Eglise Saint-Martin

Bellenaves par M. Pierre PRADEL

Le petit bourg de Bellenaves (Département de l'Allier, canton d'Ebreuil), bâti en bordure nord de la Limagne, comprenait deux paroisses relevant de l'ancien, diocèse de Bourges. L'église Saint-Martin, qui, seule, est conservée, dépendait de l'abbaye bénédictine de Menât, en Auvergne.

Plan

Cet édifice roman présente un plan exceptionnel dans la région, avec un chevet développé et un transept très accusé. Des remaniements et des adjonctions ont dénaturé les dispositions primitives que l'on reconstitue à l'examen. Saint-Martin de Bellenaves eut, au XIIe siècle, un plan fréquent en Berry, que l'on a nommé plan « bénédictin. », et comprenant quatre absidioles en hémicycle, de profondeur décroissante, deux ouvrant sur les bras du transept, deux autres flanquant l'abside en hémicycle et précédées de travées droites communiquant avec un choeur allongé. Ce chevet se combinait avec une large nef sans bas-côtés, limitée par une croisée de transept légèrement plus étroite et cantonnée de fortes piles à plusieurs ressauts. C'est tout à fait le plan que l'on observe à l'église dès Aix-d'Anguillon en Berry. Deux, campagnes se distinguent, d'ailleurs, dans les vestiges de ces diverses parties : nous croyons que la nef fut élevée la première ; ses murs sont moins épais que ceux du transept et une reprise dans la construction apparaît à l'extrémité orientale du mur nord.

Par la suite, et à la lin du XIIe siècle, la nef fut partagée en trois vaisseaux, puis raccourcie à l'est peut-être au XVIIIe siècle. Les travées droites des absidioles du chevet furent mises largement en communication, par des arcades brisées, d'une part, avec le choeur, d'autre part, avec des chapelles rectangulaires dressées sur l'emplacement des absidioles du transept, au sud, au XVe siècle, au nord, en 1851. Enfin, l'adjonction d'un massif escalier de clocher, d'une porte latérale et d'une sacristie sur le flanc sud de l'édifice est venue, au siècle dernier, enlaidir l'extérieur.

Plan église de Bellenaves

Intérieur

La nef, avant l'établissement des bas-côtés, était une vaste salle de 8m50 de large environ, certainement couverte d'une charpente comme toutes les nefs berrichonnes du même type. Le mur nord est élevé nettement de biais.

La communication entre cette nef et le transept était assurée, de part et d'autre de l'arcade orientale de la croisée, par de petits passages latéraux établis entre les piles et les murs goutterots, comme ceux que nous avons observés à Saint-Pierre de Montluçon et à pluriel. Ces passages, sont conservés intacts dans les bas-côtés et des arcades en plein cintre les couvrent ; celle du nord retombe sur une imposte formée, d'un rang de billettes. Quant aux piles occidentales de la croisée, elles possédaient cette particularité commune à la plupart des églises berrichonnes à large nef sans bas-côtés, d'être munies en regard de la nef d'un épais dosseret, véritable contrefort, destiné à contre-buter, à défaut du mur des grandes arcades, la poussée que la voûte de la croisée, exerce de Ce côté. Ces contreforts furent conservés lors de l'établissement des collatéraux, jusqu'à la hauteur des chapiteaux des grandes arcades, puis démolis au-dessus. Le mur de ces grandes arcades est sensiblement moins épais que ne l'était le contrefort, et la différence est marquée à la naissance de la voûte par l'interruption du cordon de billettes qui couronne les piles de la croisée.

Nous trouvons encore une autre preuve de l'existence primitive d'une nef sans bas-côtés en examinant les murs goutterots, car les quelques fenêtres anciennes qui sont conservées ne s'ouvrent jamais dans l'axe des arcades et certaines même, aujourd'hui obstruées, se trouvent en regard des piles.

Trois grandes arcades brisées, à double rouleau, s'alignent de chaque côté de la nef ; celle de l'ouest, beaucoup moins large, a été refaite lors du raccourcissement de l'église et de l'établissement de la façade à son emplacement actuel. Ces arcades retombent sur des demi-colonnes flanquant des piles rectangulaires, munies, par ailleurs, d'une colonne sur dosseret en regard de la nef. Les chapiteaux sont cubiques, à angles abattus : leurs astragales s'agrémentent parfois de cordelières et de larges tailloirs chanfreinés les surmontent. Ceux des colonnes engagées de la nef s'ornent, de longues feuilles découpées sous des tailloirs moulurés ; ils sont plus tardifs et doivent appartenir à la campagne de construction du début du XIIIe siècle, qui dota la croisée du transept d'une voûte d'ogives (Toutes les bases des piliers ont été enterrées lors d'un exhaussement du sol. pratiqué en 1836, ce qui nous prive d'éléments importants pour dater les différentes parties de l'église). Ces chapiteaux ne supportent rien sans doute, le berceau brisé actuel, sans doubleaux, est moderne, mais il se peut que l'on ait là la reproduction d'un dispositif ancien comparable à celui que l'on observe à Notre-Darne-du-Port et dans quelques églises auvergnates (Emile Mâle, La région de Bellenaves et d'Ebreuil,.dans Bull, de la Soc. d'Émulation du Bourbonnais, 1931, p. 26.).

Les bas-côtés sont plutôt d'étroits couloirs de circulation, larges par endroits de 90 centimètres seulement. Ils sont couverts de petites voûtes en segment de cercle, sans doubleaux.

Les hautes et fortes piles de là croisée sont munies de trois ressauts sur leurs faces intérieures, comme celles de l'église des Aix-d'Anguillon ; ce plan a facilité l'établissement des supports de la croisée d'ogives à oculus central, lancée sous le clocher au début du XIIIe siècle.

De cette même époque datent les arcades brisées à deux rouleaux et les chapiteaux à feuillages et personnages établis pour les recevoir sur les demi-colonnes des piles ; leurs tailloirs moulurés d'une doucine sont placés plus haut que l'imposte primitive, qui est conservée entre eux.

Eglise Saint-Martin à Bellenaves Allier

Intérieur de l'église

Des berceaux brisés couvrent les croisillons et la travée droite de l'abside ; l'arc d'encadrement de cette abside, en plein cintre, est extradossé d'un haut mur percé d'une fenêtre. Ce sont également des berceaux brisés qui sont établis sur les travées droites des absidioles, où l'on observe des irrégularités dans la construction et un défaut de concordance entre voûtes et supports qui révèlent des remaniements. Les piles occidentales de la croisée notamment, sont, en regard de ces travées, plus épaisses que ne le demandent les retombées et un de leurs angles ne supporte rien, ni arcade ni départ de berceau. Ces piles devaient primitivement faire corps avec des absidioles ouvrant directement, de part et d'autre du choeur, dans un transept moins profond.

Extérieur

L'extérieur de l'édifice n'offre d'intérêt que par la façade et le clocher.

La façade dans laquelle s'inscrit, le beau tympan sculpté du XIIe siècle fut, à-notre avis, remontée à cet emplacement à une époque relativement récente. Nous avons, eu une preuve de ce remaniement en examinant les grandes arcades et une autre nous est fournie par là présence de maçonneries, affleurant le sol de la place de l'église, dans le prolongement du mur latéral nord. Sur le monument même, enfin, des irrégularités dans l'ordonnance des arcades, dans le tracé des cordons confirment cette thèse.

Les éléments décoratifs de la façade sont à l'exception du tympan du début du XIIe siècle : bases à losanges gravés ou à cordelières, chapiteaux à feuillages. La partie supérieure est ornée d'une arcature aveugle et, de chaque, côté de la porte centrale, une arcade est bandée dans l'épaisseur du mur. Ce sont là des dispositifs assez fréquents en Berry, de même que le cordon de pointes de diamant, procédé de décor très rare en Bourbonnais, qui surmonte l'archivolte brisée de la porte. Cette façade se présente comme une copié maladroite de celles de Châteaumeillant ou de Puy-Ferrand, notamment ; par elle, les relations entre l'église de Bellenaves et l'architecture berrichonne, révélées déjà par le plan, sont manifestes, Il est intéressant dénoter à ce propos que Bellenaves était une des paroisses les plus méridionales de l'ancien diocèse de Bourges et de rappeler l'existence, non loin de là, de la petite église d'Hyds (Allier), possession personnelle de l'archevêque de Bourges, où nous trouvons une nef sans voûte et sans bas-côtés, ainsi que des petits passages caractéristiques qui flanquent la croisée du transept.

Quant au clocher octogone qui domine la croisée, il a été dressé au XIVe siècle sur une base romane carrée, à laquelle le relient de longs-glacis d'angle. Son décor est très simple, sur chaque face est ouverte une baie brisée recoupée en deux arcades trilobées, sous un quatrefeuilles. C'est le dispositif de plusieurs clochers voisins, ceux de Vicq et de Charroux, notamment, qui ont conservé, en outre, partiellement, leurs flèches de pierre à boudins d'angle du type de celles qui vinrent couronner à cette époque maints clochers romans bourbonnais, comme ceux de Vallon, Buxières-les-Mines, Ygrande, etc. Une flèche comparable devait s'élever à Bellenaves, avant l'installation du dôme de charpente actuel.

Portail église Saint-Martin à Bellenaves Allier

Portail par M. Marcel AUBERT

Sur le tympan, le Christ bénissant est assis sur un trône, en majesté, dans une grande gloire profondément creusée, accostée par deux anges aux attitudes mouvementées, aux longues et fines ailes rappelant celles des hirondelles, aux étoffes plaquées sur le corps et s'envolant sur les côtés en plis soufflés.

Au linteau, triangulaire, comme en Auvergne, et aussi à Autry-Issard, Meillers, Saint-Pourçain-sur-Sioule, où la même influence se fait sentir, sont sculptés le Lavement des pieds et la Cène. Sous une arcade, à droite, le Christ lave les pieds à un apôtre assis qui tend la jambe ; deux autres, à côté, s'essuient les pieds avant de se mettre à table. Les autres sont à table, encadrés chacun par une arcade, autour du Christ assis sous une arcade légèrement plus haute et plus large que celles des apôtres. Les attitudes sont variées, les gestes différents et le sculpteur s'est efforcé de donner l'impression de la vie : saint Jean s'est levé de sa place pour poser sa tête sur la poitrine du Christ ; les apôtres discutent deux à deux et témoignent de l'émotion profonde qu'ils ressentent par leurs gestes, et aussi par leurs attitudes dont le mouvement se traduit même dans la position des jambes et des pieds que l'on aperçoit sous la table couverte d'une nappe courte et plissée. Judas est agenouillé au milieu, en avant de la table, et porte la main au plat.

Une des plus anciennes représentations sculptées de la Cène, à l'époque romane, se voit au tympan d'une porte de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, puis à Charlieu, à Champagne (Ardèche), Saint-Pons (Hérault) et Saint-Gilles (Gard). On la voit encore, avec, au-dessus, la figure du Christ en majesté, dans une auréole accostée de deux anges, à Saint-Julien-de-Jonzy (Saône-et-Loire), à Nantua et Vandeins (Ain), à Vizille (Isère), et il en subsiste des fragments à Savigny (Rhône) et à Saint-Germaindes-Prés à Paris.

Parmi les figurations peintes de la Cène sous le Christ en gloire, je citerai celle de Saint-Jacques-des-Guérets.

Le Lavement des pieds est souvent joint à la Cène, à Saint-Julien-de-Jonzy, Savigny, Vandeins, Saint-Pons et Saint-Gilles. A Vandeins, une inscription marque le sens symbolique du rapprochement des deux scènes : « Quand le pécheur s'approche de la table du Sauveur, il faut qu'il demande de tout son coeur le pardon de ses fautes » : la Cène est le symbole du sacrement de l'Eucharistie, et le Lavement des pieds, de la Pénitence. M. Mâle, qui rappelle le sens de ces scènes, ajoute que les clercs qui ont guidé les sculpteurs ont voulu affirmer là le dogme pour s'opposer aux hérésies qui naissaient un peu partout au XIIe siècle.

Par son style comme par les détails de son iconographie, le portail de Bellenaves se rapproche plutôt des oeuvres bourguignonnes que de celles d'Auvergne, dont l'influence est cependant puissante sur les monuments de la région.

Le Dieu de majesté bénissant se voit dans bien des tympans bourguignons ; les personnages disposés sous des files d'arcades se trouvent au vieux portail de Charlieu (Loire) et à Châteauneuf. Les anges du tympan de Perrecy-les-Forges ont également de longues ailes minces. La recherche de vie, de mouvement, dans les attitudes comme dans les draperies, s'apparente à ce que l'on voit sur les chapiteaux de Cluny, d'Âutun, de Vézelay, aux tympans de. Paray-le-Monial et Charlieu. Mais les gestes sont plus mesurés, les étoffes moins agitées qu'au tympan de Saint-Julien-de-Jonzy, avec lequel la Gène présente une certaine ressemblance, ou à celui de Montçeaux-l'Étoile, qui ont dû être sculptés vers le milieu du XIIe siècle.

Je placerai donc le tympan de Rellenaves dans le deuxième quart, un peu avant le milieu du XIIe siècle.

Source : Congrès archéologique de France 1939.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 3130
  • item : Eglise Saint-Martin
  • Localisation :
    • Auvergne
    • Allier
    • Bellenaves
  • Code INSEE commune : 3022
  • Code postal de la commune : 03330
  • Ordre dans la liste : 3
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 3 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 12e siècle
    • 16e siècle
    • 18e siècle
  • Date de protection : 1911/07/08 : classé MH
  • Date de versement : 1993/08/27

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • Le décor est composé de : 'sculpture'
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Eglise : classement par arrêté du 8 juillet 1911
  • Référence Mérimée : PA00092990

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

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