photo : Lomyre
L'Abbaye de Remiremont s'intitula tour à tour le monastère d'Habend, le monastère de Saint-Romaric, le Rhomberg, l'Eglise Insigne, Collégiale et Séculière de Remiremont ou Chapitre illustre des Dames Chanoinesses de Remiremont. Ces noms divers révèlent les principales vicissitudes de son histoire, ses transformations dans le cours des siècles, les traits essentiels de sa physionomie multiple et mobile. Le code de ses privilèges renferme des singularités religieuses et politiques dont l'esprit contraste vivement avec les idées et les mœurs de notre époque. Cette abbaye eut souvent une existence militante et orageuse, et fut agitée quelquefois par des discordes intestines.
Fondée en 620, sur les ruines du Castrum Habendi, au sommet de la montagne qui portait ce nom, elle vécut près d'un siècle sous la règle de saint Colomban, et brilla d'un incomparable éclat de sainteté aux yeux de l'Austrasie. Cette période est son âge d'or et comprend ses temps héroïques. Sous les premiers Carlovingiens, l'Abbaye adopte la règle de saint Benoit ; elle fléchit presque aussitôt, entre en pleine décadence, se détache de la règle religieuse dont elle rompt peu à peu les liens, et s'en affranchit définitivement vers la fin du treizième siècle. Cette période bénédictine est la plus obscure de l'Abbaye ; c'est une époque de luttes sans cesse renaissantes avec les ducs de Lorraine ; car c'est l'époque pendant laquelle l'Abbaye fonde, consolide et défend sa puissance et son indépendance politiques. S'appuyant sur l'autorité des souverains pontifes et des empereurs, le monastère devient, avec ses domaines, une sorte d'enclave germanique et de fief impérial au milieu des Etats des ducs de Lorraine.
Dès le commencement du quatorzième siècle, l'Abbaye, transformée en Chapitre noble, n'est plus qu'un Parthénon aristocratique, un Institut purement féodal voilé de souvenirs sacrés et de quelques apparences monastiques.
Le dix-septième siècle s'écoule en luttes glorieuses et presque stériles pour la réforme de l'Abbaye ; Catherine de Lorraine épuise en vain son courage pour faire rentrer le noble Chapitre au sein de la famille bénédictine.
Au dix-huitième siècle, l'illustre Collégiale se voit ravir la plupart de ses privilèges par Léopold, Stanislas et Louis XV, perd son indépendance, et signale ses dernières années par de grands travaux d'architecture et des œuvres de charité dont beaucoup ont survécu à sa puissance engloutie dans le naufrage de 1791. Cette Eglise succomba avec majesté, et ses ruines furent arrosées par le sang des martyrs.
Source : Étude historique sur l'abbaye de Remiremont par A. Guinot 1859