Eglise Saint-Austremoine

L'église D'Issoire moins ancienne que Notre-Dame du Port de Clermont-Ferrand, est plus vaste, et les restaurations qui s'y font sous la direction de M. Bravard et la mienne en feront l'édifice religieux le plus complet du département du Puy-de-Dôme. Apprenant toute son importance, le gouvernement l'a classée au nombre des monuments historiques à conserver, et elle est comprise dans les dix-neuf édifices qui doivent recevoir un prompt achèvement.

Cette église qui faisait partie du monastère de Saint-Austremoine, fut construite par l'abbé Gilbert, et consacrée en 938 par Bernard, 45e évêque d'Auvergne. Un manuscrit du 16e siècle conservé dans les archives de la ville d'Issoire, donne à ce monument une existence bien plus ancienne, mais qui n'est pas justifiée, la seule partie qui parait antérieure à la construction précitée, se trouve à l'entrée principale de la façade Ouest et ne consiste que dans quelques parties du mur. Je crois cependant devoir transcrire les passages les plus intéressants de cette notice:

« L'église et abbaye d'Isoire est la plus ancienne de la province d'Auvergne, fondée par une comtesse nommée Natarie, autrement la comtesse Brayère, laquelle se voyant sans enfants donna de son vivant une partie de son bien à l'église, et fit bâtir plusieurs temples, entre autres le monastère de Montferrand et le magnifique temple d'Issoire bâti à la mosaïque, au-dessus d'icelui avait une pyramide si haute quelle semblait menacer le ciel.

Cette construction et fondation fut faite l'an de Notre-Seigneur 318, sous l'empire de Constantin-le-Grand, comme l'on remarqua l'an en une platine de cuivre trouvée dans le sépulcre de cette dame, lorsque les soldats de Merle l'eurent rompu pensant y trouver de l'argent ; où ceci était gravé: Natariaco Bragmé fond, an. D CCC XVIII, et afin que l'on sache pourquoi elle s'appelait comtesse Brayère, faut noter que outre la division des Gaules faite par César en Gaule, Belgique, Celtique et Atitanique, il y avait une autre division plus ancienne à savoir: Gallia togata et Bragata, de cette dernière Gaule qui en français ne se saurait nommer autrement que Brayère, cette comtesse était dame, voilà pourquoi on la nommait comtesse Brayère, et si encore elle était comtesse d'Auvergne, comme l'on peut présumer, vu que tous les bénéfices dépendants de l'abbaye d'Issoire sont dans les terres de la comté, à savoir : le prieuré de Saint-Saturnin, Orbeil, Flat, Oillat, Gliseneuve et autres qui sont à la collation du sieur Abbé d'Issoire, la construction de cette église nous fait voir que cette dame était une grande princesse, riche et opulente, d'avoir entrepris un ouvrage si grand et encore plus le revenu qu'elle y donna de la valeur de vingt ou trente mille livres de rente, y comprenant les membres qui en dépendent ; mais par le moyen des guerres ou négligences des abbés et religieux qui ont joui le revenu, tout est venu à bien peu de chose tellement qu'on peut dire que le seigneur d'Issoire, est fort honorable et misérable tout ensemble ; lui et ses religieux soûlaient vivre ensemble dans leur réfectoire, maintenant chacun vit à part, quatre seigneurs lui devaient fief et hommage, savoir : les seigneurs de Beaulieu, de Pertus, la Ronzière et Crozab qui ne la veulent faire ; la seigneurie de Saint-Yvoine où y avait un château était sienne, elle a été vendue l'an 1502, par autorité du roi Charles IXe du nom, et n'est plus sienne. Le nombre des religieux soûlait être de vingt-quatre, maintenant ils ne sont que douze ; bref cette superbe abbaye de l'ordre Saint-Benoît est si pauvre et rabaissée que contre M. Savaron qui dit, cette église avait été fondée par Saint-Austremoine, au commencement il y avait des prêtres, mais depuis en l'an 560, on y mit des moines de l'ordre Saint-Benoît. L'église, le cloître et autres bâtiments s'en vont par terre, de quoi l'on doit accuser les maux qui s'y sont faits depuis le changement des religieux (...)

Tant y a que cette princesse ayant fait bâtir de son vivant cette église, elle y voulut être enterrée, et ordonna que son corps serait mis dans une caisse de pierre postée devant le grand-autel, soutenu sur de grosses barres de fer, au-dessus de la voûte de la souterranne, lesquelles barres plusieurs personnes encore vivantes ont vu et moi aussi, lorsque les soldats de Merle, pensant que dans cette caisse y eut de l'argent, la défirent et n'y trouvant rien que de la poudre et certaine lame de cuivre où était contenue la fondation de l'église, s'en allèrent tout étonnés. Voilà tout ce que j'ai pu lire ou apprendre de la fondation de cette antique abbaye, laquelle fut fondée par cette princesse, à l'honneur de Saint-Pierre et Saint-Austremoine.

Il y a, au-dessus la grande porte, deux lions et un Saint-Thomas-d'Aquin, qui a été mis là depuis ladite fondation, qui nous dénote que la ville d'Issoire est du pays d'Aquitaine. Puto esse sanctum Austremonium.

Lorsque les Goths ariens, ennemis des catholiques, ôtèrent l'Aquitaine aux Romains, ils saccagèrent cette église, abattirent le clocher devant la grande porte, et brisèrent les cloches, pour ôter la faculté aux catholiques de s'assembler pour prier Dieu ; rompirent aussi plusieurs titres concernant les droits de l'abbé et des moines, qui diminua fort leurs revenus ; mais depuis survint un abbé Bounne de bonne vie, qui fit refaire le clocher et y mit des cloches qui y furent jusques au temps de Merle, qui les rompit et vendit le métal à un marchand du pays, nommé Ranguet. »

Vue de la grande place et de l'Eglise d'Issoire dessin de Jorand 1825.

Vue de la grande place et de l'Eglise d'Issoire dessin de Jorand 1825.

Laissant de côté cette fable, pour s'attacher à la date indiquée par la chronologie des évêques, il en résulterait que la fondation de l'église de Saint-Austremoine d'Issoire remonterait au commencement du 10e siècle, et sur ce point encore, il faudrait admettre que les voûtes de la grande nef n'ont été construites qu'au 12e, leur coubure ogivique les classant à cette époque.

Les dimensions de cette église sont beaucoup plus grandes que celles de Notre-Dame du Port; mais les proportions, quoiqu'à peu près semblables, sont moins élégantes peut-être ; cependant le plan, les coupes, les élévations et les détails sont à peu de chose près pareils.

La longueur totale de l'église est de 56 mètres, sa largeur de 16 mètres 60 centimètres ; les latéraux ont 3 mètres 30 centimètres, la nef principale, 7 mètres 75 centimètres; le transept a une longueur de 29 mètres, y compris les branches de croix, le choeur a 10 mètres 30 centimètres, et comme dans les églises du Port et d'Orcival, les nefs latérales en font le tour et donnent entrée aux chapelles rayonnantes.

Les seules différences sensibles, avec l'église Notre-Dame du Port sont :

  • 1° l'établissement d'une chapelle carrée entre les deux chapelles rayonnantes de l'absyde ;
  • 2° La courbure ogivique de la voûte de la grande nef ;
  • 3° L'établissement sur les deux faces des colonnettes et petits arcs surmontant les grands arceaux ;
  • 4° L'absence d'une porte au sud, et le soin apporté à la décoration de la partie nord ;
  • 5° La supériorité du travail des chapiteaux extérieurs sur ceux de l'intérieur.

On remarque dans l'appareilles mêmes défauts qu'à l'église du Port : ainsi les grandes croisées ont 16, 17 et 18 claveaux. Les petites arcades du haut 10 et 11, les croisées des branches de croix ont 20 claveaux, les croisées des tourelles 16 et 14, les grandes de l'absyde 18, celles de la chapelle carrée 20, celles de la crypte 15, 18 et 20, celles du haut 11, les grands arcs 32.

Si les mêmes défauts se font remarquer dans l'appareil des arcs, on trouve beaucoup plus de régularité et de raccord dans les lignes. Ainsi, la corniche de la nef est à la hauteur de celles des branches de croix et de la partie carrée de l'absyde; la rotonde seule, à son couronnement, a 10 centimètres en contre-bas.

Le cordon couronnant les grands arcs des branches de croix est sur la même ligne que la corniche de l’abside ; la corniche des tourelles est en contre-bas.

Le cordon, sous les petites colonnettes du haut, se rattache également au cordon des impostes supportant les archivoltes des croisées des branches de croix.

La partie basse de l'abside est terminée par des frontons remplissant l'intervalle entre les tourelles ; ces frontons, couronnés d'une moulure à billettes, sont surmontés d'une croix grecque.

Si dans les églises de Notre-Dame du Port, d'Orcival et de Saint-Saturnin, les socles des bases sont coupés à angles droits, on remarque une légère différence dans celle d'Issoire : la partie supérieure de la face nord a les socles des bases coupés octogonalement.

La régularité de l'extérieur devrait faire supposer autant de soin dans l'intérieur, mais il n'en est rien : les 2 premières colonnes du choeur ont un diamètre plus fort (0,70 centimètres) que les suivantes, qui n'ont que 0,63 ; celles de la nef n'ont que 0,50 ; celles adossées de l'abside ont 0,33 ; celles des chapelles rayonnantes 0,20.

Les trois colonnes de la grande nef sont inégales de hauteur ; deux montent jusqu'aux galeries seulement, la troisième à la hauteur des trèfles, les deux premières supportent des arcs doubleaux.

Comme dans toutes les églises de cette époque les colonnes adossées de l'abside suivent une progression ascendante. Ainsi, les 4 premières reposent sur un socle couronné d'une moulure à double chanfrein. Les deux suivantes, élevées de 0,40, et ayant pour socle de la base la même moulure que celle couronnant les piédestaux, reposent sur un stylobate, couronné d'une moulure chanfreinée d'un seul côté. Les deux du fond, semblables, sont encore élevées de 0,40 centimètres. La crypte, beaucoup plus ornée que celle de Notre-Dame du Port, a 8 colonnes à plomb de celles du choeur, 4 sous l'autel et 20 adossées au mur ; les deux premières ont un diamètre de 0,80, les 6 suivantes de 0,73, les 4 sous l'autel de 0,50, les 20 adossées ont seulement 0,18. Quatre chapiteaux des colonnes isolées du choeur sont à sujet ; l'un représente la cène, l'autre la passion, les deux autres sont en partie détruits.

Issoire (Puy-de-Dôme), église Saint-Austremoine vers 1900.

Issoire (Puy-de-Dôme), église Saint-Austremoine vers 1900.

Ces chapiteaux ont été exécutés soit primitivement, soit postérieurement à la construction de l'église, en mastic très-solide et qui a acquis la dureté de la pierre ; la proportion des figures est assez bonne et bien différente pour la pose de ceux du Port. On retrouve sur un de ces chapiteaux les boucliers et cottes de mailles dont il a été parlé.

Parmi les chapiteaux des chapelles rayonnantes, on en remarque un représentant un homme avec les jambes relevées sous ses bras, deux ornés de griffons, le quatrième d'une chimère, le cinquième d'oiseaux ; l'exécution en est peu soignée. Les chapiteaux de la nef, de dessins moins variés qu'à l'église du Port, sont en général composées de feuilles plates ou frisées, mais d'un relief peu prononcé, et d'une exécution négligée ; on remarque sur quelques-uns des sujets grossièrement sculptés. Ainsi le 2e à gauche en entrant a ses angles de tailloirs soutenus par deux personnages qui en tiennent par les cheveux un troisième placé au milieu Le suivant a deux centaures avec des arabesques de feuillages et de pommes de pin. Le 4e a sous chaque angle du tailloir un homme portant un mouton sur ses épaules, cette allégorie du bon pasteur rapportant la brebis égarée se reproduit souvent. Sur le suivant un homme est retenu par des branches qui se croisent et s'enlacent autour de lui. On retrouve encore sur le 6e deux centaures, mais bien mauvais d'exécution. A côté du chapiteau composé tout entier de fleurs de marguerites est d'un effet très-gracieux.

Les deux colonnes de la chapelle adossée à la branche de croix, ont leurs chapiteaux ornés, l'un du bon pasteur, l'autre de satan entraînant après lui des personnages attachés avec une grosse corde.

Dans la nef latérale sud on remarque seulement au milieu d'un chapiteau un aigle qui paraît imité des aigles romaines, et deux griffons mauvais de dessin et d'exécution.

Les galeries supérieures offrent encore des irrégularités plus fortes que celles du Port. Ainsi la première travée a deux arcs plein-cintre supportés au milieu par une colonne; les 2e, 3e et 4e en ont trois, soutenus par deux colonnes. La 5e est formée de trois trèfles. La 6e de deux grands arcs plein-cintre, et la 7e de deux petits.

Les détails de construction sont identiquement les mêmes qu'à l'église du Port et d'Orcival, quoiqu'à d'assez grandes distances. Il semble au premier aspect, que ces édifices ont été construits par les mêmes ouvriers, sous la direction du même chef, et d'après une donnée générale dont il ne fallait pas s'écarter.

Partout la pierre de taille est du grès à gros grains pour les niasses, du calcaire marin et du grès calcaire pour les ornements. La lave semi basaltique ou cellulaire, n'est employée nulle part, et les scories rouges et noires, servent seules à varier les mosaïques de l'extérieur.

Les parties de maçonnerie en moellon ordinaire ne sont pas enduites, les joints seuls sont garnis et accusent nettement la forme du moellon. Les trous d'échafaudage, à des distances égales, sont partout apparents ; les défauts d'appareil sont les mêmes, et les marques de tacherons sont semblables. J'ai traité ces détails avec plus de développement, dans mon introduction ; je n'y reviendrai pas.

L'église d'Issoire avait souffert beaucoup, soit pendant la révolution de 93, soit ensuite par défaut de réparations et d'entretien. Mais, grâce au zèle éclairé de M. Dejean, préfet du Puy-de-Dôme à cette époque, l'église d'Issoire a été classée au nombre des monuments publics à conserver : déjà au moyen de quelques allocations du gouvernement et de sacrifices faits par la fabrique et le conseil municipal, les parties les plus endommagées de l'édifice ont été restaurées avec soin dans le même caractère, et en suivant exactement les anciens détails ; on peut donc espérer l'achèvement et la conservation d'un édifice remarquable.

Il serait à désirer que le gouvernement s'occupât de nos vieux monuments d'une manière plus efficace, et demandât aux Chambres une allocation spéciale pour achever les 19 monuments classés en 1ere ligne ; l'église d'Issoire est du nombre. Les allocations ordinaires seraient utilement employées en secours aux édifices classés en 2me ligne. S'il n'en est pas ainsi, l'on verra disparaître tour a tour les derniers débris de l'architecture religieuse au 11e siècle ; quelques fragments resteront seuls debout, pour accuser la parcimonie du gouvernement et l'insouciance des populations.

Source : Essai sur les églises romanes et romano-byzantines du département du Puy-de-dome par Mallay 1841.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 102710
  • item : Eglise Saint-Austremoine
  • Localisation :
    • Auvergne
    • Puy-de-Dôme
    • Issoire
  • Code INSEE commune : 63178
  • Code postal de la commune : 63500
  • Ordre dans la liste : 4
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Date de protection : 1840 : classé MH
  • Date de versement : 1993/08/26

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice : 2 formes de décor sont présentes :
    • peinture
    • sculpture
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : 18 04 1914 (J.O.).
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Eglise Saint-Austremoine : classement par liste de 1840
  • Référence Mérimée : PA00092139

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien