Abbaye Notre-Dame-de-Soyons (ancienne)

Abbaye de Saint Jean l'Évangeliste à Soyons, Transférée a Valence en 1632 (Religieuses Bénédictines).

Cette abbaye était un des plus anciens monastères de filles de l'Ordre de Saint-Benoît; elle fut fondée, on ignore à quelle époque, dans le bourg de Soyons, en Vivarais. Mgr Catellan fait mention d'un titre du XIIe siècle, extrait du cartulaire de l'Eglise de Valence, qui fut souscrit par Guillemette, abbesse, et par sa nièce, Aigline, Religieuse dans le même couvent. L'acte est de 1179 ; mais il paraît, selon le même historien, que la fondation de cette abbaye remonte à une époque antérieure. « Le peu de mémoires qui nous restent, ajoute-t-il, ne disent rien à ce sujet, non plus que quelques catalogues modernes et défectueux que nous avons de ses abbesses (Catellan , Antiquités de l'Eglise de Valence, p. 279). »

Ce monastère jouissait des droits seigneuriaux dans toute l'étendue du territoire de Soyons; mais par un acte du mois de novembre, 1245, Bernarde, qui en était alors abbesse, céda la haute, moyenne et basse justice de ce bourg aux évêques de Valence, se réservant néanmoins tous les droits utiles, tels que les dîmes, les prémices, les cens, la pêche, la chasse, les pâturages, les eaux, la banalité des fours et des moulins, la leyde et quelques autres. En compensation, l'évêque et le chapitre de Valence cédèrent à l'abbaye une prébende de chanoines et les condamines des routes, le long du Rhône, en Dauphiné (L'abbaye de Soyons conserva ces droits jusqu'à l'époque de la Révolution , mais ceux des évêques de Valence passèrent de bonne heure à l'illustre maison des ducs d'Uzès. 11 n'est pas inutile de faire observer que le bourg de Soyons faisait alors partie du diocèse de Valence, et que par conséquent le monastère était sous la juridiction spirituelle de nos évêques). Voici, dans l'ordre chronologique, les abbesses connues du monastère de Soyons :

  • Guillbmette, en 1179.
  • Bebnarde, en 1245.
  • Marie De Claveyson. Elle gouvernait l'abbaye en 1324. Elle obtint de Philippe-le-Bel la confirmation des privilèges qui lui avaient été accordés par saint Louis et autres rois de France.
  • Aloïse De Claveyson; depuis 1335 jusqu'en 1349.
  • Luce De Crussol prit possession en 1351, et mourut en 1401.
  • Marguerite De Crussol, depuis 1401 jusqu'en 1414.
  • Lionnette De Crussol fut installée par Louis de Poitiers, évêque de Valence, le 29 juin, 1456, et résigna l'abbaye en 1467.
  • Gallienne De Crussol fut pourvue en 1468.
  • Louise D'amanze succéda à Gallienne à l'époque où la réforme calviniste commençait à se répandre dans nos pays. Il y avait alors dix-huit Religieuses au monastère de Soyons. Le 10 mars 1539, Louise donna au sénéchal de Beaucaire le dénombrement des biens, revenus et charges de son abbaye. On lit à la fin de ce titre les paroles suivantes :

    « Item, les aumônes qui, d'observation ancienne, ont accoutumées être faictes au monastère, toutes les semaines, aux pauvres de l'hôpital, et puis l'aumône journalière appelée le pain de Dieu et celles qui se font à la porte de la maison aux allants et aux venants. Pour ce , faire cuire, chaque semaine, deux sommées et demie de bled.
    Item. Aux fêtes des trépassés, quatre fois l'an , est accoutumé audit monastère, de faire une aumône générale aux habitants de Soyons, à laquelle se donne, chaque fois, 6 quartes bleds, 25 livres chair de bœuf, et un barrai et demi de vin (Dénombrement des biens et charges de l'abbaye de Soyons, donné au sénéchal de Beaucaire par Loyse Damanze, le 10 mars, 1539. (Archives de la préfecture de la Drôme. Papiers de l'abbaye de Soyons)). »


    Ces libéralités « d'observation ancienne » honorent la mémoire des Religieuses de Soyons : Louise se fit un devoir d'en conserver le saint usage; mais elle eut moins à cœur de perpétuer dans son abbaye les traditions de vertu, de piété, de ferveur que lui avaient transmises celles qui l'avaient gouvernée avant elle. Au lieu de rester dans le silence du cloître, elle voulut s'instruire de ce qui se passait au dehors; sa curiosité ne fut satisfaite que lorsqu'elle eut appris quelles étaient les doctrines enseignées secrètement par les novateurs; elle eut, à ce sujet, de fréquents entretiens avec des personnes suspectes, et finit par prêter l'oreille à des sollicitations dangereuses. Cette imprudence lui coûta cher, car elle la conduisit bientôt à une honteuse apostasie. La malheureuse abbesse sortit de son couvent, abjura l'état religieux et la foi catholique, pour embrasser la Réforme, et prit la route de Genève, où elle alla mourir dans l'ignominie et la misère. Ce scandale plongea les Bénédictines de Soyons dans la douleur, et porta un coup mortel à leur établissement. Quelque temps après, la guerre civile ayant éclaté dans le Vivarais, elles furent contraintes de prendre la fuite, et leur monastère livré aux flammes fut ruiné de fond en comble.

    Tant de cruelles épreuves auraient dû anéantir pour toujours l'abbaye de Soyons, mais ces pieuses filles, loin de se laisser abattre, revinrent dans leur solitude dès que les troubles furent un instant apaisés , et se hâtèrent de relever peu à peu les débris de leur couvent.
  • Lionnette De Rochefort en fut nommée abbesse en 1570 ; elle eut bien de la peine à rétablir l'ordre et la discipline parmi ses Religieuses, qui vécurent dès lors dans la pauvreté la plus extrême et au milieu de continuelles alarmes.
  • Jeanne De Rochefort succéda à Lionnette en 1578. Les embarras de sa charge et les troubles qui, de nouveau, désolèrent le pays, l'obligèrent à se démettre en faveur de sa nièce.
  • Autre Jeanne De Rochefort. Celle-ci eut la douleur de voir son abbaye incendiée une seconde fois et ses filles se disperser sans espoir de retour.

    Les huguenots avaient lassé leur patience. Soyons, devenu le boulevard de la révolte, n'offrait plus désormais un asile sur pour leur innocence; les biens du monastère étaient envahis, les titres brûlés, tout était perdu; il fallut se résoudre à s'éloigner pour toujours de ces lieux qui leur rappelaient pourtant de si précieux souvenirs. Quatre cents ans s'étaient écoulés depuis la fondation de l'abbaye ; la paix y avait régné durant ce long intervalle, un grand nombre de vierges pieuses y avaient laissé en mourant la bonne odeur de leurs vertus; voilà ce qui attachait nos Bénédictines à leur couvent de Soyons.
    Ce ne fut donc pas sans un profond sentiment de tristesse qu'elles se déterminèrent à ne plus en relever les ruines, et à accepter les propositions de l'évêque de Valence qui leur offrait un asile dans sa ville épiscopale.
    Au reste, en les appelant auprès de lui, Charles de Léberon ne fit qu'obéir aux vœux de son prédécesseur qui, dès le commencement des troubles, les avait invitées plusieurs fois à quitter un lieu qui devait être le théâtre de tant de désordres.
    Le roi, par un brevet du 30 février, 1627, avait permis cette translation et autorisé l'achat d'un nouveau monastère dans l'enceinte de Valence.
    Il avait aussi confirmé les privilèges de l'abbaye par lettres-patentes du mois d'avril, 1629.
  • Antoinette De Sassenage en était abbesse en ce temps-là. Elle avait succédé à Jeanne de Rochefort dans le cours de l'année 1624 ; mais les malheurs du temps avaient retardé sa prise de possession jusqu'en 1628. Entrée, dès sa jeunesse, dans l'abbaye de Saint-Pierre, à Lyon, elle avait goûté longtemps les consolations de l'obéissance, et avait pu apprécier les avantages de la discipline religieuse dans une maison célèbre alors par sa ferveur et sa régularité : aussi sa douleur fut-elle extrême quand elle vit l'état misérable où se trouvait réduite l'abbaye de Soyons. Il est aisé de concevoir, en effet, qu'au milieu de tant d'épreuves et de malheurs, la discipline avait beaucoup souffert dans ce monastère ; d'ailleurs, quoique vivant sous la règle de saint Benoît, les Religieuses de Soyons n'étaient dépendantes d'aucune autre maison du même Ordre, et se trouvaient ainsi dans un isolement dangereux lorsque, plus que jamais, elles auraient eu besoin d'appui, de conseils, de sage direction.
    Dans cette extrémité, le choix d'Antoinette pour abbesse fut un bienfait de la Providence. Son premier soin fut d'agréger l'abbaye de Soyons à un autre établissement de l'Ordre de Saint-Benoît. Elle adressa, à cet effet, une requête aux Religieux de Chesalbenoît, réunis en ce moment dans le couvent de Saint-Martin, au diocèse de Séez, pour la célébration d'un chapitre général.

    L'abbé l'accueillit avec d'autant plus d'empressement qu'il connaissait le mérite d'Antoinette; il fit part de sa demande au chapitre, et l'abbaye de Soyons fut agrégée à Chesalbenoît, à condition, néanmoins, qu'Antoinette ferait agréer cette union au Souverain-Pontife, ainsi qu'au grand conseil du Parlement du Dauphiné, et que les abbés de Saint-Alyre seraient supérieurs de l'abbaye, comme ils l'étaient de celle de Saint-Pierre à Lyon. L'acte fut signé le 19 mai, 1628 (Cet acte se trouve dans les archives de la préfecture de la Drôme).

    L'abbesse prit ensuite des mesures, de concert avec Charles de Léberon , pour réunir à Valence les Religieuses dispersées. Elle acheta un vaste emplacement sur les bords du Rhône, au quartier de la Basse-Ville, et y fit édifier un vaste monastère. Les travaux, poursuivis avec ardeur, furent terminés en 1632.
    Toutefois les Religieuses ne prirent possession de leur nouvel établissement que l'année suivante, au mois de novembre.
    Antoinette voyant tous ses vœux accomplis et ses pieuses filles à l'abri désormais de nouvelles alarmes, songea à se démettre des fonctions de supérieure; elle résigna donc l'abbaye entre les mains du roi Louis XIII, durant le cours du mois de décembre, 1633 (L'élection des abbesses de Soyons avait été dévolue à nos lois , on ne sait à quelle époque; elle devait être approuvée par le Souverain-Pontife. Quand l'élue avait reçu ses bulles de Rome, elle en donnait avis à l'official de l'évêque de Valence, lequel se rendait au monastère pour procéder à son installation. Cette cérémonie se faisait ordinairement d'une manière très solennelle, si l'on en juge par quelques procès-verbaux que nous avons encore aujourd'hui).
  • Louise De Sassenage , sœur d'Antoinette, lui succéda dans le gouvernement de l'abbaye. Elle avait passé, comme elle, les premières années de sa jeunesse dans l'abbaye de Saint-Pierre, à Lyon. Son élection fut un nouveau bienfait pour celle de Soyons. Louis XIII la notifia lui-même au Souverain-Pontife par une lettre particulière écrite de sa main, pour rendre hommage au mérite et à la piété de la nouvelle abbesse. Ce fut de son temps et par ses soins que fut construite la chapelle de l'abbaye qui existe encore de nos jours et dont nous parlerons bientôt.
  • Marie-marguekite De Sassenage , nièce de Louise, lui succéda en 1661, et se démit, en 1703, en faveur d'une de ses parentes, Religieuse dans la même abbaye.
  • Paule-catherine De Sassenage prit possession le dernier jour d'octobre de l'année 1703. La succession de ces trois abbesses de la famille de Sassenage est une preuve de l'état florissant où se trouva bientôt l'abbaye après sa translation dans notre ville. La maison de Sassenage était l'une des plus distinguées de la province.
    Elle jouissait d'un crédit égal à sa réputation; elle seule, par son influence et ses libéralités, pouvait assurer alors la prospérité d'un établissement qui lui était cher à tant de titres. Catherine-Paule contribua beaucoup, par ses soins et sa vigilance, au maintien de la ferveur dans l'abbaye.>br/>Mgr de Catellan parle d'elle en ces termes : « Personne de nous n'ignore que celle qui est aujourd'hui abbesse des dames de Soyons, et qui gouverne ce monastère avec tant de sagesse, est de la maison de Sassenage, et sœur de M. le comte de Sassenage, lieutenant général de cette province (Catellan, Antiquités, p. 280). »
  • Marguerite Françoise De Fortia De Montréal succéda à Catherine-Paule en 1736.
  • Françoise De La Rivoire, 1748.
  • Henriette-elisaretii De Maugiron, 1757-1770.
  • Anne-gabrielle De Sassenage fut la dernière abbesse du monastère dont elle prit possession le 22 avril 1770. Nous lisons dans un mémoire de cette époque:
    br/> « Anne gouverne l'abbaye de Soyons avec l'ordre et toute la conduite qu'on peut désirer dans une parfaite supérieure, elle peut être proposée comme un exemple de régularité et de douceur à toutes les dames abbesses. »

    Déjà cependant le monastère commençait à déchoir; et soit que les supérieures précédentes n'eussent pas veillé soigneusement à ses intérêts temporels, soit que d'injustes vexations eussent épuisé une partie de ses ressources, l'établissement s'acheminait dès lors à grands pas vers sa ruine. En terminant un mémoire qu'elle adressa aux consuls, la nouvelle abbesse disait : « Si les communautés et la roture méritent la protection de M. le procureur général, l'exposante la réclame pour une maison religieuse qui renferme dans son sein la plus haute noblesse du royaume et qui est l'asile de la vertu, pour une maison qui, depuis près de vingt ans, lutte contre la chicane et l'injustice, pour une maison enfin déjà épuisée par des frais immenses auxquels elle serait hors d'état de fournir plus long-temps. »

    On ignore de quelle manière Anne de Sassenage pourvut aux besoins de son abbaye, et la préserva des maux dont elle était menacée. Il est probable que la Révolution de 89 la surprit dans les mêmes embarras. Il en fallait beaucoup moins pour anéantir l'abbaye de Soyons. « De ce monastère et de son vaste jardin, convertis en arsenal qui longe une bonne partie du quai du Rhône, il ne subsiste plus intégralement que l'église. Elle est en forme de croix latine; l'intérieur assez vaste, mais d'une architecture lourde et privée d'ornements, n'a rien qui puisse la faire remarquer. Il en est autrement de la façade, dont la surface, toute couverte de ces moulures bizarres, capricieuses et tourmentées, qui caractérisent parfaitement le style dégénéré dans lequel elle a été construite, offre un curieux spécimen de ce genre bâtard, mais non sans quelque grâce, qu'on a si bien appelé le style Pompadour (Guide Valentinois, p. 18.). »

Source : Histoire hagiologique, ou Vies des Saints et des Bienheureux du Diocèse par Joseph Cyprien Nadal en 1855.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 38122
  • item : Abbaye Notre-Dame-de-Soyons (ancienne)
  • Localisation :
    • Rhône-Alpes
    • Valence
  • Adresse : rue Saint-Martin
  • Code INSEE commune : 26362
  • Code postal de la commune : 26000
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : abbaye
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 17e siècle
  • Dates de protection :
    • 1926/06/08 : inscrit MH
    • 1965/07/12 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/12/03

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :4 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • chapelle
    • porte
    • arsenal
    • port
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détail :
    • Porte de l' arsenal : inscription par arrêté du 8 juin 1926
    • Chapelle Notre-Dame-de-Soyons (cad. A 1264) : inscription par arrêté du 12 juillet 1965
  • Référence Mérimée : PA00117084

photo : Edouard J