute la ville, sans épargner la cathédrale : il y a apparence qu'alors elle n'était construite qu'en bois.

Porche sud, statues de l'évêque Fulbert entre deux diacres relevées dans la cathédrale de ChartresCe troisième incendie arriva sous l'épiscopat de Fulbert. Le premier soin de ce prélat fut d'écrire au roi de France, aux autres souverains de l'Europe, aux princes et seigneurs du royaume, pour les engager à coopérer par leurs bienfaits, à la reconstruction de la ville et de son église. Il commença par donner l'exemple, en employant trois années de ses revenus, et de ceux de la manse capitulaire. La grande réputation dont Fulbert jouissait à la cour de France, et même dans l'Europe chrétienne, ainsi que la dévotion particulière que tous les peuples avaient pour l'église de Chartres, permirent à ce prélat et à ses successeurs, d'exécuter sur un plan aussi vaste, un édifice qui par son ordonnance et la difficulté du travail des pierres que l'on y a employées, a dû coûter des sommes immenses.

Un grand nombre de personnages de la plus haute distinction, tant de la France que des pays étrangers, contribuèrent au rétablissement de cette église. Les rois de France, d'Angleterre, de Danemarck ; le comte Eudes de Chartres ; Richard, duc de Normandie ; Guillaume, duc d'Aquitaine, et beaucoup d'autres seigneurs fournirent des sommes considérables.

A leur exemple les bourgeois, les marchands, les artisans de la ville, enfin tous les habitants du pays Chartrain et des lieux circonvoisins, y contribuèrent suivant leurs moyens ; ceux-ci par leurs cotisations, ceux-là par leurs travaux manuels, ou par des fournitures de matériaux et de vivres pour les ouvriers. Les vitraux de cette église sont décorés des emblèmes et des attributs de ceux qui contribuèrent à son rétablissement. On y remarque une quantité d'écussons armoriés et autres signes : chaque communauté d'artisans y est caractérisée par les marques distinctives de sa profession.

On apprendra sans doute avec intérêt jusqu'à quel point se portaient, dans ces grandes entreprises, la ferveur et la persévérance des fidèles. Hugues, archevêque de Rouen, écrivait en 1145 à Thierry, évêque d'Amiens, qu'on avait vu depuis peu à Chartres, des hommes de diverses professions se livrer avec zèle aux travaux les plus pénibles, tirer eux-mêmes les chariots et toutes les voitures nécessaires au transport des matériaux, pour la construction de la cathédrale. Plusieurs habitants de Rouen, munis de la bénédiction de l'archevêque de cette ville, avaient été à Chartres augmenter le nombre des travailleurs, et à leur exemple les peuples des autres diocèses de la Normandie. Ces voyages et ces travaux s'entreprenaient dans de saintes dispositions. Les fidèles ne partaient point sans s'être confessés ni réconciliés ; ainsi les procès étaient alors assoupis. La troupe des pèlerins se créait un chef qui, lorsqu'elle était arrivée à Chartres, distribuait à chacun l'emploi qu'il devait exercer, pour coopérer à la construction de cet édifice ; ce qui édifiait encore, c'est que ces travaux s'exécutaient avec recueillement, et que ceux qui étaient partis malades (ajoute la lettre de l'archevêque de Rouen) s'en retournaient guéris. Il paraît que ces travaux ne se faisaient que dans la belle saison ; pendant la nuit on mettait des cierges sur les chariots placés autour de l'église, et l'on veillait en chantant des hymnes et des cantiques.

Avec de tels secours et un si grand nombre de travailleurs, la plupart guidés par le zèle d'une piété ardente, il était probable que ce superbe monument ne devait pas tarder à être promptement achevé. Cependant on ne saurait se dissimuler, malgré ce qu'en disent les chroniques et plusieurs historiens de la ville et de l'église de Chartres que la construction de ce temple, telle qu'on le voit maintenant, n'a pu être l'ouvrage de huit années ; ce qui paraîtra incroyable, et même impossible, si l'on considère l'immensité et les difficultés insurmontables de cette bâtisse, à laquelle on travaillait encore vers le milieu du douzième siècle, d'après le témoignage de l'écrivain contemporain cité plus haut. Il faut ajouter à cela, que indépendamment de l'église, il fallait rebâtir la ville, et que rien n'était plus urgent que de donner le couvert aux habitants. Aussi, est-il certain qu'elle ne fut point achevée du temps de Fulbert, qui décéda le 10 avril 1029.

Le nécrologe, à la date des ides d'avril, porte que ce prélat laissa par son testament une forte somme en or et en argent, pour la reconstruction de son église, qu'il avait commencée à réédifier. Peu de temps avant sa mort, cet évêque marquait à Guillaume, duc d'Aquitaine, qu'ayant été occupé à la restauration, tant de la ville que de l'église de Chartres, il n'avait pu lui écrire, et il ajoutait qu'à l'aide de Dieu, il avait déjà fait les grottes de cette église : c'est-à-dire, ce qui est compris dans l'étendue de l'église souterraine. Son successeur, Thierry ou Théodoric, animé du même zèle, continua les travaux de cet édifice ; mais il n'eut pas la gloire de le terminer (comme l'a écrit Paul Moine, historien contemporain cité par Doyen), car il mourut le 16 avril 1048, et fut inhumé à l'abbaye de Saint-Père de Chartres.

Au nombre des personnes qui contribuèrent à l'achèvement de cette basilique, se trouve Jean Cormier (qu'on appelait aussi Jean-le-Sourd ), médecin du roi Henri I, qui, voulant signaler sa piété et son amour pour la ville de Chartres, lieu de sa naissance, fit bâtir à ses dépens, vers l'année 1060, le portail méridional, à l'exception du porche formant péristyle au-devant, dont la construction paraît être du milieu du douzième siècle, comme j'aurai l'occasion d'en parler.

Ce fut la princesse Mahaut, veuve de Guillaume-le-Bâtard, duc de Normandie, qui, vers 1088, fit couvrir en plomb, le principal corps de l'édifice, c'est-à-dire, le choeur, la croisée et une partie de la nef.

Il faut ajouter que l'entrée de la nef, le grand portail, et les deux clochers auxquels on travaillait depuis longtemps, ne furent achevés qu'en 1145 Avant que ces différentes parties ne fussent terminées, on avait élevé un mur de refend dans toute la hauteur et la largeur de l'église, afin que les travaux pussent se continuer, sans interrompre le service divin.

Le projet avait été de construire les deux clochers sur le même dessin ; mais soit que les fonds aient manqué, ou qu'il soit survenu quelque autre obstacle, il n'y eut d'achevé que celui qui est à droite, appelé le clocher-vieux. En 1395, la pointe de ce clocher, fatiguée par l'injure du temps, et menaçant ruine, fut démolie d'environ 20 pieds au dessous de la pomme, et reconstruite à neuf. En 1396, on y ajouta des cercles de fer, et depuis cette époque, cette superbe pyramide a constamment résisté aux intempéries jusqu'en 1754, époque à laquelle on y a fait quelques réparations.

L'autre clocher ne fut construit en pierre, et de même structure, que jusqu'à une certaine hauteur : ce qui lui donna la forme d'une tour carrée, sur laquelle on éleva une flèche en charpente et couverte en plomb. Mais le 26 juillet 1506, jour de sainte Anne, vers les six heures du soir, le tonnerre en tombant embrasa toute la charpente, et fondit avec le plomb les six cloches qui y étaient suspendues. Le feu qui dura jusqu'au lendemain midi, était si violent qu'il consuma et calcina une partie de la tour, ou de la plate-forme, construite en pierre de Berchères. Il aurait infailliblement embrasé les combles de l'église, si l'on n'eut promptement démoli la partie de charpente et de couverture qui avoisinait le clocher. Cet accident détermina le chapitre de cette église, aidé des secours de plusieurs princes, seigneurs et particuliers, à faire reconstruire en pierre cette pyramide. Le roi Louis XII donna 2000 livres pour cette réparation, en 1509 : l'évêque René d'Illiers y employa aussi une somme considérable. Pour exciter davantage la dévotion des fidèles, et pour les engager à contribuer de leurs moyens à ce pieux ouvrage, l'évêque de Chartres institua des confréries de Notre-Dame dans toutes les paroisses du Diocèse : le Chapitre en fit autant dans les paroisses de sa dépendance. Enfin le cardinal d'Amboise, dans la vue d'encourager cette entreprise, accorda des indulgences à tous ceux qui voudraient y coopérer.

Jean Texier, dit de Beauce,habitant de Chartres, est l'architecte qui a dirigé et fait exécuter les travaux de cette belle pyramide qui fait l'admiration des connaisseurs, tant par son élévation que par la hardiesse et la délicatesse de sa structure ; elle fut commencée en 1507, et totalement terminée en 1514. Le maître entrepreneur gagnait par jour six et sept sols, et ses compagnons cinq sols.

Le jeudi 15 novembre 1674, le feu prit à ce clocher par la faute d'un des veilleurs nommé Gendrin. Plusieurs habitants de la ville s'empressèrent d'y porter de prompts secours, et parvinrent à le préserver du funeste incendie dont il semblait être menacé. Le chapitre de cette église, pour conserver la mémoire de cet événement, et afin d'exciter à l'avenir la vigilance des deux hommes chargés de veiller nuit et jour aux incendies, fit placer dans leur chambre située sur le haut de la tour, une inscription gravée sur une pierre attachée au mur.

Le 12 octobre 1691, il s'éleva un vent impétueux qui ébranla la pointe de ce clocher : elle ne fut point renversée, parce que les crampons de fer qui lient toutes les pierres entre elles, la soutinrent ; mais elle fut inclinée dans l'étendue de 12 pieds au-dessous de la croix. Une des principales causes de cet événement fut la pesanteur d'un soleil de cuivre doré, formant levier, qui avait été placé en 1681, au-dessus de la croix. La pointe de cette flèche fut rétablie en 1692, en pierre de Vernon, par les soins et sous la conduite de Claude Auge, sculpteur lyonnois, qui l'éleva de quatre pieds plus haut qu'elle n'était auparavant. La croix fut refaite à neuf et l'on remit au-dessus le soleil, que l'on réduisit à 4 pieds de diamètre, afin de lui donner moins de prise aux vents. Depuis ce soleil a été supprimé en entier.

Enfin cette basilique qui a été l'espace de près de cent trente ans à bâtir, fut dédiée à la sainte Vierge le 17 octobre 1260, par Pierre de Maincy, soixante seizième évêque de Chartres, sur la demande de saint Louis, qui obtint en cette considération, des indulgences du pape Alexandre IV, pour ceux qui visiteraient ce temple, le jour de sa consécration, et tous les ans à la même époque jusqu'à la fête de Noël. L'anniversaire de la dédicace de cette église n'a plus lieu comme autrefois, le 17 octobre ; il a été remis au deuxième dimanche de novembre, jour auquel on célèbre l'anniversaire de la dédicace de toutes les églises de France.

En considérant la masse imposante de cet édifice qui fait l'objet de notre admiration, on se demande quelles ressources nos ancêtres avaient-ils, pour entreprendre et finir de si vastes monuments ? leurs ressources devaient être cependant bien moins considérables que celles que nous possédons aujourd'hui, depuis que le commerce, l'industrie et l'accroissement de notre territoire, ont multiplié parmi nous les sources de l'abondance et de la prospérité, qui leur étaient inconnues. Mais les hommes de ces temps reculés, animés de la plus ardente ferveur, et d'une persévérance que rien ne pouvait entraver, trouvaient des fonds inépuisables dans la frugalité de leur table, dans la simplicité de leurs vêtements, de leurs ameublements, et plus encore dans l'économie qu'ils savaient mettre dans des plaisirs peu dispendieux et toujours proportionnés à leur fortune.

Cathédrale de Chartres. Vue du portail latéral nord

Extérieur de l'église

Façade principale

L'église cathédrale de Chartres, l'un des plus grands et des plus beaux monuments du moyen-âge, que nous ayons en France, est bâtie en pierre dure et bien appareillée, d'une construction solide. La disposition générale du plan est grande et noble, et les proportions en sont heureuses. Ses dehors offrent un aspect imposant ; le caractère mâle et sévère de la masse de son architecture (sans y comprendre les constructions postérieures) indique le premier âge du style improprement appelé gothique.

Cet édifice, bâti sur le sommet d'une colline, domine majestueusement sur toute la ville ; mais une place manque devant la façade, pour en considérer les détails.

La façade principale, remarquable par sa proportion colossale, la simplicité et l'irrégularité de ses masses, présente deux grosses tours carrées, surmontées de deux hautes pyramides de forme octogone, dont l'une d'un travail extrêmement riche et délicat, produit une heureuse opposition avec les grands corps lisses de cette façade. Leur élévation extraordinaire les fait apercevoir de très loin. La hauteur du clocher-vieux, depuis le pavé jusqu'au croissant, est de 342 pieds ; celle du clocher-neuf est de 378 pieds : leur largeur prise dans la base est de 50 pieds. L'intervalle qui les sépare étant égal à leur diamètre, il en résulte que la façade entière a 150 pieds de largeur. Les profils des soubassements des deux tours présentent des différences assez remarquables : ceux du clocher-vieux sont plus purs, la disposition des contreforts présente un aspect plus régulier.

Trois grandes portes précédées d'un perron élevé de six marches, et pratiquées sous des voussures ogives, décorées de figures et de rinceaux d'ornements, divisent également la partie de cette façade qui règne entre les deux clochers. Elles représentent divers sujets tirés de l'Apocalypse et de la vie de la sainte Vierge.

Sur celle du milieu, dite la porte Royale (ainsi nommée, parce que c'est par cette porte que les rois de France étaient reçus dans cette église), on voit dans la partie supérieure de l'enfoncement, Jésus-Christ dans un ovale lumineux assis sur son trône, tenant de la main gauche le livre des sept sceaux, puis ayant la droite élevée comme pour donner la bénédiction. La figure du Sauveur vêtue d'une longue tunique et d'une espèce de peplum ou manteau enrichi de broderies, est environnée des symboles des quatre évangélistes désignés dans la vision d'Ezéchiel, savoir :

  • Le lion (saint Marc ) ;
  • le boeuf (saint Luc ) ;
  • l'aigle (saint Jean ) ;
  • et l'ange ( saint Mathieu ) :

cette manière de représenter la divinité est conforme à celle généralement adoptée dans les onzième et douzième siècles, qui nous avait été transmise par les Grecs. Au dessous de cette représentation, sont placées sur une même ligne les figures des prophètes au nombre de 14. Dans les arcs ogives qui forment la voussure du portail, se voient les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, tenant divers instruments de musique, des coupes d'or remplies de parfums, et chantant aux noces de l'agneau un cantique nouveau, avec la harpe, le sistre et le psaltérion. Ces instruments de musique, parmi lesquels on reconnaît le violon à trois et à quatre cordes, sont aussi curieux qu'intéressants par la richesse et la variété de leur forme. Le fond du cadre ogive au dessus de la porte est décoré de plusieurs anges tenant dans leurs mains des astrolabes, ou espèces de cadrans servant à indiquer le cours des astres.

Les deux faces latérales de ce portail sont ornées de grandes statues

Les deux faces latérales de ce portail sont ornées de grandes statues placées dans l'ordre suivant : sur la gauche, il y a d'abord deux reines et un roi ; ensuite un autre roi et un saint, qui sont les plus près de l'entrée. L'autre à droite en entrant, commence par un saint ; après viennent un roi et une reine et un autre roi. Tous portent le nimbe ou cercle lumineux : l'un des deux rois tient un livre, deux reines en ont aussi chacune un ; on doit observer que c'est la marque ordinaire des fondateurs ou des bienfaiteurs, qui était alors en usage. Les rouleaux déployés que tiennent les rois et les reines, indiquent le consentement ou la permission qu'ils ont donné pour cette construction.

Le deuxième portail à droite représente différents traits de la vie de la sainte Vierge. On voit successivement dans trois divisions distinctes :

  • 1 Un ange qui annonce aux bergers la naissance de JésusChrist. Le lit de la Vierge se fait remarquer par sa forme élégante.
  • 2 La présentation de Jésus-Christ au temple par la sainte Vierge et saint Joseph ; de l'autre côté est le vieillard Siméon.
  • 3 Dans la partie supérieure du tympan, la Vierge assise, un sceptre à la main, tenant l'enfant Jésus sur ses genoux ; à ses côtés sont deux anges tenant chacun un encensoir.

Sur les faces latérales de ce portail sont placées six grandes statues de rois et de reines dont les noms ne sont point connus.

Le troisième portail à gauche représente dans la partie supérieure au-dessus de la porte, Jésus-Christ, la main droite élevée, accompagné de deux anges, et au-dessous les quatre anges désignés dans le septième chapitre de l'Apocalypse. Ces quatre anges placés aux quatre coins de la terre, retenaient les quatre vents, afin qu'ils ne soufflassent point sur la terre ni sur la mer : plus bas se voient dix petites figures. Dans les arcs ogives de la voussure du portail, on remarque plusieurs figures grotesques, des quadrupèdes, les signes du zodiaque et les travaux agricoles des douze mois de l'année, le tout grossièrement sculpté.

Les signes du zodiaque qui sont incomplets, se trouvent disposés de la manière suivante :

  • 1 L'écrevisse.
  • 2 Le verseau.
  • 3 Les gémeaux.
  • 4 Le sagittaire.
  • 5 La vierge.
  • 6 Le lion.
  • 7 Le taureau.
  • 8 Le scorpion.
  • 9 Le bélier.

L'ordre dans lequel devaient être placés les signes du zodiaque, se trouve interverti par des transpositions, qui prouvent l'ignorance des ordonnateurs des travaux, qui n'étaient guidés par aucune connaissance astronomique.

Aux signes du zodiaque, le sculpteur, conformément à l'usage, a cru devoir associer les travaux champêtres des douze mois de l'année qui y correspondent. Ils sont distribués de la manière suivante :

  • 1 Le Janus Bifrons devant une table, et tenant une coupe à boire.
  • 2 Un bûcheron faisant la coupe des bois.
  • 3 Une femme occupée à ensemencer.
  • 4 Un homme abattant le gland pour la nourriture des pourceaux.
  • 5 La chasse au faucon ou le printemps.
  • 6 Un homme qui paraît être un moine jetant sa cucule à l'entrée d'un monastère.
  • 7 Un vigneron plantant des ceps de vignes.
  • 8 Un paysan qui bat en grange.
  • 9 Un vigneron foulant les raisins dans la cuve, qu'un vendangeur s'occupe à remplir.
  • 10 Un homme travaillant à la moisson.
  • 11 Un autre conduisant son cheval au labourage.
  • 12 Un paysan occupé à faucher un pré.
  • 13 Un autre plantant un arbre.

Nous paraissons avoir emprunté des Égyptiens et des Indiens l'usage de sculpter les douze signes du zodiaque, sous les portiques de nos temples. Les architectes du moyen-âge ont suivi en cela l'opinion de leur temps, et le goût de décoration de ces peuples, qui nous fut transmis par les excursions lointaines et par les Croisades. La plupart de ces prétendus monuments astronomiques ne sont que des ornements qu'on s'est accoutumé, dans les temps d'ignorance, à donner aux temples chrétiens, comme on les plaçait auparavant aussi dans les temples païens, sans en bien connaître la nature, et sans savoir les adapter aux temps où l'on vivait. L'exécution de ces représentations zodiacales était souvent confiée à des ouvriers qui n'y entendaient rien, et qui commettaient parfois des bévues semblables à celles du zodiaque que nous venons de décrire, dont le sens incomplet et la transposition des signes attestent que ces artistes n'avaient d'autre intention que celle de rappeler l'époque des travaux propres à chaque saison, ou même uniquement de se conformer à une coutume de tout temps suivie par les architectes du moyen-âge.

Les deux faces latérales de ce portail sont décorées de six grandes statues, trois de chaque côté, représentant les principaux bienfaiteurs de cette église.

Toutes les statues qui décorent ces trois portiques, sont aussi intéressantes pour l'histoire de l'art, que pour celle du costume français dans les onzième et douzième siècles ; elles sont vêtues de longues tuniques, recouvertes par une espèce de manteau, qui quelquefois ouvert sur le devant, laisse apercevoir de riches ceintures et de très belles étoffes gaufrées. On doit surtout remarquer la forme variée des couronnes, ainsi que les longues tresses de cheveux (dont quelques-unes sont enveloppées de rubans) que portent la plupart des reines et des princesses, comme un signe caractéristique de la liberté et de la puissance de la noblesse, suivant l'usage observé sous la première, la deuxième et le commencement de la troisième race des rois de France.

La plupart de ces statues confiées aux sculpteurs les plus habiles, ont été exécutées avec une si grande perfection pour le temps, qu'on doit les distinguer par la dignité du style, comme les plus intéressantes parmi celles qui décorent les portiques des monuments du moyen-âge. Il en est de même des colonnes décorées d'entrelacs et de rinceaux d'ornements d'un très bon goût, qui séparent les statues de ces trois portiques. Enfin toutes ces sculptures sont tellement empreintes du caractère oriental, que l'on serait tenté de croire qu'elles furent exécutées par des artistes grecs. Grâce au zèle des habitants de Chartres, les traces du vandalisme ne réveillent pas ici comme ailleurs les souvenirs les plus affligeants.

Les personnages représentés sur ces portiques, sont les rois et reines, ducs et comtes qui contribuèrent à la réédification de cette basilique. Tels sont : Robert I, dit le Pieux, roi de France ; la reine son épouse ; Canut-le-Grand, roi d'Angleterre et de Danemarck ; Eudes II, comte de Chartres ; Richard II, quatrième duc de Normandie ; Guillaume V, duc d'Aquitaine ; la princesse Mahaut, duchesse de Normandie, et plusieurs autres princes et seigneurs leurs contemporains, qui donnèrent des sommes considérables pour travailler à la construction de cet édifice.

Les chapiteaux et couronnements qui surmontent les colonnes et les statues de ces portiques, ainsi que le pourtour des chambranles, sont décorés d'une suite de petits bas-reliefs, représentant pour la plupart les mystères du nouveau testament. Ces petites figures sont d'une exécution très soignée. Plusieurs des chapiteaux des colonnes de la porte royale, présentent quelques réminiscences du chapiteau corinthien. Un autre chapiteau que l'on voit à gauche à l'entrée de la nef, offre deux dragons ailés buvant dans une coupe, imitation imparfaite de quelques bas-reliefs antiques.

Au-dessus de ces portiques, sont trois grandes fenêtres vitrées en verre peint. Immédiatement au dessus de ces fenêtres, se voit une grande rose remarquable par la délicatesse de ses compartiments en pierre. Cette rose est surmontée d'une galerie qui sert à communiquer d'un clocher à l'autre : un peu plus haut que cette galerie, sont placées dans des niches, seize grandes statues de rois et de reines tenant des sceptres, qu'on présume avoir été les bienfaiteurs de cette église ; ces statues ne sont pas d'un aussi bon style que celles des trois portiques. Dans le grand pignon qui surmonte la façade de l'église, se voit une représentation en relief de l'apothéose de la sainte Vierge deux anges, l'un placé à droite, l'autre à gauche, portent des encensoirs. Ce pignon est surmonté d'une statue, que l'on croit être celle de saint Aventin, premier évêque de Chartres. Ensuite s'élèvent sur deux lignes parallèles, les deux clochers : l'un, dit le clocher-vieux, étonne par sa masse énorme, sa forme pyramidale et ses belles proportions. Vers le haut de cette pyramide, et près d'une ouverture, il existe une échelle en fer par laquelle on monte à la croix, qui est entée dans un globe de cuivre doré, et surmontée d'un croissant de même matière, qui y fut posé en 1681. L'ordonnance mâle de ce clocher se distingue spécialement par l'heureux accord des lignes, parfaitement en harmonie avec la sévérité du style de l'église.

Ce clocher est percé sur chaque face de plusieurs fenêtres ogives, dont les plus élevées sont surmontées de frontons aigus, et accompagnées d'obélisques qui flanquent les angles de la tour. Il contenait autrefois trois grosses cloches, appelées bourdons, qui ont été cassées et fondues en 1792. La charpente qui les supportait, est remarquable par sa belle construction. On y voit deux poinçons dont les culs-de-lampe sont ornés de bas-reliefs : sur l'un est un écusson aux armes de France, dont le nombre des fleurs-de-lis, réduit à trois, indique le règne de Charles VI ; sur l'autre cul-de-lampe, sont les armes de l'ancien chapitre de Chartres.

Le second clocher, dit le clocher-neuf, commande l'admiration, tant par la hardiesse de sa structure, que par la richesse et la délicatesse de ses ornements. Il est divisé en plusieurs étages voûtés en pierre ; le premier, situé à la hauteur du comble de l'église, est appelé la chambre de la sonnerie. Sur le mur de cette chambre, du côté du midi, se voit une grande pierre blanche, sur laquelle est gravée une inscription dont les caractères sont gothiques. Cette inscription a été placée dans cet endroit, pour conserver à la postérité, la mémoire du funeste incendie arrivé l'an 1506, et qui réduisit en cendres une partie de ce clocher. C'est le clocher qui est censé parler :

Je fu iadis de plomb et de bois construict,
Grand, hault, et beau, et de somptueux ouurage,
Jusques à ce que tonnerre et orage
M'ha consommé, dégasté et détruict.

Le jour de saincte Anne, vers six heures de nuict,
En l'an compté mille cinq cens et six :
Je fus bruslé, démoli et recuit,
Et avec moi de grosses cloches six.

Après Messieurs en plein Chapitre assis,
Ont ordonné de pierre me refaire,
A grande voulte, et pilliers bien massifs,
Par Jehan de Beaulse, ouvrier qui le sceut faire.

L'an dessus dict, après pour me refaire,
Firent asseoir le vingt-quatriesme jour,
Du mois de Mars, pour le premièr affaire,
Première pierre et aultres sans séiour.

Et en Apuril huictiesme jour exprès,
René D'ilmers, évesque de renom,
Perdit la vie, au lieu duquel après,
Fuat Erard mis par postulation.

En ce temps là qu'auois nécessité,
Auait des gens qui pour moy lors veillaient :
De bon coeur, fust hyver ou esté,
Dieu leur pardoint(", car pour lui trauaillaient.

1508.

Dans l'étage au-dessus de la chambre de la sonnerie se voit la charpente dans laquelle étaient suspendues cinq cloches d'accord avec les trois bourdons de l'autre tour ; elles ont été cassées de même que ces dernières à l'époque de la révolution, à l'exception de la plus petite des cinq appelée Piat, qui a été conservée, et dont on se sert pour annoncer les offices : elle pèse 1800 livres.

En 1816, la fabrique de l'église de Chartres a fait fondre deux cloches dont la plus grosse pèse 3500, et la seconde 2800 livres. Ces deux cloches ont été nommées par Monsieur, comte d'Artois, et Madame, duchesse d'Augoulême, représentés par M. le vicomte de Sesmaisons et Madame la comtesse de Gontaut-Biron. Elles ont été fondues par Nicolas Cavillier, de Carré-Puits (Somme).

On peut circuler autour de ce clocher, par une galerie, dont la balustrade à jour, forme une riche ceinture horizontale, qui surmonte quatre grandes fenêtres à frontons aigus, percées sur chacune des faces de la tour. Sur les piliers angulaires de la tour s'élèvent quatre obélisques d'une structure élégante et hardie qui se rattachent au corps du clocher, par de légers arcs-boutants dont l'extrados est orné de jolies découpures. Sur chacun de ces obélisques, et à une certaine hauteur, sont groupées trois statues représentant les douze apôtres avec leurs attributs. Cette partie du clocher offre sur chaque face une grande fenêtre, surmontée d'un pignon de style arabesque travaillé à jour. Sur le pignon du côté de la place du parvis, se voit une grande statue en pierre représentant Dieu le Père, tenant d'une main un livre, et de l'autre un globe surmonté d'une croix en fer, symbole de sa souveraine puissance. Autour du socle sur lequel est placée cette statue, on lit l'inscription suivante en caractères gothiques : JEHAN DE BEAUCE QUI A FAICT CE CLOCHER, M'A FAICT FAIRE, 1513.

C'est dans cette partie du clocher, que l'architecte, Jean de Beauce, a cru devoir étaler un grand luxe d'ornements ; ce sont des ceps de vignes découpés à jour, qui suivent les contours des arcs ogives, ainsi que des entrelacs et des rinceaux du meilleur goût. Toutes les sculptures qui décorent ce clocher, ont été exécutées par les mêmes artistes auxquels on doit celles de la clôture du choeur de cette église.

De la galerie qui vient d'être décrite, on monte un escalier pratiqué dans une tourelle à jour, hors d'oeuvre, et l'on arrive dans une chambre de forme octogone et voûtée en pierre, dans laquelle sont deux lits et une cheminée. Cette chambre sert à loger les deux hommes qui sont gagés par la ville, pour veiller nuit et jour aux incendies. Lorsqu'ils en découvrent, d'abord, ils annoncent, par le moyen d'un porte-voix (qui s'entend de toute la ville) le quartier où le feu s'est manifesté ; ensuite ils sonnent le tocsin sur une cloche placée au-dessus de leur chambre Près de la porte qui conduit sur la galerie, on lit l'inscription suivante gravée sur une pierre attachée au mur de cet observatoire :

Ob Vindicatam, Singulari Dei Munere
Et A Flammis Illaersam Hanc Pyramidem,
Anno 1674, 15 Decembris Per Incuriam Vigilum,
Hic Excitato Ac Statim Extihcto Incendio,
Tanti Beneficii Memores Solemmi Pompa,
Gratiis Deo Prius Persolutis, Decanus
Et Capitulum Carnotense Hoc Posteritati
Monumentum Posuere.

De cette chambre on monte au dernier étage du clocher. C'est une lanterne de forme octogone, percée de deux fenêtres sur chaque pan, dans laquelle est suspendue la cloche de l'horloge, vulgairement appelée la cloche du guet, parce qu'elle sert de tocsin pour les incendies. Cette cloche, qui pèse 10540 livres, a six pieds 4 pouces de diamètre, et 5 pouces d'épaisseur. On y voit la salamandre, devise de François Ier, sous le règne duquel elle a été fondue. C'est de ce dernier étage du clocher, que l'on jouit d'une vue admirable sur les vastes et fertiles pleines de la Beauce.

Au-dessus de cette lanterne, s'élève une haute pyramide en pierre de forme octogone, dont les arêtes sont enrichies d'ornements en saillie ; elle est surmontée d'une croix de fer de 8 pieds de hauteur sur 5 pieds de largeur, entée dans un vase de bronze de 5 pieds 6 pouces de hauteur sur 2 pieds 6 pouces de diamètre. Ce vase, y compris l'armature en fer placée dans l'intérieur, pèse 976 livres. Il est revêtu de serpents entrelacés. On monte à la croix par le moyen d'une échelle en fer, fixée à la pyramide. Nous avons déjà dit que le haut de cette pyramide fut rétabli en pierre de Vernon et la croix refaite à neuf par les soins de Claude Augé, sculpteur lyonnois. Cette réparation qui coûta la somme de mille francs au Chapitre, fut commencée en 1691, et achevée le 8 août 1692.

Le style de la reconstruction de cette partie du clocher neuf, offre un exemple de l'architecture dite gothique, portée à une période voisine de sa décadence, et dans laquelle on distingue plusieurs formes qu'elle a empruntées du style arabe. L'architecte Jean de Beauce, en homme expérimenté dans son art, a su allier l'élégance des formes et la richesse des détails, à une solidité déjà éprouvée par plusieurs siècles, et dont la nature des matériaux garantit une longue durée.

L'âne qui veille : sculpture de la tour sud de la cathédrale de Chartres / École française XIIe siècleEn se dirigeant du côté du midi, on voit sur l'angle d'un des contreforts, au bas du clocher vieux, un cadran solaire en pierre portant la date de 1578, et soutenu par un ange qui est inhérent au corps de la tour. Outre que la sculpture de cet ange est parfaitement semblable à celle des trois portails de la façade, c'est qu'il est encore appuyé sur une base qui paraît avoir été faite en même temps que le clocher ; ce qui porterait à croire que le cadran solaire dont il a été parlé ci-dessus, n'est que le renouvellement d'un autre cadran beaucoup plus ancien qui sera sans doute tombé de vétusté. Sur l'autre contrefort du clocher-vieux (toujours du côté du midi), est placée la figure d'un quadrupède assez renommé dans le pays, et vulgairement appelé l'Ane qui vielle. Cet âne qui est supporté sur une console ornée de deux marmousets, paraît jouer d'un instrument à cordes, qu'on reconnaît pour être une harpe, mais que l'on a pris mal à propos pour une vielle. Cette idée bizarre de placer sur le mur d'un temple, la configuration grotesque d'un âne pinçant de la harpe, doit être, je crois, considérée comme un monument des superstitions et des extravagances de la fête de l'âne, en usage dans plusieurs églises de France dès le onzième siècle, et dont le sculpteur, imbu de cette superstition, aura peut-être voulu conserver la mémoire, en plaçant ici la figure de cet animal.

Sur le troisième éperon du même côté, se voit à la même hauteur, un autre animal dont la tête manque ; cette figure paraît être celle d'une truie qui file ; on la trouve également reproduite sur le frontispice de la cathédrale de Saint Paul de Léon dans le département du Finistère. Ce monument représente une truie à mamelles gonflées, assise et filant avec une quenouille ; le peuple l'appelle vulgairement la truie qui file.

Dans le seizième siècle les artistes plus entraînés que jamais à se livrer aux écarts de leur imagination, plaçaient encore de ces quadrupèdes immondes jusques dans l'intérieur des temples. Nous citerons l'exemple suivant : sur le jubé de l'église de Saint-André de Chartres, construit en 1501, on voyait autrefois, entre autres configurations grotesques, un cochon dressé sur ses pieds de derrière, battant le beurre dans une tinette, au-dessous d'un chêne, la tête levée et ouvrant la mâchoire pour manger le gland suspendu à l'arbre.

Façade méridionale

Toute la partie latérale de l'église, du côté du midi, présente un caractère à la fois sévère et imposant. La disposition des piliers-butant, et la grande saillie du croisillon précédé d'un vaste porche à trois portiques, produit un grand effet dans la perspective de ce temple, dont l'aspect est vraiment pittoresque, vu de la place vulgairement appelée le cloître de Notre-Dame.

Les piliers-butant de la nef, au nombre de six, sont ornés de statues placées dans des niches. Chaque pilier butant se compose de trois arcs-boutants qui, comme autant de contre-fiches, servent à appuyer les murs contre la poussée des voûtes. Celui du milieu est remarquable par les colonnes dont il est soutenu, et qui forment des rayons disposés comme ceux d'une roue. Ces colonnes sont liées entre elles par de petits cintres qui supportent et donnent une grande solidité à cet arc-boutant d'une construction assez matérielle.

Le portail de ce côté est précédé d'un vaste porche à trois portiques, formant péristyle, d'une structure admirable, et auquel on monte par un perron composé de dix-sept marches. Ce magnifique porche est soutenu par des massifs ou piédroits, décorés d'une longue suite de bas-reliefs et accompagnés d'une grande quantité de colonnes, dont presque tous les fûts sont d'une seule pierre. Les trois portiques sont surmontés de pignons et d'une suite de dix-huit statues de rois et de reines placées dans des niches, surmontées de pyramides. On aura une idée de la beauté et de la richesse de ce morceau d'architecture, unique dans son genre, lorsqu'on saura que toutes les statues et les bas-reliefs qui le décorent, ont été jadis peints et dorés, ce que prouvent les manuscrits, et ce que l'on reconnaît d'ailleurs par des fragments de peinture et de dorure qui ont échappé à l'injure de l'air et des siècles, qui ont insensiblement déposé sur toutes ces figures, une couche de poussière que l'on devrait s'empresser de faire nettoyer.

Sur le trumeau de la porte du milieu, est représenté Jésus-Christ tenant le livre des Saints Évangiles afin d'indiquer qu'il est la lumière du monde ; la couverture du volume est richement ornée ; la tunique du Sauveur est peinte par le bas de trois bandes de couleur rouge, et le bord de son manteau est peint en pourpre. Ce manteau a été originairement doré ainsi que le nimbe orné d'une croix grecque. Sous le piédestal de cette statue, est placée dans deux divisions, la figure à genoux de Pierre dit Mauclerc, duc de Bretagne, la tête ceinte d'une couronne enrichie de perles, distribuant des pains dans une corbeille portée par des serviteurs ; plus bas est Alix sa femme, assise, paraissant faire la même distribution.

De chaque côté de la statue de Jésus-Christ, sont placées sur deux lignes parallèles, les statues des douze apôtres avec leurs attributs. Dans le tympan qui forme le fond du cadre ogive de la porte, est représenté le sujet du Jugement dernier, tableau qui entrait assez généralement dans la composition des portails des églises construites dans les douzième et treizième siècles, afin de rendre d'une manière plus sensible aux yeux du peuple, le dogme de la résurrection des morts contre les hérésies qui s'élevaient alors. Le Père-Eternel est assis sur son trône, ayant la sainte Vierge à sa droite, et saint Jean à sa gauche, comme patron de Jean Cormier, médecin de Henri I, roi de France, qui fit élever à ses dépens, la façade de ce portail, vers l'an 1060.

Dans la partie supérieure du tympan qui termine le cadre ogive, sont placés deux anges soutenant la croix du Sauveur. Plus bas, dans le même bas-relief, deux autres anges tiennent les divers instruments de sa Passion. Au-dessous du Père-Eternel et des personnages qui l'accompagnent, s'effectue la séparation des élus et des réprouvés. Au milieu est placé saint Michel Archange, pesant, sous un sens figuré, les âmes des mortels ; la balance ayant été mutilée, on ne voit plus que les vestiges des bassins, dont l'un contenait la figure d'un juste et l'autre celle d'un démon qui fait ses efforts pour faire pencher la balance de son côté.

Ceux qui sont condamnés aux peines éternelles vont s'engouffrer dans l'énorme gueule d'un dragon, où plusieurs démons les font entrer à coups de fourches ; sur le côté un diable saisit une religieuse, tandis qu'un autre prend une reine par la main et paraît s'entretenir avec elle. Les contours des arceaux de la voussure de ce portail, sont remplis de figures. Sur la droite sont les justes qui jouissent de la béatitude céleste, et à gauche les réprouvés condamnés aux peines de l'enfer. Le fronton qui surmonte le centre du porche, est décoré de la statue de la Vierge dans une gloire au milieu des anges. Cette représentation de l'apothéose de la Vierge reproduite sur la plupart des frontons de cette basilique, avait sans doute pour but de rappeler le culte spécial, dont elle a été constamment honorée dans tous les temps par les nombreux pèlerinages qui s'y faisaient.

Dans le tympan du portail à droite, sous le porche, sont représentés quelques traits de la vie de saint Martin, évêque de Tours. Saint Martin vint deux fois à Chartres vers l'an 368, et ce thaumaturge y laissa de précieux souvenirs de ses vertus en opérant deux miracles dans ce diocèse ; l'un dans une bourgade, qui occasionna la conversion de ses habitants, et l'autre dans la ville de Chartres, en présence de deux évêques dont il était accompagné.

Dans le premier bas-relief du tympan, le saint a cheval partage son manteau en deux, pour en donner la moitié à un pauvre qui lui demande l'aumône près de l'une des portes de la ville d'Amiens. La seconde partie présente deux bas-reliefs : dans l'un, on voit saint Martin revêtu de ses habits pontificaux, au lit de la mort ; l'autre bas-relief offre son tombeau. La troisième et dernière partie du tympan représente le saint évêque de Tours, dont l'âme monte au ciel pour y jouir de la béatitude éternelle.

Sur les deux faces latérales du portail sont placées huit grandes statues, disposées de la manière suivante : 1° Un diacre, un évêque ayant une mître à une pointe, et deux autres évêques portant chacun une mître à deux pointes. Les ornements en sont très riches. De l'autre côté de ce portail, se voit une statue d'évêque, portant la barbe, coiffé d'une mitre à deux pointes ; il est accompagné d'un acolyte tenant un livre ouvert ; vient ensuite un autre évêque ayant une mître à une pointe surmontée d'une houppe ; il porte sur l'épaule droite un oiseau de proie, attribut qui dans le moyen-âge servait à distinguer la noblesse de la roture. L'attitude de cet évêque diffère de celle des autres prélats, en ce qu'il a une main sur la poitrine, et que de l'autre il tient son bâton pastoral ; ses gants sont richement brodés, et ses doigts sont à découvert. La quatrième figure qui est un acolyte, porte la barbe, et sa tête est nue comme celle de l'autre acolyte ; il tient un livre et une crosse ; sur son manipule sont tracées des fleurs-de-lis.

Le tympan du portail situé à gauche, sous le porche, présente deux divisions inscrites dans l'étendue du cadre ogive : dans la plus haute, on aperçoit Jésus-Christ accompagné de deux anges à genoux en adoration devant lui. Le bas-relief de la partie inférieure du tympan, représente le martyre de saint Etienne.

Les parties latérales du portail sont décorées de plusieurs statues disposées de la manière suivante. A la gauche du spectateur, se voit un guerrier armé de toutes pièces, tenant de la main droite une enseigne militaire, et de la gauche, un bouclier orné de bandes de fer, terminées par des fleurs-de-lis gravées en creux. Ce chevalier portant le nimbe ou cercle lumineux derrière la tête (ainsi que les autres personnages) paraît être Eudes, comte de Chartres. La figure suivante représente un évêque tenant une crosse de la main gauche, et de la droite donnant la bénédiction ; à ses côtés sont placés deux clercs servant d'acolytes et tenant chacun un livre placé sur le pectoral. Les livres offrent des couvertures très riches, ainsi que les ornements de leurs tuniques. Le support de la figure de l'évêque est composé d'une église entourée de flammes. Il est vraisemblable que l'on a voulu désigner l'évêque Fulbert, sous l'épiscopat duquel fut incendiée l'église de Chartres De l'autre côté du portail est placé un évêque portant les mêmes attributs, et dans la même action ; il est accompagné de deux acolytes tenant des livres, celui de gauche porte la barbe. Cet évêque qui a pour support un lion, est sans doute Thierry ou Théodoric, successeur immédiat de Fulbert et continuateur des travaux de cet édifice. La statue suivante représente un guerrier armé à peu près de même que celui qui a été décrit plus haut, à l'exception qu'il ne porte point d'enseigne. Plusieurs des évêques qui décorent ces portiques, portent le Pallium, et leurs rochets sont garnis de mousseline brodée en point à jour d'un riche dessin.

Au-dessus du grand porche et sur une même ligne, sont cinq fenêtres au-dessus desquelles est placée la grande rose, à compartiments en pierre, enrichie de panneaux de vitres peintes ; dans le grand fronton qui surmonte cette façade, est représenté le triomphe de la Vierge : deux anges l'encensent et indiquent les hommages qu'elle reçoit comme reine du ciel.

Les angles du pignon sont flanqués de deux tourelles octogones surmontées de pyramides en pierre. On va d'une tourelle à l'autre par une galerie bordée d'une balustrade en pierre découpée à jour ; indépendamment de ces tourelles, il existe du même côté, trois tours, dont deux sont appuyées sur les murs latéraux de la croisée de l'église, et accompagnent le portail auquel elles servent de contre-forts. La troisième tour est élevée sur la troisième travée du bas-côté du choeur. Ces tours qui ne sont point achevées, n'excèdent pas la hauteur de la galerie pratiquée au bas du grand comble.

Cathédrale de Chartres. Entrée latérale

Façade septentrionale

Toute la partie latérale de l'église, du côté du septentrion, offre un aspect aussi imposant que celui du midi. Les piliers-butant présentent la même disposition : ils sont aussi décorés de statues

Le portail de ce côté est précédé d'un vaste porche à trois portiques, formant péristyle, et auquel on monte par un perron composé de sept marches. Ce porche dont les avant-corps sont décorés de statues, est d'une composition plus sévère que celui du midi.

Sur le trumeau du portail du milieu, est placée la statue de la sainte Vierge tenant l'enfant Jésus. Dans le tympan au-dessus de la porte, sont représentés dans plusieurs bas-reliefs sculptés suivant l'usage de ce temps dans l'étendue du cadre ogive. 1° La Vierge au lit de la mort. 2° Les disciples de Jésus-Christ procèdent à son inhumation en plaçant son corps dans un sépulcre. 3° Dans la partie la plus élevée du tympan, se voit la mère du Sauveur près de son fils bien-aimé, et entourée des anges, des archanges, des saints et des bienheureux qui célèbrent par des concerts de joie, son arrivée dans le ciel. Toute l'étendue de la voussure du porche est remplie de petites figures représentant les trônes et les dominations du ciel.

Les statues qui décorent les faces latérales du portail du milieu, représentent une suite de personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament. A la gauche du spectateur, se voit Abraham prêt à immoler Isaac son fils, par le commandement du Seigneur, qui voulait éprouver sa foi, et vers lequel il tourne la tête. Plus loin Abraham tient un bélier, qu'il vint offrir en holocauste à Dieu. A côté de ce patriarche est Melchisédech, prêtre du très-haut et roi de Salem, tenant un encensoir à la main. Il fut au-devant d'Abraham à son retour de la défaite des rois ligués, lui donna la bénédiction, et offrit à Dieu du pain et du vin en actions de grâces de cette victoire. Abraham donna à ce prince la dixme des dépouilles de ses ennemis.

Sur la face latérale à la droite du spectateur, sont représentés plusieurs apôtres, parmi lesquels on reconnaît saint Pierre en costume d'évêque, portant les clefs suspendues à son bras.

Le tympan placé dans la partie supérieure du portail à droite représente Job couvert d'ulcères, couché sur le fumier et plongé dans la plus profonde misère. Plus loin se voit le démon qui cherche à le tenter en lui promettant beaucoup de richesses ; mais de l'autre côté le Seigneur apparaît à Job, pour l'affermir dans sa croyance et l'empêcher de succomber à la tentation. Sous ce bas-relief est représenté le Jugement de Salomon. Dans le contour des arceaux de la voussure de ce portail, sont sculptés plusieurs autres sujets de l'Ancien-Testament parmi lesquels on remarque Samson luttant contre un lion.

Dans le contour de l'ogive de l'avant-corps du porche qui correspond à ce portail, sont sculptés les douze signes du zodiaque, réunion assez singulière d'allégories prises dans les deux religions qui se sont succédées ; et sur le deuxième bandeau de l'ogive, les travaux agricoles correspondant aux douze mois de l'année ; ces compartiments de figures sont espacés par des trèfles et autres découpures qui décorent toute la voussure de l'avant-corps du porche.

Les deux côtés de ce portail sont ornés de grandes statues.

Dans le tympan du portail situé à gauche sous le porche, sont représentés les sujets suivants : 1° La naissance de Jésus-Christ. 2° Un ange annonçant cette nouvelle aux bergers. 3° Dans la partie supérieure, l'adoration des mages. Dans les contours des arceaux de la voussure du portail, sont représentés du côté droit, les cinq vierges sages tenant leurs lampes droites et pleines ; et du côté gauche les cinq vierges folles qui les tiennent renversées : cette allégorie du royaume des cieux, figurée par les dix vierges invitées aux noces des deux époux, a été reproduite sur la plupart des monuments du moyen-âge consacrés au culte, afin de démontrer que la pureté des moeurs est essentielle à ceux qui aspirent aux béatitudes éternelles. Les compartiments de figures de la voussure de l'avant-corps du porche sont espacés de même que le précédent, par des trèfles et autres découpures qui produisent un effet satisfaisant.

Les piédroits des avant-corps du porche, sont décorés de colonnes et de statues dont la plupart sont d'un assez bon style. Elles représentent plusieurs personnages de l'Ancien-Testament, avec leurs noms gravés en caractères gothiques sur les piédestaux, tels que David, Salomon, Esther, etc. Autour d'un des piliers, on vait Eliézer serviteur d'Abraham, et près de lui Rébecca, qu'il alla chercher en Mésopotamie pour être l'épouse d'Isaac. Parmi les autres statues on remarque celle d'un prince en habit long, la tête ceinte d'une couronne en forme de diadème, avec un sceptre à la main, que l'on présume être celle de Pierre de Mauclerc duc de Bretagne ; à côté de ce duc est la statue d'Alix son épouse, reconnaissable à sa coiffure bretonne. Plus loin sont trois autres statues, dont la première en dehors est un vieillard ayant son manteau sur sa tête et tenant un rouleau déployé. La deuxième représente un comte, et la troisième une veuve, la main droite sur la poitrine, et tenant un livre de la gauche. Une quatrième figure offre un vieillard un encensoir à la main, c'est Aaron.

De l'autre côté, à l'un des piliers de l'avant-corps du porche en regard du troisième portail, on voit la statue d'un comte en habit long à côté de ce personnage, est un saint vêtu en Hermite tenant un rouleau. A l'autre pilier opposé, sont placées deux statues représentant les mêmes personnages ; à l'angle opposé et en retour du même pilier, se voit un évêque qui paraît s'entretenir avec une femme, tenant un livre, et la main élevée : elle a un voile sur sa tête. Toutes les statues groupées autour des piédroits du porche n'ont point de nimbes, à l'exception de celle de l'évêque.

Ce magnifique porche paraît avoir été bâti à la même époque que celui du midi, c'est-à-dire, vers le milieu du douzième siècle, comme l'indiquent le caractère de son architecture, et le travail des statues et des ornements La plupart des statues qui décorent ces deux porches, sont généralement d'un meilleur style que celles des trois portiques de la façade principale.

La partie supérieure au-dessus de ce porche est percée de cinq grandes fenêtres surmontées par une rose d'un très grand diamètre, à compartiments en pierre, garnis de panneaux de vitres peintes ; dans le pignon qui termine la façade de la croisée est représenté l'apothéose de la Vierge, accompagnée de deux anges tenant chacun un encensoir. Les angles de ce pignon sont flanqués de deux tourelles octogones surmontées de calottes en pierre.

Les murs latéraux du croisillon de l'église, sont appuyés de droite et de gauche, par deux tours carrées, dont les sommités sont de niveau avec la galerie qui règne au bas du grand comble. Une autre tour de la même forme que les précédentes, s'élève sur la troisième travée au-dessus des bas-côtés du choeur. Ces trois tours, d'après le système général de l'édifice, devaient être élevées encore d'un étage, et surmontées par des couronnements pyramidaux, comme il y a tout lieu de le présumer ; mais la même cause qui, dans beaucoup d'autres églises, a empêché d'achever la seconde tour ou toute autre partie du monument, se sera opposée à ce que celles-ci reçussent leurs sommités ; ainsi elles sont restées tronquées.

La couverture du grand comble est en plomb. Cet édifice découvert en grande partie en l'an II (1794) pendant les événements de la révolution, est resté exposé aux injures de l'air, aux intempéries des saisons, jusqu'en l'an V (1797), époque à laquelle plusieurs habitants de Chartres entreprirent de le faire recouvrir à leurs frais ; depuis ce temps, la couverture en plomb a été parfaitement entretenue par les administrateurs de la fabrique de l'église, qui l'on fait totalement réparer en 1824.

La charpente du grand comble vulgairement appelée la forêt, par rapport à l'immense quantité de bois qu'elle renferme, est construite en châtaignier du plus fort équarrissage, dont on faisait autrefois un très grand emploi pour les combles et beffrois des édifices religieux. Les combles de cette église ont de hauteur perpendiculaire, depuis l'extrados de la voûte jusqu'au faîtage, 44 pieds. Leur construction mérite l'attention des amateurs. L'assemblage de chaque ferme se compose d'un entrait d'un poinçon, de deux chevrons, et de deux croix de Saint-André, servant à contre-bouter les fermes.

Avant les événements de la Révolution, il existait au-dessous du comble, deux petits clochers, dont l'un situé sur le centre de la croisée, contenait un instrument en bois appelé grue, qui servait pour assembler les fidèles à l'église pendant les jours de la semaine sainte où l'on ne sonne point les cloches : c'était dans ce clocher du centre qu'était jadis l'ancien timbre de l'horloge. L'autre clocher, placé vers le milieu de la toiture du choeur, contenait six petites cloches appelées commandes, parce qu'elles servaient durant la célébration du service divin, pour avertir les sonneurs de mettre en branle les grosses cloches des deux grands clochers.

Au-dessus du rond-point du choeur, au lieu d'une croix, est placé un ange en plomb doré, plus grand que nature et tournant sur pivot pour servir de girouette.

On peut circuler facilement autour du grand comble, par le moyen d'une galerie bordée d'une balustrade en pierre, formant une large frise ou ceinture horizontale qui surmonte cet édifice de toutes parts. La partie de cette galerie qui se trouve en face de chaque arc-boutant, présente des demi-lunes pratiquées sur des encorbellements en forme de culs-de-lampes. Une autre galerie avec balustrade en pierre, donne également la facilité de circuler au-dessus des voûtes des bas-côtés de la nef et des chapelles autour du choeur. Huit escaliers servent pour monter dans toutes les parties de ce monument, savoir : un dans chaque clocher ; et les six autres escaliers sont pratiquées dans les tours élevées, sur les parties latérales de l'église. On compte 378 marches pour arriver jusqu'à la lanterne du clocher-neuf.

Après avoir décrit tout ce que l'architecture et les décorations extérieures de ce temple offrent de curieux et d'intéressant, nous allons pénétrer dans son intérieur, où de nouveaux objets appellent l'attention et fixent les regards.

Cathédrale Notre-Dame de Chartres dessin Adrien Dauzats

Intérieur de l'église

En entrant dans ce temple on se livre nécessairement aux sensations que son aspect fait naître. L'admiration y devient pour ainsi dire contemplative, et pénètre l'âme d'un pieux recueillement. Sa vaste étendue, sa noble simplicité, la hauteur de ses voûtes, le jour mystérieux qui perce à travers de magnifiques vitraux peints, produisent un effet magique qui n'est pas sans intérêt et sans charmes. L'intérieur de cette basilique se distingue principalement par l'unité de ses dimensions. Sa largeur parfaitement en proportion avec sa hauteur, diffère en cela de celle des autres basiliques (d'une construction postérieure), toujours trop étroites, par rapport à la prodigieuse élévation de leurs voûtes. La sévérité de style observée, tant à l'extérieur que dans l'intérieur du vaisseau, ne lui a rien fait perdre de cette hardiesse et de cette grâce qui distinguent si éminemment l'architecture désignée sous le nom de gothique.

Aux sentiments de respect et d'admiration qu'inspire l'aspect de ce temple, vient se joindre le souvenir des faits mémorables qui s'y sont passés par suite d'une dévotion particulière envers la sainte Vierge. On a vu y accourir pendant plusieurs siècles, une multitude de personnages de tout âge et de toute condition, attirés dans ce lieu par la vénération particulière qu'ils avaient pour la patronne de l'église de Chartres, et qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours. On se représente la foule de pèlerins qui assiégeaient les portiques de ce temple pour obtenir la grâce d'être admis dans son enceinte. Plusieurs rois de France y sont venus en pèlerinage. Après la bataille de Mons-en-Puelle, gagnée sur les Flamands le 18 août 1304, Philippe-le-Bel, en reconnaissance de cette victoire, fit hommage à la Vierge de l'armure qu'il portait le jour de la bataille. Philippe de Valois vint à Chartres pour rendre grâces à la mère du Sauveur, de la victoire éclatante qu'il avait remportée à Cassel le 23 août 1328.

Enfin l'on se rappelle que ce fut dans cette basilique que le vainqueur de la Ligue courba son front victorieux pour y recevoir l'onction des mains de Nicolas de Thou ; que ce prince le meilleur des rois, jura dans son coeur la félicité des Français qui chériront toujours sa mémoire, comme ils conserveront éternellement le souvenir de ses vertus. L'Europe entière ne cessera de l'offrir pour modèle aux rois qui voudront faire le bonheur de leurs sujets.

Cet édifice a de longueur dans oeuvre 396 pieds, sur 103 pieds de largeur d'un mur à l'autre, et 106 pieds de hauteur sous clef de voûte.

La longueur de la nef depuis la porte royale jusqu'à la grille du choeur, est de 222 pieds, sur 46 pieds de largeur d'un mur de face à l'autre. La nef est accompagnée de deux bas-côtés formant péristyles de droite et de gauche, de chacun 25 pieds 8 pouces de largeur sur 48 pieds de hauteur sous clef de voûte ; le sol de ces péristyles étant plus élevé que celui de la nef, on y monte par plusieurs marches, dont le nombre à chaque travée est subordonné à la pente plus ou moins grande du pavé de la nef. Ces bas-côtés éclairés par une suite de grandes fenêtres garnies de vitres peintes, sont doubles derrière le choeur, et le second bas-côté est plus élevé que le premier, d'une marche.

La croisée a de longueur depuis une porte jusqu'à l'autre, 195 pieds, sur 40 pieds de largeur ; elle est accompagnée de deux bas-côtés formant équerre avec ceux de la nef.

Les murs de face de l'entrée de la nef entre les deux clochers, sont aussi remarquables par le caractère de leur ancienne construction, que par la singularité du style des arcades et des chapiteaux des colonnes qui en décorent les bases. Deux portes percées au bas, conduisent sous chacune des tours, dont l'intérieur est voûté en ogive.

Les deux faces latérales de la nef, sont percées de sept grandes arcades ogives sur deux rangs de piliers de 8 pieds 6 pouces de diamètre, ornés sur chaque face, de colonnes engagées. Ces piliers étaient autrefois décorés des statues des douze apôtres qui avaient huit pieds de proportion : elles ont été détruites pendant la Révolution. Le retour d'équerre des deux parties latérales de chaque croisée présente trois arcades de front sur chaque face.

La nef et les bas-côtés sont pavés en dalles de pierres de Berchères fort mal assorties entre elles, et qui présentent un pavage irrégulier et désagréable à l'oeil. L'ancien Chapitre avait projeté de le faire renouveler en entier, mais les événements de la Révolution en empêchèrent l'exécution. Le pavé de la nef a une pente assez sensible qui commence vers l'extrémité de la nef du côté du choeur et finit à la porte royale,.

On voit au milieu de la nef, un labyrinthe exécuté en pierre bleue de Senlis ; les Chartrains l'appellent communément la Lieue ; il a 768 pieds de développement depuis l'entrée jusqu'au centre. On appelle labyrinthe un compartiment de pavé, formé de plates-bandes, droites ou courbes, de pierres de différentes couleurs qui, par la variété de leurs contours, imitent le plan des labyrinthes. Les chrétiens ont emprunté des anciens et surtout des Égyptiens l'usage d'en orner le pavé des basiliques. Chez les Chrétiens, ces labyrinthes étaient considérés comme l'emblème du temple de Jérusalem ; à l'époque des Croisades on y faisait des stations qui tenaient lieu du pèlerinage de la Terre-Sainte, comme cela s'observait dans la cathédrale de Reims au treizième siècle.

A l'un des piliers de la nef est adossée une chaire en bois, dans laquelle on monte par deux escaliers tournants. Elle a été exécutée en 1811, sur les dessins du sieur Guittard, maître menuisier de Chartres, qui l'a lui-même construite.

L'intérieur de cette église est éclairé par deux rangs de grandes fenêtres, et par trois grandes roses garnies de vitres peintes qui répandent dans son enceinte ce clair-obscur, ce demi-jour qu'on aime à rencontrer dans les édifices consacrés à la divinité. Le Chapitre de Chartres, peu sensible à cette impression mélancolique que produit l'obscurité des lieux saints, a fait substituer dans le choeur à l'époque de ses embellissements en 1772 et 1773, plusieurs panneaux de vitres blanches à ceux de couleur, ce qui produisit une disparate choquante.

Les grands vitraux de la nef, de la croisée, du choeur, des bas-côtés et des chapelles, sont ornés de figures représentant plusieurs saints personnages, un grand nombre de sujets de l'ancien et du nouveau Testament, et des tableaux sur lesquels sont figurées les corporations d'arts et métiers qui ont contribué, sait par leurs cotisations ou par des travaux manuels, à la construction de ce superbe édifice. Dans les parties circulaires en forme de rose, qui surmontent les pans de vitres de la partie supérieure de l'église, sont représentés des rois, des ducs, des comtes, des barons, armés de pied en cap, ayant chacun leur écu chargé d'armoiries, et montés sur des chevaux richement harnachés et caparaçonnés : tous ces personnages sont pour la plupart des bienfaiteurs de cette église.

Source : Description historique de l'église Cathédrale de Notre-Dame de Chartres Par A.P.M. Gilbert 1824.

Structure

Gros-oeuvre et pavement en calcaire de Berchères (carrières situées à 10 km de Chartres) ; sculptures extérieures de la façade en pierre de Chantilly, au nord et au sud en pierre de Vernon-sur-Eure ; voûtes d'ogives quadripartites, voûtains en tuffeau, flèche du clocher sud en pierre d'Amprainville (Eure-et Loir), charpente métallique et couverture en plaques de cuivre.

La cathédrale actuelle a été construite sur l'emplacement des édifices successifs antérieurs après l'incendie de 1194 qui la détruisit presque entièrement. Furent cependant épargnées la crypte, les deux tours et la façade occidentales.

Chronologie

  • La mention d'un premier évêque, Valentin, dans la seconde moitié du 4e siècle prouve l'existence d'une église.
  • Elle est citée pour la première fois en 743 après sa destruction par les Wisigoths, déjà dédiée à la Vierge Marie.
  • Détruite et reconstruite à plusieurs reprises lors des différentes invasions (858 et 962), en particulier par l'architecte Teudon (mort avant 1028) qui refait la façade et la toiture avant l'incendie de 962, elle reste toutefois un édifice modeste.
  • L'évêque Fulbert, grand intellectuel de son temps et figure marquante de la cathédrale, lui donne son essor après l'incendie du 7 septembre 1020. Seule la crypte (dite de Saint-Lubin) de cet édifice construit par l'architecte Bérenger (mort vers 1050) enserrée depuis dans une seconde crypte à chapelles rayonnantes, a été conservée :
  • plus grande et affectant la forme d'un U, elle est terminée en 1024.
  • L'église haute de dimensions considérables est dédicacée en 1037 après la mort de Fulbert.
  • Un nouvel incendie en 1134 détruit une partie de la ville mais endommage peu la cathédrale. Peu après, une tour indépendante pourvue d'un clocher en bois est élevée au nord-ouest puis la façade occidentale avec le portail Royal surmonté de trois verrières entre 1142 et 1150 devant l'église de Fulbert ;
  • une seconde tour pourvue d'une flèche en pierre est terminée au sud-ouest vers 1170.
  • La cathédrale d'aujourd'hui est élevée en moins de trente ans par la volonté de l'évêque Renaud de Mousson et du chapitre et grâce à l'affluence des dons.
  • En 1221, les chanoines s'installent dans le nouveau choeur et la consécration a lieu le 24 octobre 1260 sous le vocable de l'Assomption de Notre-Dame.
  • En 1310, la sacristie est adjointe au nord ;
  • en 1356, la chapelle Saint-Piat, destinée à l'ostentation des reliques du saint, est édifiée au sud par Jean Guignart au-dessus de la salle capitulaire (élevée par Hugues d'Ivry) et reliée à la cathédrale par un escalier qui sera plus tard couvert ;
  • en 1417, la chapelle de Vendôme offerte en ex-voto est construite par Geoffroy Sevestre dans le bas-côté sud de la nef. Le clocher nord élevé par Jehan de Beauce en remplacement du beffroi en bois est terminé en 1513.
  • Le gigantesque incendie du 4 juin 1836 détruit la charpente surnommée la forêt et la couverture en plomb ; seuls les bas-côtés sont épargnés, mais les voûtes résistent occasionnant ainsi peu de dommages à l'intérieur.
  • En partie grâce à une souscription, les travaux de restauration sont achevés en 1841 et la cathédrale reçoit une charpente neuve en fer et fonte et une couverture en plaques de cuivre.

Source : Ministère de la culture.

Voir aussi Cathédrale en architecture.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 42129
  • item : cathédrale Notre-Dame
  • Localisation :
    • Centre
    • Eure-et-Loir
    • Chartres
  • Adresse : 16 cloître Notre-Dame
  • Code INSEE commune : 28085
  • Code postal de la commune : 28000
  • Ordre dans la liste : 37
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : cathédrale
  • Etat :
    • Etat courrant du monument : restauré (suceptible à changement)

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Enquête : 1996
  • Date de protection : 1862 : classé MH
  • Date de versement : 2003/11/17

Construction, architecture et style

  • Materiaux: 2 types de matériaux composent le gros oeuvre.
    • calcaire
    • moellon
  • Couverture : On remarque 3 types de couverture différents :
    • flèche polygonale
    • toit à deux pans
    • toit
  • Materiaux (de couverture) :
    • L'élément de couverture principal est cuivre en couverture
  • Autre a propos de la couverture :
    • Un mode de couvrement relevé : 'voûte d'ogives'
  • Etages :
    • Etage type : 3 vaisseaux
  • Escaliers : 4 types d'escaliers différents sont présent sur le site :
    • escalier en vis
    • en maçonnerie
    • escalier dans-oeuvre
    • escalier en vis, en maçonnerie
  • Décoration de l'édifice : 2 formes de décor sont présentes :
    • sculpture
    • vitrail
  • Ornementation : 2 motifs orenementaux on été relevés :
    • ornement animal
    • ornement végétal
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • Plan Type 'plan en croix latine'

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Edifice majeur de l'histoire de l'architecture gothique. Emploi systématique des arcs-boutants, sculpture des porches et des portails, ensemble remarquable de vitraux
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes : 4 parties constituantes distinctes relevées :
    • chapelle
    • crypte
    • salle capitulaire
    • salle
  • Parties constituantes étudiées :
    • Partie constituante ayant fait l'objet d'une étude : abri
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers : 2 informations diverses sont disponibles :
    • chapiteau à basilics affrontés au-dessus de l' arcade d' accès à la salle basse de la tour nord. propriété de l'etat
    • chapiteaux simples à ornementation végétale
  • Détails : Liste de 1862. Inscription en 1979 par l' UNESCO sur la liste du Patrimoine mondial de l' humanité.
  • Auteur de l'enquête MH : Jouanneaux Françoise
  • Référence Mérimée : IA28000005

photo : gerardgg

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