Place de la Concorde

En 1747, Louis XV ayant accordé au prévôt et aux échevins de Paris l'autorisation de lui élever une statue équestre, on s'occupa de choisir un emplacement. Plus de soixante projets furent proposés ; enfin le roi désigna le vaste terrain, alors inculte et abandonné, qui fut depuis la place Louis XV.

Vingt-huit plans furent soumis au roi sans obtenir son approbation. Gabriel les revit, et en tira un dernier projet qui fut exécuté. Quatre fossés, destinés à être plantés d'arbres, furent creusés et entourés de balustrades : ils ont été comblés en 1852. Huit pavillons s'élevèrent aux angles de la place, pour servir de piédestaux à des groupes de statues : les deux bâtiments du Garde-Meuble, dont l'un sert aujourd'hui d'hôtel au ministre de la marine, garnirent la façade septentrionale de la place ; enfin une statue équestre, oeuvre de Bouchardon, portée sur un piédestal que Pigalle avait orné aux quatre angles de figures allégoriques, fut inaugurée le 20 juin 1763. Les figures de Pigalle, symbolisaient la Force, la Prudence, la Justice et l'Amour de la paix. Deux bas-reliefs en bronze, de 2 mètres de longueur sur 1 mètre 50 de hauteur, représentaient, du côté du Sud, Louis XV couronné par la Victoire et présenté par la Renommée à des peuples empressés de se soumettre à lui ; du côté du Nord, le roi faisant jouir ses sujets de tous les bienfaits de la paix. Toutes ces flatteries attirèrent à Louis XV une sanglante épigramme.

Huit pavillons s'élevèrent aux angles de la place, pour servir de piédestaux à des groupes de statues : les deux bâtiments du Garde-Meuble, dont l'un sert aujourd'hui d'hôtel au ministre de la marine, garnirent la façade septentrionale de la place ; enfin une statue équestre ...

Un matin, on trouva ces deux vers affichés sur la base de la statue :

Grotesque monument, infâme piédestal : Les vertus sont à pied, le vice est à cheval.

Quelques jours après, on lisait encore sur le monument :

Il est ici comme à Versailles : Il est sans cœur et sans entrailles !

Enfin on y plaça sur un papier l'inscription suivante :

Statua statuae. (Image d'une image)

L'Assemblée législative fit démolir cette statue, en 1792, et la remplaça par une statue de la Liberté, en plâtre colorié, par Lemot. La place prit le nom de place de la Révolution. La Terreur y établit l'échafaud en permanence. Louis XVI et Philippe-Égalité périrent à l'endroit même où avait été la statue et où s'élève aujourd'hui l'obélisque de Louqsor.

Les bas-reliefs de Pigalle avaient subsisté sous l'échafaud. On les restaura en 1799, et on y plaça une colossale statue de la Liberté, en plâtre, par Dumont. La place de la Révolution, à partir de ce moment, s'appela place de la Concorde.

Sous la Restauration, nouvelle statue ; mais celle-ci demeura en projet. M. Corto fut chargé d'élever sur la place un monument expiatoire à la mémoire de Louis XVI. La première pierre fut posée le 3 mai 1826, et MM. Destouches et Lusson furent chargés d'achever la décoration de la place, qui reçut le nom de place Louis XVI. Lorsque, en 1836, l'obélisque s'empara définitivement du centre de cette place, redevenue encore une fois place de la Concorde, M. Hittorf fit daller et macadamiser le sol, éleva le piédestal de l'obélisque, construisit les deux fontaines jaillissantes, et les colonnes rostrales qui supportent les candélabres. Les groupes de Coustou, si célèbres sous le nom de chevaux de Marly, avaient été placés à l'entrée des Champs-Elysées par un décret de la Convention; M. Hittorf posa sur chacun des huit pavillons construits par Gabriel une statue colossale représentant une des grandes villes de France.

Telle qu'elle est aujourd'hui, la place de la Concorde est assurément une des plus belles du monde. Cette aiguille trente fois séculaire, ces statues, ces fontaines jaillissantes, ces colonnes, ces candélabres composent une décoration splendide; mais ce qui fait surtout la beauté de la place de la Concorde, c'est ce qui l'entoure ; c'est la Seine et le palais Législatif; c'est le Garde-Meuble et la Madeleine; c'est le palais et le jardin des Tuileries; c'est enfin l'immense avenue des Champs-Ëlysées, avec l'Arc de Triomphe qui la termine et la couronne.

On peut critiquer les détails. Le dessin des fontaines, les colonnes et les candélabres ne sont pas à l'abri de tout reproche; mais l'effet général n'en est pas moins grandiose, et le premier sentiment de l'étranger qui traverse la place de la Concorde est à coup sur l'étonnement et l'admiration.

Les huit statues ont été exécutées par divers artistes : Lyon et Marseille, par M. Petitot; Bordeaux et Nantes, par M. Callouet; Rouen et Brest, par M. Cortot; Lille et Strasbourg, par Pradier; ces deux dernières sont les plus remarquables.

Les Fontaines, qui versent chacune plus de 6716 mètres cubes d'eau par 24 heures, rappellent la disposition des châteaux d'eau élevés près de l'obélisque de Saint-Pierre de Rome. Elles se composent d'un vaste bassin de pierre polie, de 16 mètres de diamètre, divisé dans sa circonférence par douze piédestaux accouplés, surmontés d'amortissements en fonte. Six figures de tritons et de néréides, tenant chacune un poisson qui rejette l'eau, sont placées dans ce bassin. Une première vasque, de 6 mètres de diamètre, s'élève au milieu du bassin, supportée par un piédouche auquel sont adossées six figures colossales, de 3 mètres de hauteur, assises sur un socle hexagone, les pieds posés sur des proues de navires. Entre ces figures sont des dauphins qui jettent de l'eau. La seconde vasque, renversée, n'a que 3 mètres 50 de diamètre. Au piédouche qui la supporte s'appuient trois enfants de 1 mètre 33 centimètre, de hauteur, et séparés par des cygnes qui lancent de l'eau. La hauteur totale des fontaines, non compris la gerbe qui les surmonte, est de 9 mètres.

L'une de ces deux fontaines (la plus rapprochée de la rue de Rivoli) est dédiée à la navigation fluviale. Parmi les statues de la vasque inférieure, deux représentent le Rhône et le Rhin, par M. Gechter; et les quatre autres : la Récolte des fleurs et celle des fruits, par M. Lanno; la Moisson et la Vendange, par M. Aristide Husson. Les trois génies de la vasque supérieure, représentant l'Agriculture, la Navigation et l'Industrie, sont de M. Feuchères.

La deuxième fontaine est dédiée à la navigation maritime. Parmi les six figures de la vasque inférieure l'Océan et la Méditerranée sont de M. Debay père; les quatre autres représentent les différentes pêches, savoir : la pêche du corail et celle des coquillages, par M. Vallois; la pêche des perles et celle des poissons, par M. Desbœufs. Les trois génies qui supportent la petite vasque et figurent la Navigation maritime, l'Astronomie et le Commerce, sont de M. Brion.

Les Tritons et les Néréides des grands bassins sont de MM. Elschoët, Parfait-Merlieux, et du regrettable et infortuné A. Moyne.

Les figures des fontaines et les ornements, modelés par M. Hoëgler, sont en fonte de fer et sortent des usines de Tusey, près de Vaucouleurs (Meuse).

Dans l'origine, ces fontaines étaient tout entières revêtues de peintures. Les chairs des statues imitaient le bronze florentin; les vêtements, le bronze antique; les accessoires et les ornements étaient dorés. Mais cette peinture et ces dorures se détériorant très-vite et réclamant de fréquentes restaurations, l'administration municipale s'est décidée à faire bronzer les fontaines d'après les procédés galvaniques inventés par M. Oudry. Les deux monuments ont été démontés et remontés pièce à pièce, dans le courant de l'année 1861. Les vingt colonnes rostrales et les deux cent vingt candélabres de la place et de ses abords doivent subir à leur tour la même transformation.

On pourrait regretter, puisque l'obélisque de Louqsor devait être la principale décoration de la place de la Concorde, que M. Hittorf n'ait pas cherché à mettre quelque harmonie entre cette aiguille égyptienne et les fontaines. Mais il faut songer qu'il n'était pas maître de créer un nouveau plan, et qu'il ne s'agissait pour lui que d'achever et de compléter celui de Gabriel. Il y a tant de différence entre ce que nous faisons et ces restes presque éternels de l'art égyptien, qu'il vaut mieux les placer ainsi comme étrangers au milieu de nos colonnes et de nos statues, que d'essayer de maladroites imitations.

L'obélisque de Louqsor provient des ruines de Thèbes, dans la haute Égypte, où il était encore debout, lorsqu'il fut donné à la France par le vice-roi Mehemet Aly, en même temps qu'un autre monolithe faisant partie des mêmes ruines et l'une des Aiguilles de Cléopâtre, à Alexandrie. M. Lebas, ingénieur de la marine, fut chargé d'aller choisir le plus précieux de ces monuments et de le ramener en France, sur une allège construite spécialement pour ce transport difficile. Embarqué sur le Nil le 19 décembre 1831, l'obélisque arriva à Paris le 23 décembre 1833. Il fut dressé sur la place de la Concorde, le 25 octobre 1836, en présence de Louis Philippe et de la famille royale. L'opération, dirigée par M. Lebas, fut achevée en moins de trois heure ? et réussit complètement.

Embarqué sur le Nil le 19 décembre 1831, l'obélisque arriva à Paris le 23 décembre 1833. Il fut dressé sur la place de la Concorde, le 25 octobre 1836, en présence de Louis Philippe et de la famille royale. L'opération, dirigée par M. Lebas, fut achevée en moins de trois heure ? et réussit complètement.

L'obélisque, formé d'un seul bloc de granit rose, mesure, y compris le pyramidion tronqué et fendu à son extrémité supérieure, une hauteur de 22 mètres 83 centimètres. Il pèse 250 000 kilogrammes. Le piédestal, en granit des carrières bretonnes de Laber-Ildut, est également d'un seul bloc, de 4 mètres de hauteur sur 1 mètre 70 centimètres, de largeur.

Ce monument est couvert, comme tous ceux du même genre, de hiéroglyphes taillés dans la pierre à une profondeur de 150 millimètres, et qui célèbrent les travaux et les vertus de Rhamsès et de Sésostris. Il est vieux de plus de trente-quatre siècles. M. Lebas, qui l'a transporté d’Égypte sur la place de la Concorde, a eu l'heureuse idée de faire graver en creux, sur le piédestal, les figures des diverses opérations auxquelles ont donné lieu le voyage et le transport du monolithe.

Source : Paris illustré par Adolphe Laurent Joanne 1863.

photo pour Place de la Concorde

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 121640
  • item : Place de la Concorde
  • Localisation :
    • Ile-de-France
    • Paris 08
  • Code INSEE commune : 75108
  • Code postal de la commune : 75008
  • Ordre dans la liste : 97
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : place
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 4 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 18e siècle
    • 2e moitié 18e siècle
    • 19e siècle
    • 1ère moitié 19e siècle
  • Années :
    • 1757
    • 1772
    • 1836
    • 1840
  • Type d'enregistrement : liste du patrimoine mondial ; site inscrit
  • Date de protection : 1937/03/23 : classé MH
  • Date de versement : 1993/07/08

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site inscrit 06 08 1975 (arrêté)
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :5 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • statue
    • pavillon
    • fontaine
    • colonne
    • lampadaire
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : addc4926246d3c16c7409aab77bdd55d.jpg
  • Détails : La place de la Concorde telle qu' elle est délimitée par le Ministère de la Marine, les Hôtels Coislin, du Plessis-Bellière, Cartier et Crillon, les Champs-Elysées, la Seine et le jardin des Tuileries, avec son sol, ses fontaines, ses statues, ses petits pavillons appelés autrefois guérites, ses balustrades, ses colonnes rostrales et ses lampadaires : classement par arrêté du 23 mars 1937
  • Référence Mérimée : PA00088880

photo : Lumière du matin

photo : Lumière du matin