Château (vestiges) et sa deuxième enceinte

Le château royal de Najac bâti par les derniers comte de Toulouse

Un puissant contrefort, se détachant du massif placé entre l'Aveyron et le Viaur, forme dans la vallée qu'il barre un promontoire dont l'Aveyron contourne la base, et dont le point culminant surgit ainsi dans une sorte de presqu'île à l'extrémité de la crête et séparé de celle-ci par une profonde coupure naturelle.

Au sommet de ce mamelon se dresse la forteresse : au pied, sur le flanc méridional, à l'orient et vers l'ouest s'étagent en amphithéâtre les habitations de la ville.

Dans cette assiette, « assis sur ung des destroiz où n'a qu'une venue », le château commandait les pentes qui relient le massif à la vallée ; il commandait, en outre, le cours de l'Aveyron sur deux points opposés, par suite du rapprochement des extrémités de la vaste courbe formée à l'ouest par la rivière, rapprochement tel, que cette courbe est sous-tendue par une corde de quatre cents mètres au plus, correspondant aujourd'hui à l'axe du tunnel que le Grand-Central a percé à la base de la montagne de Najac, à peu près au-dessous des ruines.

De la sorte, le pont dit de la Freijière, construction encore debout, jetée sur l'Aveyron au XIIIe siècle, se trouvait presque sous le jet des fortifications, ainsi que les deux chemins montant de ce pont vers la ville et le château, l'un par le versant nord, l'autre par les pentes du sud-ouest.

En conséquence, la presqu'île était gardée, à son unique entrée du côté de la rivière, parle château. En avant de celui-ci, du côté du massif, elle était fermée à la gorge par les défenses communales...

Aujourd'hui, ces défenses sont dénaturées à ce point que leurs vestiges n'offrent aucun intérêt, mais le gros œuvre des fortifications qui constituaient le château est à peu près intact et, sauf quelques remaniements, tel qu'il fut érigé au XIIe et au XIIIe siècles.

Ces ouvrages, occupant un grand espace, forment trois parties bien distinctes, qui sont :

  • Une première enceinte longeant la base du mamelon sur le versant méridional et remontant ensuite vers le sommet où elle se ferme;
  • Une deuxième enceinte, enveloppée par la première et couronnant le mamelon;
  • Un retrait ou réduit, consistant en un vaste donjon avec cour intérieure, assis sur le haut du rocher, en dedans de la deuxième enceinte.

Assez éloignés l'un de l'autre sur trois côtés, au nord les trois ouvrages sont tangents et ont une muraille commune. Cette disposition assurait à l'enceinte supérieure une communication avec le dehors indépendante de la première enceinte; elle permettait au donjon de communiquer directement avec l'extérieur.

Par une poterne dissimulée dans un angle rentrant en E F, la garnison pouvait ainsi, à l'abri de trahisons de la part des habitants, faire des sorties, se ravitailler ou recevoir des secours; elle pouvait enfin évacuer le donjon, si elle avait à craindre d'y être cernée.

La première enceinte est un mur crénelé, à peu près sans flanquements. Il a deux portes : une à l'ouest (seule indiquée dans le plan) du côté de l'église ; l'autre, à l'est, du côté de la ville. De chacune d'elles, montant vers la porte de la deuxième enceinte, part un chemin étroit, resserré entre des murs et coupé de degrés taillés dans le roc ou de vides sur lesquels sont jetés de légers arceaux. Entre les deux enceintes, à l'ouest, se trouvent des terrains vagues, un petit réservoir pour recueillir les eaux, des vestiges de magasins, d'écuries, de divers communs à l'usage de la garnison; à l'orient et au sud-est existent un certain nombre d'habitations anciennes, dont une a conservé le nom de maison du gouverneur et qui formaient le quartier du château. Sur ces divers points, l'escarpement présente des terrasses étagées avec murs de soutènement bâtis à sec, mais d'une escalade difficile, ou bien les maisons ne laissent entre elles que des passages étroits, autrefois munis de portes et de chaînes, en sorte qu'en arrière du mur d'enceinte, l'assiégeant trouvait là une série d'obstacles que la défense s'attachait à conserver. A la dernière extrémité, ces postes perdus, la garnison s'enfermait dans la deuxième enceinte, probablement la clausura sobirana del cap del castel, mot à mot, la clôture supérieure de la tête du château, dont parle un acte de 1263. Le plan général et la perspective isométrique la représentent dans son état actuel. Elle paraît avoir été remaniée à l'est. On peut reconnaître que, suivant les mouvements du terrain, elle offre d'assez grandes irrégularités de contour et de niveau, conditions dont l'ingénieur a tiré parti au profit de la défense, au moyen des flanquements que se prêtent ces angles saillants et ces angles rentrants, dont quelques-uns se commandent ; il a complété ces flanquements par celui de deux tours entièrement saillantes sur la face. Assez élevée par rapport à l'extérieur, la courtine de la clôture est en terre-plein à l'intérieur ; aussi ne se défendait-elle que par son couronnement, consistant en un chemin de ronde avec parapet crénelé, merlons à meurtrières, et peut-être hourds mobiles en bois.

Elle enveloppe d'assez près le donjon sous le jet duquel sont toutes ses parties, mais plus spécialement son entrée principale, enfilée par la maîtresse tour, et la poterne, battue de flanc par le front ouest.

Entre le mur d'enceinte et le donjon, dans la basse-cour, existaient plusieurs constructions dont les principales étaient la salle de justice et la citerne en : de la première, appuyée au rempart, il reste dans ce mur les deux baies qui l'éclairaient et qui étaient munies de moucharabys en bois; la citerne s'élève presque intacte entre les deux tours, au pied de la courtine est du donjon dont elle fait essentiellement partie et par lequel elle était puissamment défendue.

En prévision d'une surprise ou d'un assaut qui aurait livré à l'ennemi la basse-cour, des dispositions habiles empêchaient un corps nombreux de s'y déployer et d'attaquer plusieurs points à la fois, taudis qu'elles permettaient à la garnison de se replier pas à pas à l'intérieur du réduit, et tout était calculé de manière à obliger l'attaque à présenter toujours le flanc au jet de cette portion de la place. Dans ce but, des murs parallèles aux courtines forçaient l'assiégeant à suivre un chemin déterminé, tandis que d'autres murs reliant le donjon à l'enceinte, interceptaient le passage sur plusieurs points. Ces constructions offraient d'ailleurs l'avantage de masquer les préparatifs de la défense et d'en interdire la vue, même en temps de paix, aux hommes étrangers à la garnison qui se rendaient à la salle de justice placée et isolée du corps des fortifications.

L'enceinte supérieure enlevée et occupée sur tous les points, la garnison pouvait tenir longtemps dans le donjon. Celui-ci, bâti sur le plan d'un trapèze irrégulier, se compose de courtines élevées, flanquées de tours aux angles et sur les grands côtés, avec une entrée bien défendue par des ouvrages qui suppléaient au flanquement de la tour carrée, partie conservée des fortifications primitives, et qui, se trouvant affleurée par les courtines sur les deux côtés extérieurs, se confondait avec elles. De plus, la porte était munie d'une herse gardée par un mâchicoulis, et de battants assujettis par des barres transversales jouant dans l'épaisseur de la muraille.

En EF, où se trouve la poterne, la courtine est doublée par le mur du couloir qui la couvrait. En B, le parapet crénelé de la plate-forme de la citerne doublait aussi la courtine et défendait puissamment tout ce côté...

Sauf quelques meurtrières percées au raz du sol et des jours placés très haut, les courtines sont pleines dans leur hauteur, et les logements de la garnison s'y appuyaient à l'intérieur ; leur défense était tout entière au sommet qui portait un chemin de ronde élargi au dedans par des dalles posées sur des corbeaux, semblables aux consoles des mâchicoulis que l'architecture militaire ne tarda pas à adopter en remplacement des hourds de bois. Ce chemin régnait sur tout le pourtour du mur, en empruntant la traverse de l'étage supérieur de chaque tour, avec le plancher desquels il se trouvait de plain-pied ; il était garanti par un parapet crénelé dont les merlons étaient percés de meurtrières. D'après des entailles visibles à la maîtresse tour et quelques amorces ou restes de parapet, cette défense était complétée par des hourds en bois, à demeure et doubles, ou du moins avec toiture à deux versants, l'un couvrant la cloison du hourd, l'autre le chemin de ronde, par-dessus le parapet.

A l'exception de la tour carrée, les tours du donjon flanquaient les courtines au moyen de nombreuses meurtrières, établies sur plusieurs étages et dont la direction a été soigneusement combinée de manière à découvrir tous les points de leur aire. Ces tours se terminaient par un étage crénelé qui portait une toiture conique ; mais la grosse tour et la tour carrée présentaient une plate-forme avec parapet crénelé sur laquelle pouvaient être établis des engins...

Si l'assiégeant parvenait à s'introduire dans l'enceinte même du donjon, la défense conservait encore l'avantage, et pouvait se retrancher sur grand nombre de points.

Le service du chemin de ronde se faisait à part, au moyen de longues rampes découvertes, formées de marches engagées par un bout dans la paroi des courtines et portées en encorbellement ; l'un commence près de la porte du donjon, passe devant le premier étage de la petite tour de la courtine sud, et atteint le sommet de cette courtine près de la maîtresse tour ; l'autre, desservant la courtine nord, offre une disposition identique. L'accès de ces escaliers était défendu au pied par un ouvrage spécial ; ils pouvaient être facilement interceptés aux paliers des petites tours, et leur volée supérieure s'arrêtait devant une porte placée sur le chemin de ronde, qui les battait dans toute leur hauteur.

Outre ces degrés apparents, il y en avait d'autres dont l'assiégeant ne pouvait soupçonner la position, eût-il été maître des premiers. Le corps de logis appuyé à la courtine ouest en abritait un qui desservait la tour d'angle nord-ouest, le logis et le premier étage de la tour carrée.

Il en existe un dans l'épaisseur de la courtine sud, dont l'entrée se trouve dans la salle-basse de la petite tour, mais assez haut au-dessus du sol pour qu'on ne pût atteindre à la première marche qu'au moyen d'une échelle. Il mène au-dessus de la porte d'entrée du donjon, dans la chambre de la herse, et de là au premier étage de la tour carrée.

Un autre, pratiqué dans le plein du mur de la tour de l'angle nord près de la citerne, et formant volée d'un étage à l'autre, desservait ces étages.

De plus, la maîtresse tour possède une vis à noyau plein, la desservant dans toute sa hauteur; le premier étage de la petite tour de la courtine sud a un escalier droit dérobé, et la plate-forme de la tour carrée a sa vis qui prend naissance sur le chemin du ronde seulement.

Malgré cette multiplicité d'escaliers, grâce à l'enchevêtrement de leur ensemble, à celui de l'ensemble des passages et du chemin de ronde, enchevêtrement calculé pour désorienter l'attaque, les divers étages d'une même tour ne communiquaient pas directement entr'eux, les tours elles-mêmes et les courtines pouvaient être aisément isolées les unes des autres, et chacune d'elles, chaque étage, chaque entre-tours devenait, au besoin, indépendant. Établi dans l'enceinte, l'ennemi trouvait ainsi constamment un obstacle apparent ou imprévu devant lequel quelques hommes suffisaient à l'arrêter. Les entrées des salles-basses des tours et celles des logis étaient battues par tout le chemin de ronde, défendues chacune par un moucharaby en pierre servi par les étages supérieurs, et munies de battants assujettis par des barres transversales d'un jeu facile et très efficace. Ce dernier mode de clôture se retrouve aux portes des hauts étages, à celles des passages dérobés ou apparents, disposé toujours de manière à isoler chaque point, et à couper ainsi l'assiégeant engagé dans une sorte de dédale qu'il suivait au hasard, mais dont la garnison profilait pour se porter secrètement où bon lui semblait.

Ces nombreuses défenses, partielles et d'un facile isolement, forment pourtant un ensemble visiblement relié à la tour A, qui, par son importance, constitue la maîtresse tour du donjon, dont elle est le réduit, de même que celui-ci est le réduit du château. Vers elle converge toute la fortification; elle en est, pour ainsi dire, le pivot et la clef, car elle commande toutes les communications générales plus spécialement que les autres tours, qui sont d'ailleurs à sa dépendance. Aussi, par son diamètre, par sa hauteur, par les particularités de ses dispositions intérieures et de toute sa construction, était-elle la partie principale du donjon, comme elle en est aujourd'hui la plus intéressante et la mieux conservée.

Bâtie sur un plan circulaire, avec pan coupé extérieur, à l'intersection de deux courtines, la maîtresse tour renferme trois salles superposées et surmontées d'une plate-forme.

Elles sont desservies par un escalier qui, partant de fond, débouche au sommet ; il est contenu dans une cage en tour ronde, d'une seule venue du sol en haut, terminée par un lanternon et ménagée dans l'empâtement formé parla rencontre de la courtine et du pan coupé de la tour.

L'entrée de celle-ci, commune à tous les étages, se trouve au rez-de-chaussée, dans la cour du donjon ; quelques affouillements et des arrachements indiquent qu'elle était isolée par une fosse creusée au pied du mur et munie d'un pont volant en arrière duquel la baie était garnie d'une porte assujettie par des barres jouant horizontalement dans le mur, selon le système employé dans tout le château.

Dans la profondeur de l'embrasure, d'autres barres servaient à barricader l'entrée particulière de la salle-basse et maintenaient une grille, un mantelet à jour posé en bascule, qui l'isolait au besoin et permettait de défendre à couvert l'entrée même de la tour et l'accès de l'escalier dont la porte s'ouvre dans un côté de l'ébrasement entre les deux clôtures.

Dans la voussure de la baie existe un regard vertical servant de mâchicoulis, ayant sou orifice au premier étage, devant une petite fenêtre qui domine la porte à l'extérieur et par laquelle celle-ci est vue. Au moyen de ce regard, la salle-basse se trouve mise en rapport avec l'étage au-dessus ou la grand'salle, qui pouvait ainsi transmettre des ordres à travers la voûte ou même battre l'entrée.

Il pouvait défendre plus directement celle-ci, au moyen d'une porte. Ce qui donne sur le vide à six mètres au dessus du sol, mais qu'un tablier mobile reliait probablement à un corps de logis et à quelque ouvrage battant, à l'extérieur, le seuil et le pont volant. Cette porte assurait d'ailleurs à la grand'salle, transformée en chapelle, une communication indépendante de l'escalier, sur lequel elle a une issue fermée en B, et la garnison y pénétrait ainsi directement par le corps de logis, sans passer par les autres parties de la tour. Ce premier étage possède encore une troisième issue en D. Elle consiste en une porte suivie d'un couloir pris dans l'épaisseur de la courtine sud. Il se prolonge jusques à la rencontre du premier étage de la petite tour, dans lequel il pénètre par des degrés en contrebas; après la traverse de la tour, il se continue par un escalier en contre haut de 2 mètres au départ, passe dans la chambre du mâchicoulis de la grande entrée du donjon et débouche au deuxième étage de la tour carrée. Les nombreuses portes qui l'interceptent aux extrémités, à son passage dans la petite tour, au bas et au sommet des degrés, et les lacunes ou interruptions qu'offrent ceux-ci indiquent assez l'importance attachée à la possession de ce couloir. Il permettait à la tour principale, et plus spécialement à son premier étage, de servir l'étage de la petite lour, soit aux meurtrières, soit au moucharaby placé au-dessus de la porte de son rez-de-chaussée, où s'ouvrait l'escalier de la herse; de servir, en outre, le mâchicoulis de l'entrée du donjon, de se maintenir en communication secrète avec le haut de la tour carrée et, par les aboutissements de celle-ci, avec toutes les parties du donjon.

La troisième salle de la maîtresse tour, ou salle haute, a aussi trois issues ; l'escalier en Z, le chemin de ronde de la courtine de l'est, en Y; celui de la courtine sud, en X. Chacune de ses issues a une baie, autrefois munie d'une porte avec barres et verrous; les deux portes, donnant directement dans la salle, s'ouvraient du dehors au dedans et se barricadaient à l'intérieur ; à la baie donnant de la cage de l'escalier sur le chemin de ronde en Y, le battant s'ouvrait de dedans en dehors; ses verrous étaient à l'intérieur de la cage, mais il pouvait être barricadé par le chemin de ronde, de manière à arrêter l'assiégeant de quelque côté qu'il se présentât.

La salle haute correspond avec la grand'salle au moyen d'un regard horizontal ouvert sous la voûte de celle-ci, dans la paroi de la cage de la vis.

Ces trois salles sont munies de meurtrières admirablement disposées, dont les quatre étages, en y comprenant celles de la plate-forme, se chevauchent de manière à battre chaque point de la circonférence ; leur coupe est calculée de façon à ce que chacune voie le talus de la tour, et, dans ce but, elles atteignent une longueur inusitée.

Dans l'un des enfoncements en forme de niche où sont placées celles de la grand'salle se trouvait un autel qui bouchait l'embrasure; des traces de peintures religieuses à l'arceau l'attestent encore ; une armoire à deux divisions, avec conduit d'écoulement pour les ablutions et pratiquée dans l'épaisseur du mur, indique aussi qu'au besoin cette salle servait de chapelle.

La salle-basse ne prend jour que par de petites baies placées très haut : les deux étages supérieurs ont de grandes fenêtres avec bancs de pierre dans l'embrasure et degrés pour atteindre à l'accoudoir. Mais, eu outre de ses deux fenêtres, la grand'salle est éclairée par sept ouvertures étroites, disposées comme celles du rez-de-chaussée. La raison en est indiquée par des trous ménagés aux montants des grandes fenêtres à l'extérieur; ils recevaient des poutrelles destinées à supporter, en temps de siège, un hourd ou un mantelet, qui garantissait la baie, mais interceptait la lumière ; la salle ne la prenait alors que par les petites fenêtres ménagées au-dessus.

Chaque ouverture était fermée d'un châssis vitré, l'embrasure des meurtrières était garnie de volets, dont la destination était de garantir du froid les habitants de la tour; pour ce même motif, la salle haute est munie d'une cheminée R prise dans l'épaisseur du mur, auquel elle fait former un ressaut à l'extérieur.

D'après ces détails, la maîtresse tour n'était pas seulement un poste, comme la plupart des autres, mais elle offrait un logement habitable. Sur l'extrados de la voûte de la grand'salle, et sans autre issue que l'escalier, est établie la plate-forme dont le parapet était crénelé et les merlons percés de meurtrières. A l'aide de ce couronnement et des engins qu'il pouvait abriter, elle concourait à la défense générale. Mais elle défendait plus spécialement la tour au moyen d'un moucharaby servi par la guérite A qui battait à la fois le chemin de ronde devant la porte X de la salle liante et la porte découverte C de la grand'salle. Le lanternon, aujourd'hui détruit, de la cage de l'escalier présentait sans doute une défense analogue au-dessus du chemin de ronde, au point Y, par lequel il pénètre dans la tour.

En outre, de ce point, la vis pouvait être balayée dans toute sa hauteur, au moyen de boulets de pierre ou d'autres projectiles qu'on y faisait rouler. La plate-forme jouait un rôle encore plus important, car elle était le poste principal des guaytteurs, qui, de là, surveillaient les approches de la ville à l'est, la rivière en amont et en aval, les deux enceintes et tout le donjon ; en avant de la guérite B qui leur servait d'abri se dressait en C le poteau auquel était arborée la bannière; la guérite elle-même était surmontée d'un beffroi dont la cloche se trouvait ainsi à leur portée pour sonner l'alarme. De la sorte, les signaux partaient de la maîtresse tour, ainsi que la direction de la défense, puisqu'en temps de guerre la salle haute était le logement obligé du castella, le châtelain ou capitaine-gouverneur du château ; c'était enfin dans cette tour que les défenseurs devaient concentrer leurs derniers efforts, car tout y est disposé, plus qu'ailleurs, pour une résistance de détail et pied à pied.

Elle a le plus grand nombre possible de communications avec les divers points du donjon, mais de façon à pouvoir aisément s'isoler et suffire à sa propre défense. Il en est de même pour chacun de ses étages ; s'ils se protègent l'un l'autre, ils peuvent aussi résister séparément.

C'est là l'application complète du système qui s'accuse dans tout le reste de la fortification, et qui, s'il oblige l'attaque à se localiser en l'empêchant d'agir avec ensemble, révèle surtout la préoccupation de rendre peu dangereuses les surprises et les trahisons ou les révoltes, seul péril à craindre dans un château-fort que sa position même défendait contre la sape et les engins de siège alors en usage.

Il y a loin de ces dispositions compliquées au plan du château de Bertrand de Saint-Gilles, qui n'était qu'une enceinte avec une tour carrée au milieu. De celle-ci, l'architecte d'Alphonse de Poitiers n'a voulu tirer qu'un parti secondaire, encore l'a-t-il refaite aux trois quarts.

S'il a si profondément modifié le plan primitif, c'est que ce plan était calqué sur celui des enceintes romaines ou franques que gardaient des hommes en communauté d'intérêts avec leurs chefs, et qu'il n'était plus en harmonie avec la composition des garnisons comtales, formées de mercenaires et des auxiliaires féodaux. C'est aussi que dans les longues guerres de cette époque, le grand nombre de sièges entrepris avait obligé l'art de l'attaque à se perfectionner et que, par suite, celui de la défense eut à progresser. Les ingénieurs militaires durent nécessairement modifier leurs systèmes; des nombreuses applications qu'ils eurent occasion de faire de leurs conceptions nouvelles résulta un perfectionnement rapide dont les principes se retrouvent au château de Najac, bâti de 1250 à 1260, dès l'origine de ces essais de transformation.

On les y reconnaît à la forme cylindrique des tours, à leur forte saillie, au soin avec lequel tons leurs étages sont voûtés et principalement à celui avec lequel sont tracées leurs meurtrières.

L'examen du château de Najac ne révèle pas seulement la recherche d'un nouveau type de fortification. Sa reconstruction coïncida avec l'introduction de nouvelles formes architecturales dans le Midi. Sous l'influence du système ogival, alors en plein épanouissement dans le Nord, le style roman de nos pays se modifiait pour disparaître entièrement avant la fin du siècle. Aussi le château offre-t-il des exemples de cette transition accélérée par la prédominance des hommes du Nord implantés dans le Midi.

Le berceau en ogive, la voûte ogivale en tour ronde avec arceaux sur lesquels sont bandés les triangles, et le plafond composé de linteaux, y remplacent la voûte à plein cintre ou en cul-de-four; mais plusieurs de ces voûtes nouvelles n'ont pas d'arcs formerets, et leurs nervures sont encore d'un profil très simple, cylindrique ou prismatique ; elles partent de culs-de-lampe sans ornements, sauf à la grand'salle ou chapelle, et sont maintenues par des clefs de voûte très petites et peu historiées. Le plein cintre se montre encore à quelques baies déportes; à d'autres, c'est l'arc surbaissé, l'ogive, l'ogive surbaissée; dans les ouvertures étroites, aux embrasures des meurtrières principalement, le plafond est formé de linteaux soulagés par des corbeaux aux extrémités.

Les baies des grandes fenêtres offrent des dispositions toutes particulières ; pas une n'est ogivale; tantôt elles sont à plein-cintre, tantôt elles affectent une forme rectangulaire , et dans ce cas, leur linteau , composé de deux pièces, est porté au milieu par une colonnette à chapiteau feuillagé, comme à la maîtresse tour : à la salle de justice, les deux modes s'allient, en sorte que le cintre devient un arc de décharge au-dessus du linteau et laisse un entre-deux rempli par un quatre-feuilles : à la tour carrée, l'arc n'existe pas au-dessus du linteau, mais il est remplacé par une petite rosace...

Ces travaux ont été faits dans des conditions d'exécution excellentes; toute la construction est d'une solidité et d'une précision rares; la netteté des arêtes, la pureté des nervures, l'aplomb des murs, formés d'un blocage revêtu de moyen appareil, la bonne assise de chaque pierre taillée attestent l'habileté des ouvriers. Les nombreuses marques que ceux-ci ont laissées sur leur œuvre expliquent leurs soins, car elles indiquent qu'ils étaient rétribués aux pièces et non à la journée. Peut-être l'étude de ces marques donnerait-elle des indications plus précieuses, indications d'origine provinciale, indications d'organisation du travail, de traditions lointaines ou d'influences mystérieuses, qui aideraient à résoudre certains problèmes , par leur comparaison avec celle qu'on peut recueillir ailleurs.

La rétribution de ceux qui les ont tracées s'éleva à une somme considérable, 16,000 livres tournois. La livre de compte du temps de Louis IX, représentant environ 15 fr. 90 de noire monnaie, cette somme équivaudrait, en déduisant notre alliage, un dixième, à peu près à 280,000 fr. Cette évaluation, tirée des auteurs, est sans doute peu exacte, attendu qu'il n'y est pas tenu comple de la puissance de la livre tournois, mais seulement de son poids, et l'estimation vraie serait probablement bien supérieure à 280,000 fr.

L'élévation de la dépense témoigne de l'importance qu'Alphonse voulut donner à ce château fort placé, entre ses comtés de Poitiers, de Toulouse et de Rouergue, en regard des duchés anglais. Les restes de l'œuvre de son architecte justifient l'admiration des contemporains , bons appréciateurs, à coup sûr, qui proclamèrent le château de Najac « imprenable sans la faim, et la clef de la basse marche du Rouergue. »

B. Dusan

Source : Revue archéologique du midi de la France 1867.

photo pour Château (vestiges) et sa deuxième enceinte

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 10159
  • item : Château (vestiges) et sa deuxième enceinte
  • Localisation :
    • Midi-Pyrénées
    • Najac
  • Code INSEE commune : 12167
  • Code postal de la commune : 12270
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : château
  • Etat :
    • Etat courrant du monument : vestiges (suceptible à changement)

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Date de protection : 1925/07/03 : classé MH
  • Date de versement : 1993/08/30

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Un élément répertorié fait l'objet d'une protection : enceinte
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété d'une personne privée 1992
  • Photo : b72214f17e50155bb8b31ec86601b5be.jpg
  • Détails : Château (vestiges) et sa deuxième enceinte : classement par arrêté du 3 juillet 1925
  • Référence Mérimée : PA00094081

photo : fcibiel

photo : fcibiel

photo : fcibiel