Débit de boisson (24 rue Chanoinesse)

Rue Chanoinesse

Dans quel chapitre de chanoines elle fut prébendée et comment s'amortit son bénéfice.

Pour éviter quelques redites, conseillons d'abord au lecteur de recourir à la monographie de la rue Basse-des-Ursins, avec laquelle des maisons à deux portes marient la rue Chanoinesse : elles font deux lits, il est vrai, mais assez bon ménage pour qu'ils se touchent ! Le cloître Notre-Dame formait comme une autre île, comme une autre cité du moins, dans l'île de la Cité. Outre que ses rues demeuraient à la charge de MM. du chapitre, quant aux boues et lanternes, la censive des chanoines qui en possédaient les maisons s'étendait à 38 rues ; la censive de l'archevêque de Paris, en sa qualité de chef du diocèse, à 500 rues, et comme prieur de Saint-Éloi à 59. Le bailli du Palais-de-Justice n'exerçait de semblables droits qu'en 8 rues, hors du Palais. La juridiction de l'archevêque ne se bornait, d'ailleurs, pas à l'Officialité, justice diocésaine, dont tout le tribunal se composait d'un officier, d'un promoteur et d'un greffier ; il y eut aussi la Temporalité, dont le juge, exerçant au nom du même prélat, connaissait des appellations des sentences rendues en matière civile par les officiers des justices des terres de l'Archevêché. Au débouché de la rue Chanoinesse sur celle de la Colombe, la porte des Marmouzets servait d'entrée primitivement au cloître, qui, au surplus, se fermait le soir, de chaque côté, la veille encore de l'ouverture de l'Assemblée nationale, dont la première séance était tenue à l'archevêché. Grâce à un bref de Benoît VII, confirmé par lettres-patentes du roi. Lothaire vers l'an 980, les maisons canoniales pouvaient être vendues par les chanoines à l'un de leurs collègues ; le droit d'en disposer a été étendu à toutes les classes d'héritiers et d'acquéreurs par la loi du 24 juillet 1790 sur le traitement du clergé (art. 27), à charge pour les détenteurs de payer au Domaine national, entre les mains du receveur du district, le sixième de la valeur des immeubles, suivant l'estimation qui en serait faite.

La chapelle Saint-Aignan, dont nous avons déjà parlé, dissimule ses restes au n° 26 sur la rue Chanoinesse. Elle est gothique ; les débris s'en négligent, nos antiquités nationales passant bien après les romaines. Que ne s'agit-il d'un fragment de borne milliaire ! la conservation officielle en serait requise par l'archéologie, qui en ferait un petit monument. Saint-Aignan était l'une des 52 églises que l'on comptait dans la Cité ; on y disait secrètement la messe pendant la Révolution, qui avait converti la cathédrale en un magasin de tonneaux.

Une façade à large seuil cintré sépare cet immeuble d'une autre propriété, dont la porte d'entrée est ferrée de grosses têtes de clous. Encore une médaille dont la rue parallèle a le revers ! Cette maison à deux façades, qui a été peu de temps divisée, Louis Augustin Viet, chanoine, la cédait, par acte passé le 2 prairial an III chez Me Dosne, moyennant 100 000 livres en assignats, au citoyen Ambroise Séjourné ; le vendeur tenait la maison de son propre frère, Pierre-Bernard Viet, aussi chanoine, suivant conditions stipulées entre eux et agréées par le chapitre de l'église de Paris aux termes d'un acte capitulaire du 6 avril 1785.

Le même Séjourné achetait dans la même étude, le 28 vendémiaire an V, l'hôtel voisin, dont l'adresse alors se donnait : Cloître Notre-Dame, n° 21, et où nous retrouvons deux escaliers à balustres de chêne. Dans un appartement qu'a occupé, en ces dernières années, l'abbé Montès, aumônier-général des prisons, figurent, au premier étage, des boiseries avec encadrements, cinq dessus-de-portes peints à l'huile, emblèmes des arts libéraux, et des glaces surmontées d'attributs dorés en relief, tels que triangles, livres, serpents. Des ornements du même style décoraient le rez-de-chaussée, habité depuis 1792 jusqu'au règne de Charles X par Bouilly de Dorée, ancien procureur, puis avoué. Cette propriété est encore à la disposition du petit-neveu de M. Séjourné, qui l'avait prise des héritiers Radix. Le chanoine Jacques-Louis-Radix, conseiller-clerc au parlement, la possédait lui-même en vertu d'une délibération capitulaire du 17 mai 1776, pièce en latin constatant que Devienne, chanoine, s'était démis en faveur de Radix, autorisé à jouir de la maison sa vie durant, ou jusqu'à ce qu'il fût promu à un évêché. Parmi les hoirs de ce dernier, nous remarquons Marie-Charles Radix, veuve de Jean-Baptiste Talon, mort conseiller au parlement en 1772, et elle avait pour enfants : l/ Antoine-Omer Talon, qui avait émigré, et dont, par conséquent, la part héréditaire revenait au Domaine, duquel l'avait rachetée un autre membre de la famille ; 2/ Marie-Geneviève Talon, épouse divorcée du ci-devant marquis de Villaines, exempt des gardes-du-corps ; 3/ Marie-Victoire Talon, mariée au ci-devant marquis d'Escorches de Sainte-Croix, enseigne aux gardes-françaises. Parmi les ayant-droits du défunt chanoine figurait aussi un de ses frères, Claude-Maximilien Radix de Sainte-Foix, ancien ministre plénipotentiaire de Louis XVI près du prince de Deux-Ponts, et l'émigré Malbec, un de ses neveux.

En remontant à l'origine de cette propriété Radix, ne trouverions-nous pas qu'elle n'en a fait qu'une avec le vieux manoir qui répond au 48, côté de la rue Chanoinesse, et que nous avons vu au 9 dans la rue Basse-des-Ursins ?

Le 16 se rapporte à cette résidence de Racine que nous avons restituée soigneusement à la même rue inférieure.

Le plus ancien corps-de-logis du 10, qu'on a remis à neuf, passe pour avoir servi de séjour au vindicatif chanoine Fulbert, oncle d'Héloïse. Le revenu cessa d'en être une prébende ecclésiastique lorsque l'immeuble fit retour à la Nation, substituée au chapitre, et il en était de même pour tous les immeubles du cloître, qui n'avait reçu jusque-là qu'à titre de locataires les laïques. Dans celui où nous en sommes le receveur des Consignations avait son bureau sous l'ancien régime. Ramet, ministre des finances, le fit mettre aux enchères, l'an VI, en vertu d'un arrêté pris par le Directoire exécutif.

M. de Saint-Marsault, préfet de Seine-et-Oise, dispose du 8, qui d'ancien hôtel de chanoine est devenu le siège de l'état-major des pompiers.

De l'autre côté de cette rue, qui n'est pas toujours aussi large que la porte de ses hôtels, le 19 a dans ses titres de propriété jusqu'à un édit de Charlemagne, qui accorde des immunités à tous les habitants du cloître. Des vignes y grimpent sur les murs ; une rampe de fer, jusqu'à l'ancien logement de l'abbé Gatignon. L'immeuble est dans la même famille depuis 1808.

Dans un renfoncement voici le 17, qui, comme tous les numéros dont nous venons de parler, a pu être l'une des maisons capitulaires dont le cardinal de Retz fit son quartier-général, en y rassemblant ses amis pour les opposer aux partisans de Mazarin ; mais de ce bien de main-morte canonial nous ne savons pertinemment rien d'antérieur aux dispositions légales qui l'ont émancipé en 1790.

Source : Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 121172
  • item : Débit de boisson (24 rue Chanoinesse)
  • Localisation :
    • Ile-de-France
    • Paris 04
  • Adresse : 24 rue Chanoinesse
  • Code INSEE commune : 75104
  • Code postal de la commune : 75004
  • Ordre dans la liste : 30
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : débit de boissons
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 19e siècle
    • 1er quart 19e siècle
  • Date de protection : 1984/05/23 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/06/24

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Dans l'île de la Cité. Site inscrit 06 08 1975 (arrêté) .
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :4 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • élévation
    • clôture
    • grille
    • devanture
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • Cette construction a été affectée a l'usage de : restaurant

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : 1992
  • Détails : Grille et devanture : inscription par arrêté du 23 mai 1984
  • Référence Mérimée : PA00086255

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies