Fort Boyard

La rade de Rochefort, à l'embouchure de la Charente, est abritée par les îles d'Aix et d'Oléron qui laissent entre elles une distance de 6 à 7 kilomètres. Les feux ne peuvent se croiser que difficilement : aussi,pendant les guerres de l'Empire, des brûlots anglais pénétrèrent dans la Charente et y firent de grands ravages.

Pour compléter la défense de ces côtes, Napoléon Ier ordonna la construction d'un fort sur le banc Boyard à une distance de 3000 mètres de la côte d'Oléron.

Les premiers travaux, commencés en 1802, consistaient en enrochements à pierres perdues; les matériaux étaient de dimensions variables, cependant on parvint à échouer un bloc de 14 mètres cubes. En 1807, l'enrochement dépassait la basse mer de vive eau, et on commençait en 1808 à établir une première assise de maçonnerie construite en chaux peu hydraulique et en pouzzolane. Au mois de février une tempête vint bouleverser cette assise et arraser l'enrochement. Le bloc de 14 mètres cubes seul ne fut pas déplacé.

Voici toute l'histoire de la mise en place des fondations.

Travaux publics

La construction d'un fort destiné à défendre l'entrée de la rade de l'île d'Aix fut arrêtée en principe en 1801.

Il avait d'abord été décidé que ce fort serait construit sur le banc de la Longe-de-Boyard qui découvre dans les basses marées d'équinoxe, mais on reconnut bientôt qu'au lieu de se trouver au milieu de la passe de 5000 mètres de largeur environ, qui sépare l'île d'Aix de l'île d'Oléron, ce banc était très-rapproché de l'une des rives; il fut alors arrêté que le fort serait placé au milieu de la passe, sur un fond de sable, par 4m,50 d'eau à basse mer, et qu'il serait élevé sur un enrochement à pierres perdues.

Le projet qui fut approuvé sur le rapport de M. Ferregeau, alors inspecteur général des travaux maritimes, consistait à établir un enrochement à pierres perdues avec talus inclinés dans toutes les directions à 6 de base pour 1 de hauteur.

Sur cet enrochement, qui eût présenté au niveau des basses mers une surface elliptique de 100 mètres de long sur 50 de large, on eût maçonné trois assises de très-grosses pierres qui se seraient étendues sur le talus jusqu'au-dessous du niveau des plus basses mers.

Sur cette sorte de radier on eût élevé les maçonneries du soubassement consistant en un anneau elliptique en maçonnerie pleine présentant du côté de la mer un parement cycloïdal.

A 2 mètres au-dessus du niveau des plus hautes mers, on devait obtenir pour recevoir le fort une surface horizontale elliptique de 80 mètres de long sur 40 mètres de large.

Les mortiers devaient être composés avec les chaux ordinaires du pays mélangées à la pouzzolane d'Italie et au trass de Hollande.

Exécution commencée en 1803

Le lieu des travaux étant éloigné de tout centre de population, on dut d'abord créer de toutes pièces sur l'île d'Oléron, à l'entrée du chenal de la Perrotine, un établissement comprenant à la fois des magasins, des ateliers et des logements pour la totalité du personnel employé aux travaux.

L'exécution, par voie d'entreprise, fut tentée sans succès, et bientôt on fut conduit, faute d'entrepreneur, à faire exécuter les travaux en régie par des travailleurs militaires.

En 1804 seulement on put échouer, au centre de l'enrochement, une balise consistant en une tige de fer scellée dans un bloc de pierre de 7 mètres cubes et commencer les versements.

En 1806, après deux années de travail, le cube des matériaux versés s'élevait à 40000 mètres cubes; l'enrochement découvrant à basse mer sur une assez grande étendue, on commença la pose de la première assise de blocs.

Ces blocs cubaient de 2 à 3 mètres cubes; ils étaient amenés et échoués en place au moyen de flotteurs.

Dès que la première assise eut une certaine étendue, on commença la seconde; les joints et les lits de cette seconde assise étaient garnis en béton, les pierres des rives étaient réunies par des crampons en fer.

A la fin de 1806, on avait versé 60000 mètres cubes d'enrochement, posé les 4/5 de la première assise et les 2/3 de la seconde, et pour cela on avait dépensé 2.600.000 fr.

Mais les tempêtes de l'hiver de 1807 à 1808 ayant détruit presque entièrement les deux assises déjà posées, le mode de fondation fut remis en question.

Les ingénieurs ayant attribué les avaries à l'insuffisance des liaisons des pierres de taille, il fut décidé, sur la proposition de MM. de Prony et Sganzin, inspecteurs généraux des ponts et chaussées, que les travaux seraient continués comme ils avaient été commencés, mais que l'on réduirait les dimensions du fort, que l'on changerait son orientation et que l'on augmenterait les dimensions des fers qui devaient rendre solidaires la plus grande partie des pierres de taille de la fondation.

Interrompus en 1809, après l'affaire des brûlots, les travaux ne furent repris qu'en 1839.

Reprise des travaux en 1839

A cette époque, on constata que l'enrochement était compact, et qu'il avait tassé depuis 1807 de 1 mètre environ.

Le projet qui fut alors dressé était analogue aux projets antérieurs; on substituait toutefois, aux pierres de taille des assises de fondation, des blocs artificiels en maçonnerie, d'un plus grand volume, et aux liaisons en fer, l'emploi du ciment.

La dépense totale à faire, pour élever le soubassement à 2 mètres au-dessus du zéro des marées, fut évaluée par le projet à 2.950.000 fr.

Ce soubassement devait avoir à son sommet 65 mètres de longueur sur 35 mètres de largeur. La direction assignée à la plus grande dimension devait être la direction constante dans laquelle les lames se propagent dans les tempêtes (nord, 27 degrés ouest).

Le soubassement devait être élevé sur un massif général arasé à 1m,50 au-dessus des plus basses mers et saillant de 2 mètres au delà du parement extérieur.

On devait établir ce massif en construisant sur l'enrochement des murettes en maçonnerie de moellons et mortier de ciment, de 1 mètre d'épaisseur, partageant la surface de la fondation en cases que l'on aurait ensuite remplies de béton fait avec du mortier de chaux hydraulique et recouverts d'un pavage en maçonnerie de ciment; enfin la risberme devait être protégée par trois lignes de blocs artificiels de 15 mètres cubes.

Les travaux furent commencés en 1842 et poursuivis suivant les dispositions du projet.

Une difficulté se présenta pour la construction des murettes qu'il fallut souvent fonder sur des parties de l'enrochement restées au-dessous du niveau des basses mers.

Sur le conseil de M. l'inspecteur général Bernard, on obvia à cette difficulté en renfermant le béton dans des sacs de toile, assez épaisse pour empêcher le délavage et assez claire pour que le mortier établît une liaison entre les sacs.

Les maçonneries ont été commencées par le sud, de là, on s'est avancé vers le nord avec des retraites successives disposées de façon à ne pas charger trop inégalement la fondation.

Au commencement de 1846, les pavages de quelques cases de la risberme ayant été emportés par l'action de la mer, on trouva les mortiers du béton des cases amollis et décomposés par l'action des eaux. Craignant alors que cette action destructive ne s'étendît rapidement au-dessous des maçonneries du soubassement, on construisit en maçonnerie de ciment une risberme de 6 mètres de largeur recouvrant complètement toutes les faces apparentes de la première, et pour cela on déplaça tous les blocs artificiels du premier rang.

A la fin de 1848, les travaux étaient terminés, ils avaient coûté 2.384.000 fr. La base fut remise au service du génie qui fit immédiatement élever le fort casematé.

Après les travaux

Presque aussitôt après l'achèvement de tous ces travaux, on dut reconnaître, bien qu'il fût orienté dans la direction la plus favorable, que les lames, dans les tempêtes, faisaient vibrer toute la masse du fort; les coups de mer s'élevaient le long du parement nord au-dessus de la batterie barbette; chaque hiver, on constatait des avaries notables à la risberme, et aux mantelets des embrasures de la batterie basse.

Pour remédier à ces graves inconvénients, les ingénieurs proposèrent de construire en avant du fort un brise-lames en maçonnerie ayant la forme d'un chevron.

Ce brise-lames eût été élevé à 2 mètres au-dessus du niveau des plus hautes mers, son épaisseur à la base eût été de 8 mètres et de 4 mètres au sommet; on eût construit les maçonneries de ce brise-lames sur une fondation en blocs artificiels de 20 mètres cubes, posés régulièrement, et défendus du côté du large par deux rangs de blocs de 26 mètres cubes.

On avait de plus reconnu la nécessité d'accoler à la partie sud du fort un petit port d'échouage qui devait être abrité par deux jetées en maçonnerie dirigées vers le sud.

Ces travaux, évalués à 760.000 fr., furent confiés en 1860 à un entrepreneur qui, après avoir vainement essayé d'échouer les blocs de la fondation, demanda, en 1863, une résiliation qui lui fut accordée ; les travaux durent être continués en régie.

Les ingénieurs proposèrent alors de modifier le projet, et de remplacer le brise-lames isolé par un éperon beaucoup plus aigu attenant aux maçonneries du soubassement; ils proposèrent de plus de fermer le petit port en retournant vers l'est l'extrémité sud de la jetée de l'ouest.

Ces modifications furent approuvées, et en 1864, on commença les travaux de construction de l'éperon.

construction de l'éperon

Les nouveaux ouvrages furent fondés comme l'avaient été ceux précédemment construits, en partageant la surface des fondations en cases séparées par des murettes en maçonnerie de ciment à prise rapide (Médina), élevées sur l'ancien enrochement au moyen de sacs remplis de béton de ciment à prise lente (Portland).

Les cases furent remplies, j usqu'au niveau des basses mers de morte eau, en maçonnerie avec mortier de ciment Médina. Toute la maçonnerie au-dessus des cases a été exécutée avec des mortiers de ciment de Portland que l'on revêtissait à la fin de chaque marée, d'une couche de ciment à prise rapide.

En 1866, les travaux ont été terminés, l'éperon a produit l'effet qu'on en attendait; les lames se divisent sans choc au saillant de l'éperon et longent en se brisant les deux parements du fort.

Ces travaux complémentaires ont coûté 1.221.000 fr.

Bilan

En résumé le soubassement du fort Boyard a coûté, savoir:

  • 1er période, de 1802 à 1809 3.533.000 fr.
  • 2e période, de 1839 à 1850 2.384.000 fr.
  • 3e période, de 1860 à 1860 1.221.000 fr.

Total 7.138.000 fr.

Les travaux du fort Boyard ont été exécutés:

  • De 1802 à 1809, sous la haute direction de M. Ferregeau, inspecteur général, par MM. Leclerc, Letellier, Bredif, Delsaux et Loysel, ingénieurs ordinaires des ponts et chaussées.
  • De 1839 à 1850, sous la direction de MM. Mathieu et Garnier, ingénieurs en chef, par MM. Garnier et Bonnet, ingénieurs ordinaires des ponts et chaussées.
  • De 1860 à 1866, sous la direction de M. Courbebaisse, ingénieur en chef, par M. Taratte, ingénieur ordinaire des ponts et chaussées.

Sources :

  • Notices sur les modèles, cartes et dessins relatifs aux travaux publics Ministère de l'agriculture 1867.
  • Manuel des aspirants an grade d'ingénieur des ponts et chaussées Volume 2 Par Jules Regnault 1857.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 19510
  • item : Fort Boyard
  • Localisation :
    • Poitou-Charentes
    • Charente-Maritime
    • Ile-d'Aix
  • Adresse : A 2 km 500 de l'île d'Aix en pleine mer
  • Code INSEE commune : 17004
  • Code postal de la commune : 17123
  • Ordre dans la liste : 7
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : fort
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 19e siècle
  • Date de protection : 1950/02/01 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/10/27

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Témoin du système de fortifications côtières du 19e siècle ; Non exploité
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :2 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • ouvrage fortifie
    • fort
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété d'une personne privée 1992
  • Détails : Fort Boyard : inscription par arrêté du 1er février 1950
  • Référence Mérimée : PA00104714

photo : herbez.joel

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