Prieuré bénédictin de Souvigny

Résumé historique

Première phase de travaux du XIe au XIIe siècle au cours de laquelle est édifié l'ensemble du prieuré autour de la première église (nef unique sous-divisée en trois nefs et voûtée). Au XIIe siècle, la nef est élargie par l'adjonction de deux bas-côtés. Choeur avec trois chapelles d'axe contiguës. Deuxième campagne de travaux au XVe siècle, à l'initiative de Dom Chollet : reconstruction intégrale du prieuré. Début du chantier en 1432. L'ensemble de style gothique se superpose à l'église romane. Présence des Mauristes de 1629 à 1644. Travaux aux XVIIe (déplacement de l'entrée, nouveaux dortoirs...) et XVIIIe siècles (reconstruction d'une partie des bâtiments claustraux). Avec la Révolution, le prieuré est vendu comme bien national. Les Bénédictins reviennent à Souvigny entre 1875 et 1905, puis à partir de 1990 la communauté de Saint-Jean. (Source : MInistère de la culture)

Congrès archéologique de France 1855

Après la visite si pleine d'intérêt et si palpitante de souvenirs que vous venez de faire de l'ancien prieuré de Souvigny, j'ai pensé que vous écouteriez avec votre bienveillance ordinaire quelques mots sur l'histoire de ce monastère qui a subi, dans la première révolution, le sort de tous les établissements religieux. Plus heureuse que Cluny, la ville de Souvigny a pu conserver son église, ses chapelles, sépultures des ducs de Bourbon ; et malgré les mutilations qu'elles ont éprouvées, elles offrent encore aux amateurs, des monuments dignes de toute leur attention et de la protection d'un gouvernement conservateur et ami des arts.

Il existe à Cluny, parmi le petit nombre de manuscrits échappés à la dévastation de la précieuse bibliothèque de son abbaye, un ouvrage d'un moine et qui a pour titre : Mémoires pour servir à l'histoire du prieuré de Souvigny. Cet ouvrage dont l'auteur a gardé l'anonyme, est important par les faits nombreux qu'il renferme sur cette maison dont il retrace les annales jusqu'en 1748. Il a servi aux auteurs de l'Ancien Bourbonnais, dans la partie historique qu'ils ont donnée sur l'abbaye de Souvigny ; et, en éliminant les détails oiseux, les digressions inutiles dont il est surchargé, on pourrait en extraire l'histoire complète du prieuré qui se lie presque continuellement à celle des sires et des ducs de Bourbon avec lesquels les religieux n'ont pas toujours été en parfait accord.

Quant à la partie littéraire et scientifique, elle offre peu d'intérêt pendant cette longue période. Ce n'est pas de Souvigny surtout que sont sortis les d'Achery, les Mabillon, les Montfaucon et tant d'autres philologues et savants érudits qui ont répandu tant de gloire sur leur ordre, il est cependant juste de nommer deux religieux qui ont illustré Souvigny ; dom de Mesgrigny qui s'est distingué dans les lettres ; et dom Marcaille, dans les sciences. Les prieurs de Souvigny ont eu aussi l'honneur de fournir quatre abbés de Cluny ; Etienne de Berzé, Yves de Vergy, Ode de La Perrière et Geoffroy d'Amboise. Dom Chollet, 28e. prieur qui a gouverné le monastère de 1424 à 1454, a laissé une mémoire honorable dans la maison à qui il a rendu de grands services tant au spirituel qu'au temporel. C'est lui qui a fait reconstruire le chevet de l'église qui menaçait ruine, les basses voûtes des chapelles et le clocher qui surmonte le transept. Il mérite une mention spéciale, parce que, sans lui et la grande influence qu'il exerçait dans la maison-mère de Cluny, on n'aurait pas pu restaurer cette basilique, plus ancienne que celle de Cluny et qui probablement n'existerait plus depuis long-temps. Si depuis elle a souffert des outrages du temps et de la main des hommes, elle n'a pas du moins subi de restaurations maladroites. Le peu de réparations qu'on y a fait, a été guidé par le zèle éclairé et la sollicitude intelligente d'un vénérable curé de Souvigny, M. Chambou, qui a apprécié toute l'importance de cet œuvre. Sous sa direction, les sommes accordées par le gouvernement, la ville et le conseil général, ont été employées utilement à réparer les parties les plus maltraitées par le temps, sans porter aucune atteinte aux œuvres de l'art ; et cette ancienne église du prieuré, ainsi conservée, est devenue l'église paroissiale de la ville.

Les Origines

L'auteur anonyme des Mémoires a déployé beaucoup d'érudition, pour remonter à l'origine de la province de Bourbonnais et de la ville de Souvigny, qui en était la capitale avant la fondation de la ville de Moulins, bien plus moderne. Il établit, comme un fait incontestable, que le Bourbonnais a été anciennement habité par les Boïens, Boii, qui y avaient bâti la ville de Souvigny, qu'il regarde comme le Gergovia Boïorum, dont il est fait mention dans les Commentaires de César. On ne parle plus ensuite de cette ville que sous le nom de Souvigny Sylviniacum, à cause des vastes forêts qui l'entouraient, de même que le Bourbonnais a reçu son nom du château de Bourbon, des seigneurs du pays, qui en étaient les maîtres. Quelles que soient les preuves que l'auteur cite à l'appui de son opinion, sur le séjour des Boïens dans cette partie de la Gaule, je ne les discuterai pas dans cette notice.

Je ne vous signalerai aussi qu'en passant une autre étymologie du nom du territoire de Souvigny, désigné par timbra vallis. Un auteur, Micolaï (Statistique du Bourbonnais, faite par ordre de Charles IX), raconte que, vers le commencement du Ve siècle, une colonie de Vénètes, fuyant l'invasion du terrible Attila, vint se fixer sur les bords de la Quesne, et demanda l'hospitalité aux habitants du pays, auxquels ils aidèrent à fortifier leur ville timbra vallis. Après être demeurés avec eux 30 à 40 ans, ils retournèrent dans leur patrie ; et trouvant leur ville brûlée, ils la rebâtirent sur des îles voisines du continent, à l'extrémité de la mer Adriatique et lui donnèrent le nom de Venise. Ces peuples conservèrent toujours des relations avec les habitants du pays qui les avaient accueillis ; et ceux-ci, en mémoire de leurs anciens hôtes nommèrent leur ville Sous-Venise, Sub-Venetis ou Salus Venetorum, dont on a fait depuis Souvigny, qui se gouverna long-temps comme les Vénitiens, « ayant des barons pour gouvernement et un baron sur iceux ».

Quoiqu'il en soit de ces suppositions plus ou moins invraisemblables, il est certain que l'histoire réelle de Souvigny ne date que de 913, époque où Charles-le-Simple donna ce pays à Adhémar, sire de Bourbon, comme une récompense de services rendus et une garantie de fidélité pour l'avenir. Il y avait trois ans que la piété de Guillaume, duc d'Aquitaine, venait de fonder le monastère de Cluny. Ce prince voulant donner à son œuvre toute l'assurance de succès, s'adressa à Bernou, abbé de Gigny, son ami, dont il connaissait les vertus religieuses, pour lui en confier la direction. Bernou se rendit à son désir et amena avec lui 12 religieux pour prendre possession du pays que Guillaume avait donné, et l'abbaye fut créée. Guillaume se rendit ensuite à Rome pour obtenir la sanction du pape, et pour consolider davantage l'avenir du nouveau monastère. Il confirma, par un testament daté de Bourges, et de la 11e. année du règne de Charles-le-Simple, les donations qu'il avait faites précédemment de toutes les possessions qui composaient son domaine, villa, autour de Cluny, sous la condition d'y fonder un monastère, sous l'invocation des apôtres saint Pierre et saint Paul, et sous la règle de saint Benoît. Dans ce testament figure, parmi les signatures, celle d'un Adhémar qu'on croit être le sire de Bourbon.

La réputation de sainteté du monastère Clunifori et de son digne abbé ne tarda pas à s'étendre au loin. De nouvelles donations venaient, tous les ans, en augmenter l'importance ; lorsqu'en 916, le sire de Bourbon, lui-même, à l'imitation du duc d'Aquitaine, et mû par les mêmes motifs de dévotion, voulut aussi lui faire une offrande digne de lui. Par une charte du mois de mars, l'an 23 du roi Charles, il donna à la naissante abbaye de Cluny les possessions qu'il avait reçues du roi Charles : Souvigny, son église dédiée à la Vierge et aux apôtres saint Pierre et saint Paul, ainsi que les maisons qui en dépendaient, les prairies des vallées, les vignes des coteaux, les bruyères de ses landes et les forêts de ses montagnes. Il y joignit la moitié des forêts de Bornac et de Messerges, et d'autres propriétés dont les noms ne sont pas connus aujourd'hui et qui sont relatées dans la charte.

Ainsi, la fondation de la maison de Souvigny n'est postérieure que de six ans, à celle de l'abbaye de Cluny dont elle peut être regardée comme la première fille ; et l'abbé Bernou qui ne mourut qu'en 926, la gouverna 10 ans. Pendant ce temps, les moines de Cluny, déjà riches, formèrent la première colonie de Souvigny, en bâtissant un prieuré sur les bords de la Quesne. L'histoire de ce dernier se lie intimement à celle deCluny, dont les abbés le régirent long-temps, par des doyens amovibles, avant de le faire gouverner par des prieurs. Sous les successeurs de Bernou, jusqu'à saint Mayeul.il n'y a rien de remarquable à noter dans l'histoire de Souvigny, si ce n'est quelques différends qui eurent lieu entre les religieux et le comte Adhémar, qui voulut reprendre une partie des dons qu'il avait faits au prieuré ; mais il les restitua plus tard, et son fils, Aymond, par trois chartes successives et par son testament, en valida encore la possession aux religieux.

Aymond laissa à deux de ses fils une partie de son héritage. Il donna à Archambault, l'aîné, son château de Bourbon qui prit de lui le surnom de l'Archambault ; et à Anseric, le cinquième, son château des bords de la Loire, castrum de thermis ultra Ligerim, qui fut nommé depuis Bourbon l'Anseric et ensuite par corruption Bourbon-Lancy. Aymond voulut être enseveli dans l'église de Souvigny, à côté de son père Adhémar.

Les successeurs de Bernou, Ode et Aymard, ne firent rien d'important pour Souvigny que de poursuivre les constructions du monastère, pour le mettre en état de recevoir un plus grand nombre de religieux. Pendant tout ce temps, ils continuèrent de le gouverner, par des doyens sous leurs ordres. L'histoire n'a conservé que le nom du dernier appelé Raymond qui remplit ces fonctions pendant vingt ans, sous la longue administration de l'abbé Mayeul qui dura ellemême quarante ans.

L'abbé Mayeul ou Mayol, dit de Forcalquier, appartenait à l'illustre maison des comtes de Provence et montra la plus grande piété dès son enfance. Après avoir été archidiacre à Mâcon, il refusa l'archevêché de Besançon, pour venir prendre l'habit de religieux à Cluny. Ses vertus et ses lumières le firent remarquer et désigner par l'abbé Aymard, déjà vieux, pour être son successeur. Ce choix fut ratifié à l'unanimité par les frères, et Mayeul prit en main la crosse abbatiale.

A cette époque, il existait un grand relâchement dans la discipline et les règles de beaucoup de maisons religieuses. Une réforme prompte était indispensable pour les rappeler à la pureté de leur origine. Mayeul fut chargé, par l'empereur Othon-le-Grand, de réformer les monastères d'Allemagne. Un grand nombre de ces maisons furent mises sous sa direction. Il eut aussi des relations fréquentes avec Sylvestre II, après lequel Othon voulut le faire asseoir sur le trône de saint Pierre. A la suite d'un pèlerinage fait à Rome, il fut arrêté et fait prisonnier par des Sarrasins d'Espagne, qui étaient venus faire une incursion dans la Lombardie. Mayeul, mis par eux à une forte rançon, fit connaître sa position à ses frères de Cluny et de Souvigny. Tous s'empressèrent de vendre les reliquaires d'or, les châsses d'argent, les vases et les ornements précieux, pour racheter la liberté de leur père. Depuis lors, il ne quitta plus Cluny que pour faire de fréquentes visites à Souvigny. Invité par Hugues-Capet à aller établir la règle bénédictine à St. -Denis, il se mit en route, malgré son grand âge et ses infirmités. Mais en passant par Souvigny, il fut arrêté par une maladie et y mourut le 11 mai 994, entouré de tous les religieux. Malgré les réclamations de l'abbaye de Cluny pour avoir son corps, les habitants et les moines de Souvigny ne voulurent pas le céder et il fut inhumé dans la basilique de St.-Pierre. La vie de saint Mayeul a été écrite par son successeur, Odile ; elle est insérée dans le Bibliotheca Cluniacensis : elle a aussi été écrite par le moine Syrus.

Odile ou Odilon de Mercœur débuta, dans les fonctions d'abbé de Cluny, parla réforme de l'abbaye de St.-Denis que la mort avait empêché de faire à son prédécesseur. Pendant cette opération, il visitait souvent le roi Hugues-Capet, alors malade dans son palais de la cité. Il lui conseilla même, pour son rétablissement, de faire un pélerinage à Souvigny au tombeau de Mayeul. L'histoire rapporte qu'il s'y rendit, accompagné de son fils Robert, associé par lui à la royauté ; de Burckard, comte de Paris ; de Renaud, évêque de Paris, et de plusieurs autres seigneurs. Il fut rejoint à Souvigny par les Archambault père et fils, sires de Bourbon, avec lesquels il resserra les liens d'amitié.

Le roi Hugues, dépouillant les ornements royaux, se présenta à l'entrée de l'église de Souvigny, revêtu de la chape de saint Martin. Il fut reçu, avec tous les honneurs dus à son rang, par le doyen Raymond qui lui présenta l'eau bénite, le livre des saints Evangiles ; après quoi, il traversa la double ligne des moines agenouillés et se rendit à l'autel de St.-Pierre où il déposa son offrande, et fut prier sur le tombeau de Mayeul. Pendant son séjour à Souvigny, il renonça à tout faste, vivant constamment avec les frères bénédictins dont il adopta le froc grossier et la nourriture frugale ; habitant une cellule et partageant leurs exercices religieux tant de jour que de nuit. Ayant obtenu la guérison du mal pour lequel il était venu prier sur les restes de saint Mayeul, le roi Hugues eu témoigna sa reconnaissance, dans une charte où il mentionne sa cure, et annonce qu'à la demande des moines et du sire de Bourbon, il accorde à l'abbé Odile, ainsi qu'à ses successeurs pour et au nom de l'église de Souvigny, le droit de faire frapper des mailles de bon alloy, qui porteront le nom et l'empreinte de saint Mayeul, et que ladite monnaie aura cours dans les États d'Archambault avec celle du royaume. La charte de ce privilége est datée de Souvigny, la huitième année du roi Hugues, qui correspond à 995. Elle est signée de lui et de son fils Robert, qui y prend aussi le titre de roi. Vous connaissez, Messieurs, cette monnaie qui est devenue assez rare. D'un côté est la tête d'un abbé tenant la crosse et autour : ScS (Sanctus) Maiolus ; el de l'autre une croix pattée avec la légende Silviniaco ou de Silviniaco. On en connaît en billon et en argent. Sur les unes l'effigie est en face, et sur d'autres elle est de profil, avec le revers marqué de fleurs de lis. Ces dernières sont plus communes. D'après une charte d'Archambault VI datée de 1137, trente-cinq sols de cette monnaie valaient un marc d'argent fin. Ce droit de battre monnaie se trouve rappelé sur un curieux chapiteau de l'église, dont le dessin a été confié à l'habileté de M. de Surigny, pour être reproduit par la gravure.

L'année suivante, Archambault II abandonna au prieuré une partie de son pouvoir temporel, en lui concédant le droit de justice. Ce privilège devait plus tard exciter des conflits entre le cloître et le château.

Je reviens à Odile de Mercœur, successeur de Mayeul de Forcalquier. Il était de l'illustre famille des comtes d'Auvergne. Il avait fréquenté de bonne heure et suivi les exercices du monastère de St. -Julien de Brioude. Il y avait pris l'amour d'une vie religieuse, qu'il pratiquait jusque dans le sein de sa famille. Mayeul étant chez le comte de Mercœur, son père, devina chez le jeune clerc, son fils, toutes les vertus monastiques qui devaient faire l'édification des religieux de Cluny et plus tard le placer à leur tête. Associé au siège abbatial par Mayeul, devenu vieux et infirme, il le remplaça en 994.

Sous son gouvernement éclairé, tous les monastères et toutes les congrégations sous ses ordres acquirent un grand développement en richesses, en prospérité et en lumières. Il enrichit Cluny de manuscrits ornés de fraîches peintures, de tabernacles et de vases sacrés garnis de pierreries, et de colonnes de marbre précieux qui devaient se dresser sous son successeur, Hugues, et soutenir les arceaux de l'abside de la basilique. Il ne se glorifiait que des choses qui avaient rapport à Dieu ; et malgré son humilité habituelle, en songeant à ce qu'il voulait faire, il disait quelquefois : J'ai trouvé un Cluny de bois, je laisserai un Cluny de marbre.

Il n'oublia pas Souvigny dans la distribution de ses largesses. Il voulut que son église dépositaire des restes de son ami et prédécesseur, Mayeul, eût des cloches dans ses tours carrées, des transepts à côté des nefs et des chapelles autour du chœur. Il donna à la maison un chef plus honorable qu'un doyen amovible, et en 1008, il nomma le premier prieur dans la personne de D. Gaspard de Cognac.

Un des premiers, il prêcha et contribua à établir cette Trève-Dieu, qu'il soutenait par la persuasion et au besoin par la force. Il disposa ses moines à résister, même par les armes, aux luttes fréquentes des seigneurs enhardis par la faiblesse du roi Robert. Il se montra ainsi tour à tour zélé serviteur de Dieu, apôtre des saintes doctrines, réformateur des monastères, propagateur des lumières et des arts, et enfin guerrier dans les circonstances extrêmes.

A la suite d'un voyage qu'il fit au Mont-Cassin, il institua dans son ordre la Fête des Morts, qui se répandit plus tard dans toute la chrétienté. Pour qu'il ne manquât rien aux mérites d'une si belle vie, il sauva de la faim et de la mort des milliers de malheureux pendant la disette de 1030. Enfin comblé de jours et de bonnes œuvres, il se rendit pour la dernière fois à Souvigny à l'âge de 82 ans ; là, comme son prédécesseur, il rendit son âme à Dieu, couché sur un lit de cendre et sur les froides dalles du monastère, au milieu de tous les frères du couvent, le 1er. janvier 1049. Son corps fut inhumé à côté de celui de saint Mayeul, à l'entrée de la crypte d'où ils furent tirés tous deux en 1345 et placés au milieu de la grande nef à l'entrée du chœur.

Les Oeuvres d'Odile se trouvent dans le Bibtiotheca Cluniacensis. Les principales sont : la vie de saint Mayeul et celle de l'impératrice Adélaïde ; des lettres et des sermons. On y trouve également sa vie, par Pierre Damien. Elle fut aussi écrite par Jotsaldus, moine de Souvigny.

Avant de poursuivre cette notice qui devait être bien succincte, j'observerai que j'ai dû entrer dans quelques détails sur saint Mayeul et saint Odile, dont les noms sont liés d'une manière si intime à l'histoire des premiers temps de Souvigny. Ils ont protégé spécialement cette maison en y faisant des constructions importantes qui en ont assuré l'avenir, en même temps qu'ils en régularisaient la discipline. Leurs successeurs, à commencer par Hugues de Semur ou saint Hugues, le fondateur de la célèbre église de Cluny, n'eurent que de rares rapports avec Souvigny qui partageait leur temps et leur attention avec les nombreuses maisons dépendantes de l'ordre bénédictin. Leurs richesses et celles de la maison-mère devaient être toutes employées à la vaste entreprise de la belle basilique dont la construction commencée en 1088, devait durer 26 ans. Saint Hugues accorda à Souvigny la faveur de désigner pour deuxième prieur, Guy, comte de Mâcon, qui avait embrassé la profession monastique dans le cloître de Cluny. Je ne dirai plus rien sur ce saint abbé dont l'histoire s'enchaîne avec celle de l'ordre dont il fut la gloire et la lumière, et celle de Cluny dont il fut le patron.

Je n'entreprendrai pas de suivre la série des 49 prieurs qui ont administré le prieuré jusqu'en 1748, époque où se terminent les Mémoires. Il y aurait d'ailleurs peu de choses importantes à noter dans cet intervalle. Ce seraient des donations d'églises ou de chapelles, ou de propriétés ; des accords ou des dissensions entre les moines et les seigneurs de Bourbon. Tous ces détails, peu intéressants, mèneraient trop loin.

Je passe de suite à l'année 1095 où le pape Urbain II, étant venu à Cluny consacrer le maître-autel de la nouvelle église de saint Hugues, se rendit à Souvigny pour relever le corps de saint Mayeul qu'il fit placer au milieu de la nef où on éleva depuis un mausolée. Il donna à Souvigny une bulle confirmative de toutes les donations faites à cette maison. Il défendit de jamais les mettre en interdit. Il fit promettre à Archambault IV de ne pas inquiéter le monastère au sujet des biens que son père lui avait donnés. Ce prince ayant manqué à son serment, fut cité par le pape au concile de Clermont, où il fut obligé de se soumettre et de reconnaître ses torts.

Ce fut en 1213 que Hugues, quatorzième prieur, associa, en son nom, Guy de Dampierre, sire de Bourbon et Mahaud de Bourbon, sa femme, au droit de battre monnaie, concédé au monastère, pendant leur vie seulement. Mais ce privilège s'est perpétué sous leurs successeurs qui ne voulurent pas y renoncer et qui eurent à ce sujet des différends très-fréquents avec le couvent.

Archambault IX, avant de partir pour la Terre-Sainte avec saint Louis, légua, par son testament, une rente annuelle de quinze livres à son chapelain pour dire trois messes par an dans sa chapelle du prieuré. Ce qui indique qu'à cette époque, les sires de Bourbon avaient déjà leur chapelle particulière dans laquelle se trouvait aussi probablement leur sépulture. Dans cette même année, l'abbaye de Cluny fit réclamer à Souvigny, par une bulle d'Innocent IV, une somme considérable, sans doute pour solder une partie des dépenses que la maison-mère avait faites en 1245 pour la réception du Souverain-Pontife, du roi de France et de leur nombreuse suite.

Aménagements et restauration de l'église de Souvigny

Quoique l'église de Souvigny eût été choisie pour la sépulture de plusieurs seigneurs de Bourbon, notamment des fondateurs du prieuré, il manquait encore à l'importance temporelle de cette maison d'être dépositaire en titre des restes des ducs de Bourbon, devenus riches et puissants et si rapprochés du trône par leur parenté avec la famille régnante. Louis II, duc de Bourbon, héritier de la piété de ses ancêtres, voulait placer sa tombe et celles de ses successeurs près des monuments qui renfermaient les ossements de saint Mayeul et de saint Odile, les protecteurs de la maison ; et que les voûtes qui les recouvraient servissent aussi d'abri aux dépouilles mortelles des princes de son illustre race. Il fonda donc, au commencement de 1376, la chapelle dite de Notre-Dame, ou Chapelle-Vieille, où l'on voit sa statue couchée sur une dalle funéraire, à coté de cella de la duchesse Anne, dauphine d'Auvergne, son épouse. Ces statues n'ont pas été respectées par les vandales de 93. Elles ont été mutilées en plusieurs endroits, ainsi que les écussons de Bourbon et d'Auvergne. Cette chapelle est fermée par une balustrade tréflée à jour. On y voyait d'autres statues qui ont été enlevées ou brisées. Le duc Louis y attacha des fondations pour le service régulier de la chapelle. Là furent ensevelis successivement : Jean II, mort prisonnier en Angleterre ; Marie de Berry, sa femme, et François de Bourbon, duc de Châtellerault, frère du connétable de Bourbon, tué à la bataille de Marignan.

Après la construction de cette chapelle, il restait encore des restaurations importantes et urgentes à faire dans la vieille église du prieuré construite depuis près de 500 ans. Elle menaçait ruine de toutes parts, et pour la conserver et prévenir sa destruction complète, il fallait de grands travaux et des sommes considérables. Tous les prieurs qui s'étaient succédé jusqu'à D. Geoffroy Chollet, élu en 1424, en avaient reconnu la nécessité, mais aucun n'avait osé les entreprendre. Le manque de fonds, les malheurs du temps, la grandeur de l'ouvrage, avaient paralysé leurs bonnes intentions. Il était temps qu'un homme capable et influent se mît à la tête de l'oeuvre. C'est ce qu'entreprit avec courage D. Chollet, vingt-huitième prieur, qu'on doit regarder avec raison comme le conservateur et le second fondateur du prieuré. Successeur et ami d'Ode de La Perrière, nommé abbé de Cluny, il s'adressa d'abord à la maison-mère et en obtint la remise de 25 marcs d'argent que le prieuré lui payait annuellement. Il eut recours au Souverain-Pontife, pour attacher des indulgences étendues à tous les dons que les fidèles feraient à la maison de Souvigny. Par ces moyens, et d'autres suggérés par son zèle, il put, en quelques années, réunir la somme énorme de 100,000 écus d'or, qu'on peut évaluer à 1200 mille francs de la monnaie actuelle. Il commença par le chevet de l'église, les chapelles, les tours des chapelles et les basses-voûtes qui avaient besoin d'être reconstruites en entier. Il termina par la réparation complète de la flèche de pierre à l'entrée de l'église au nord, appelée le clocher de St.-Odile. On a conservé la note des divers marchés conclus pour ces ouvrages avec un nommé Maignon, architecte, et Jean Château, verrier. Tous ces travaux commencés en 1433 furent terminés en 1445, et D. Chollet eut enfin la satisfaction de voir son église sortie de dessous les ruines, restaurée et rétablie à neuf. Il l'enrichit d'ornements précieux, de calices, de reliquaires, dont les principaux étaient les bustes de saint Mayeul et de saint Odile, la statue de saint Pierre et une croix d'or. Il fit encore rebâtir tout l'intérieur du monastère, comme infirmerie, chartrier, bibliothèque, greniers, etc., et autres bâtiments qui existent encore. Il s'occupa constamment depuis à augmenter les rentes du prieuré.

Le duc de Bourbon, Charles Ier, qui avait aidé avec empressement D. Chollet dans les réparations de l'église, voulut aussi contribuer à son embellissement. Vis-à-vis de la chapelle de Louis II, dite Chapelle-Vieille, il en fit construire une, destinée comme l'autre aux sépultures de sa famille, et la plaça sur le caveau préparé pour recevoir ses cendres et celles de la duchesse Agnès de Bourgogne, sa femme. Le sarcophage qui les représente couchés l'un à côté de l'autre, donne une haute idée du talent des artistes du XVe siècle. Ce mausolée est orné dans le bas de statuettes faites avec un goût exquis ; elles sont placées dans des niches fouillées avec une grande délicatesse. Cette chapelle a reçu le nom de Chapelle-Neuve. La balustrade qui la ferme, était ornée de nervures représentant des fleurs de lis, ce qui a attiré la colère républicaine qui a aussi exercé sur elle ses dévastations.

Cette chapelle funéraire qui est encore aujourd'hui l'un des plus beaux ornements de l'église, se distingue surtout par son style riche et élégant. Elle a été construite en 1450. Outre les restes de Charles Ier et d'Agnès de Bourgogne, elle renferme ceux de Pierre II, d'Anne de France, de Susanne de Bourbon, femme de Charles III ; enfin ceux de Louise-Marie, fille légitimée de Louis XIV et de Mme de Montespan, qui y furent déposés en 1681, par ordre du roi.

Après D. Chollet, le prieuré de Souvigny tomba en commande, et les richesses de la maison, au lieu d'être employées à sa prospérité, devinrent l'apanage des bénéficiers. Les prieurs qui suivirent, étaient plus empressés de toucher leurs rentes que de propager parmi les religieux les vertus chrétiennes. Aussi le nombre des moines diminua beaucoup, et la division ne tarda pas à se mettre entre eux et le prieur ; lorsqu'en 1634 il voulut établir la réforme dans la maison, ils y opposèrent beaucoup de résistance.

Les sépultures

Nicolas de Mesgrigny, chanoine de Paris, qui arriva comme prieur en 1640, trouva le monastère peuplé en partie de religieux de saint Maur que la réforme y avait attirés. Il s'aperçut bien vite du tort qu'ils faisaient à Souvigny. Comme ils ne pensaient pas y séjourner longtemps, ils en enlevaient les reliques les plus vénérées. Pour arrêter ces soustractions, il procéda à l'inventaire du trésor du prieuré dont il fit rédiger un procès-verbal, après avoir reconnu qu'il manquait divers articles. Il le fit refermer avec soin et garnir de serrures. Non content d'avoir rétabli, dans le prieuré, l'ordre momentanément troublé par les Mauristes, D. de Mesgrigny réunit les pièces les plus importantes concernant les annales de Souvigny et les fit copier avec soin sur vélin. C'est ce qu'on nomme Thesaurus Sylviniacensis, manuscrit précieux pour l'histoire du Bourbonnais, et qu'il n'a pas pu achever. Malheureusement l'original n'existe plus, il n'en reste qu'une copie sur papier à la Bibliothèque publique de Moulins, où l'on admire aussi la précieuse bible, dite de Souvigny. Après avoir mis en ordre tout ce qui avait rapporta l'église du couvent, il voulut examiner et constater l'état des tombeaux qui y existaient ; et le 22 août 1648, il fit ouvrir les caveaux funéraires placés sous les deux chapelles.

Dans celui de la Chapelle-Vieille, on trouva les deux cercueils de plomb renfermant les corps de Louis II et d'Anne d'Auvergne, posés sur des barres de fer fortement oxydées. Celui de droite, où était le duc, était ouvert vers la tête et laissait voir les ossements. Au-dessous de ces cercueils, on aperçut une voûte basse que l'on ne put pas visiter, et où il y avait d'autres corps. On suppose que c'étaient ceux de Jean Ier, duc de Bourbon, fils de Louis II et de Marie de Berry, sa femme ; et celui de François, duc de Châtellerault. Cette visite terminée, on mura l'entrée du caveau.

Le lendemain, on pénétra dans le caveau de la Chapelle Neuve. Il était plus grand que l'autre et portait 15 pieds carrés. On y trouva six grands cercueils de plomb, dont cinq reposaient sur des barres de fer tenant toute la largeur du caveau, et le sixième était sur le terrain. Le premier à droite, celui du duc Charles, n'avait point d'inscription. Le deuxième, d'Agnès de Bourgogne, sa femme, portait la date du 1er décembre 1471, au lieu de 1466 gravé sur le monument supérieur. Sur le troisième étaient gravés, à gauche, les mots suivants : Jean, duc de Bourbon, lequel trespassa l'an 1447, le 4 avril. Sur le quatrième, à gauche, on lisait : Le duc Pierre de Bourbon, IIe de ce nom. Il mourut à Moulins, le 10 octobre 1503. Sur le cinquième, on trouva au-dessus de la tête, une lame de plomb où était l'inscription suivante: Cy gist corps de feue haulte princesse Susanne fille de très haults et illustres princes, Pierre, II de ce nom, duc de Bourbonnais et d'Auvergne et de Madame Anne de France, fille de Loys XI et seur de Charles VIII, rois de France ; et fust femme de très-hault et illustre prince, Charles, IIIe. de ce nom, duc des dits duchés et connestable de France, et trespassa à Châtellerault le 28 avril 1521. Le sixième, posé à terre, n'avait point d'inscription. On pense que c'est celui d'Anne de France, fille de Louis XI, femme de Pierre II et mère de Suzanne. Elle mourut aussi à Châtellerault, le 14 novembre 1522. Divers ossements, qu'on trouva sous les cercueils ou dans le fond du caveau, firent présumer qu'il y avait eu d'autres ducs ou de leurs enfants inhumés.

Ces deux visites furent faites par les moines et le prieur, assistés du juge, du procureur et du greffier, avec toute la décence et la réserve que l'on doit aux débris de l'humanité, lors même qu'ils n'appartiennent pas à ceux qui ont été entourés de grandeurs. La foule qui les suivait dans cette funèbre investigation, montra un religieux recueillement. Puis après les prières dites et les bénédictions données à ces bières et à ces ossements, les caveaux furent de nouveau fermés pour ne plus se rouvrir, à l'exception de celui de la Chapelle Neuve, où, par ordre de Louis XIV, on déposa, en 1681, le corps d'une jeune enfant, fille de Mme de Montespan.

Il ne paraît pas que ces restes de la famille des Bourbons aient été troublés depuis, ni que les profanateurs de 93 aient violé les chapelles souterraines. Car dans le pays on n'en a pas gardé le souvenir. Ils se sont bornés à exercer leur stupide rage sur les monuments extérieurs des princes de Bourbon et sur l'intérieur de l'église qu'ils ont plus ou moins mutilé. Après la visite que leur fit D. de Mesgrigny, ces caveaux devaient en recevoir une toute pieuse et à qui les circonstances prêtaient un intérêt bien propre à ranimer et à faire tressaillir ces froides reliques jusque dans le fond de leurs tombeaux.

En 1830, Mme la duchesse d'Angoulême, revenant de Vichy, s'arrêta à Souvigny, pour prier sur les restes de ses aïeux. Elle se fit ouvrir les caveaux du vieux monastère, comme si, poussée par une triste prévision intime, elle savait que cette visite aux mânes de ses ancêtres serait la dernière et qu'elle venait leur faire un suprême adieu. La princesse, en parcourant ces demeures sépulcrales fut triste et silencieuse. Elle, qui avait déjà depuis longtemps épuisé toute la coupe du malheur, devait contempler avec un courage héroïque et tout chrétien les tristes débris de ces existences entourées de tant de lustre et de vénération ; qui avaient occupé un rang si élevé et qui finissaient par un peu de poussière. Quelques heures après son départ de Souvigny, Marie-Thérèse de France apprenait les événements de Juillet qui devaient l'expulser de nouveau de sa patrie, mais cette fois pour n'y plus rentrer. Elle y laissait les cendres de ses pères auxquelles les siennes ne devaient pas être réunies. Triste destinée des grandeurs de la terre, qui sont souvent brisées par des événements qui n'attendent pas toujours les atteintes inévitables de la mort.

Depuis que ces caveaux ont été de nouveau ouverts, ils ont été explorés par des curieux et des artistes. En 1834, plusieurs pénétrèrent dans les souterrains et purent constater les ravages que le temps avait exercés sur ces cercueils. A l'exception de ceux d'Agnès de Bourgogne et de Suzanne de Bourbon qui étaient bien conservés, les autres étaient presque tous déjoints ou rongés par la rouille ; les ossements en étaient sortis et on les foulait aux pieds. Un phénomène curieux fut remarqué sur la tête d'Anne de France. En 1830, elle était encore garnie de cheveux châtains, longs et assez abondants. Quatre ans après, il en restait peu et ils avaient tous blanchi. M. Batissier, auteur du Voyage pittoresque en Bourbonnais, trouva le corps de Pierre II bien conservé. Il toucha le froc noir dont il était revêtu à sa mort, vit sa tête couverte encore de longs cheveux, et sa large poitrine qui avait porté une pesante armure dans les combats. Son enveloppe ramollie, cédant sous la pression des doigts, conservait la forme des chairs. On lisait encore sur le cercueil, en lettres gothiques : Le duc Pierre de Bourbon, IIe du nom, et auprès était la ceinture de l'ordre de l'Écu d'or avec sa devise : Espérance ! En contemplant ce néant des grandeurs à côté de leur annonce fastueuse, on peut sourire de pitié de voir l'espérance placée sur une tombe. Mais devant le chrétien, pénétré des vérités de la religion et qui a foi aux consolations promises par elle, ce mot devient sublime, parce qu'il reçoit ici sa plus noble et sa véritable application.

Depuis cette époque, l'état d'abandon et de violation journalière où se trouvaient ces sépultures, fut signalé au roi Louis-Philippe, et en 1840, il donna l'ordre de constater cet état par une visite, afin d'y faire toutes les réparations nécessaires soit pour les restaurer et y renfermer les ossements qui en étaient sortis, soit pour leur assurer à l'avenir le respect dû à ces tombes quasi-royales.

Ainsi dans la Chapelle-Vieille, on recueillit les restes du duc Louis II et d'Anne, dauphine d'Auvergne, sa femme, qui gisaient au-dessous de chaque cercueil, et ils furent placés séparément dans une petite caisse en plomb. On y déposa aussi quelques débris des cercueils anciens, tant plomb que bois, et dans celle de Louis II on mit un éperon de fer très-oxydé trouvé parmi les ossements.

Ces deux cercueils furent replacés sur les supports de fer à la place des anciens que l'on sortit du caveau.

Les autres sépultures des anciens Archambault, prédécesseurs du duc, qu'on suppose exister dans des souterrains communiquant à ce caveau, ne furent pas trouvées non plus que celles de Jean Ier et de Marie de Berry, sa femme, et de François, duc de Châtellerault, qui furent probablement ensevelis sous terre.

Dans le caveau de la Chapelle-Neuve, on trouva, dans un grand état de dégradation, les trois premiers cercueils, en allant de droite à gauche. Ce sont ceux du fondateur, Charles Ier, d'Agnès de Bourgogne, sa femme et de Jean II. Les dessus étaient affaissés en dedans, les côtés déjoints et dessoudés et les fonds percés. On recueillit les ossements qui étaient dessous et on les plaça dans de nouvelles caisses en plomb plus petites, qu'on renferma dans les anciens cercueils après les avoir réparés convenablement.

Le quatrième, du duc Pierre II, était assez bien conservé, ainsi que le cinquième qui touche au mur, à gauche, et qui renferme les restes de Suzanne de Bourbon, sa fille, femme du connétable. Ils furent tous deux restaurés.

Quant au sixième, renfermant le corps d'Anne de France, fille de Louis XI et femme de Pierre II, il était sur le sol, aplati, plié en deux et brisé en plusieurs endroits. La tête et une partie des os en étaient sortis et jonchaient la terre tout autour. On réunit ces divers ossements qui furent placés dans une caisse de plomb, et comme l'ancien cercueil ne pouvait pas être réparé, on enferma cette caisse dans une bière de bois de chêne qui fut déposée en travers et à l'entrée du caveau, sur une dalle en pierre de Volvic.

Le septième, plus petit, contenant les restes de Louise-Marie-Anne de Bourbon, légitimée de France, dont le fond était aussi percé, fut réparé et on y enferma tout ce qui restait de cette jeune princesse, après l'avoir placé dans une caisse de plomb. Il fut replacé au même endroit en avant et en travers des cinq premiers cercueils.

On pense, d'après des renseignements historiques, que le caveau le plus grand des deux contient encore les dépouilles de Philippe, seigneur de Beaujeu, second fils du duc Charles Ier, et de plusieurs autres membres de la maison de Bourbon ; mais on ne creusa pas le sol pour y chercher leurs cercueils. Dans un des bas-côtés de l'église, et en dehors des chapelles, existait le tombeau de Jean, bâtard de Bourbon, fils naturel de Pierre Ier et d'Agnès de Chaleu, sa femme, qui a été brisé en 1793 ; le caveau qui se trouve dessous, n'a pas été fouillé.

Tous les détails ci-dessus sont extraits des procès-verbaux de la visite et des réparations faites en 1840, des sépultures des ducs de Bourbon dans l'église de Souvigny, d'après les ordres de Louis-Philippe et de Marie-Amélie, et vous avez pu, Messieurs, en constater l'exactitude par l'inspection que vous en avez faite.

Après les digressions dans lesquelles je viens d'entrer sur les sépultures de Souvigny, je me hâte de reprendre les détails historiques sur le prieuré, après lesquels je ferai une description succincte de l'état actuel de l'église.

Description de l'église

D. de Mesgrigny, après avoir installé, en 1650, un couvent de bénédictines à Souvigny, mourut deux ans après, âgé seulement de 37 ans, laissant au prieuré les précieux ornements de sa chapelle, ses livres et surtout sa mémoire. Depuis lors, jusqu'à la dispersion des religieux et la suppression du monastère, il ne s'y passa rien qui mérite d'être rappelé, si ce n'est l'envoi qui fut fait en Allemagne et à l'abbaye d'Abdiughoff d'une portion des reliques de saint Mayeul et de saint Odile. En 1742,l'évêque suffragant de Paderborn écrivit au prieur de Souvigny pour lui rappeler que le bienheureux Werke, évêque de Paderborn, ayant fondé, en 1013, l'abbaye d'Abdinghoff, s'était rendu à Cluny avec l'empereur saint Henri, pour la soumettre à la règle de saint Benoît et demander à saint Odile des religieux ; que ce dernier lui ayant accordé 12 moines et un abbé, ils avaient toujours conservé des relations avec Cluny jusqu'en 1496 ; qu'à cette époque, les guerres, l'éloignement et la difficulté des communications ayant fait cesser leurs rapports avec la maison-mère, ils s'étaient réunis à la congrégation de Bursfeld, tout en conservant l'union spirituelle avec Cluny, dont ils avaient gardé religieusement le souvenir ; que, par ces motifs, ils demandaient à Souvigny, comme une faveur spéciale, de vouloir bien leur accorder une portion des reliques de saint Odile, si vénéré dans leur maison. D'après cette supplique et le consentement de l'abbé de Cluny, on consentit à leur demande et on ouvrit la châsse de saint Odile d'où on retira un ossement. On ouvrit également le trésor où l'on prit un morceau du scapulaire de saint Mayeul. Ces reliques furent expédiées et arrivèrent à Abdinghofl le 1er octobre 1443, où on les reçut avec la plus grande pompe. On profita de cette circonstance pour réparer les précieuses châsses qui contenaient les restes de saint Mayeul et de saint Odile.

Les monuments sépulcraux des ducs de Bourbon ne sont pas les seuls objets d'art qui décorent l'église de Souvigny. On doit s'arrêter, vers la porte méridionale, pour remarquer l'oratoire de saint Mayeul et de saint Odile, richement décoré. Leurs portraits peints sur panneaux ont malheureusement souffert d'une restauration maladroite. Dans le mur occidental du bas-côté est incrusté un bas-relief byzantin, remarquable par le fini et la perfection du détail. Il a été bien mutilé dans la partie supérieure où sont des figures et cependant il est préférable dans son état actuel à ce qu'il serait, si on eût essayé de refaire la tête et les bras qui manquent. On voyait, dans ce même collatéral, la statue de Marie de Hainault qui décorait le mausolée de cette princesse à Champaigre, et que depuis on a placé ailleurs.

La basilique de l'ancien prieuré de Souvigny, malgré ses dégradations, est sans contredit le monument ancien le plus curieux du Bourbonnais, tant par l'étendue de ses proportions que par le mélange de divers types d'architecture. Elle a 84 mètres de longueur sur 28 de largeur et 17 de hauteur sous la grande voûte. Avant de pénétrer dans l'intérieur, il faut jeter un coup-d'œil à l'extrémité orientale de la place sur l'ancienne chapelle des Bénédictins, construite au XIIe siècle et réparée dans le XVIIIe. La façade de St.-Pierre se présente ensuite avec ses deux tours carrées. Elle était primitivement romano-byzantine, mais les réparations faites par D. Chollet ont modifié ce caractère. On entre dans l'église par un portail faisant saillie sur l'ancienne construction, sculpté avec une grande richesse d'ornements et formant une ogive dentelée, avec des niches latérales et couronné par des galeries à jour. Cette élégance contraste avec la sévérité du style des deux tours qui datent évidemment des XIe et XIIe siècles.

L'intérieur de l'église fait voir qu'elle a été bâtie à diverses époques. Ainsi la partie supérieure de la grande nef, les chapelles du transept et du sanctuaire sont du XVe siècle, pendant que les bas-côtés, dont les fenêtres sont dépourvues de colonnettes, sont romans. L'abside et l'intérieur offrent un modèle de la belle architecture romane.

En s'avançant dans l'église, on est frappé tout d'abord de l'harmonieuse combinaison de ce mélange d'architectures les plus opposées. L'église primitive, qui date des premiers temps du XIe siècle, ne se composait dans l'origine que d'une nef et de deux collatéraux étroits avec un transept et d'une abside entourée de plusieurs chapelles faisant saillie au dehors. De tout cet édifice, il ne reste que la partie basse de la nef principale, les bas-côtés et le mur méridional du transept. Avant même d'avoir pensé à entreprendre les grands travaux de réparation ou d'agrandissement, on avait douté de sa solidité, et pour la consolider, on avait construit les deux bas-côtés dont les murs étaient armés d'une arcature byzantine, où on avait représenté des figures d'hommes et d'animaux dont le style révèle la fin du XIIe siècle.

Cette addition importante ayant détruit les proportions de l'église primitive, le chœur se trouva trop petit. Il fallut le reconstruire et agrandir en même temps le transept, tout en conservant, autant que possible, le style roman. L'abside fut flanquée de cinq chapelles dont deux furent détruites plus tard, pour construire la sacristie et la Chapelle-Vieille. L'église de Souvigny, ainsi réparée, subsista jusqu'au XVe siècle sans reconstructions importantes, si ce n'est des arcs doubleaux ajoutés à la voûte des premiers bas-côtés pour leur donner de la solidité. C'est là qu'on remarque la forme de l'ogive sarrasine et la transition du style roman au premier gothique qui dénote un travail du XIIe. siècle. C'est depuis cette époque que se sont exécutés, dans le XVe siècle, les vastes travaux entrepris par D. Chollet, et les constructions des chapelles Vieille et Neuve, par les princes de Bourbon dont j'ai déjà parlé dans cette notice et sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Il me reste à vous dire quelques mots sur le régime intérieur de la maison et sur son administration.

La règle des maisons bénédictines était à Souvigny, comme ailleurs, d'une grande austérité dans l'origine. On y voit les premiers abbés, comme saint Mayeul et saint Odile, donner l'exemple de toutes les vertus chrétiennes, s'imposant les privations les plus grandes et terminant leur vie, revêtus du cilice et sur la cendre. Après eux et à la suite des temps, les règles devinrent de moins en moins sévères. Le relâchement dans les pratiques religieuses s'introduisit insensiblement, ainsi que l'usage des aisances de la vie mondaine. Vainement les chapitres généraux et les abbés de Cluny s'élevèrent pour arrêter ou réprimer cet affaiblissement de la discipline intérieure. Il n'était plus possible de revenir à la sévérité des premiers temps. Malgré les réformes qu'on essaya d'introduire, les austérités claustrales s'adoucirent peu à peu, et, dans les derniers temps, la vie des religieux était devenue douce et tranquille, tout en conservant la régularité dans les prières et les offices.

Depuis que les abbés de Cluny avaient fait gouverner la maison par des prieurs, ces supérieurs exerçaient réellement une autorité souveraine sur les religieux et même sur la ville. Ils étaient installés dans leurs fonctions avec les honneurs qu'on rendait aux ducs de Bourbon. Ils étaient reçus avec la croix, encensés ; on leur présentait l'eau bénite et les saints Evangiles, et chaque frère venait tour à tour s'incliner devant eux.

Comme supérieur de la ville, le prieur avait aussi le titre de curé. Lui seul avait le droit d'officier aux grandes fêtes, à la tête du clergé de la paroisse. Il présidait à toutes les cérémonies religieuses extérieures, telles que processions, enterrements, etc. La maison de Souvigny, réunissant plus de 50 monastères, bénéfices ou chapelles sous sa juridiction, tous les supérieurs de ces établissements devaient rendre leurs comptes chaque année, devant le chapitre général, présidé par le prieur. La justice se rendait en son nom et il partageait avec les ducs de Bourbon le droit de faire battre monnaie. Les diverses prérogatives dont jouissait le prieur au nom de la maison ont donné pendant long-temps une grande importance à la ville de Souvigny, qui pouvait disputer à Moulins le titre de capitale du Bourbonnais.

Messieurs, en terminant cette notice bien incomplète sans doute, je dois vous remercier de la bienveillante attention que vous avez bien voulu me prêter. Si je me suis décidé à prendre la parole devant une réunion de personnes aussi recommandables dans la science, c'est que j'ai compté sur leur indulgence, pour les entretenir de choses qu'elles ont vues et appréciées mieux que moi. Si j'ai fait revivre d'anciens souvenirs, c'est pour les associer dans ma mémoire à ceux que je conserve de la célébrité de la maison-mère de Cluny, dont notre honorable président et quelques membres de la Société ont visité les restes en 1851. Je n'ai pu leur montrer que des ruines et leur exprimer des regrets sur la perte irréparable de notre magnifique basilique, dont il n'existe plus qu'une moitié du transept surmonté d'un clocher et la chapelle de Bourbon. J'ai eu l'honneur de les recevoir dans l'ancien palais abbatial qui, ainsi que la chapelle, est un ouvrage du milieu du XVe siècle. Ces deux édifices ont été élevés par la munificence du cardinal Jean de Bourbon, abbé de Cluny, issu de cette noble famille qui a tant fait pour la maison de Souvigny, et dont on doit parler à chaque page en retraçant son histoire. Je renouvelle à la Société mes remerciements pour la somme qu'elle a bien voulu accorder, à ma demande, pour la chapelle de Bourbon. Je l'ai employée aux réparations les plus urgentes, en attendant que de nouvelles largesses puissent permettre de faire à cet élégant édifice les restaurations nécessaires pour le rétablir à son état primitif.

Source : Congrès archéologique de France 1855.

photo pour Prieuré bénédictin de Souvigny

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 3863
  • item : Prieuré bénédictin de Souvigny
  • Localisation :
    • Auvergne
    • Souvigny
  • Code INSEE commune : 3275
  • Code postal de la commune : 03210
  • Ordre dans la liste : 7
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : abbaye
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 3 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 17e siècle
    • 2e moitié 17e siècle
    • 18e siècle
  • Année : 1670
  • Type d'enregistrement : site inscrit
  • Dates de protection :
    • 1926/07/17 : classé MH
    • 2001/04/04 : classé MH
  • Date de versement : 1993/08/27

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • Le décor est composé de : 'menuiserie'
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Eglise : 18 04 1914 (J.O.). Classements 1840 (église abbatiale) (liste), 17 03 1939 (porterie) et 05 06 1967 (façades et toitures des bâtiment bordant la cour à l'est et au sud ; sol de cette cour ; façades et toitures sur cour des bâtiments situés au nord et à l'ouest de cette cour) (arrêtés) annulés. Inscription 26 11 1990 (éléments intérieurs subsistants des bâtiments conventuels ; sol des jardins et du potager avec leurs puits, terrasses et escalier ; deux bâtiments de communs) (arrêté) annulée. Site inscrit 08 02 1968 (arrêté).
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers : 3 informations diverses sont disponibles :
    • propriété d'une association diocésaine
    • propriété d'une personne privée 1992
    • propriété de la commune
  • Photo : 215ef6727de57a1ac3b0ba7562123f4e.jpg
  • Détails : Les restes de l' abbaye comprenant la galerie du cloître et la salle capitulaire, la façade extérieure nord du 12e siècle et la façade occidentale du 18e siècle de l' ancien prieuré avec la construction carrée surmontant la porte, délimitée par une teinte rouge sur le plan annexé au décret : classement par décret du 17 juillet 1926 - Le prieuré en totalité, comprenant l' ensemble des bâtiments (église Saint-Pierre et Saint-Paul, salle capitulaire, cloître, bâtiments conventuels, logis du prieur, granges, porterie), cours, jardins et potager avec leurs puits, terrasses et escaliers (cad. E 237, 240 à 243, 245, 254, 266, 646 à 653) : classement par arrêté du 4 avril 2001
  • Référence Mérimée : PA00093300

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

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