Eglise Saint-Adelphe

A deux lieues de Saverne, au pied des Vosges, se trouve Neuwiller. C'est une vérité incontestable et connue de toutes les personnes qui ont bien voulu y faire attention, que les anciens établissements religieux étaient, presque sans exception, construits dans les sites les plus pittoresques. Cette vérité trouve encore son application pour Neuwiller. Lorsque vous aurez dépassé Steinbourg et que vous serez sortis de la petite forêt qui domine la hauteur du village de Dossenheim, vous apercevrez, à une demi-lieue devant vous, les belles maisons blanches de la ville, apparaissant à cette distance comme le séjour favorisé d'une résidence princière ; les tours de l'église, surmontées de statues en pierre, contribuent beaucoup à relever cet effet ; à gauche se dresse la montagne que dominent les ruines du château de Herrenstein ; au fond la vallée se prolonge le long de la chaîne des Vosges, jusqu'à Soultz et Haguenau, à droite les deux Bastberg ; et toute cette étendue, riche en culture, en productions et en couleurs variées, forme un ensemble, un coup d'oeil ravissants. Mais, comme pour faire contre-partie à ce riant tableau, on entre dans Neuwiller en laissant à droite le cimetière des protestants, à gauche celui des catholiques : Au milieu de la belle nature le tombeau, le dernier refuge du malheur, la fin de toute grandeur, des joies et du bonheur terrestres !

Du côté de Saverne, Neuwiller avait un faubourg, qui, seulement depuis une dizaine d'années, a perdu ce caractère par la démolition de la vieille porte à laquelle aboutissait ce faubourg. Le mur d'enceinte existe encore en majeure partie, mais sur-bâti ; les fossés de fortification sont transformés en beaux jardins, qu'entretiennent quelques rentiers et officiers en retraite ; du côté de la propriété de M. de Reissenbach on remarque encore une ancienne tour carrée qui a fait partie des fortifications.

Deux églises existent à Neuwiller, qui sont toutes deux dignes de remarque : l'église de Saint-Adelphe, aujourd'hui le temple protestant, et l'église paroissiale catholique.

L'église de Saint-Adelphe est de style byzantin et remonte au douzième siècle. Il y a quelques années que le choeur de cette église, qui était de style gothique, a été démoli pour cause de vétusté. La disposition du plan était la forme cruciale avec bas-côtés ; aux deux extrémités de la face principale se trouvent deux tourelles rondes qui dépassent la naissance de la toiture ; détruites par je ne sais quel accident, elles ont été reconstruites sur l'ancien plan par l'architecte Maesllé, lors des réparations générales que réclamait la construction. La porte d'entrée, placée entre ces deux tourelles, est à plein-cintre, surmontée d'une rosace byzantine ; l'ensemble est simple et sévère et d'une symétrie parfaite. Elle était l'ancienne église paroissiale de la ville et fut consacrée à saint Adelphe, dont les reliques avaient été transportées, le 29 août 826, de Metz à Neuwiller, suivant les ordres donnés par Drogon, frère de Louis-le-Débonnaire, et étaient déposées dans l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul. C'est dans le choeur de l'église, derrière le maître-autel, que se trouvaient les reliques du saint.

En 1496 le pape Alexandre IV incorpora cette église à l'abbaye, et l'église de l'abbaye devint la collégiale. Albert de Bavière était alors évêque à Strasbourg ; ce changement se fit avec son agrément et celui de l'abbé Hugo de Fegersheim et des chanoines de Saint-Adelphe. Les biens des deux églises furent réunis, le couvent fut sécularisé et l'abbaye crossée et mitrée.

Hugo de Fegersheim fut le dernier abbé du couvent et mourut en avril 1499.

Jean Vogt était le premier prieur et mourut le 5 juillet 1547. En 1563 l'église de Saint-Adelphe fut cédée aux protestants, mais le choeur où se trouvaient les reliques du saint fut séparé de l'église par un mur, et le service divin continua à y être célébré par les chanoines.

Source : Saverne et ses environs par Ch. G. Klein et Eugène Laville