photo : pierre bastien
Au sortir de Mondragon, la voie ferrée s'éloigne du Lez, qui va se jeter dans le Rhône ; puis, croisant la route de terre, elle longe de petits coteaux rocheux, couverts d'oliviers. On aperçoit, tantôt à droite, tantôt à gauche, les ruines du vieux château de Mornas. Avant d'y arriver, on franchit, à gauche, vis-à-vis de l'embouchure du Lez, un petit ruisseau sur un viaduc de trois arches, mesurant chacune 5 mètres d'ouverture.
Mornas, est situé au pied d'un rocher très-élevé et presque taillé à pic, sur lequel se dressent les restes encore imposants de son vieux château. C'est un bourg très ancien, probablement le Rupea Morenale, du temps de Charlemagne. Il passa, dans la suite, à l'abbaye d'Aniane, puis aux comtes de Toulouse, et suivit les destinées du Comtat. Au XVIe siècle, son château fut pris par les protestants sous les ordres de Montbrun, et sa garnison passée par les armes. Beaucoup furent précipités du haut du rocher en bas, où d'autres soldats les recevaient sur la pointe de leurs piques. Après le massacre, on jeta les cadavres dans le Rhône. Ceux des chefs furent placés dans une mauvaise barque avec des cornes sur le front et des bâtons blancs dans les mains ; puis on les abandonna au cours du fleuve. Sur cette étrange embarcation, on avait peint en gros caractères l'inscription italienne suivante :
Voi D'avignone Lasciate Passare Questi Mercanti perché han pagato il dazio a Mornas. (vous d'Avignon, laissez passer ces marchands car ils ont payé le péage à Mornas).
C'est à tort que tous les compilateurs de dictionnaires géographiques et d'ouvrages pittoresques ont mis ces excès sur le compte du baron des Adrets, qui n'était pas alors à Mornas (1562).
Six ans après (2 mars 1568), les catholiques reprirent Mornas, mais le combat fut long et opiniâtre. A leur tour, les vainqueurs ne firent point de quartier.
Au milieu des ruines du château, qui couvrent tout le sommet du rocher, on remarque une petite chapelle romane avec une crypte : c'est tout ce qui reste de l'ancien manoir des comtes de Toulouse.
A l'entrée du ravin par lequel on monte au château, s'élève l'église paroissiale à trois nefs avec transepts et coupole octogone. On la croit du XIe siècle.
Outre l'église, on peut visiter la chapelle des Pénitents blancs, dont « un des murs latéraux, dit M. Courtet, a fait partie d'une jolie construction romane, à en juger par l'appareil et par une fenêtre géminée à plein cintre. La colonnette qui sert de meneau est en jaspe : une tête de veau forme le chapiteau. Sur un des angles de la façade étaient encastrés les restes d'un gros bas-relief très fruste, avec des ornements d'une époque plus ancienne. On eût dit un lion foulant aux pieds la tête d'une victime. Ce mur a été démoli, et une grande partie de ses ornements a été transportée au musée d'Avignon.
Mornas est le berceau de la famille d'Albert de Luynes.
Source : De Lyon à Mediterranean 1862.