photo : Lumière du matin
Le XIIe siècle, qui fut l'époque la plus florissante de la commune avignonnaise, vit s'élever le pont de pierre, le premier qui unit les deux rives du Rhône. Une œuvre aussi prodigieuse pour l'époque devait nécessairement appeler le merveilleux : aussi dans le jeune berger d'Alvilar, devenu chef d'une corporation de frères pontifs, les chroniqueurs ne virent qu'un élu du ciel, obéissant à une inspiration divine.
Quoi qu'il en soit, de 1177 à 1188, Benezet entreprit et termina ce pont, remarquable par la légèreté et la hardiesse de ses arches. Les quatre du côté d'Avignon, grâce à de nombreuses réparations, ont survécu au grand écroulement de 1669. Entre la deuxième et la troisième s'élève une petite chapelle romane, contemporaine du pont, laquelle a subi une modification intérieure, et où reposèrent, jusqu'en 1674, les dépouilles mortelles de Benezet, dont la population avignonnaise et l'Eglise ont fait un saint
Source : Notice historique et archéologique sur Avignon Par Jules Courtet en 1855.
Suivant l'opinion la plus commune, saint Benezet est regardé comme le fondateur et peut-être comme le premier des frères Pontifes. — Nous disons — suivant l'opinion la plus commune, car tout le monde ne pense pas ainsi, et notamment le Tierçaire Helyot. — Or voici donc ce qui est raconté de ce saint Benezet. — Benezet qu'on nomme ainsi, comme qui dirait petit Benoit (parvus Benedictus), était un berger âgé de 12 ans, à qui le ciel, par des révélalions réitérés, ordonna de quitter les troupeaux de sa mère confiés à sa garde, pour aller à Avignon bâtir un pont sur le Rhône. Benezet s'étant rendu dans cette grande cité en 1176, entra dans l'église au moment ou l'évêque Ponce prêchait.
Il lui exposa le sujet de sa mission, mais ce prélat surpris de voir le fils d'un paysan, sans apparence et sans lettres, se dire envoyé de Dieu, pour bâtir un pont sur le Rhône, le regarda comme un insensé et le renvoya au prévôt de la ville, avec menace de lui faire couper les bras et les jambes. Le magistrat auquel l'évêque avait envoyé Benezet se montra d'abord incrédule à ses paroles ; mais le jeune berger, ayant enlevé, comme preuve surnaturelle de sa mission, une pierre que 30 hommes ne pouvaient soulever, le peuple, qui, parait-il, entourait le tribunal du prévôt, accepta sa proposition.
Le pont fut commencé en 1177; chacun contribua soit de ses bras, soit de sa bourse, à la construction de ce monument, qui est regardé comme une merveille, étant composé de 18 arches et long de 1340 pas. Ce fut sous la direction de Benezet lui-même que le pont fut construit et le zèle des travailleurs ne faisait que grandir et s'animer à la vue des miracles nombreux qu'opérait l'envoyé de Dieu. Les travaux de la construction durèrent 11 années, de telle sorte que Benezet, qui avait jeté les fondements de cette grandiose entreprise, mourut avant qu'elle fût terminé et conduite à sa tin. Il mourut en 1184 et fut inhumé dans une chapelle qu'il avait fait bâtir sur la troisième pile du pont; laquelle subsiste encore, disait le père Helyol en 1725, « le reste ayant esté ruiné. »
Tout ce que nous venons de raconter est donné comme certain par le Jésuite Théophile Raynaud, dans un traité sur Saint-Benezet, lequel a pour titre : Sanctus Joannes Benedictus pastor et pontifex Avinione. Un autre écrivain, nommé Monge Agricol, dans une histoire de notre saint publiée en 1708, le représente comme un vieillard vénérable obligé pour son grand âge de s'appuyer sur un bâton. Il dit qu'il était religieux de l'ordre des Pontifes, et même commandeur de leur maison de Bonpas, dans l'évêché de Cavaillon, lorsqu'il vint à Avignon en 1176. Comme on voit, le fait de la venue a Avignon se retrouve partout. Nous ne suivons pas l'exemple du P. Helyot qui a voulu analyser la plus grande partie du livre du sieur Agricole, nous avons hâte d'arriver à l'opinion qu'Helyol a lui-même émise.
« Il faut mieux, dit-il, s'en tenir à l'ancienne tradition du pays, et aux actes authentiques qui disent, que saint Benezet était un jeune berger, à qui Dieu commanda d'aller à Avignon, pour y bastir un pont sur le Rhosne. » Quant à l'association elle-même, voici ce qu'elle devint par la suite des temps, d'après le récit de Monge Agricole. L'estime qu'on avait pour les frères Pontifes leur fit acquérir de grandes richesses, dont l'influence pernicieuse produisit le relâchement, comme il arrive toujours. Les religieux de Bonpas se donnèrent à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, eu 1278; Jean XXII, en 1321, unit la maison d'Avignon à l'église Saint-Agricole de la même ville.
Source : Dictionnaire des confréries et corporations d'arts et métiers Par Toussaint Gautier en 1834.