Eglise

Quand le voyageur, qui d'Albi se rend à Toulouse, a franchi le pont reliant les deux rives du Tarn, près du village de Marssac, il entre dans la belle et fertile plaine dont l'étendue limitée à gauche par la rivière et à droite par une ligne de coteaux, se prolonge jusqu'à Saint-Sulpice, confluent de l'Agoût et du Tarn. Sur ces coteaux sont bâtis une série de villages, tous fortifiés jadis et commandant les divers points de la plaine.

A peu de distance du pont de Marssac, on voit s'élever à travers les arbres une flèche d'ardoise : c'est le clocher de La Bastide-de-Montfort, aujourd'hui nommé improprement La Bastide-de-Lévis. Sa position est des plus heureuses. Ce village est bâti sur un coteau de forme allongée, et l'on y monte par deux chemins un peu raides. Essayons, en quelques mots, de raconter son histoire.

Le XIIe siècle touchait à sa fin, lorsque Déodat d'Alaman, de la noble et puissante famille de ce nom, seigneur en Albigeois, fonda vers l'an 1193, un château et une Bastide, non loin de la rivière. En peu d'années il s'y forma, sans nul doute, un petit groupe de population. Mais ce point fortifié, à peu de distance du Tarn, était fait pour attirer l'attention de l'ennemi. En effet, il fut pris en 1223 par Amaury de Montfort, fils aîné et successeur de Simon de Montfort, chef de la croisade contre les Albigeois ; et depuis cette époque le nom de Monfort fut ajouté à celui de La Bastide. Quels ont été les motifs de l'adoption du nom de Montfort par les habitants de La Bastide ? L'histoire garde là-dessus le plus complet silence. Il est cependant permis de penser que l'armée des Croisés se livra à ses violences habituelles, et que le château dut être pillé ainsi que les maisons bâties auprès.

Amaury de Montfort ne jouit pas longtemps de sa conquête. En 1229 la paix ayant été conclue et signée à Paris le 12 Avril, entre Louis IX, roi de France, et Raymond VII, comte de Toulouse, ce dernier recouvra toute la partie de l'Albigeois, sise sur la rive du Tarn, et le château de La Bastide y fut compris. La famille d'Alaman redevint alors maîtresse de La Bastide, à en juger par le testament de Sicard d'Alaman, principal ministre des deux derniers comtes de Toulouse Dans cet acte, daté du 1er Juillet 1275. il lègue une somme de 20,000 sols tournois à diverses églises, entre autres à l'église de sa seigneurie de La Bastide de Montfort. Sicard laissa pour héritier universel, son fils unique nommé comme lui Sicard. Mais ce dernier étant encore trop jeune, eut Bertrand, vicomte de Lautrec, pour curateur dans la succession de son père, qui lui fut disputée par le roi de France, comme successeur des comtes de Toulouse. Par une transaction du mois d'Août 1279, confirmée par le roi de France, Sicard d'Alaman conserva en toute seigneurie les lieux de Saint-Sulpice, de Castelnau de Bonafous, de La Bastide de Montfort, en Albigeois, et autres. Sicard d'Alaman, jeune, mourut en Mars 1280, encore enfant, et fut inhumé à côté de son père dans le couvent des Frères-Prêcheurs de Toulouse. En lui finit la descendance mâle de la maison d'Alaman.

La succession de Sicard d'Alaman se partagea entre Bertrand, vicomte de Lautrec, et Hélits d'Alaman, sa sœur consanguine, épouse d'Amalric, vicomte de Lautrec. Mais la seigneurie de La Bastide et celle de Castelnau de Bonafous et autres places sur la rive droite du Tarn échurent à Bertrand de Lautrec, qui la transmit à sa fille Béatrix de Lautrec. Béatrix épousa vers 1320 Philippe de Lévis, et ces seigneuries restèrent dans la maison de Lévis jusqu'en 1495, époque à laquelle la maison d'Amboise-d'Aubijoux en devint propriétaire. Une branche de cette famille, celle de Crussol-Saint-Sulpice-d'Amboise en hérita plus tard. Vers 1766, Charles Emmanuel de Crussol vendit la seigneurie de La Bastide de Montfort à Jean-Jacques O'Kelly, seigneur de Merle, près Castelsarrazin. Ce dernier en demeura possesseur jusqu'à la Révolution.

L'éminence sur laquelle est bâtie La Bastide de Montfort s'étend de l'Est à l'Ouest. Le château occupait la portion occidentale. Les murailles ont été entièrement détruites, mais il reste encore une portion de fossé qui sert d'abreuvoir pour les bestiaux. Le village vient à la suite, et, contrairement à l'opinion erronée, que le moyen-âge ne savait point aligner ses rues, il est bâti sur un plan régulier ; les rues se coupent à angle droit. Sans nous étendre dans de grands développements, il suffit de signaler dans le midi de la France Aiguës-Mortes et la ville basse de Carcassonne, élevées l'une et l'autre au XIIIe siècle, comme exemple de villes parfaitement alignées. Toutes les maisons du village ont été reconstruites à la moderne. Nous arrivons enfin, à l'église bâtie à l'angle S.-O. du village, comme dans les bastides du bassin de la Garonne : elle est digne de remarque par son architecture et ses belles proportions. C'est un édifice gothique en pierre blanche et en moellon, bâti sans nul doute à la fin du XVe ou au commencement du XVIe siècle. Il se compose d'une nef à trois travées voûtées, avec autant de chapelles de chaque côté, et de deux chapelles latérales dans le sanctuaire ; les voûtes sont à arêtes ogivales. Le sanctuaire est à 5 pans et élevé de deux degrés au-dessus de la nef.

Voici les dimensions de l'édifice :

  • Longueur totale, y compris le sanctuaire, 26 mètres.
  • Largeur de la nef (sans les chapelles), 8 mètres.
  • Largeur des chapelles, 2 mètres 25 centimètres.
  • Hauteur de la grande voûte (sous clef), 11 mètres.
  • Hauteur des voûtes des chapelles (sous clef), 6 mètres.

L'église est orientée. La porte située sur la face occidentale, de style ogival flamboyant, est en pierre, ornée de moulures ; elle est en arc surbaissé, et ne se trouve pas dans l'axe de l'église. La boiserie de la porte date de 1717.

L'édifice est éclairé par quatorze fenêtres, six dans la nef et huit dans les chapelles. Les fenêtres de la nef sont au-dessus de l'arc des chapelles ; ces ouvertures sont toutes en pierre, à meneaux flamboyants. Quatre des fenêtres des chapelles sont murées. Le sanctuaire n'a point d'ouvertures ou elles ont été du moins murées.

Tous les arcs doubleaux de la nef sont supportés par des piliers engagés, de forme polygonale et ayant une moulure à la base et un petit chapiteau à la naissance des arcs.

Examinons maintenant les détails de l'ornementation. Avant de commencer, nous pouvons affirmer que l'église est à peu de chose près dans le même état où elle se trouvait en 1700, lors de la visite qui en fut faîte le 14 Juin, par Mgr Charles Le Goux de La Berchère, archevêque et seigneur d'Albi. Ce prélat visita cette même année toutes les églises de son diocèse, et les procès-verbaux de ces visites rédigés par ses ordres forment un volume conservé à l'archevêché d'Albi. Nous avons pu, grâce à l'obligeance de M. Berbié chanoine-secrétaire de l'archevêché, feuilleter ce recueil, qui renferme de très-précieux documents. Nous y trouvons d'abord le nom du patrou de l'église dédiée alors comme aujourd'hui à saint Biaise.

On voit sur les murs, des croix de consécration, et une tradition veut que l'église ait été consacrée en 1557.

Le sanctuaire est orné d'un retable de style ionique en bois et plâtre formant un disparate choquant avec le style de l'édifice. L'autel est tout récent et sans caractère.

Les chapelles n'ont de remarquable qu'une petite niche ornée de moulures et en anse de panier, taillée dans l'épaisseur de la muraille et tenant lieu de crédence ; ces niches datent du commencement du XVIe siècle. Au reste, les murs des chapelles et de la nef sont défigurés par d'ignobles et grotesques peintures à fresque, exécutées il y a environ 35 ans. Voici l'indication du vocable de chaque chapelle :

Côté de l’Épitre. La première chapelle, dans le sanctuaire, était en 1700, comme aujourd'hui, dédiée à sainte Catherine.

La deuxième (même côté) était dédiée à Notre-Dame du Rosaire. Elle a conservé la même invocation. On y remarque une armoire en bois, enchâssée dans le mur, avec ferrures découpées, qui paraissent remonter au XVe siècle.

La troisième était dédiée à saint Jacques ; aujourd'hui elle porte le nom de chapelle de la Vraie-Croix.

La quatrième était dédiée à Notre-Dame de Consolation. Elle n'a point actuellement de vocable. Le retable de l'autel est formé d'un arc surbaissé, supporté par deux pieds-droits, et date de la construction de l'église. C'est le seul qui ait été respecté, tous les autres sont modernes.

Côté de l’Évangile. La première chapelle était dédiée à sainte Anne et a conservé le même vocable.

La deuxième était sous l'invocation du Saint-Sacrement. Le vocable est encore le même.

La troisième avait pour patron saint Jean ; aujourd'hui sainte Cécile et saint François-Xavier.

La quatrième et dernière était dédiée à saint Antoine de Padoue. Elle sert aujourd'hui de chapelle des fonts baptismaux.

Le pavé de toutes les chapelles est élevé d'un degré au-dessus du pavé de la nef, et celui du sanctuaire de deux degrés. L'église a été re-dallée il y a une quinzaine d'années, et l'on n'a malheureusement pas respecté les quelques pierres tumulaires qui s'y trouvaient. Tous ces souvenirs du passé ont disparu sans laisser la moindre trace, et, n'était-ce un acte conservé dans les archives de la fabrique, nous ignorerions qu'il avait existé dans la chapelle de N.-D. de Consolation, une chapelle fondée en 1541, par Antoinette Pélissière, épouse du sieur Guillaume Cammas. Antoinette Pélissière fut ensevelie dans cette chapelle.

En 1700, la chaire était en pierre, et on l'a remplacée depuis par une chaire en bois, dénuée de style.

A l'entrée de l'église on voit deux bénitiers. L'un d'eux en pierre est très-ancien, et a la forme d'une cuve octogone, enchâssée dans, le mur et dont on ne voit que 5 pans. Sur une des faces est une croix, et sur une autre une fleur de lys ; ces objets sont en relief et assez grossièrement traités. Au dessous de la cuve, une statue est aussi encastrée dans le mur. Elle représente une femme dont la tète a disparu; le reste du corps quoique dégradé est d'une belle exécution. Le corsage est orné d'une rangée de boulons ou de pierreries, et de la main droite elle tient sa robe relevée. On y aperçoit des traces de peinture et de dorure. Celle statue qui a encore sans la tête une hauteur de 78 centimètres est sans doute l'œuvre des sculpteurs auxquels sont dues les belles statues du chœur de Sainte-Cécile d'Albi, exécutées à la fin du XVe siècle.

Source : Congrès scientifique de France, vingt-huitième session tenue à Bordeaux en septembre 1861 publié en 1863.

photo pour Eglise

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 132815
  • item : Eglise
  • Localisation :
    • Midi-Pyrénées
    • Tarn
    • Labastide-de-Lévis
  • Code INSEE commune : 81112
  • Code postal de la commune : 81150
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 15e siècle
  • Date de protection : 1950/09/19 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/08/30

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : f75f8308ae3381f9282d4be1349481e5.jpg
  • Détails : Eglise : inscription par arrêté du 19 septembre 1950
  • Référence Mérimée : PA00095570

photo : pierre bastien

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