Hôtel de Beauvais, actuellement Cour Administrative d'Appel de Paris

Hôtel particulier construit en 1655 par Antoine Lepautre, premier architecte du Roi. Modifications au 18e siècle pour la famille Orry par Robert de Cotte, puis l'architecte Beausire (1730). Au 19e siècle, l'hôtel est transformé en immeuble de rapport avec surélévation de la façade sur rue. Mozart y est reçu à l'âge de sept ans.

Source : Ministère de la culture.

Paris, Hôtel de Beauvais, 68 Rue François Miron

Paris, Hôtel de Beauvais, 68 Rue François Miron

L'hôtel De Beauvais Au Faubourg Saint-germain

Cet hôtel était situé à l'entrée de la rue de Grenelle, à gauche, tout près du carrefour de la Croix-Rouge et précisément en face de la rue des Saint-Pères. Piganiol de la Force nous apprend que cette maison appartenait primitivement à Sébastien Zamet, évêque de Langres, qui en fit don, le 4 novembre 1651, à Marie-Christine de Zamet, femme de Roger de Pardaillan de Gondrin, marquis d'Antin. Celle-ci la vendit, le 28 mai 1657, à Louis Foucaut de Saint-Germain, comte du Dognon, vice-amiral de la Fronde, qui livra Brouage à Mazarin pour le bâton de maréchal de France. La veuve de ce seigneur la céda, le 23 mars 1661, à la baronne de Beauvais, qui fit restaurer de fond en comble et considérablement embellir cet hôtel, pour y installer son fils et sa belle fille.

Nous supposons, avec M. Léon de Laborde, que Mme de Beauvais acheta cet hôtel pour son fils. L'autorité du savant écrivain nous a paru suffisante et l'hypothèse infiniment probable. Toutefois, dans nos recherches, rien n'est venu la confirmer. L'hôtel fut acheté, par contrat du 23 mars 1661, par Pierre de Beauvais et Catherine-Henriette Bellier, et revendu le 15 mai 1686 par les créanciers et directeurs de la succession de feu Pierre de Beauvais. Mme de Beauvais commanda et dirigea seule les restaurations dont par le Loret, et il n'est nullement question, dans tout cela, du baron de Beauvais fils. Il arrive fréquemment, il est vrai, que les parents font à leurs enfants, à l'occasion du mariage, de ces donations amiables et effectives, tout en conservant la propriété légale ; en rendant le bienfait toujours présent et révocable, ils assurent ainsi la reconnaissance. Mme de Beauvais, esprit éminemment pratique, ne devait pas négliger cette précaution.

La reine mère et le roi honorèrent aussi de leur visite ce second hôtel de Beauvais, moins monumental, mais plus vaste que celui de la rue Saint-Antoine, et dont les jardins s'étendaient jusqu'à la rue de la Chaise, derrière l'Abbaye-aux-Bois. Loret donne, à cette occasion, une pompeuse description des appartements, alors fraîchement décorés. (Muse historique, du 3 novembre 1663.)

La très illustre Reine mère,
Le Roy même et Monsieur son frère
Allèrent tous trois, l'autre jour,
Dans Saint-Germain, le grand faubourg
Qui vaut seul une bonne ville,
Pour y voir le beau domicile
Qu'a fait faire depuis la paix
La sage dame de Beauvais.
Tous trois ce logis visitèrent,
Et tous trois, dit-on, admirèrent,
Avec bien du contentement,
Chaque lieu, chaque appartement,
Les cabinets, chambres et salles,
Dont ces trois personnes royales
Louèrent la construction,
Et le tout, de l'invention
De cette dame, d'eux aimée
Et dans la cour fort estimée;
Dame ayant maint rare talent,
Et dont l'esprit très excellent,
Où bien des clartés sont encloses,
Se connaît fort aux belles choses :
Laquelle leur lit voir aussi,
Par ci par là, par là par ci,
Tant de différentes merveilles,
Tant de raretés sans pareilles,
Tant de tableaux bien colorés,
Tant de brillans lustres dorés,
De porcelaines et de vases,
Qui pouvaient causer des extases,
Et le tout si bien agencé
Et si proprement compassé,
Que le Roy, Reine et Monsieur même
Y prirent un plaisir extrême,
Sortant d'ilec aussi contents
Qu'ils l'avaient été de longtemps.
Mais, ma foy! ce que notre lire
Vient ici de chanter ou dire
N'est qu'un rien en comparaison
De cette charmante maison.
Bref, quelqu'un m'a dit que ces lignes
D'un tel logis sont fort indignes,
Tant il est de beautés pourvu;
Mais, aussi, ne Tai-je pas vu.

Façade de l'hôtel de Beauvais modifiée en 1706 pour Jean Orry.

Façade de l'hôtel de Beauvais modifiée en 1706 pour Jean Orry.

Le 20 avril 1685, cet hôtel, que le baron de Beauvais venait d'abandonner, pour aller habiter, avec sa mère, devenue veuve, la maison de la rue Saint-Antoine, voyait arriver incognito, et quelque peu confus, le doge de Gènes, Impériale Lescari, accompagné de quatre sénateurs, de huit gentilshommes camarades, d'une troupe de pages et d'estafiers. Il venait faire amende honorable de la liberté grande qu'avait prise sa république de vendre des galères et des munitions de guerre aux ennemis du roi de France. Gênes avait déjà payé cher cette malencontreuse spéculation. Quatorze mille bombes lancées sur la ville par la flotte française avaient ruiné ses palais de marbre, incendié ses faubourgs et jeté la terreur parmi les nobles génois, qui s'empressèrent d'accepter les conditions quelque peu humiliantes que leur imposait Louis XIV. Il fallut que le doge en personne vînt demander humblement pardon au pied du trône. Il partit donc de Gênes, le 29 mars, et arriva à Paris, le 20 avril. L'hôtel de Beauvais avait été préparé pour le recevoir. II y demeura toujours incognito, pendant près d'un mois, faisant travailler, sous la direction de M. Bourdin, artiste fort expert en ces matières, à ses livrées et à ses carrosses, en attendant le bon plaisir du roi pour son audience solennelle. Cette audience lui fut enfin accordée, le 15 mai, et il se trouva par hasard que c'était précisément l'anniversaire du bombardement de Gênes. Ce jour-là, les badauds de la Croix-Rouge, qui depuis l'arrivée du doge couvaient d'un œil attentif cette porte obstinément close, furent émerveillés et réjouis par l'arrivée de trois carrosses de gala tout dorés, rehaussés de peintures et d'emblèmes bien dignes d'exercer la sagacité des bons bourgeois, grand devineurs de rébus, comme chacun sait. Le premier, celui du corps de Sa Sérénité, était un chef-d'œuvre d'ingéniosité, qui valait seul un long poéme : « Le grand panneau d'en haut représentait le temple de Janus, fondateur de Gênes ; la statue de Janus paraissait sur un piédestal, auprès de la porte de ce temple, qui était fermé. La Paix était assise auprès du piédestal ; elle accompagnait le dieu des richesses, et plusieurs Amours formaient un groupe et brisaient des armes. On voyait, sur le devant, des trophées de paix et, dans le lointain, le monstre de la Guerre, terrassé par la Force et par la Valeur, et des soldats qui fuyaient voyant le temple fermé. » Les panneaux inférieurs étaient décorés des armes du doge, soutenues d'un côté par la France et la Valeur, de l'autre par la Ligurie et « un fleuve qui représentait la mer Méditerranée. » Ailleurs, ces mêmes armes avaient pour supports la Splendeur, la Puissance, la Magnanimité, la Magnificence, etc., tous emblèmes où M. Bourdin avait déployé une ingéniosité rare, ainsi que pour les représentations des Arts libéraux et des quatre Éléments, peints et sculptés sur les montants des portières.

Le second et le troisième carrosse n'étaient pas beaucoup moins riches : « Les peintures et sculptures étaient relatives à la terre et à la mer. On y voyait plusieurs camayeux verts, rehaussés d'or, représentant tous le temple de Janus, où des nymphes de la terre et de la mer portaient des présents ; d'autres habitants de la terre et des eaux quittaient leurs armes et leurs attributs pour se réjouir autour de ce temple ; un dieu marin l'ornait de présents, une nymphe de guirlandes. » Enfin, quatre dieux marins, portant les blasons des quatre sénateurs, formaient les montants.

Les livrées n'excitèrent pas à un moindre degré l'admiration du populaire qui obstruait ce jour-là tous les abords de l'hôtel: « Elles étaient d'un drap de Hollande écarlate, avec des galons et des agréments bleus, couleur d'or et cramoisi ; rien n'était mieux entendu. »

Bientôt arriva M. de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, avec les carrosses du roi, dans lesquels montèrent le doge, vêtu d'une robe de velours rouge, et les sénateurs, vêtus de velours noir ; puis, le cortège, suivi des équipages de Sa Sérénité, escorté de ses gentilshommes, de ses pages et de ses estafiers, sortit de l'hôtel de Beauvais, fendit à grand peine la foule toujours grossissante, et se dirigea sur Versailles, en suivant la rue de Sèvres.

Nous n'avons pas à entrer dans les détails de cette réception, dont les curieux trouveront une relation circonstanciée dans le Mercure de mai 1685. Il nous suffira de dire que le doge et sa suite furent gracieusement accueillis à Versailles et splendidement traités pendant tout le reste de leur séjour à Paris.

C'était un homme de beaucoup d'esprit que cet Impériale Lescari ; il soutint à merveille et avec une dignité presque dédaigneuse son rôle de petit souverain opprimé. Il sauvegarda, autant que les circonstances le permettaient, l'honneur de sa république. Il fit des mots, il devint populaire. « Que trouvez-vous de plus singulier à Versailles ? » lui demanda M. de Croissy, en le promenant triomphalement au milieu de ces merveilles fraîches écloses. « C'est de m'y voir ! » répondit-il simplement. Il adressa au dauphin, en sortant de son cabinet, un compliment à deux tranchants, dont celui-ci ne comprit pas sans doute la portée : « L'an dernier, à pareille époque, lui dit-il, nous étions en enfer, et maintenant je crois sortir du paradis ! » Un instant pourtant, il faillit oublier cette réserve de commande. Ce que n'avaient pu faire ni les splendeurs inouïes de Versailles ni les poses majestueuses du grand roi, un regard de la charmante princesse de Conti en vint facilement à bout : « Les princesses du sang le reçurent sur leur lit, afin de n'être point obligées de le conduire. Il se plut fort chez Mme la princesse de Conti, et comme il la regardait longtemps et avec application, un des sénateurs lui dit : Au moins, monsieur, souvenez-vous que vous êtes doge. »

En présence de la blonde fille de La Vallière, Impériale Lescari ne se souvenait que d'une chose : qu'il était homme et qu'il avait devant les yeux la plus séduisante femme de la cour de France. Cette distraction leur fait honneur à tous deux.

Le doge quitta Paris incognito, comme il y était entré, le 28 mai ; il était de retour à Gênes, le 19 juin.

L'hôtel de Beauvais, inoccupé, ne tarda pas à changer de destination. Le 15 mai 1686, les religieuses de Sainte-Claire de la Nativité, dites Petites Cordelières, trop à l'étroit dans leur maison de la rue des Francs-Bourgeois au Marais, acquirent cet hôtel, par voie d'échange, de Mme de Beauvais et des créanciers et directeurs de la succession de feu Pierre de Beauvais, son mari. Elles firent sculpter au-dessus de la porte une réduction de la belle Nativité, exécutée par Michel Anguier pour le maître-autel du Val-de-Grâce et y mirent cette inscription:

Monastère de la nativité de Jésus, de l'ordre de Sainte-Claire, établi en 1633 et transféré en ce lieu en 1687.

Elles ont accommodé à leur manière, dit Germain Brice, cet « hôtel, où elles ont de grands jardins dont elles tirent du profit. L'église qu'on leur voit aujourd'hui était auparavant une grande salle, dans laquelle on donnait des bals et des fêtes de conséquence, que ces religieuses ont ajustée d'une manière assez supportable. Le tabernacle d'ébène sur l'autel est enrichi d'ornements d'argent, mais d'un très-mauvais dessin ; le tableau, placé au-dessus, qui représente une Nativité, est un ouvrage de Canis. »

Plan du premier etage de l'hotel de Beauvais réduit d'après l'original de Jean Marot.

 

Plan du premier étage de l'hôtel de Beauvais réduit d'après l'original de Jean Marot.

Un décret de M. de Beaumont, archevêque de Paris, en date du 4 juin 1749, supprima cette communauté, qui était fort mal dans ses affaires, et dont la maison, église, jardin et dépendances, fut adjugée, le 28 juin 1752, pour la somme de trois cent cinquante mille livres à M. de Saint-Simon, évêque de Metz.

Les héritiers de ce prélat revendirent le tout, par contrat du 7 mars 1763, à M. de Beaumanoir de la Boissière, ancien capitaine de dragons, chevalier de Saint-Louis.

Après lui, ce grand terrain fut divisé, les anciens bâtiments furent abattus,et on y éleva plusieurs hôtels particuliers. Les deux plus importants sont l'hôtel de Créqui, n° 9, et l'hôtel de Feuquières, n° 7.

Le premier, construit pour le marquis de Créqui, fut habité longtemps par la marquise douairière, morte en 1802, sous le nom de laquelle le comte de Courchamps publia de curieux Souvenirs apocryphes. Nous y trouvons plus tard l'illustre chirurgien Boyer, mort en 1833, et, de nos jours, son fils le baron Boyer, ainsi que MM. Lacave-Laplagne, inspecteur des finances, et Laplagne-Barris, procureur impérial.

Le n° 7, bâti pour le marquis de Pas de Feuquières, était le plus considérable des hôtels élevés sur cet emplacement. Le duc de Laval-Montmorency, pair de France, le prince de Broglie, gouverneur de Saint-Cyr, et son gendre, le prince de Bével enfin le marquis de Mages, y demeuraient simultanément sous la Restauration.

La mairie du 10e arrondissement y fut transférée vers 1855, et cet édifice, qui n'offre aucun intérêt sous le rapport de l'art, eut sa journée historique le 2 décembre 1851.

Les débris de l'Assemblée nationale, traqués de toutes parts, y tinrent une dernière séance, violemment interrompue par l'invasion de la force armée et des agents de police, qui enlevèrent en masse les représentants du peuple et les menèrent prisonniers à la caserne du quai d'Orsay.

Depuis la nouvelle division administrative de Paris, l'ancienne mairie du 10e est devenue la mairie du 7e arrondissement; elle doit être prochainement démolie pour le prolongement de la rue des Saints-Pères.

Source : L'Hôtel de Beauvais (rue Saint-Antoine) esquisse historique par Jules Cousin

photo pour Hôtel de Beauvais, actuellement Cour Administrative d'Appel de Paris

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 121218
  • item : Hôtel de Beauvais, actuellement Cour Administrative d'Appel de Paris
  • Localisation :
    • Ile-de-France
    • Paris 04
  • Adresse : 68 rue François-Miron
  • Code INSEE commune : 75104
  • Code postal de la commune : 75004
  • Ordre dans la liste : 72
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : hôtel
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 17e siècle
    • 18e siècle
  • Année : 1655
  • Type d'enregistrement : site inscrit
  • Date de protection : 1966/05/18 : classé MH
  • Date de versement : 1993/06/24

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site inscrit 06 08 1975 (arrêté)
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Un élément répertorié fait l'objet d'une protection : escalier
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • Cette construction a été affectée a l'usage de : établissement administratif

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : 891ccd481eea9956cd14525a985813c7.jpg
  • Acteurs impliqués dans l'oeuvre : Mozart Johann Chrysostomus Wolfgang Gottlieb, dit : Wolfgang Amadeus (personnage célèbre)
  • Détails : L'hôtel : classement par arrêté du 18 mai 1966
  • Référence Mérimée : PA00086277

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies