Quatre châteaux (ruines)

Lastours, sur l'Orbiel, commune peu considérable; population, 196 individus dans 35 maisons ; fait partie de la succursale de Villanière.

Le village de Lastours a pris son nom des châteaux ou tours de Cabaret, lesquelles sont aussi l'origine de la dénomination de Cabardès, que porte le pays environnant. Ces châteaux sont d'une haute antiquité, puisqu'en l'an 585 que Récarède, prince visigoth, s'en empara, ils passaient pour des forteresses très-importantes. Grégoire de Tours les appelle Caput arietis castra. Le terme de Cabaret, sous lequel ils sont connus dans l'Histoire de Languedoc, répond au nom latin; dans le langage du pays, cab veut dire tête, et aret, bélier. La montagne sur laquelle ils sont placés ressemble en effet à la tête de cet animal. On les nomme encore les Tours de Cabaret ou de Cabardez. L'Histoire de Languedoc n'en compte que deux; on en peut cependant distinguer trois. Le premier château s'appelle Cabaret; le second est simplement une tour, nommée Tour régine; le troisième, qui est le plus élevé, a le nom de Fleur-d'épine, et quelques érudits ont cru voir dans cette dénomination le type d'une description de l'Arioste.

Les châteaux de Cabaret soutinrent, en différents siècles, des sièges opiniâtres. Le plus mémorable est celui où les croisés furent repoussés, en 1209. Outré de la résistance de ce poste, Simon de Montfort, ayant fait au château de Brara, 1 année d'après, une centaine de prisonniers, leur fit crever les yeux et couper le nez, et les envoya ainsi à Cabaret, sous la conduite de l'un d'entre eux, à qui il avait laissé un œil pour mener les autres. Enfin, en 1211, Pierre Roger, seigneur de ces châteaux, se soumit à Simon de Montfort, qui le dédommagea par d'autres domaines, et acquit ainsi, sans coup férir, une très-forte place.

On prétend qu'il existe une communication souterraine de la cité de Carcassonne aux châteaux de Cabaret, ou de Las tours.

Le principal de ces châteaux avait un gouverneur sous le nom de Châtelain de Cabaret, porté, en 1300, sur l'état du roi pour la somme de 200 livres de gages par an. Le gouverneur de l'autre château, sous le titre de châtelain de la Tour-Neuve au Pui de Cabaret, n'avait que 40 livres de gages. Ces deux titres furent réunis en un seul au quinzième siècle; et il n'y eut plus alors qu'un gouverneur des tours de Cabaret.

Les habitants de la châtellenie des tours de Cabardez jouissaient de plusieurs privilèges. Chargés depuis un temps immémorial de la garde des châteaux, ainsi que de toutes les réparations nécessaires à leur entretien, ils avaient obtenu de nos rois l'exemption d'aller à la guerre et de payer des subsides. Le premier de ces privilèges résulte d'une enquête faite en 1276, laquelle prouve que des habitants de cette châtellenie furent renvoyés de l'armée, par la raison qu'ils devaient être exempts du service militaire. L'exemption de toutes tailles, subsides et impositions, droit de leude et autres droits, est contenue dans un acte de 1378, et a été successivement confirmée par nos rois, et plus récemment par Louis XIV, en 1643; par Louis XV, en 1745, et par Louis XVI, en 1786. Dans ces actes, les tours de Cabardez sont encore qualifiées de forteresse importante. Elles ne présentent presque plus aujourd'hui que des décombres qui en rendent l'approche assez difficile.

Source : États de Languedoc et Départment de l'Aude par Claude Joseph Trouvé (baron) 1818.