Croix de Cimetière

Saint-Pierre-Canivet est borné au nord par Saint-Loup et Épaney ; à l'est, par Versainville et Aubigny ; au sud, par Falaise et Noron ; à l'ouest, par Villers-Canivet.

D'après les états de section, cette commune renferme 840 acres, ou 686 hectares , ainsi divisés : Terre labourée, 400 acres ; prairies, 80 acres ; vergers, jardins, 30 acres ; bois et bruyères, 330 acres Le territoire s'étend irrégulièrement dans une longueur de plus d'une lieue, sur une largeur de moins d'une demi-lieue.

Le village de Saint-Pierre, comme ceux de Soulangy et de Saint-Loup, est à très-peu de distance da la grande route de Caen, sur le bord d'un petit ruisseau qui arrose ses vergers et ses vertes prairies ; quelques-unes de ses maisons s'avancent jusque sur la route ; les autres hameaux de la commune sont : Longpré, la Tour, la Tuilerie, le Bout-des-Selles et le Bout-des-Cerfs.

Un chemin vicinal s'étend dans la direction de Saint-Loup à Aubigny, en suivant le vallon, et un autre se dirige vers Épaney ; la commune est de plus traversée, entre la Tuilerie et la Tour, par la route de Falaise à Harcourt, qui est mal entretenue de ce côté. Les habitans « réparent leurs chemins » par corvées, ce qui est dire qu'ils les réparent mal ; les uns travaillent, les autres ne font presque rien ; mieux vaudrait le systême des prestations en argent, et de simples adjudications devant le maire et l'adjoint. Voilà ce qu'on nous répète partout, et ce que l'on fera sans doute quelque jour, quand une loi mieux combinée, sur les chemins publics, nous aura été accordée par le Gouvernement.

L'agriculture est la même que dans la commune voisine. On y emploie 22 chevaux, 50 vaches, 350 moutons communs, et dans la belle saison, on y joint une vingtaine de bœufs que l'on met pâturer dans le grand herbage de la Tour. La population est de 300 habitans, parmi lesquels il y a eu 33 naissances sur 19 décès, dans cinq ans ; c'est un résultat tout opposé à celui qu'ont présenté les communes récemment décrites, qui sont cependant dans une situation topographique à-peu-près analogue. Des causes accidentelles ont pu produire ces différences. Le nombre des feux, dans les divers villages, s'élève à 60 au moins. Une trentaine d'enfans vont aux leçons publiques.

Parmi les habitans, dix sont bonnetiers, trois sont toiliers, quatre sont occupés aux tuileries, vingt au moins travaillent aux carrières, et le reste est laboureur ou manœuvre. Les deux tuileries établies sur la commune sont assez suivies, quoique la tuile que l'on y fabrique ne soit guère estimée, par suite du peu de soin avec lequel on la prépare.

L'exploitation des carrières se poursuit depuis des siècles, avec succès, dans la commune de Saint-Pierre-Canivet. Le sol de la plaine repose sur un banc de calcaire d'un grain dur, fin, serré, susceptible de recevoir un poli et de résister au frottement et à l'usage habituel ; nulle pierre n'est plus estimée pour servir de marches dans les escaliers ou de pavés dans les intérieurs ; on la taille en tablettes pour couvrir les murs, en mangeoires pour les écuries, en cheminées de toutes les formes, en tombeaux sculptés, en cintres de portes et fenêtres, en frontons, etc. ; elle se prête, en un mot, à tous les travaux auxquels on veut l'employer ; mais comme elle est dure et difficile à travailler, on n'en fait pas ordinairement usage pour la construction des maisons ; on lui préfère, pour la grosse maçonnerie, la pierre de Quilly ou celle de Saint-Germain-le-Vasson, qui se taille plus aisément et à moins de frais. Le calcaire de Saint-Pierre s'emploie, non-seulement dans le pays, mais on en fait des envois considérables dans les villes voisines, et même à l'étranger ; on en chargea plusieurs vaisseaux, il y a deux ans, pour Bruxelles ; il vient d'en partir un convoi pour Saint-Valery-en-Caux ; on en expédie chaque jour pour Alençon, le Mans, Laigle, Lisieux, Caen, Bayeux, etc. La vente qui s'en fait chaque année, peut se monter à 15 ou 18,000 fr. Le pavé ordinaire se vend 45 fr. le cent, sur la carrière, et le pavé d'échantillon, ou de choix, 60 fr. Les meilleurs ouvriers gagnent 3 et 4 fr. par jour, et les ouvriers ordinaires 2 fr. ou 2 fr. 5o cent. ; ceux que l'on emploie au déblayage sont payés moins cher. Les carrières de Saint-Pierre, et celle d'Aubigny, qui en est voisine, occupent, dans l'hiver, cinquante ouvriers au moins.

On travaille en général à découvert dans nos carrières. Le premier banc de pierre dure se trouve à vingt pieds de profondeur ; au-dessous est un banc de pierre molle, et enfin, le second banc de pierre dure se montre à trente pieds à-peu-près. Au-dessous, l'on ne rencontre plus rien. Les ouviers s'enfoncent quelquefois à 30 ou 40 pieds sous le sol, en laissant ça et là des piliers de soutien. Ils tirent quelques blocs qui ont 20 à 25 pieds de longueur. Ils les débitent à la scie ou au marteau, selon le travail auquel ils les destinent.

Les principales carrières de Saint-Pierre sont celles de MM. Lebreton, Ballière, Morel, Devaux, etc. ; elles sont exploitées par MM. Crespin, Moutier, Besnier et Alexis André. Ils ont deux fours à chaux qui paraissent abandonnés.

Tournons nos regards sur l'autre côté de la commune, qui tient encore au Bocage.

Les Bois du Roi, appartenant maintenant à M. le comte d'Aubigny, embrassent une étendue de 280 acres. Henri VI d'Angleterre les avait vendus en 1446 au duc-de Ferrare, qui lui-même les revendit plus tard, en 1593, à la famille d'Harcourt-Beuvron ; le prix de la cession était alors de 9240 liv. Ces bois ont été récemment acquis par M. d'Aubigny, moyennant un capital de 150,000 fr. ; on voit que la valeur de la propriété s'est ainsi accrue ? en moins de 340 ans, dans la proportion de 1 à 16 ; ce rapprochement est assez remarquable. M. d'Aubigny trouva les bois du Rois en très-mauvais état, par suite de l'usage où l'on était d'envoyer les bestiaux pâturer dans les coupes avant qu'elles fussent défensables. Il a transigé sur ce droit de pâture avec ses voisins, et il a fait exécuter des travaux sur toutes les parties du bois qui étaient susceptibles d'améliorations. On a ouvert de larges fossés dans les lieux profonds, pour recevoir et contenir les eaux qui croupissaient et détruisaient les souches ; on a repiqué ou semé du plant dans les lieux dégarnis; on a formé de petites futaies de hêtres et d'arbres verts sur les hauteurs ; on a couvert de vignonières les points les plus arides ; ainsi, la main d'un propriétaire vigilant a rendu la vie à ce vaste terrain qui perdait chaque jour de son importance et de sa valeur sous ses anciens possesseurs ; les bois du Roi, joints au château d'Aubigny, vont former une des plus belles propriétés des environs de Falaise ; de leur point le plus élevé, sur la bruyère, au lieu où M. d'Aubigny a fait disposer un petit pavillon de chasse, on jouit d'une vue très-étendue sur presque toutes les lignes de l'horizon.

Les bois de la Tour sont au nord des bois du Roi, et ceux de Longpré sont à l'est ; cette réunion forme sur la commune de Saint-Pierre-Canivet une masse de bocage qui se prolonge presque jusqu'à l'entrée de la ville ; ils offrent, avec les bruyères de Noron que nous avons décrites précédemment, un ensemble champêtre et à demi-sauvage, très-digne d'être recherché par les amateurs de paysages.

Le château de la Tour, placé au centre du bois du même nom, dans le vallon, est encore bien plus remarquable que les hauteurs boisées qui le dominent. On y arrive par de grandes avenues que borde un bel herbage rempli de troupeaux. La maison, neuve, simple, de bon goût, est distribuée dans l'intérieur avec intelligence, et présente les restes d'un ameublement élégant. Elle fut habitée, avant la révolution, par Madame de Séran, beauté renommée sur la fin du règne de Louis XV, et célébrée par les poètes et les écrivains de cette époque ; Marmontel, surtout, la représente, dans ses Mémoires, comme une des femmes les plus agréables de son temps. Autour d'elle s'était formée une cour de beaux esprits, parmi lesquels on remarquait Delille, l'espoir alors du Parnasse français. Delille et Marmontel vinrent plusieurs fois au château de de la Tour, et même de plus augustes personnages ne dédaignèrent pas, à ce qu'on assure, d'y passer quelques instans ; les étés s'y écoulaient dans les fêtes et les plaisirs. La révolution vint chasser les hâtes de ces aimables lieux, et depuis ce temps, la famille des Séran n'a plus guère habité ce château ; on y reconnaît partout aujourd'hui l'absence du maître : les avenues, les jardins, les bosquets ne sont plus entretenus comme ils le furent autrefois, les intérieurs sont tristes et déserts. Les portraits de la belle Séran viennent seuls charmer encore les regards au milieu de cette enceinte qu'elle remplit de ses souvenirs ; on y retrouve son image sous plusieurs formes différentes ; et l'un de ces tableaux, surtout, celui de la Nuit, la reproduit avec une grâce qu'il est plus facile de sentir que de définir ; un tel séjour devait être charmant, quand une châtelaine aussi séduisante présidait aux fêtes qui s'y renouvelaient tous les ans, pendant les beaux jours.

On cite, dans le bois de la Tour, comme une beauté naturelle, très-digne d'être visitée, une fontaine fraîche et limpide qui sort du pied des rochers, et qui forme un petit ruisseau dont les eaux s'écoulent avec une douceur infinie, au milieu de sentiers tortueux, jusqu'aux douves du château. Nous ne croyons pas, en effet, qu'il y ait rien dans ce pays de plus gracieux que ces bocages. Les eaux, dans leur cours, remplissent d'anciens fossés, du milieu desquels s'élève une masse de bosquets qu'on nomme l'île d'Amour. C'était le rendez-vous des poètes et des amants pendant les chaleurs du midi. De beaux sapins, de longs bouleaux, des acacias, des lianes de chèvrefeuille, des aubépines l'embellissent et le parfument ; tout y onvite a la fois à la molesse et au plaisir. Là cependant, existait jadis un ancien châtel dont la mémoire s'est conservée dans la contrée : c'était la forteresse de défense des seigneurs de Séran, au temps de nos guerres civiles. Ravent de Séran s'y était renfermé en 1589, et il y tenait pour le roi contre la ligue, quand il fut informé de l'arrivée des soldats de Brissac qui occupaient Falaise ; il fut chassé de son manoir par ces pillards, et dans sa fuite il aperçu les flammes qui devoraient l'antique enceinte. Il se rendit a Caen, et se plaignit des dommages que ce pillage lui avait causés. On cita les coupables devant les magistrats, pour rendre compte de leurs désordres ; et comme ils ne comparurent point, ils furent condamnés à de fortes amendes envers le plaignant. Les détails de ce procès sont consignés dans la première partie de cet ouvrage. Depuis ce temps, le château seigneurial de la Tour a été placé sur un autre point, et la motte féodale de Ravent de Séran a été abandonnée. C'est une heureuse idée, de la part de ses successeurs, de l'avoir transformée en une enceinte consacrée aux plaisirs ; ils eussent pu placer dans ce petit temple que l'on y aperçoit une statue de l'Amour détrônant le dieu Mars ; l'allégorie eût été de l'histoire.

Les Sèran entrèrent en possession de ce fief de la Tour, ou de Canivet, en 1444 ; il leur fut accordé par le roi Henri VI, avec lequel ils étaient revenus d'Angleterre. Depuis cette epoque ils ont conservé ce domaine, leur apanage principal. Robert de Séran est le premier connu, de leur race, à la fin du XVe siècle ; il fut proclamé noble en 1467 ; Ravent de Séran vivait à la fin du XVIe siècle ; Gilles-François était chevalier de l'ordre du Roi en 1636 ; nous trouvons un Guillaume-François et un Gilles-françois, morts en 1690 et 1726 ; Louis-François, mousquetaire et gouverneur des pages du duc d'Orléans, mourut en 1766 ; un abbé Séran de la Tour publia, en 1762, l'Art de sentir et de juger en matière de Goût ; et en 1774, l'Histoire du Tribunat de Rome ; il est encore auteur de quelques autres écrits. Enfin, M. le comte de Séran actuel est colonel du régiment des chasseurs du Gard et gentilhomme de la chambre du Roi. Cette famille est distinguée dans le pays.

Les pierres tumulaires de Ravent et de ses descendans, jusqu'au dernier Séran de la Tour, se voient dans la chapelle de l'église de Saint-Pierre, dont ils étaient anciennement seigneurs.

Le château de Longpré, à l'autre extrémité de la commune, vers Falaise, offre de loin une masse carrée de hâtimens flanqués de petites tourelles à toits pointus recouverts en ardoise ; placé au milieu d'herbages et de bois, son effet général est assez pittoresque. Il appartient à M. Lebourgeois-Prébois, qui en a fait restaurer l'intérieur avec soin ; le jardin potager, la grande serre et le jardin anglais sont surtout bien entretenus. On assure que ce fut dans ce château que naquit et fut élevée, il y a plus de soixante ans, l'aimable comtesse de Sonza, une des plus ingénieuses de nos romancières modernes. Madame de Souza, née Filleul, est une des illustrations littéraires de ce pays ; son Adèle de Sénanges est un chef-d'œuvre de grâce et de sensibilité ; qu'il nous soit donc permis de jeter en passant quelques fleurs sur son berceau. C'est dans ces mêmes lieux que naquit sa sœur, la comtesse de Marigny-Ménars, l'amie et la rivale de beauté de Madame de Séran. Ainsi, par un singulier rapprochement, à cette modeste commune de Saint-Pierre se rattachent les souvenirs des trois femmes les plus spirituelles et les plus jolies dont cette contrée se soit glorifiée dans ces derniers temps. La plus célèbre d'entre elles, Madame de Souza, vit encore, et nous ne pouvons ainsi donner de plus longs détails sur sa vie et sur ses ouvrages. Plus tard, l'auteur de tant de romans pleins de charmes, aura droit à de plus dignes éloges au sein des lieux qui la virent naître.

Nous n'avons rien à ajouter sur les autres parties de la commune de Saint-Pierre-Canivet. L'église est un monument presque tout moderne et sans importance. Le cimetière présente un bel if et la tombe d'un Manoury-Dumesnil. La paroisse est supprimée et réunie à Aubigny.

Source : Statistique de l'arrondissement de Falaise par Fréd Galeron, Brébisson, Desnoyers 1828.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 13678
  • item : Croix de Cimetière
  • Localisation :
    • Basse-Normandie
    • Calvados
    • Saint-Pierre-Canivet
  • Code INSEE commune : 14646
  • Code postal de la commune : 14700
  • Ordre dans la liste : 3
  • Nom commun de la construction : 3 dénomiations sont utilisées pour définir cette construction :
    • croix de cimetière
    • cimetière
    • croix
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 19e siècle
    • 1ère moitié 19e siècle
  • Enquête : 1986
  • Date de versement : 1987 AVANT

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • Cette construction est composée de : calcaire
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Dimensions : 415 h
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Edifice contenant : église paroissiale ; Saint-Pierre ; dans le cimetière
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune
  • Référence Mérimée : IA00000767

photo : michel