Eglise

De l'église de Fontaine-Henry, une partie seule est intéressante ; la nef étant moderne et sans style, le clocher d'un aspect désagréable, il n'y a donc que le choeur dont on puisse s'occuper.

En revanche, celui-ci est absolument remarquable. De la belle époque romane, il offre un échantillon du style normand le plus pur. Aussi le savant archéologue anglais Cotmann, qui en a donné deux dessins, le compare-t-il, pour certains détails, aux choeurs de la Trinité de Caen et de Saint-Georges de Bocherville, près Rouen.

Deux travées composées chacune d'une galerie de cinq arcades pleines, surmontées de trois fenêtres accolées, dont celle du milieu est seule ouverte, séparaient le choeur en deux parties égales et présentaient un véritable modèle d'harmonie dans les proportions.

Mais une délibération du Conseil municipal, en date du 27 novembre 1851, considérant que le choeur de l'église menaçait ruine et devenait un danger pour la sûreté des habitants, admit les plans et devis de l'architecte départemental pour la reconstruction et l'allongement du choeur. Ces travaux furent exécutés aussitôt et la consécration du choeur eut lieu dès le 17 octobre 1852.

Pour obtenir ce résultat, on démolit entièrement le choeur en numérotant les pierres et on reporta l'abside plus loin, dans une parcelle du parc du château concédée par Madame la marquise de Canisy. La première travée vers la nef fut rebâtie sur nouvelles fondations et on réunit les deux parties par une nouvelle travée pareille aux précédentes. C'est ainsi que le choeur possède trois travées au lieu de deux et a perdu ainsi les heureuses proportions qui étaient si remarquables.

Il est malheureux qu'au lieu d'allonger le choeur, on n'ait pas songé à le reconstituer dans son état primitif et à reconstruire dans le même style une travée de la nef, quitte à continuer plus tard ce travail et remplacer ainsi cette nef de mauvais goût que nous voyons actuellement.

Ainsi donc, aujourd'hui, à l'extérieur, le choeur est orné d'une galerie bouchée régnant sur trois travées et décorée de colonnes élégantes. L'étage supérieur, qui en est séparé par une moulure en torsade, contient les fenêtres disposées par trois et dont celle du centre seule est ouverte. Les arcades supportées par des colonnes trapues, aux chapiteaux d'un dessin très sobre, sont sculptées en dents de scie.

Des deux côtés de chaque groupe de fenêtres s'élance d'en bas, jusqu'à la corniche qui porte la toiture, une colonne ronde d'une grande légèreté, accolant les contreforts et qui, d'après Cotmann, devrait porter le nom de pilastre, surtout du côté du nord, où chaque colonne ne dépasse pas la corniche qu'elle soutient comme un entablement. D'après lui, les contreforts ont été ajoutés postérieurement pour rompre la monotonie des lignes. Les corbeaux supportant la corniche représentent des têtes grotesques et sont fort curieux.

La partie, sans contredit, la plus remarquable du monument est la porte latérale du côté du sud.

Le linteau de l'archivolte forme fronton et repose sur les piliers de la porte au niveau des chapiteaux. Cette archivolte est composée de trois bandeaux, dont le premier ou le plus petit est orné de zigzags.

Le bandeau central présente une suite de figures grotesques, qui sont d'une telle rareté en Normandie que le savant archéologue anglais affirme n'en avoir vu que deux fois à Bérigny et à Bracheville.

Le chevet carré suit dans les détails l'ornementation du choeur, c'est-à-dire le double rang d'arcades bouchées que sépare un cordon.

En résumé, malgré son augmentation, le choeur offre encore un aspect de grand style. Les proportions des détails bien gardées, les ornements d'une forme sévère et hardie tout à la fois, en font un beau spécimen de l'architecture normande.

A l'intérieur, l'aspect général eût peut-être gagné si on eût moins abusé, dans la décoration de l'autel, des peintures vives et des pseudo-émaux qui tranchent nettement avec la sobriété de l'ornementation du reste de l'édifice. Il est inutile, comme nous l'avons dit, de parler de la nef, sur laquelle eût dû se porter l'attention de ceux qui ont fait restaurer l'église et qui serait avantageusement remplacée pour être en harmonie avec le choeur ; on peut regretter également l'installation, de chaque côté de la nef et près du choeur, des deux autels accolés dans l'angle et qui produisent un effet déplorable dans la perspective de l'ensemble.

Je ne veux pas finir sans signaler une charmante petite porte Renaissance qui, près du chevet de l'église, sert de communication entre le parc du château et le cimetière.

A l'intérieur du parc, les pieds-droits de la porte sont ornés de deux délicates colonnettes portant des chapiteaux finement fouillés et surmontées d'un fronton au milieu duquel est sculpté un écusson aux armes des d'Harcourt, dont l'un d'eux fit construire le château. Il est présumable que cette porte occupe une autre place que celle qu'elle eut primitivement, et que jadis elle dépendait des constructions du château, dont elle fut distraite, lorsqu'une partie de celui-ci fut détruite pendant ou quelque temps après la Révolution.

Source : La Normandie monumentale et pittoresque 1895.