A Béziers, la Basilique Saint-Aphrodise retrouve ses éclats

A Béziers, la Basilique Saint-Aphrodise retrouve ses éclats, un article de Fatma Alilate.

« Biterroises, Biterrois, La Basilique Saint-Aphrodise est fermée depuis plusieurs années.
Les Biterrois d’hier souffrent de la voir rasée par les Francs après 732.
Les Biterrois d’aujourd’hui ne veulent pas la voir s’écrouler par indifférence.
Bien au contraire, ils souhaitent que soit réhabilitée " leur église " dans un quartier rénové. »

Appel de Jean-Denis Bergasse et Jacques Nougaret – Automne 2006

La Basilique Saint-Aphrodise est située dans un quartier à l’allure bohème, tout près du cœur historique de Béziers, à deux pas du Théâtre municipal. Édifiée sur l’emplacement d’une nécropole antique, l’église est riche d’un passé dans lequel s’inscrit l’histoire de la ville. La publication du XXVème Cahier de la Société Archéologique Scientifique et Littéraire de Béziers, rédigé par une soixantaine de contributeurs, accompagne la réouverture de la basilique, fermée depuis quinze années pour des raisons de sécurité. Comme le rappelle avec humour Jacques Nougaret, Président de l’Association Les Amis de Saint-Aphrodise : « Ce lieu chargé d’histoires croule sous les légendes. » Chaque texte du livre apporte une meilleure connaissance de l’édifice, et différents sujets sont traités : le saint, l’historique du lieu, ses trésors tels l’orfèvrerie ou son décor... Ce livre-mémoire fait revivre un monument à préserver. Prochainement, des visites guidées seront proposées au public. Si la première campagne de travaux a permis de stabiliser l’édifice, le chantier continue. Dans les mois à venir, des actions de mécénat permettront d’œuvrer pour redonner tous ses éclats à la basilique. Mais ce n’est pas seulement l’église qu’il faut sauver, c’est un quartier au charme fou qui mérite également d’être réhabilité.

Un saint venu d’Égypte

La basilique porte le nom du premier évêque connu de la ville de Béziers. Probablement nommé par saint Paul de Narbonne, saint Aphrodise eut pour mission d’évangéliser la cité de Betarra au cours du IIIe siècle, pendant la période de la naissance du christianisme en Gaule ; l’église Saint-Aphrodise serait donc l’une des plus anciennes du pays. Elle est élevée sur la crypte du saint patron de la ville. Le saint est représenté tenant sa tête entre ses mains, en raison de son martyr, la décollation ; la légende raconte qu’il aurait récupéré sa tête sortie d’un puits. Il est fêté le 28 avril dans les rues de Béziers : tout un folklore accompagne Lou Camel, le chameau en bois qui symbolise le saint venu d’Égypte. Le livre publié par la Société Archéologique propose plusieurs chapitres sur saint Aphrodise. L’ouvrage revient aussi sur l’histoire du site, son architecture et les personnalités qui ont participé au rayonnement de la basilique.

Une église au passé antique

La basilique a été construite sur l’emplacement d’une nécropole du Bas-Empire (284-476). A la suite de fouilles archéologiques, des sarcophages et des poteries romaines ont été trouvés. Dans la nef, on peut voir un sarcophage wisigothique, déposé sous l’orgue. La partie la plus ancienne de l’édifice correspond à la crypte située sous l’église, elle a été réaménagée à l’époque romane et fortement remaniée à la fin du XIXe siècle. Ce lieu est le berceau de la foi chrétienne de la ville. Autour du portail Sud de l’église, sont insérés des vestiges gallo-romains, il s’agirait de fragments de sarcophages. A la fin du Xe siècle, la basilique presque ruinée a été reconstruite. Les murs actuels datent principalement du XIe siècle, même si l’édifice a connu des transformations au cours des siècles suivants. L’église s’insérait dans une abbaye tenue par des chanoines dont il nous reste la cour du cloître et des bâtiments conventuels. La première sépulture épiscopale de la ville affronta les tourmentes de la Guerre de Cent ans, des Guerres de religion et de la Révolution. C’est à la fin du XIXe siècle que l’église est érigée en basilique. Depuis le 29 décembre 1983, la basilique et l’ensemble abbatial sont classés au titre des Monuments historiques.

A la découverte des lieux

La partie romane de l’église se poursuit par un chœur gothique. La nef est pratiquement intacte et ses piliers sont également de la période romane ; la grande rosace à l’arrière du grand-orgue a été ajoutée à la période gothique. De part et d’autre, des arcatures romanes s’appuient sur des piles carrées surmontées de tailloirs moulurés. Sur un pan de mur, on aperçoit une peinture Renaissance dont le sujet serait un ange, ce petit miracle est apparu pendant les travaux de restauration. Les marbres de l’église sont variés et de belle qualité. Un bénitier d’un marbre rouge incarnat illumine l’entrée ; nous voyons aussi la chaire finement sculptée en marbre blanc de Carrare. L’autel et le retable consacrés à saint Laurent sont des œuvres baroques. Dans un tout autre style, un impressionnant portail est paré de motifs sculptés représentant le blé et la vigne. Sur le bas côté Nord, il y a la reproduction de la Colonne de l’Immaculée Conception dont le monument original a été détruit en 1880 par anticléricalisme ; cette copie avait été offerte par Antonin Chuchet, une personnalité de la ville désormais oubliée. Mais la publication Saint-Aphrodise dans tous ses éclats… propose un chapitre plein d’humour sur le généreux mécène qui offrit également le grand-orgue et des vitraux.

Un chœur majestueux

Pendant la période gothique, d’importants travaux doublèrent la longueur de l’édifice. L’arc triomphal signé Jean-Baptiste Malacan (1875-1958) est orné de médaillons sculptés ; il sépare les deux parties de l’église : romane et gothique. Dans le chœur, des stalles de l’Abbaye de Cassan datant du XVIIIe siècle ont été insérées. Les vitraux et les peintures sont du XIXe siècle. Remarquons aussi Le Crucifié en bronze de Jean-Antoine Injalbert (1845-1933) qui fit en son temps scandale, car la sculpture réaliste et sensuelle ne correspondait pas aux goûts de l’époque. La merveille du lieu est l’autel qui attire les regards par son gigantisme. Ici, l’intime se révèle monumental. Un important baldaquin surmonte le portique à quatre colonnes corinthiennes. Le maître-autel se niche dans l’ensemble élevé au-dessus de larges marches en marbre rouge incarnat de Caunes-Minervois. Dans la continuité, nous découvrons la Chapelle des Reliques de style baroque qui abrite la grande châsse réalisée en 1897 pour conserver les reliques des trois saints de la ville (Aprhodise, Guiraud et Andiu). La visite se poursuit par la Sacristie où sont entreposés des tableaux. Dans cette pièce, le chapier, un meuble de belle facture dans lequel étaient rangés les ornements sacerdotaux, est en attente de restauration. Il fait face à un tableau grand format datant du XVIIIe siècle dont la peinture était bien abîmée, blafarde et moisie ; le tableau a été descendu et un vitrail a été légèrement ouvert pour permettre la ventilation naturelle de la salle. Depuis quelques mois, les couleurs reviennent, et le processus de détérioration est à l’arrêt : on peut désormais distinguer le Christ apparaissant à ses apôtres. Ce miracle artistique renvoie à la mise en lumière de la basilique ; c’est l’indifférence et l’oubli qui condamnent un monument, l’attention le révèle.

Une renaissance attendue

La Basilique Saint-Aphrodise a été un haut lieu cultuel. La première tranche des travaux a permis une stabilisation de l’édifice, mais le chantier reste ouvert pour valoriser et rendre tous ses éclats à l’édifice. L’église est un chef-d’œuvre dont le visiteur ne se lasse pas. La Chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle qui date du XVIIe siècle présente un important retable et un autel à la romaine. Il y a aussi le grand-orgue classé de Théodore Puget (1799-1883) qui devra être joué régulièrement dans les années à venir pour être préservé. Les peintures marouflées sont magnifiques, elles scintillent sous le reflet des vitraux. Ces peintures rappellent par certains détails le décor des théâtres de Béziers, mais on ne les voit plus, elles nécessitent d’être remises en scène. L’Association Les Amis de Saint-Aphrodise s’appuiera sur le mécénat citoyen pour continuer à rénover la basilique. Comme le rappelle Jacques Nougaret : « Le mécénat a toujours existé, au bas de chaque vitrail, figure le nom des donateurs. » L’association a déjà agi pour la restauration des sculptures situées à l’entrée de l’église (pieds de l’Enfant Jésus, buste de l’Abbé Jean-Jacques Martin), et pour deux peintures de grand format représentant le saint.

L’ouvrage publié par la Société Archéologique est passionnant, il révèle le monument et ses nombreuses œuvres d’art. Il y a aussi des chapitres inattendus comme celui relatif à l’ancien presbytère devenu une maison du quartier dans laquelle en 2003, on découvrit par hasard des vestiges romans, des peintures murales du XIIIe siècle et des plafonds à la française du XVIIe siècle. Une photographie illustre la cocasserie des découvertes ; au milieu d’un papier peint fleuri, un Christ en majesté semble nous saluer ! Du haut de son mur roman, la tour-clocher de la Basilique Saint-Aphrodise domine tout un quartier auquel une partie du livre rend également hommage. Ce quartier se meurt, il y eut des dizaines de commerces ; il y a encore des écoles et de beaux immeubles. Le rayonnement de la basilique sera profitable à ce quartier et à la ville de Béziers, mais la campagne de restauration qui vient de s’achever reste une première étape.

Saint-Aphrodise dans tous ses éclats…

Ouvrage collectif rédigé sous la direction de Jacques Nougaret, Président des Amis de Saint-Aphrodise

  • Prix : 35 euros
  • Pages : 380
  • Éditeur : Société Archéologique Scientifique et Littéraire de Béziers – Avril 2015
  • Commande : chèque d’un montant de 35 euros (ajout de 10 euros pour les frais de port) à adresser à la Société Archéologique - B.P. 4009 – 34 545 Béziers cedex.

L’ouvrage est en vente à la librairie Clareton / Béziers et à la Société Archéologique - 14 rue des Docteurs Bourguet - B.P. 4009 - 34 500 Béziers (permanence le jeudi).

L’Association Les Amis de Saint-Aphrodise
14 rue du Puits de la Courte
34 500 Béziers
Tél. : 06 11 81 31 10

Vous pouvez soutenir les travaux de restauration par des dons à adresser à l'Association Les Amis de Saint-Aphrodise.

Basilique Saint-Aphrodise
15 rue Gayon
34 500 Béziers

Mes remerciements pour leur accueil et leur disponibilité à Henri Barthés, Président de la Société Archéologique de Béziers, à Jacques Nougaret, Président de l’Association Les Amis de Saint-Aphrodise et à Alex Bèges.

Fatma Alilate.