photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies
Immeuble construit par François Mansart entre 1658 et 1660.
La rue Guénégaud n'est pas loin, dont le quai a porté le nom, après qu'on l'eut dit quai de Nesle. Mais d'où vient qu'il s'appelle Conti ? Toute la largeur du quai était remplie, dans le principe, par le grand et le petit Nesle, dont la tour regardait le Louvre, en reprochant à la Renaissance de lui avoir enlevé les siennes. Ce même hôtel de Nesle où Benvenuto Cellini avait reçu du roi les commandes, les encouragements les visites, passa aux ducs de Nevers, de la maison de Gonzague, dont la lignée, quant à la branche française, alla s'éteindre sur des trônes étrangers, deux princesses ne lui donnant pas de rejetons mâles. Puis aux Nevers succéda un secrétaire d'Etat, Henri du Plessis Guénégaud, qui en fit un petit palais, pour le céder à la princesse de Conti, Marie Martinozzi, laquelle lui livra en échange la terre du Bouchet, à 6 lieues de Paris, et un cidevant hôtel Conti, plus tard Lauzun, ensuite hôtel Laroche-sur-Yon. Le crayon de Mansard, celui de Lenôtre, le pinceau de Jouvenet et d'autres notabilités avaient embelli ce séjour; par exemple Mazarin lui avait porté préjudice, en élevant près de l'hôtel Conti un palais qui masquait sa vue, et qui ne l'écrasait pas moins à titre de comparaison. Dès 1739 une fontaine placée dans le mur de l'hôtel Conti, sur le quai, avait tari, bien que Santeuil et Corneille l'eussent chantée au siècle d'avant : dessèchement de mauvais augure, annonçant comme une fin prochaine. Louis XVI, à son avènement, y trouva l'hôtel des Monnaies, édifié sur le terrain de l'autre. L'or et l'argent s'y usent, depuis un siècle, à force de changer d'effigie, à peu près à la même place où l'artiste de François Ier ajoutait la valeur réelle du chef-d'œuvre au prix purement de convention de l'un et de l'autre métal.
Néanmoins, à vrai dire, tout n'a pas disparu absolument de l'édifice supprimé par la construction de la Monnaie. Au fond de l'impasse de Conti, qu'on regarde, bien à tort, comme n'ayant été formée qu'en 1771, il suffit de pousser une reconnaissance pour découvrir un ou deux pavillons peu élevés, des oeils-de-boeuf et une porte condamnée, reste de l'hôtel de Conti, qui était divisé en grand et petit hôtel, tous deux sous la censive royale.
Dans le même cul-de-sac, n°s 2 et 4, se trouve l'hôtel Sillery-Genlis, pareillement du dessin de Mansard ; la décoration intérieure en était riche, en dépit de ses dehors qui n'avaient pas grande apparence. Un Sillery, arrière petit-fils du chancelier, ainsi nommé, était de l'Académie française, vers la fin de la vie du grand roi, sous la minorité duquel Mazarin avait érigé la terre de Genlis en marquisat en faveur de Florimont Brulard de Sillery, lieutenant des gendarmes d'Orléans. L'époux de Mme de Genlis, député à la Convention, partagea les plaisirs, les opinions de Philippe-Égalité ; il eut aussi la même fin, en 1793. Sa veuve était encore propriétaire de la maison et demeurait à l'Arsenal, lorsqu'en 1806 la librairie Maire-Nyon se transféra dans son aile de bâtiment en façade sur le quai Conti, n° 13. Les Maire-Nyon sont libraires depuis le XVIe siècle, de père en fils, de mère en fille, et depuis deux cents ans sur divers points du même quai. Mais, quant au principal appartement du ci-devant hôtel Sillery, il était occupé, sous la Restauration, par le célèbre baron Larrey, chirurgien en chef de l'armée d'Egypte.
Source : Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III par Charles Lefeuve.