Eglise

Fort intéressante et bien conservée, sauf en ce qui concerne les bas-côtés de sa nef, l'église de Guarbecques possède un transept, un chœur carré et un beau clocher, également carré, au centre du transept. Elle fut élevée, selon M. Enlart, de 1150 à 1180. Le chœur et le transept, voûtés, sont empreints d'une véritable élégance. Quant à la tour, percée de baies géminées en tiers-point et surmontée d'une flèche octogonale en pierre, elle offre un spécimen fort rare du clocher picard dans la seconde moitié du XIIe siècle.

Deux clochers du diocèse d'Arras, Guarbecques et la Beuvrière, présentent cette singularité d'avoir des fenêtres tracées en plein cintre à l'intérieur et en tiers-point à l'extérieur.

Source : Bulletin monumental.

Statistique monumentale du département du Pas-de-Calais

Un demi-siècle environ avant cette époque mémorable qui vit naître à la fois Pierre de Montereau, Robert de Luzarche, Libergier, l'architecture romane régnait sans partage : quoique l'ogive eut depuis longtemps paru dans les baies des fenêtres et des tours, il y avait encore loin de cette exécution déjà brillante aux hardies conceptions de l'école qui allait suivre ; cependant, ce style de transition plaisait à l'œil, sans effrayer l'imagination par un aspect de force et de solidité qui lui est propre, et souvent par des ornements d'une richesse extraordinaire.

L'église de Guarbecque, que nous allons étudier, réunit ces caractères d'une manière si complète, que je crois pouvoir, sans hésitation, la faire remonter à la seconde moitié du douzième siècle en l'absence même de tous documents écrits.

Le plan de l'église consiste en trois nefs reconstruites en grande partie en 1702 et 1705, un transept inégal et une abside de peu d'étendue terminée ainsi que le transept par un mur droit. L'abside, le transept, la façade de l'Ouest et la tour, voilà l’édifice du douzième siècle.

L'appareil n'a rien de remarquable, les contre-forts sont de simples pilastres rectangulaires et nus, montant jusqu'à la corniche qui se compose de petits arceaux en plein cintre retombant sur des corbeaux sculptés en tête de monstre, d'animaux ou d'ornements tirés du règne végétal.

Le façade de l'ouest, quoiqu'ayant subi de graves mutilations, est encore remarquable. La porte principale ou majeure a perdu son tympan et ses riches voussures, elle est accompagnée de deux fenêtres sans meneaux, légèrement ogivales, décorées de colonettes rondes engagées. Dans l'archivolte circule un boudin entre deux bandeaux, l'un de violettes ou étoiles, l'autre de zig-zags ou chevrons brisés ; un gable tronqué reposant sur la corniche surmonte celte façade, il est orné de trois animaux dont deux occupent le bas des rampants, et l'autre le sommet : il serait difficile de dire avec certitude à quel genre appartiennent ces sculptures mutilées par le temps ; cependant les deux premières paraissent être des lions, et la troisième l'agneau de Dieu, quoiqu'il soit dépourvu du nimbe et de la croix qui sert si souvent à la distinguer au moyen-âge.

La place occupée par les tours dans les édifices romans fit tenter aux artistes de nombreux essais, tantôt ils les placèrent près du portail de l'Ouest, quelquefois aux extrémités du transept, d'autres plus heureux eurent la hardiesse de les élever en coupole sur les piliers de la croisée comme celle de l'église de Guarbecque dont elle fait le plus bel ornement : cette tour quadrangulaire se compose de trois parties bien distinctes ; la première, presqu'entièrement cachée par le pignon de l'abside, est percée d'une fenêtre en plein cintre dans laquelle s'encadrent deux ouvertures géminées, elle est séparée de la seconde par un riche cordon soutenu dans les angles par des colonnettes cannelées. L'artiste semble avoir réservé pour l'étage destiné aux cloches sa plus riche parure, les ouïes s'ouvrent en doubles baies ogivales et géminées dont les voussures décorées de zig-zags, de billettes et de moulures portent sur d'élégantes colonnettes, les tympans sont ornés de roses quadrilobées aveugles, et la corniche est gracieusement soutenue par une arcature retombant sur des corbeaux.

J'arrive maintenant à la troisième partie composée d'une pyramide octogone : cette forme, qui offre d'assez grandes difficultés d'exécution, était très rare au douzième siècle ; dans la Normandie et la Bretagne, les plus belles tours de transition sont surmontées de flèches quadrangulaires, cependant, la forme, à la fois élégante et robuste des clochetons décorés de pleins-cintres qui cantonnent l'aiguille de Guarbecque, la parfaite ressemblance de leurs colonnettes avec le reste de la construction m'autorise, je pense, à la regarder comme appartenant à la même époque.

L'examen de la gravure qui représente la tour que je viens de décrire n'a pu laisser échapper à votre attention une particularité étrange sur laquelle on me permettra de m'arrêter un instant. La plupart des colonnettes qui soutiennent les voûtes des baies reposent sur des statues couchées représentant des lions : l'usage de placer ainsi ces animaux le plus souvent aux portes est plus fréquent dans le Midi que dans le Nord ; ils se rencontrent en grand nombre en Italie, à Plaisance, Parme, Modène, Ancône, Ferrare, Terracine, Vérone, Padoue, Sainte-Marie de Toscanella, et dans nos provinces méridionales aux portails de Saint-Gilles, de Saint-Trophime d'Arles et de Moissac, à Saint-Michel du Puy et même à Cologne, sur les bords du Danube à Ratisbonne : l'église abbatiale de Saint-Jacques des Ecossais, consacrée en 1120, nous en offre un nombre vraiment extraordinaire : dix lions placés sur les chapiteaux soutiennent les voussures de la porte principale, tandis que quatre autres semblent garder l'entrée de l'église. A la chapelle palatine de Païenne, ils ont une autre destination : deux lions de marbre se disposant à dévorer un homme et un bœuf renversés supportent le beau candélabre pascal qui se voit à côté de l'Ambon.

Il me paraît hors de doute qu'un ornement répété si souvent et en si grand nombre ne peut être dû au caprice des artistes et doit avoir une signification symbolique que je vais chercher à pénétrer.

Les bestiaires du moyen-âge nous parlent avec complaisance du lion: « par coi! » nous disent-ils, « il est rois de totes les bestes » puis ils comparent ses qualités merveilleuses au Sauveur : « Sic et salvator noster spiritualis Leo de tribu Juda .... » et sa magnanimité à l'homme.

L'abbé Crosnier, dans sa savante histoire iconographique du lion, nous dit: « Qu'il a été toujours considéré comme le symbole de la force, soit matérielle, soit morale, de la générosité, de la valeur, de la vigilance. »

Les Egyptiens placèrent les premiers des lions à la porte de leurs temples comme de fidèles gardiens. Emblème de force et d'autorité, ils servirent de support au trône des rois et aux sièges des magistrats romains. Le Christianisme, en s'appropriant ce symbole avec tant d'autres en fit : « tantôt le type du bien : c'est le lion de la tribu de Juda qui se repose après avoir triomphé de ses ennemis (Vicit leo de tribu Juda. Apoc. 55) tantôt c'est le type du mal : c'est l'emblème de l'esprit de malice qui cherche à se jeter sur sa proie pour la dévorer » (tanquam leo rugiens cireuit quœrens quem devoret. 1 Pet. 5. 8.).»

La colonne nous fait encore judicieusement remarquer le même auteur: « est le symbole de l'Eglise définie par Saint-Paul.... (Columna et firmamentum visilatis, tim. 1. 3.) la base est sur la terre, le sommet s'élève vers les deux. » Le lion, type du mal, image de la force matérielle, mord la base de cette colonne que le Sauveur l'oblige de porter comme au portail de Saint-Gilles, ou bien il dévore un mouton, un enfant, même un guerrier : ce sont les persécutions des premiers âges du Christianisme.

Dans l'église de Saint-Jean, à Pistoja (Italie), la chaire de marbre, si riche en ornements symboliques, est aussi soutenue par deux lions ; mais ils n'ont pas l'aspect féroce des animaux de Saint-Trophime et de Palerme : c'est ici l'emblème de la force morale, le lion, type du bien, l'un protège de ses griffes puissantes un lièvre, image de la vertu timide, et l'autre un chien, symbole de la fidélité du chrétien.

Entrons maintenant dans l'église ; la première chose qui frappe les regards, ce sont trois arcs mettant en communication les nefs avec le transept et le chœur ; ils reposent sur de robustes piliers cantonnés de colonnettes et surmontés des plus riches chapiteaux. On y voit représentés, au milieu de contours capricieux et de feuillages, des animaux à tête humaine enlacés, des aigles becquetant une grappe de raisin, un monstre dévorant sa proie. Il peut être possible de donner à ces sculptures étranges un sens mystique et profond, mais je laisse l'iconographie poursuivre le cours de ses recherches, plutôt que de me livrer à des écarts d'imagination. Sur les consoles qui supportent l'arc de l'abside, l'artiste ou imagier a représenté Adam et Eve sur le point de manger le fruit défendu, à côté de l'arbre de la science; la naïveté de cette composition est vraiment remarquable.

Avant le douzième siècle, les architectes éprouvaient de grandes difficultés pour voûter leurs églises ; à cette époque, ils eurent l'ingénieuse idée de les diviser d'abord en carrés par des arcs parallèles, ensuite en triangles par des nervures diagonales : ce système prit le nom de voûte d'arête et devait donner naissance aux combinaisons les plus hardies du style ogival, en portant la pression sur des points correspondant aux piliers et aux contreforts. A Guarbecque, les voûtes sont déjà coupées diagonalement par des arêtes très élégantes, décorées de deux boudins et de chevrons brisés; dans les transepts, elles retombent sur des masques d'hommes et de femmes du plus beau caractère : je ne saurais trop appuyer sur la netteté et la vigueur de ces admirables têtes qu'on peut comparer aux plus nerveuses sculptures du treizième siècle.

Il serait maintenant intéressant de lever le voile du passé et de savoir quel fut le fondateur de ce curieux édifice. Tout ce que nous apprend Malbrancq, c'est qu'à la date de 1208, le fils du sire Hadewide de Garbeka fut guéri miraculeusement par les mérites de saint Bernard. La reconnaissance de ce seigneur pour une faveur du ciel aussi signalée lui fit-elle élever l'église que je viens de décrire ? C'est ce que l'histoire ne dit pas. Les caractères de l'architecture me paraissent indiquer une date plus ancienne d'environ un demi-siècle. Cependant, il n'est pas sans exemple que dans un village reculé où les progrès des arts ont dû arriver tardivement on ait bâti / avec des éléments anciens, plus longtemps qu'au milieu d'une grande cité.

Les mémoires du temps ne nous apprennent plus rien sur Guarbecque jusqu'en 1620 : à cette époque, pour des raisons que l'on ignore, cette seigneurie fut vendue avec celles de Quernes et de Lillers, par un décret du conseil de Malines à la dame de Lalaing, baronne d'Escocnaix, épouse de Florent, comte de Berlaymont ou Barlaimont ; elle portait pour armoiries de gueules à dix losanges d'argent (3, 3, 3, 1), et son mari fascé de gueules et de vair de six pièces ; ces seigneuries furent revendues devant le conseil d'Artois en 1633 à la maison de Carnin dont les armoiries étaient de gueules à trois têtes de léopard d'or lampassées d'azur. Jacques-Gilles-Bonaventure de Carnin, tué à la bataille de Parme en 1734, fut créé marquis de Lillers ; il avait épousé en 1726 Isabelle-Claire-Joséphine de la Tour-Saint-Quentin, dont il n'eut qu'une fille qui se fit religieuse. La seigneurie de Lillers et de Guarbecque passa alors à son frère Albert-François de Carnin, qui donna à l'église la grosse cloche qu'on y voit encore aujourd'hui, sur laquelle est gravée l'inscription suivante, sous l'image du Christ, de la Vierge et de Saint-Nicolas, patron de l'église:

« Haut et puissant seigneur, messire Albert-François, comte de Carnin, marquis de Lillers, seigneur de Guarbecque, maréchal des camps et armées du roi d'Espagne, capitaine commandant des gardes wallonnes. J.-B. Herenghuel, curé de cette paroisse en 1758. Les Gouvenot et Baudoin m'ont fait. »

La petite cloche porte une inscription latine beaucoup plus ancienne: « Expensis capituli oppidi ariensis fabricata sub anno Domini 1694. Signum cap. St.-Petri ariensis, » autour de la figure de SauttVPierre portant ses clefs.

Guarbecque (Garbeka, Harbèque) dont le nom bèque en idiome flamand veut dire cours d'eau, était un village d'Artois, subdélégation de Saint-Venant, diocèse de Saint-Omer, juridiction du bailliage de Lillers et par appel à la gouvernance d'Arras.

Source : Statistique monumentale du Département du Pas-de-Calais

photo pour Eglise

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 101615
  • item : Eglise
  • Localisation :
    • Nord-Pas-de-Calais
    • Pas-de-Calais
    • Guarbecque
  • Code INSEE commune : 62391
  • Code postal de la commune : 62330
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 4 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 11e siècle
    • 12e siècle
    • 13e siècle
    • 17e siècle
  • Type d'enregistrement : zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager
  • Date de protection : 1909/03/15 : classé MH
  • Date de versement : 1993/11/03

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : c0897e647f901f044cac3960da84b2f0.jpg
  • Détails : Eglise : classement par arrêté du 15 mars 1909
  • Référence Mérimée : PA00108296

photo : pierre bastien

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