photo : Lumière du matin
l'ouvrage "Cambo et ses alentours" Par César Duvoisin publié en 1858, reproduit une correspondance interessante qui nous donne une idée du château au travers de la vision de son auteur.
Cambo, le 6 Octobre 1852.
La journée s'est très-mal annoncée ce matin, mon cher Théodore ; la pluie tombait à torrents, et m'obligeait à me tenir claquemuré dans ma chambre; ce qui n'est jamais fort réjouissant, mais bien moins encore quand on vient de tout quitter exprès pour se donner quelque distraction et fortifier une santé chancelante. Cependant le temps s'est relevé vers midi, et vite j'ai pris mes dispositions pour aller jusqu'à Espelette.
Ce bourg est le centre d'un petit commerce de laines avec l'intérieur de la France. Il s'y tient tous les quinze jours un marché considérable, où se vendent beaucoup de bestiaux et tous les objets utiles ou nécessaires aux paysans basques. C'est là que les habitants des villages voisins ont coutume d'aller faire presque tous leurs approvisionnements. Le fromage blanc, le chocolat et les légumes d'Espelette jouissent d'une réputation qui paraît être bien méritée. Le pain, qui ressemble à ce qu'on appelle communément pain de ménage, y est d'une saveur exquise; beaucoup d'étrangers à Cambo en usent de préférence au pain de boulanger.
Je suis allé voir l'antique château des barons d'Espelette. Je n'y ai trouvé ni armoiries, ni tours féodales, ni vieux bastions, ni fossés, ni pont-levis; tout a disparu. Les fondements de deux tours, quelques débris de rempart, un grand corps de bâtiment d'un aspect disgracieux, voilà tout ce qui reste de sa grandeur passée. C'est là que dans ces derniers temps on a réuni sous un même toit le presbytère, l'école et la mairie du village. Est-ce que l'on aurait songé par hasard que ce sont trois puissances qui, animées par une commune pensée de bien, peuvent concourir avec efficacité au bonheur de toute une population ? Je l'ignore: mais l'idée serait d'une haute portée philosophique.
Les barons d'Espelette se qualifiaient de seigneurs d'Espelette, de Gostoro, de Souraïde et d'Amotz. Leur maison était une des plus anciennes du Pays Basque, et dès l'an 1170 elle donnait un évèque à la ville de Bayonne dans la personne de messire Bertrand d'Espelette. Sous la domination anglaise, en 1416, le comte de Dorcester, prince d'Angleterre et lieutenant général en Guienne, rendit une sentence par laquelle il justifia que Auger, seigneur d'Espelette, ses antécesseurs et descendants avaient eu, avaient et auraient la justice audit lieu d'Espelette, et que les baillis de Lapord ne pourraient entrer dans ses terres pour y prendre les décrétés, même les étrangers, sans demander et obtenir permission auxdits et desdits seigneurs. Louis XI, en 1462, érigea Espelette en baronnie à haute, basse et moyenne justice, en faveur de Jean d'Espelette, à qui il fit en outre une pension de 400 livres, somme considérable pour cette époque.
Dans des temps postérieurs, les barons d'Espelette se retirèrent en Espagne ainsi que d'autres familles nobles du Pays Basque, telles que celle d'Armendaritz, qui a fourni plusieurs généraux à sa patrie adoptive, et celle de Jasso, qui a eu la gloire de donner au monde l'illustre François-Xavier, apôtre des Indes et du Japon.
Vous serez bien aise peut-être, mon cher Théodore, de recevoir quelques détails sur les usines d'Espelette. (...)