Château

Description du château

Pour bien saisir les motifs qui ont guidé l'ingénieur militaire dans la construction du château de Salses, il importe d'être parfaitement au courant des moyens d'attaque et de défense existant au moment de cette construction; nous allons les rappeler en peu de mots. Nous savons quel était l'état de la fortification au moyen âge avant l'invention de la poudre : des murs élevés, crénelés à leur partie supérieure, garnis en outre de défenses en bois; des tours de distance en distance, des enceintes successives composées des mêmes éléments, et enfin un donjon plus élevé, plus fort que les autres ouvrages, dernière ressource de l'assiégé. Les moyens d'attaque étant bornés, la défense avait alors l'avantage.

Lorsque apparurent les premières armes à feu, leur peu de valeur ne changea rien à cet état de choses: les projectiles, trop faibles contre les maçonneries, avaient cependant une action réelle contre les approches en bois de l'assiégeant; le défenseur n'eut rien à changer à ses ouvrages, il dut seulement élargir ses parapets pour y placer les nouveaux engins, ce qu'il fit presque toujours en y appuyant des terrassements. Il remplaça en même temps dans les défenses supérieures le bois par la pierre. Ces moyens suffirent pour lui conserver l'avantage sur son adversaire. Il en fut ainsi pendant le XIVe siècle et pendant la première moitié du XVe ; les moyens défensifs se modifièrent très peu.

Mais sous le règne de Charles VII, l'artillerie dut aux frères Bureau de grandes améliorations, et entre autres le remplacement du projectile en pierre par celui en métal (voyez l'ouvrage de l'Empereur Napoléon III, Sur le passé et l'avenir de l'artillerie, tome II, livre 1er, chapitre 1er). L'attaque prit de suite une supériorité incontestable. Aussitôt les ingénieurs se mettent à l'oeuvre pour relever l'art défensif : ils n'introduisent point de suite de changements radicaux dans le système de fortification employé depuis si longtemps, l'esprit humain ne marche point aussi brusquement; mais ils améliorent tantôt une disposition, tantôt une autre de l'ancienne fortification, parant avec plus ou moins d'adresse à ses principaux inconvénients. C'est une époque de transition, et par suite aussi de confusion; il n'y a plus de système adopté généralement, chaque ingénieur a le sien : les idées de Machiavel n'offrent aucune ressemblance avec celles d'Albert Durer, et les fortifications de Langres, de Schaffausen, de Salses, de Milan, toutes construites vers cette époque, ont de notables différences entre elles dans l'usage des principaux moyens défensifs; il se passera près d'un siècle avant que l'on ne soit d'accord sur l'emploi du système bastionné terrassé qui rendra l'avantage à la défense ou au moins rétablira l'équilibre entre elle et l'attaque, jusqu'à ce que les inventions de Vauban (les parallèles et le ricochet) viennent une seconde fois faire pencher la balance du côté de cette dernière.

Le château de Salses, construit en 1497, sous le règne de Ferdinand et d'Isabelle, doit nécessairement offrir la trace de toutes les hésitations et de toutes les tentatives de l'art défensif à cette époque. Nous allons tâcher de les faire ressortir dans la description suivante.

Nous avons indiqué dans la première partie quelle était l'importance de la position de Salses lorsque le Roussillon était au pouvoir des Espagnols. Examinons maintenant d'une manière plus spéciale le site choisi par l'ingénieur Ramirez, auquel évidemment on laissa toute liberté d'action, puisque la ville avait été détruite dans le siège de 1496 et que, par suite, il ne pouvait rencontrer aucun obstacle. Le défilé qu'il fallait défendre s'étendait entre la montagne d'un côté, et les étangs et marais qui aboutissent à la mer de l'autre. Le temps était passé où l'on se fortifiait sur les sites élevés; la nécessité de construire en plaine autant que possible était imposée par les progrès de l'artillerie; Machiavel le dit expressément : « Les fortifications situées sur une montagne d'un accès facile sont extrêmement faibles, à cause de l'artillerie et des mines; aussi le plus souvent, quand on veut construire aujourd'hui, on cherche un terrain plan que l'on rend fort par son industrie. » (Art de la guerre, livre VII) C'est ce que fit don Ramirez; seulement, au lieu de s'éloigner de la montagne de laquelle on devait voir à revers ou d'enfilade une partie de ses plateformes, il s'établit tout à fait au pied. Il n'est pas probable qu'il ignorât le danger de cette position et qu'il n'ait élevé les traverses et parades qu'après coup; tous les reliefs sont trop bien combinés pour que l'on puisse supposer une pareille erreur; mais il est à croire que l'existence au point déterminé d'une source abondante et peut-être aussi le désir de s'éloigner des miasmes pestilentiels exhalés en été par les marais et les étangs le dirigèrent dans son choix et lui parurent des avantages plus grands que l'inconvénient de la proximité de la montagne.

Le château a la forme rectangulaire, avec une tour à chacun de ses angles. Le rempart, tout en maçonnerie, entoure une cour intérieure abaissée à 4 mètres en moyenne au-dessous du sol naturel : il se compose d'une escarpe et d'un mur de gorge reliés entre eux sur trois des faces par des voûtes qui supportent les plateformes. Ces voûtes, en briques, sont à l'épreuve de la bombe; l'espace qu'elles recouvrent, divisé de distance en distance par des murs de refend, et partagé en deux dans le sens de la hauteur par un plancher, forme, concurremment avec les parties voûtées des tours et du donjon, de très bons logements pour la garnison. En couchant les hommes sur des lits de camp provisoires, ce que l'on peut admettre en temps de siége, on trouverait facilement la place d'en loger 1,000 ou 1,200, nombre très suffisant. Une terrasse est à la hauteur de l'étage, et c'est sur elle que débouchent les chambres. En-dessous de ces logements est un souterrain voûté dont le sol est à peu près à hauteur du fond du fossé, et même un peu plus bas : il a 2m,50 de hauteur sous clef, et sert de magasin ou d'écurie.

Le profil de l'escarpe est parfaitement combiné pour la défense : d'abord, la protondeur du fossé, qui est en moyenne de 7 mètres, met à l'abri des coups lointains une partie de la maçonnerie, qui est en outre construite en talus assez doux (2 de base pour 3 de hauteur) pour augmenter la force de la résistance contre la mine, rendre plus facile la défense du pied de la muraille et surtout pour accroître les difficultés de l'escalade. Au-dessus vient une partie verticale d'une si grande épaisseur (10 ou 12 mètres) que le canon ne pouvait guère la détruire, et, pour amoindrir encore ses effets, pour faire ricocher le boulet, le mur est terminé par une partie arrondie maçonnée en moellons piqués et disposés par assises réglées. Cette disposition se retrouve dans plusieurs constructions de la première moitié du XVIe siècle, comme au château de Collioure, à Nuremberg, etc. Elle est indiquée dans l'ouvrage d'Albert Durer sur les fortifications, ouvrage publié en 1527, et en 1564 deux auteurs italiens, dans un livre très remarquable intitulé Fortificatione delie citta, la recommandent encore comme très utile contre l'escalade. Nous croyons que ce dernier avantage fut ce qui décida don Ramirez à adopter cette forme, car il ne la conserva ni pour les murs des ouvrages extérieurs qui craignent peu l'escalade, ni pour les tours et le donjon, plus élevés que les courtines.

De grandes précautions sont prises aussi contre la mine : une galerie règne le long des quatre courtines, en avant des souterrains, et de distance en distance sont des amorces de galeries d'écoute ingénieusement disposées.

L'organisation des tours est tout à fait indépendante de celle que nous venons d'indiquer, et il faut y signaler cette espèce d'hésitation qui devait exister chez tous les ingénieurs à cette époque de transition; on sent que le constructeur ne peut se détacher des anciens errements : ses tours dominent les courtines comme dans la fortification du moyen âge, mais à un moindre degré; la tour cotée C dans le plan est aussi complétement indépendante des courtines. On pourrait faire la même réflexion sur les deux tours A et D; mais nous verrons tout à l'heure que leur surélévation, comme leur indépendance, doit être attribuée à d'autres causes.

Les courtines ne sont point organisées pour porter de l'artillerie. Celle de gros calibre, destinée à agir au loin dans la campagne, est réunie sur les plateformes des tours et d'autres ouvrages dont nous parlerons plus loin ; leurs parapets en pierre sont percés d'embrasures encore trop nombreuses pour la dimension des plateformes, dont la plus grande suffit à peine pour trois pièces; mais il est probable que l'on faisait servir une seule pièce pour tirer dans différentes directions.

Sous la plateforme des tours sont deux ou trois étages de voûtes, et à chacun d'eux existe de chaque côté, dans la direction des courtines, une ou deux canonnières pour le fianquement; leurs faibles dimensions portent à croire que cette défense de liane n'avait lieu qu'au moyen de fauconneaux et peut-être même seulement avec des armes demi-portatives, comme les hacquebuttes, qui se tiraient appuyées sur une fourchette. De larges ouvertures pratiquées aux voûtes, au centre des tours, et se répétant d'étage en étage jusqu'à la plateforme, donnent un aérage convenable. Le flanquement des courtines se tire encore d'embrasures situées sur la plateforme supérieure des tours, et c'est celui dont l'importance est la plus grande, puisque nous venons de dire que là seulement on pouvait mettre de la grosse artillerie.

Une disposition empruntée aux siècles précédents devait eu outre, aux yeux de l'ingénieur, contribuer au flanquement : sur le milieu de la courtine de l'est en I, et à chaque point de rencontre des tours avec les courtines, s'élevaient de petites guérites ou échauguettes dans lesquelles un ou deux hommes pouvaient se placer pour battre le pied de la muraille. Cette défense ne pouvait résister aux coups de l'artillerie; aussi a-t-elle complétement disparu; la base seule de ces guérites existe encore; mais les anciennes estampes nous les montrent en pleine conservation et avec leurs toits pointus (telle est la gravure dont nous parlons dans la première partie et celles insérées dans les Travaux de Mars, de Maunesson-Mallet, ainsi que dans l'ouvrage intitulé : Plans et profils de villes fortes, par le chevalier de Beaulieu (voir image en médaillon ci dessus)).

Source : Le Spectateur militaire Recueil de science, d'art et d'histoire militaires publié par Jean Maximilien Lamarque,Franciois Nicolas Fririon en 1860.

photo pour Château

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 106295
  • item : Château
  • Localisation :
    • Languedoc-Roussillon
    • Pyrénées-Orientales
    • Salses-le-Château
  • Code INSEE commune : 66190
  • Code postal de la commune : 66600
  • Ordre dans la liste : 3
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : château
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Date de protection : 1886/07/12 : classé MH
  • Date de versement : 1993/10/21

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site inscrit 06 09 1943 (arrêté)
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de l'etat 1992
  • Photo : 84777c45c6a5e20438d6ec17d4bba626.jpg
  • Détails : Château : classement par arrêté du 12 juillet 1886
  • Référence Mérimée : PA00104129

photo : joel.herbez

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