Eglise

Note de M. Dégez

L’Église de Gonnehem, épargnée dans ses parties essentielles par la dévastation de la guerre dernière, offre un pittoresque exemple des églises à trois nefs, qui couvrirent principalement la région d'Artois dite « le bas pays » après les ravages de la Réforme, au cours de la seconde moitié du XVIe siècle. Cet édifice qui dut être recouvert primitivement par des voûtes en bois, comme semblent le prouver des vestiges apparents encore sur la charpente, reçut postérieurement l'ornement de belles voûtes-en pierre, posées sur ogives, doubleaux formerets, liernes et tiercerons, ce décor s'étendit sur l'étendue de la nef médiane, du transept, du choeur et des absides, d'une partie du bas-côté, sud, et pour être plus fleuri, il fut complété par une suite de clefs de voûtes, se succédant le long de l'axe principal du vaisseau.

Ces clefs de voûte, traitées dans le style et le caractère de la seconde moitié du XVIe siècle, sont intéressantes par leur signification et leur groupement ; en un raccourci saisissant, elles résument l'Ancien et le Nouveau Testament, rappellent que celui-ci, d'une manière constante et imposante, fut pré-annoncé par celui-là. C'est d'abord la Faute Première, puis aussitôt après l'Annonciation, la Nativité, la Crucifixion, la Trinité, l'Esprit Saint, et l'Agneau mystique ; c'est le péché racheté par Marie, nouvelle Eve et Jésus, nouvel Adam, le péché expié par la tragédie du Calvaire.

De plus si, jusqu'à la Trinité, les scènes sculptées se lisent en regardant vers l'autel, les trois dernières exigent, pour être déchiffrées, que le spectateur change de position et se tourne vers la tribune d'orgues : elles marquent d'une part, l'emplacement réservé aux fidèles, et de l'autre, celui où le prêtre a sa place consacrée : la clef de voûte de la Trinité se trouve située, en effet, à la croisée du transept ; le Paraclet et l'Agneau dominent le choeur.

C'est la Trinité qui, tout récemment, vient d'être percée de part en part par le vilbrequin profanateur d'un ouvrier électricien, et une lampe électrique pend maintenant, lamentablement, sous la gloire vénérable ; cet acte de vandalisme a, heureusement, épargné les figures mêmes des personnages, seule la tiare dont est couronné Dieu le Père a été endommagée.

Il serait bon que la municipalité de Gonnehem soit prévenue de l'intérêt archéologique et artistique de pierres d'autant plus précieuses qu'elles sont plus rares depuis les dévastations boches ; il serait bon aussi que les autres clefs de voûte soient mises à l'abri d'une pareille profanation.

Me serait-il enfin permis de signaler à la Commission que, lorsque fut exécutée une partie des réparations des dommages de guerre de l'église de Gonnehem, le plus important des dégâts (après la toiture, remise en état), celui des nervures.de l'abside Nord-Est, a été omis ? Les fenêtres de cette abside furent bouchées, mais des ogives, des liernes crient misère et demandent un prompt secours. Serait-il possible à la commission d'intervenir ?

Béthune, 8 mai 1924.

Source : Bulletin de la Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais.