Ancienne église

L'église de Thaon est sans contredit l'une des églises romanes les plus intéressantes et les plus connues de la Normandie. Elle a pour elle le triple mérite de l'antiquité, de la beauté artistique, du pittoresque ; elle a quelque chose de plus, le charme indéfinissable qui s'attache aux ruines, aux monuments abandonnés dont chaque jour détache une pierre, que l'on voit aujourd'hui, que l'on ne retrouvera peut-être plus demain.

Tous les archéologues anglais et français s'en sont successivement occupés. Dans son grand ouvrage, Cotman lui a consacré de nombreux dessins ; Pugin ne l'a pas oubliée, et, venu le dernier, l'auteur de L'Architecture normande au XIe et au XIIe siècle, M. Ruprich-Robert, l'a étudiée à son tour avec le soin le plus attentif et le plus scrupuleux.

Avec les magnifiques ruines de l'abbaye de Hambye, qui datent d'une autre époque, c'est un des édifices les plus suggestifs que l'on puisse imaginer. Dans sa solitude attristée il évoque invinciblement l'image d'un lointain passé, et ressemble vaguement à une vignette détachée d'une production de l'école romantique. Une visite à l'église de Thaon peut, sans hésitation, être recommandée à tous les touristes. C'est un pèlerinage artistique qui ne laissera à aucun de ceux qui l'entreprendront ni regret ni déception.

Thaon - l'ancienne église

« L'église de Thaon, située dans une vallée marécageuse, lisons-nous dans la Normandie pittoresque, passe, aux yeux de certaines personnes, pour la plus ancienne église du Calvados ; quelques-uns même font remonter sa construction jusqu'au VIIe siècle. Quoi qu'il en soit, elle a été fréquemment gravée, notamment dans les livres de Cotman et de Pugin. Elle se compose d'une nef centrale, d'un choeur de hauteur et de longueur inégales et d'une tour centrale liée à l'extrémité de la nef et séparant celle-ci du choeur. Cette tour a deux étages et se termine par une pyramide quadrangulaire aux angles de laquelle on a sculpté des têtes fantastiques. La nef, le choeur et toutes les parties extérieures de l'édifice sont du roman le plus pur et dignes en tout point de l'attention que lui ont toujours prêtée les hommes de science. » Dans son ensemble, cette description, dont les éléments sont d'ailleurs empruntés à la Statistique monumentale de M. de Caumont, est exacte, mais elle a besoin d'être complétée sur certains points essentiels.

La façade occidentale nous offre une porte cintrée d'une rare élégance, dont les proportions sont malheureusement gravement altérées par l'exhaussement des terres au milieu desquelles elle est enfouie jusqu'au quart de sa hauteur. Cette porte est surmontée d'un rang de huit arcatures au-dessus duquel se trouve un autre rang de sept arcatures plus petites qui occupent la partie triangulaire du fronton.

Le chevet du choeur, formé d'un mur droit à contreforts peu saillants offre une disposition à peu près semblable. On y remarque un premier rang de six arcatures aveugles très allongées. Un second étage est orné seulement de quatre arcatures d'une moindre élévation. Cinq autres arcatures, encore plus exiguës, placées dans la partie inférieure du pignon triangulaire, complètent la décoration.

Le choeur, percé à une date postérieure de fenêtres en forme de lancette, n'a pas conservé sa physionomie primitive. Il est aisé de voir que ses murs latéraux étaient a l'origine ornés d'un rang d'arcatures surmontées d'un autre rang d'arcatures plus courtes revêtues de zigzags.

La tour qui émerge du toit, entre choeur et nef, est de forme courte et ramassée : elle est percée à ses deux étages, sur chaque face, d'une fenêtre en plein cintre à deux baies géminées. La pyramide trapue à quatre pans qui la termine, présente cette particularité qu'elle offre, à trois de ses anagles, des animaux fantastiques, et un petit personnage d'aspect étrange au quatrième.

La nef voûtée, en charpentes apparentes, communiquait avec les bas-côtés par des arcades qui ont été bouchées par une sorte de rempli provisoire. Elles sont décorées à l'intérieur de zigzags. Au-dessus d'elles, à l'extérieur, court une ligne d'arcatures analogues à celles de la façade, dans lesquelles, de place en place, sont ouvertes de petites fenêtres.

Les modillons de la corniche du mur latéral sont reliés les uns avec les autres par de petits arcs cintrés. La façade de l'église et le chevet du choeur ont conservé leurs antéfixes. Ce sont des croix entourées d'un cercle perlé à huit rayons extérieurs dont quatre formés par le prolongement des bras de la croix.

Cette description minutieuse et un peu longue, jointe au dessin que nous publions, peut donner une idée de la valeur archéologique du monument, mais elle ne saurait résoudre les problèmes de toute nature et souvent assez délicats que sa construction soulève.

Pourquoi, dans une commune rurale aussi modeste, un édifice de cette importance ? Pourquoi surtout son emplacement dans un lieu marécageux, absolument solitaire et éloigné des habitations ?

Thaon - l'ancienne église

A toutes ces singularités il y avait très certainement une raison, mais cette raison nous ne la connaissons pas ; nous connaissons encore moins les motifs qui ont déterminé, dans cette église, l'ablation de deux bas-côtés. S'il faut même dire toute notre pensée, nous nous expliquerions beaucoup plus aisément la non-édification des bas-côtés au moment de l'exécution des travaux, que leur suppression après.

Mais c'est surtout à propos de la date de l'église que les discussions les plus vives se sont élevées, que les opinions les plus divergentes ont été émises.

L'abbé de La Rue, et beaucoup d'écrivains à sa suite, ont longtemps prétendu que l'église de Thaon remontait à une très haute antiquité et était un monument du VIIe ou du VIIIe siècle. Cette opinion n'a pas prévalu, et avec MM. Gage, Auguste Le Prévost et Stapleton, on tient généralement pour constant que l'église de Thaon est d'une époque de beaucoup postérieure, et appartient au roman fleuri ou secondaire, c'est-à-dire au style qui régnait en Normandie au XIIe siècle. Dans sa Statistique monumentale, M. de Caumont se tient sur la réserve et n'émet aucune opinion catégorique.

Plus précis, M. Ruprich-Robert attribue au commencement du XIe siècle la construction de la tour, et indique le XIIe siècle comme date probable des autres parties de cet, édifice.

M. Lechaudé d'Anisy, qui a fait de la question une étude spéciale, s'appuyant sur les documents relatifs à la seigneurie de Thaon qui nous ont été conservés dans le cartulaire de l'abbaye de Savigny, a émis à son tour une opinion sur laquelle il convient d'appeler l'attention.

« La paroisse de Taun, Taon, Thaon, écrit-il, connue aujourd'hui sous le nom de Than, du diocèse de Bayeux, aurait été plus souvent confondue avec celle de Tanie ou de Tanu, du diocèse d'Avranches, qui portait les mêmes noms latins dans les chartes de Savigny, si les évêques de ces deux diocèses, en confirmant les donations faites à ce monastère dans ces trois paroisses, n'eussent fait une mention particulière de celles qui faisaient partie de leur évêché. On sait que les paroisses qui, en France comme en Angleterre, portaient le nom saxon de Than plus ou moins défiguré, formaient primitivement la demeure d'un Than ou du baron seigneur du domaine. Plusieurs chartes donnent le nom de Thannerie aux châteaux qu'ils avaient fait bâtir. Telle est entre autres celle de la donation de l'église de Saint-Bertevin faite à l'abbaye du Mont-Saint-Michel, dans laquelle on lit : Et capellam quoque cujusdam castri novi quod Tanneria vocatur. La paroisse de Than est quelquefois désignée sous le nom de baronnie ou d'honneur de Than »

M. Lechaudé d'Anisy nous apprend ensuite que l'un des premiers seigneurs de cette localité fut Hamon-as-Denz, frère utérin du vicomte du Cotentin Neel, issu par son père de Rollon, duc de Normandie. C'est a ce puissant personnage qu'il attribuerait la fondation de cette église monumentale dont il fixerait la date à 1134, et dans tous les cas avant l'érection des deux grandes églises abbatiales de Saint-Étienne et de la Trinité.

On sait que Hamon-as-Denz, seigneur de Creully, de Maisy, de Thaon et de Thorigny, fut tué la bataille du Val-des-Dunes, en combattant, à la tête des barons normands, le duc Guillaume, dont il fut l'un des plus redoutables adversaires. Au témoignage de Wace, ses partisans emportèrent son cadavre et l'inhumèrent auprès de l'église d'Esquay :

A Esquay fut d'ilene porté
Et devant l'église enterré.

Thaon - l'ancienne église

Sans discuter ici les considérations historiques développées par M. d'Anisy, nous serions assez porté à admettre avec lui, comme date de la construction de l'église dé Thaon, la première partie du XIe siècle. Si l'édifice ne présente pas en effet les caractères spéciaux que l'on rencontre dans les quelques restes des siècles antérieurs subsistant encore aujourd'hui, comme à Vieux-Pont-en-Auge, à Saint-Pierre-de-Tilly, à Fierville, à Saint-Martin-de-la-Lieue, à la crypte de Saint-Gervais à Rouen, ou dans certaines substructions du Mont-Saint-Michel et de l'église de Saint-Pair près Granville, il ne nous offre pas davantage ceux que l'on remarque à Saint-Etienne, à la Trinité ou à Saint-Nicolas de Caen. Il suffit, pour se rendre compte de la différence, de comparer les appareils de ces divers édifices, ou même de rapprocher de l'abside pentagonale de l'église de Saint-Nicolas le chevet droit si austère et si simple de l'église de Thaon.

Comme on le voit, cette question de date est loin d'être résolue et appellerait encore de nouvelles études, de nouvelles investigations.

L'église de Thaon avait pour patron saint Samson ; elle renfermait d'anciens fonts baptismaux, qui ont été jetés dans le cimetière et brisés.

Depuis nombre d'années, l'exercice du culte a été transféré dans une nouvelle église bâtie, au centre de la paroisse, aux frais de Madame la comtesse de Rivière, née de Thaon.

La donatrice avait imposé, comme condition à sa libéralité, l'obligation pour les habitants d'entretenir toujours l'ancienne église. Les faits malheureusement se sont bientôt chargés de montrer ce qu'une pareille clause avait d'illusoire. En réalité, l'acte de générosité de Madame la comtesse de Rivière a été l'arrêt de mort du vieux monument.

Le château de Thaon renfermait une chapelle sous le vocable de Saint-Jean, fondée par le cardinal Jean Lemoine lorsqu'il était doyen du chapitre de Bayeux.

Une autre chapelle dédiée à sainte Anne existait au hameau de Barbière.

Il y avait aussi une maladrerie à Thaon. Dans des fouilles faites en 1832, M. d'Anisy a retrouvé, dans un cimetière dépendant de ce petit établissement, un certain nombre de sarcophages rangés sur deux files. Les défunts avaient été inhumés la face tournée vers la terre. Dans un sarcophage on a recueilli des couteaux de petite dimension et des anneaux de cuivre.

E. DE BEAUREPAIRE.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 13806
  • item : Ancienne église
  • Localisation :
    • Basse-Normandie
    • Calvados
    • Thaon
  • Code INSEE commune : 14685
  • Code postal de la commune : 14610
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 11e siècle
    • 12e siècle
  • Date de protection : 1840 : classé MH
  • Date de versement : 1993/11/22

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : 18 04 1914 (J.O.).
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Eglise (ancienne) : classement par liste de 1840
  • Référence Mérimée : PA00111742

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

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