photo : carpe-diem
Quand on s'éloigne de Valréas, du côté du midi, Visan et Tulette se présentent successivement : ces deux pays n'ont conservé du passé aucun monument digne d'attention, et ce passé, pourtant, n'a point été sans importance. Valréas était devenu depuis longtemps la propriété du Saint-Siége, et Visan continuait à faire partie du Dauphiné. Le pape Benoit XII ayant exigé le paiement de 16,000 florins, dette reconnue par les Dauphins, et ne Payant point obtenu, recourut à une mesure comminatoire; il frappa Humbert II des censures ecclésiastiques. Humbert, à défaut d'argent, offrit Visan et son riche territoire. On refusa Visan, et la somme fut exigée en espèces sonnantes. Humbert paya tout, en rechignant un peu. Le pape Clément VI survenant, fit valoir de sérieuses prétentions. Visan, détaché du Dauphiné, fit donc partie, depuis lors, du Comtat-Venaissin, et c'est pour ce motif qu'on l'a enclavé dans le département de la Drôme, ainsi que Valréas. Cette enclave n'a pas le sens commun, c'est un motif pour qu'elle existe.
Les Dauphins venaient quelquefois résider à Visan, ils y avaient bâti un château dont il ne reste que quelques vestiges : il avait été démoli comme bien d'autres monuments du même genre, pendant les guerres du XVIe siècle. C'est en 1563, que Visan fut ravagé, pillé par le baron des Adrets; repris la même année par le général Serbelloni, il fut, un peu plus tard, en 1576, l'objet des convoitises d'un parti de huguenots venu de Nyons,et renforcé par les Orangeois. Les rusés compères avaient choisi la nuit pour leur expédition sournoise, et en arrivant, ils avaient tout d'abord voulu enfoncer une des portes de la ville avec l'unique canon qui fût en leur possession. Le canon, en pareil cas, avait un inconvénient, c'est de ne point agir sans faire du vacarme. Les habitants de Visan, brutalement réveillés par ce canon malencontreux, coururent aux remparts, et non-seulement les huguenots durent décamper. mais il leur fallut laisser leur artillerie au pouvoir des assiégés. Une autre tentative renouvelée en 1580, n'eut point un meilleur succès.
Les Templiers avaient eu une maison de leur ordre à Visan, et cette maison, appelée la Bastide d’Aquin, devint plus tard un prieuré de bénédictins. On prétend qu'un souterrain conduisait du monastère des Templiers à un couvent situé un peu plus loin et habité par des femmes. On dit que le même système de communication existait entre le château de l'Estagnol, qui appartenait également aux Templiers, et l'abbaye de Bouchet. Etait-ce simplement un moyen pour eux, en temps de guerre et en cas d'attaque, d'arriver plus sûrement et plus vite au secours de leurs voisines, que les Templiers auraient établi ces passages souterrains ? Tenons-nous-en à cette hypothèse.
Visan avait été pourvu de murailles épaisses qui avaient fait ranger cette petite ville parmi les places fortes; son origine, d'après Chorier, était fort ancienne; ce qui est certain, c'est qu'on y a trouvé notamment dans la propriété de M. Maxime Carpentras, plusieurs débris antiques et des tombes datant de l'époque gallo-romaine.
Source : Voyage humoristique dans le Midi: études historiques et littéraires Par Louis de Laincel en 1869.