Chanterive, une villa Second Empire à l’abandon

Chanterive, une villa Second Empire à l’abandon un article de Fatma Alilate – Février 2015

« Pension de famille, au bord du lac d’Enghien ; confort moderne, tennis, canots. Villa Chanterive, 4, boulevard d’Enghien, à Enghien-les-Bains (Seine et Oise). » Jeudi 16 septembre 1926 - Le Figaro

Chanterive une villa second empire à l'abandon

La Villa Chanterive a été édifiée vers 1850 au bord du lac d’Enghien-les-Bains, au moment de la naissance de la ville. Dans cette station thermale d’Île-de-France, l’architecture est reine, particulièrement autour du lac où les belles demeures étalent encore leurs fantaisies : châteaux de style médiéval ou néogothique, maisons Art nouveau et Art déco, éclectisme… Mais depuis plusieurs années, la fin de la promenade se ternit avec la Villa Chanterive dont l’abandon détonne.

Comme un semblant d’ironie, des cartes postales datant de la Belle Époque rappellent les années fastes de la pension-hôtel avec sa vue privilégiée sur le lac et le Casino ; la villa accueillait les curistes, et offrait alors le confort d’une maison de villégiature. Ces dernières années, cette « institution » de la ville d’Enghien a perdu de sa superbe et son état ne cesse de se détériorer.

Un abandon long de plus de dix ans

A quelques mètres de la jetée, l’allure fantomatique de la maison surprend : sa masse imposante est coiffée d’une immense toile plastifiée, les fenêtres ouvertes aux quatre vents ont des carreaux brisés, quant au jardin non entretenu, il est souillé par l’épave d’une voiture et ce qui ressemblerait à un capot laissé à même le sol. Qu’en est-il côté lac ? Ce ne doit être guère mieux, mais il est impossible d’apercevoir la maison dissimulée par un ensemble d’arbres. La Villa Chanterive était photographiée de cette façade-là, les curistes profitaient d’une jolie terrasse au fil de l’eau…

Chanterive une villa second empire à l'abandon

Imaginons Chanterive, le style Napoléon III, un toit à la Mansart (dont on ne voit plus l’ardoise !), les lucarnes dites à l’œil-de-bœuf, des éléments décoratifs savoureux également caractéristiques du XIXe siècle. Cette propriété privée est liée à l’histoire d’Enghien-les-Bains, c’est une des premières demeures implantées au bord du lac et elle a l’âge de la ville. Abandonnée depuis plus d’une dizaine d’années, la Villa Chanterive est pourtant située dans un secteur protégé.

Une villa protégée ?

Dans le rapport ZPPAUP* (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager), l’architecture de la maison de maître est qualifiée d’exceptionnelle, elle n’a en effet pas été remaniée. Le portail garde encore sa majesté malgré un grillage vert troué par lequel on découvre notamment le fronton semi-circulaire qui ornait la porte d’entrée, désormais condamnée. Ce même document rappelle les qualités du jardin ; aujourd’hui c’est un fouillis végétal. La Villa Chanterive est porteuse d’une valeur patrimoniale, cet abandon la condamne tout comme le paysage urbain dans lequel elle s’insère. Les recommandations du rapport ZPPAUP n’ont à l’évidence été nullement suivies : « Attention aux ravalements à venir qui doivent être respectueux du parement ; à la conservation de la modénature réalisée au moyen de plâtre et chaux ; à la conservation du dessin des châssis de fenêtre. » 

Quel avenir pour la Villa Chanterive ?

Les procès opposant les propriétaires et la Municipalité se sont succédés sans que cela améliore ou résolve l’état de la demeure qui a été squattée et très dégradée ; toute cette énergie, ces sommes d’argent pourraient être utilisées au bénéfice de la restauration de cette villa Second Empire. Mais cette sauvegarde sera-t-elle possible ou même envisagée ? Ce qui n’est pas utopique, c’est l’emplacement idéal de la maison. Chanterive… On peut encore deviner son aspect soigné, il y a une touche de coquetterie avec les lambrequins des fenêtres, même si les façades sont bien abîmées. Les murs décrépis sont gonflés d’eau, ils se délitent, l’enduit s’efface. Devant les feuilles mortes en quantité sur lesquelles chaque pas s’enfoncerait de quelques centimètres, l’on aperçoit une merveille. Oui, l’escalier à balustres semble résister à tout ce désordre, à la laideur qui isole la maison du quartier qu’elle a vu naître.

Des personnes se sont investies pour donner du cachet à cette « institution », elles ont fait en sorte que la demeure soit accueillante et insérée dans les activités thermales d’Enghien-les-Bains, ces efforts-là avaient contribué à façonner Chanterive. En 1926, pour l’annonce du Figaro, chaque mot avait été réfléchi ; d’autres annonces ont suivi, la demeure a reçu nombre de vacanciers, elle abrite des souvenirs et des saisons. Par la suite, elle est devenue une maison de retraite ou de convalescence, l’affaire a périclité. Depuis trop d’années, la ruine ronge la villa Second Empire, elle fut pleine de charme, elle reste encore debout : pour combien de temps ?

Chanterive une villa second empire à l'abandon

Sources :

  • Dépliant Office de Tourisme : Une ville au bord d’un lac
  • Guide Enghien Patrimoine – 2009
  • ZPPAUP d’Enghien-les-Bains - Inventaire des architectures – 2004

* Les ZPPAUP (Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) deviennent AVAP/AMVAP (Aires de Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine).

Un blog présente Enghien-les-Bains pendant les années 50, il y a une photographie du jardin de la Villa Chanterive côté lac avec vue sur le Casino : Jean-Claude Gentet