Hôtel de Villeneuve-Martignan

Le 9 avril 1911, il y avait cent ans qu'un décret-loi de l'empereur Napoléon, homologuant le testament du médecin Calvet, a ouvert, pour le musée de la ville d'Avignon, une ère de prospérité et de gloire.

Cette date, les Avignonnais reconnaissants veulent la célébrer. A la suite d'un vœu présenté par la Société vauclusienne des Amis des arts, sur l'initiative de son président, M. Ch. Formentin, trésorier-payeur général de Vaucluse, le conseil municipal a pris une délibération décidant en principe de fêter ce centenaire, avec le concours de l'administration du musée Calvet et de l'académie de Vaucluse.

On veut honorer ainsi la mémoire d'un Avignonnais auquel est due la fondation d'un établissement dont l'ancienne ville des papes a le droit d'être fière et célébrer en même temps les cent années d'activité féconde et de succès qui ont fait du musée d'Avignon un des plus beaux musées de France.

Esprit-Claude-François Calvet, né à Avignon le 24 novembre 1728 et mort dans cette ville le, 25 juillet 1810, fut, à son époque, un médecin habile et renommé. Chargé d'un cours d'anatomie et de médecine à l'université d'Avignon, médecin en chef des hôpitaux de Sainte-Marthe et Saint-Bénézet, il pratiqua son art avec autant de conscience que de charité et de dévouement. Esprit des plus cultivés; ce fut un véritable "honnête homme" au sens que l'on donnait jadis à ce mot. Archéologue, historien, numismate, naturaliste, aucune des sciences cultivées à son époque ne lui était étrangère. Il écrivait avec clarté, et non sans une spirituelle élégance, sur les sujets les plus divers. Le délassement à tant d'austères travaux, il le cherchait dans la pratique du plus charmant des arts, la peinture. On conserve au musée d'Avignon un tableau "de sa main" d'après une marine de Manglard.

Collectionneur persévérant et heureux, sa bibliothèque était pour l'époque fort importante et son cabinet d'antiquités célèbre parmi les amateurs et les savants. Sa science historique et archéologique lui valut les hommages les plus flatteurs et des distinctions précieuses, parmi lesquelles le titre de correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-lettres et celui de membre de nombreuses sociétés savantes de la France et de l'étranger.

Calvet ne voulut pas que ses collections fussent dispersées après sa mort. Décidé depuis longtemps à doter sa ville natale d'une bibliothèque publique, il réalisa ce projet dans son testament. Ce fut un des plus beaux legs de ce genre qu'ait reçus la ville d'Avignon. Celui-ci consistait en une assez belle bibliothèque d'amateur, accompagnée d'un riche cabinet de médailles et d'antiques, ainsi que de quelques tableaux.

Une dotation magnifique en propriétés mobilières et immobilières, des règles très strictes fixées par lui pour l'administration du nouvel établissement assurèrent la prospérité de l'œuvre de Calvet. Ce qui en favorisa grandement aussi le succès, ce fut la détermination prise en 1826 par la ville d'Avignon de placer sous une direction unique les deux établissements dont elle avait la jouissance, le musée Calvet et le musée-bibliothèque municipal.

Les locaux de la vieille abbaye de Saint-Martial devinrent bientôt insuffisants pour contenir les collections. La ville acheta donc. en 1832 l'ancien hôtel de Villeneuve-Martignan, qui était bien le plus charmant logis où l'on pût installer des tableaux, des livres et des objets d'art.

Le musée Calvet y fut transporté en 1834 et ne cessa dès lors de prospérer grâce aux sacrifices consentis par la ville, aux donations fort importantes faites par divers particuliers, parmi lesquels le naturaliste Esprit Requien, ami et correspondant de Mérimée, occupe une place insigne, à la sage gestion des fonds légués par Calvet et par les autres bienfaiteurs.

Aujourd'hui, après cent ans d'existence, le musée Calvet fournit d'incomparables sujets d'étude pour les savants; et les précieux chefs-d'œuvre qu'il renferme en font une école d'art et de beauté.

La Société vauclusienne des Amis des arts qui a pris l'initiative de fêter ce merveilleux passé saura le faire dignement; l'exposition d'art provençal qu'elle compte ouvrir au mois d'avril, les cérémonies scientifiques, littéraires et artistiques qui auront lieu à cette occasion seront, tout nous le fait espérer, dignes de Calvet et de son œuvre.

(Petit Temps, 20 novembre 1910).

J. GIRARD.

Source :

• Titre : Revue archéologique
• Auteur : Société française d'archéologie classique
• Éditeur : Presses universitaires de France (Paris)
• Date d'édition : 1844