Hôtel 111 boulevard Daunou

Le ministère de la culture écrit que cet Hôtel est construit entre 1889 et 1900. Comme beaucoup d’édifices de cette époque il est difficile de trouver des informations bien documentées, c'est pourquoi je vais m’intéresser au nom de la rue qui nous livre une belle page d'histoire.

Daunou a Boulogne sur mer

Daunou, né à Boulogne-sur-Mer en 1761, a siégé dans la plupart de nos assemblées délibérantes. Ayant signé, comme membre de la Convention, la protestation des Soixante-Treize contre la proscription des Girondins, il fut incarcéré jusqu'au 9 thermidor.

Lorsque le gouvernement du pape fut aboli, à la suite de l'assassinat du général Duphot, Daunou fut envoyé à Rome pour y organiser la république. Après le 18 brumaire, il fit partie de la commission chargée de rédiger la constitution de l'an VIII; et, pour beaucoup d'articles qu'il voulait mettre en harmonie avec le principe républicain, il eut plus d'une lutte à soutenir contre le général Bonaparte. Après l'établissement du consulat, il refusa la place de conseiller d'Etat dont le traitement était de 25 000 fr., et préféra les fonctions bien moins lucratives de tribun. Plus tard le premier consul lui offrit encore le Conseil-d'Etat, puis la direction générale de l'instruction publique; Daunou refusant toujours : « Je ne vous aime pas ! s'écria Bonaparte. Et moi, répondit Daunou, je n'aime personne ; j'aime ma patrie. »

Cependant Daunou accepta en 1807 les fonctions d'archiviste de l'empire, dont le priva 1815, et que 1830 lui rendit. Professeur d'histoire et de morale au collège de France depuis 1819 jusqu'en 1850, ses enseignements respiraient une haute sagesse et une noble indépendance. « Puissent les générations nouvelles, dit-il un jour dans sa chaire, devenir un peuple généreux et sage, à jamais incapable de supporter le joug du despotisme, et de secouer celui des pouvoirs tutélaires. Qu'elles sachent bien qu'il n'y a de lumières pures que celles qui perfectionnent les mœurs; qu'on cesse d'être éclairé quand on se déprave ; qu'une nation n'est libre qu'à proportion qu'elle est juste, bonne et courageuse; que les arts et les sciences ne sauvent de la servitude que ceux qu'ils préservent des vices; et qu'un peuple corrompu est une proie promise à la tyrannie, à peu près comme ces cadavres qu'on abandonna aux bêtes farouches »

Daunou était membre de l'Académie des sciences morales et politiques, et secrétaire perpétuel de celle des inscriptions et belles-lettres. Le gouvernement actuel lui conféra la pairie.

Ancien oratorien, Daunou importa et propagea dans l'Académie des inscriptions les doctes traditions de l'ordre dont il avait fait partie. A lui surtout et au savant Brial, le dernier des bénédictins, son collègue à l'Académie des inscriptions, mort en 1828, on doit la continuation de l'Histoire littéraire de la France, et des Historiens de France (Rerum Gallicarum scriptores). La veille de sa mort, le 19 juin 1840, l'Académie reçut le premier exemplaire du vingtième volume de cette dernière collection; volume qu'il venait de terminer avec M. Naudet, son collègue.

Daunou était l'un des rédacteurs du Journal des savants, et il coopéra à d'autres recueils. Parmi les ouvrages qui sont de lui seul, nous citerons : l'Influence de Boileau sur la littérature française; les Commentaires sur le même auteur; le Mémoire sur l'étendue et les limites de la puissance paternelle; l'Analyse des opinions sur l'origine de l'imprimerie; la Continuation de l'Histoire de Pologne par Rulhière.

Pleins d'une érudition judicieuse, d'une critique ingénieuse et fine, les écrits de ce savant se recommandent aussi par une pureté de style qui rappelle la plus belle époque de la langue. On ne doit pas omettre de dire que ce fut sur sa proposition que la Convention décréta, le 2 avril 1795, l'impression aux frais de la République du livre sur les Progrès de l'esprit humain que Condorcet, proscrit, mais inébranlable dans sa foi, avait écrit la veille de se donner la mort.

Source : Le Magasin pittoresque 1841.