Eglise Saint-Germain-l'Auxerrois

Origines, Antiquité, Histoire du monument

Parmi les deux cent quatre-vingt-quatorze églises qui formaient autrefois la couronne de l'Eglise métropolitaine de Paris, la plus ancienne, la « fille aînée de la cathédrale, » fut Saint-Germain l'Auxerrois. C'est elle aussi qui fut la première église construite sur la rive droite de la Seine, au dessous de la Cité.

Qu'elle ait été lès l'origine dédiée au grand évêque d'Auxerre, c'est ce qui est aujourd'hui incontestable. Nul n'ignore la haute vénération dont saint Germain était entouré dans les Gaules. Nul n'ignore avec quel pieux enthousiasme cet illustre docteur, délégué par le Pape et par les évêques de France pour aller combattre en Grande-Bretagne l'hérésie pélagienne, fut accueilli sur sa route par toutes les populations, et surtout par celles de Paris et des environs. Deux fois il visita ces contrées. On sortait des bourgs et des villages pour aller à la rencontre du Pontife et de son compagnon d'apostolat. On accourait pour écouter leur parole, on applaudissait à leur arrivée. On leur amenait des enfants à bénir. La scène touchante de Nanterre est présente à tous les souvenirs. Qui ne sait l'émotion du saint à la vue de la jeune et pieuse Geneviève, ses prophétiques bénédictions et cette médaille marquée d'une croix qu'il attacha au cou de l'humble enfant qui devait être sur la terre la protectrice et le salut de la Capitale naissante avant de devenir au ciel sa glorieuse et immortelle patronne !

Saint-Germain-l'Auxerrois dessin du XIXe.

Saint-Germain-l'Auxerrois dessin du XIXe.

Des liens étroits de reconnaissance et de culte entrent des lors l’Église et le peuple de Paris à saint Germain d'Auxerre. Huit siècles durant, les religieux du monastère où reposait le corps du saint Évêque envoyaient, chaque année, aux chanoines de Notre-Dame de Paris, des pains bénis portant le dessin de la médaille donnée à la vierge de Nanterre, et ces pains leur étaient remis le jour de la tête de Sainte-Geneviève, « la procession chemin faisant » précieux mémorial et du voyage de saint Germain et de ces Eulogies qu'il adressait lui-même à la sainte, en témoignage de sa paternelle affection.

Aussi, que vers l'époque de la mort du grand Évêque, les Parisiens aient élevé une chapelle en son honneur, qu'ils aient placé cette chapelle sur la route de Nanterre, et probablement en un lieu marqué par quelque station ou par quelque acte de ce Pontife ; rien de plus naturel, rien de plus conforme aux religieux usages de ce temps.

Quoi qu'il en soit, ce qui est certain, c'est que cette chapelle existait au milieu du sixième siècle et qu'elle fut ou reconstruite ou augmentée (552 à 576) sous l'épiscopat de saint Germain, Évêque de Paris (555 à 576), qui avait une profonde dévotion pour le saint dont il portait le nom. Cette chapelle servait de baptistère pour les habitants des campagnes voisines, séparés de la cité et de l'Église-mère par la Seine, dont les débordements fréquents étaient un péril et un obstacle redoutable. Ainsi que les édifices de ce genre, elle était bâtie en rotonde ; d'où lui vint le surnom de Saint-Germain-le-Rond (Sanctus Germanus Teres ou Rotundus), qu'elle portait encore sous la seconde race.

En 606, l'église baptismale est devenue basilique : elle est qualifiée de ce titre, elle est appelée basilique nouvelle dans un document très-curieux, dans le testament de saint Bertran (Bertchrarm), évêque du Mans. Ce vénérable personnage lui fait donation d'une terre située près d'Etampes et exprime le désir que le corps du bienheureux Germain y soit transporté. On remarquera dans cette charte que la fondation de la « basilique nouvelle » est attribuée au roi Chilperic.

Je n'ignore pas qu'on a discuté beaucoup sur le nom du prince qui est rapporté dans ce testament. On a lu Childebert, on a lu Chilpéric. L'une et l'autre opinion peuvent être soutenues. De nombreuses églises doivent leur fondation à ces deux rois : ils avaient tous deux une vénération singulière pour saint Germain-l'Auxerrois. Toutefois nous inclinerions plus volontiers vers Childebert ; la tradition dépose en sa faveur, et au onzième siècle notamment, la croyance générale, dans Paris, attribuait à ce roi et à son épouse Ultrogothe l'honneur de cette reconstruction.

La nouvelle basilique prit un rapide accroissement. Une école, succursale de l'école cathédrale, fut établie dans les bâtiments qui l'entouraient. Célèbre déjà du temps de saint Grégoire de Tours, elle reprit un éclat plus brillant encore lorsque le génie de Charlemagne eut ranimé le goût des études. Sa renommée a traversé les âges, a survécu aux invasions et aux bouleversements et se conserve encore aujourd'hui dans le nom donné au quai et à la place dont elle était voisine.

Veut-on des preuves directes de la splendeur de notre église et de l'importance qui s'attachait à elle ? Nous citerons d'abord le choix qui en fut fait pour y déposer le corps de saint Landry, cet évêque si dévoué et si charitable, qui vendait jusqu'aux vases sacrés de sa cathédrale pour nourrir le peuple pendant la disette, et qui a ouvert, pour les pauvres et les infirmes, ce premier asile, désigné sous le titre si chrétien d'Hôtel-Dieu.

Eglise Saint-Germain-l'Auxerrois de Gobaut, Gaspard (1814-1882).

Eglise Saint-Germain-l'Auxerrois de Gobaut, Gaspard (1814-1882).

Nous citerons encore un diplôme des dernières années de Charlemagne (811) qui appelle les députés de toutes les églises au service anniversaire d‘Etienne, comte de Paris, service qui se célébrait à l'église cathédrale, et où le clergé de Saint-Germain-l'Auxerrois a le premier rang après l'abbaye de Saint-Denis et avant tous les autres délégués.

Mais le jour des épreuves et de la désolation allait arriver. Le grand empereur, à la nouvelle de la première incursion des barbares du Nord, s'était pris à pleurer sur les désastres que ces hordes conquérantes réservaient à son empire. « Si mes ennemis ont tant d'audace pendant ma vie, que feront-ils donc après ma mort ? » disait-il. Sous le sceptre affaibli de ses tristes successeurs, les funestes prévisions de Charlemagne se réalisèrent rapidement.

Les voici venir ces audacieux pirates, ces rois de la mer (viking) lançant à l'aventure, le long des grands fleuves, leurs barques en forme de dragon (draknars). De loin retentissant les sauvages accents de leur cor d'ivoire. Ils descendent avec une joie féroce et une ardeur frénétique : les populations fuient, et une longue traînée d'incendies, de sang et de ruine les annonce et les suit. Déjà, en 841, ils avaient abordé jusqu'à Saint-Denis. En 885, ils reviennent et mettent le siège devant Paris. Tout ce qui se trouve hors de la cité, sur la rive droite, tombe en leur pouvoir : ceux des habitants de Saint-Germain-l'Auxerrois qui n'ont pu se hâter de chercher refuge dans l'enceinte fortifiée sont massacrés. L'église est envahie et transformée en tuerie : le cloître, l'école deviennent le camp de ces païens. Ils s'y établissent, ils s'y retranchant, ils en font une sorte de place-forte qu'ils entourent d'un fossé, et de là, treize mois durant, ils renouvellent leurs assauts contre la ville.

Le courage du comte Eude, de l'évêque Gozlin et de son neveu Ebbles, abbé de Saint-Germain-des-Prés, parvient enfin à repousser Sigefried et ses bandits. Ils s'éloignent, abandonnant leur campement, mais laissant derrière eux la basilique dévastée.

Ces ruines ne devaient être relevées qu'un siècle plus tard : on voit bien l'empereur Charles-le-Chauve faire rétablir sur le territoire de l'antique « monastère » un pont fortifié pour prévenir une incursion nouvelle. Mais ce ne sont là que des précautions militaires : le temps de la sécurité et des réédifications n'était pas venu.

Cependant, peu à peu, le rivage s'était repeuplé. Après le chaos du dixième siècle, l'ordre et le calme renaissaient. Un roi pieux, juste, charitable, inaugurait une race nouvelle. Fils du premier Capétien, élève du grand Pape Sylvestre ll, Robert, si généreux qu'il nourrissait jusqu'à mille pauvres par jour, si dévoué à l'Eglise qu'il se soumettait humblement à la plus pénible des censures, restaurait les monastères, s'en allait à Rome pour faire le pèlerinage des saints Apôtres et composait des hymnes en l'honneur des martyrs et des saints ; ami éclairé des lettres et des arts, le «bon roi Robert » enfin, ne put laisser les habitants de cette partie de la rive droite sans sanctuaire, sans école, sans cloître.

Il s'entendit avec l'évêque de Paris ; fit bâtir une église, l'entoura des bâtiments nécessaires et y fonda un chapitre de chanoines. Tout fut achevé durant sa vie : la collation des prébendes de sainte Opportune fut accordée à la collégiale restaurée (I030), et le roi prenait plaisir à assister aux progrès des études rétablies par les soins des chanoines et à se mêler au chœur parmi les chantres.

Statue de la reine Ultrogothe, tirée du portail de Saint-Germain-l'Auxerrois de la ville de ParisRobert était savant : il voulut rendre témoignage en faveur de celui de ses prédécesseurs dont le nom se rattachait à l'origine de Saint-Germain-l'Auxerrois. Deux statues représentant Childebert et Ultrogothe furent placées sur le portail, et une inscription indiqua que ce roi et cette reine étaient les premiers fondateurs de la basilique.

Avec la suite des temps, avec l'immense étendue du territoire de la Collégiale, les constructions du neuvième siècle devinrent insuffisantes. Il fallut réédifier un nouveau temple ; cette œuvre fut entreprise vers 1250. Elle ne se termina pas promptement. Les caractères archéologiques de l'église et les diverses chartes de fondation des chapelles témoignent que les travaux durèrent du treizième au quinzième siècle. C'est au commencement de cette période qu'il faut reporter l'élévation de la nef, l'achèvement du chœur et du portail. Le ravalement et les sculptures de cette partie de l'édifice ont été terminés dans le courant du seizième siècle.

Certainement, l'église était livrée au culte à l'époque de l'invasion anglaise et de l'occupation de Paris, puisque le duc de Bedfort, se disant régent du royaume de France, la choisit pour servir de station au clergé, au Parlement, au corps de ville et a la population, dans une procession d'actions de grâce ordonnée par lui à la suite de la bataille de Crevant, si désastreuse pour le roi Charles VII et pour la France (1423).

Un peu plus tard, le porche extérieur, cet attribut rare aujourd'hui et dont aucune église de Paris n'offre l'analogue, le porche qui a été récemment décoré avec tant de magnificence et de soins, fut bâti par Jean Gaussel, maître de l'œuvre de l'église, aux frais de l'œuvre et des paroissiens.

Ce n'est pas tout : le seizième siècle, avec ses flamboyantes découpures, la renaissance avec ses ressouvenirs de paganisme, le dix huitième siècle avec sa barbarie et son vandalisme devaient tour à tour laisser à Saint-Germain-l'Auxerrois des traces de leur passage.

Pour agrandir l'église ogivale, on recula les chapelles qui occupaient le second collatéral et on les repoussa jusqu'entre les contreforts extérieurs. Cette opération se fit de 1559 à 1580 : c'est à elle que l'on doit les anciennes chapelles de Saint-Charlemagne, de Saint-Etienne et de la Sainte-Vierge. Dans cette dernière, les nervures de la voûte au-dessus de l'autel seulement ; dans la nef, les ornements placés au-dessus des meneaux ; dans le transept, les deux extrémités d'une fenêtre, les deux portails latéraux ; au grand portail la rose et la partie supérieure ; enfin la balustrade qui entoure le monument, tout cela est du seizième siècle.

La renaissance s'accuse déjà dans la petite porte Sainte-Aune au rond-point nord-est : elle se trahit dans le remaniement et la retaille de plusieurs piliers. C'est le signal de la décadence.

Cette décadence devait être lamentable. On ne saurait se figurer quel désastreux oubli des traditions, quel mépris des beautés de l'art chrétien, quelle détestable manie de transformation et de changement dominait alors les esprits. Il faut le dire avec tristesse, le clergé ne sut pas plus que les laïques se garantir de cette déplorable maladie, née du paganisme, du jansénisme et du philosophisme.

En 1700 et en 1728, le chapitre commence lui-même la dévastation.

La grande porte était séparée par un pilier auquel était adossée une statue remarquable représentant le premier patron de la basilique. Cette porte, sous laquelle s'étaient développées les plus belles cérémonies des âges de foi, parut trop mesquine, trop simple, trop étroite. Le pilier fut abattu, la statue renversée et couchée en terre sous les dalles du parvis.

L'église avait dans la nef de belles verrières qui représentaient les miracles opérés lors de la translation de saint Vincent. Le jour mystérieux qui favorisait la piété de nos aïeux ne suffisait plus au chapitre. il fit enlever les vitraux. La riche voûte d'azur. semée d'étoiles et de fleurs de lis d'or qui réjouissait les regards de nos aïeux et témoignait de la dignité de leur paroisse ; les couleurs variées qui faisaient ressortir les nervures et ornaient les piliers, semblèrent bien « gothiques » comme on disait alors, et le goût si délicat des contemporains de la Régence, les voila sous les couches d'un épais badigeon.

Bientôt était-ce une sorte de châtiment de ces dégradations ? le chapitre est supprimé. Il est réuni a celui de la métropole en 1744. Saint-Germain n'est plus collégiale : au lieu de son doyen, de ses chanoines et d'un vicaire perpétuel, elle a un curé en titre. Les paroissiens prennent une part directe à son administration. Elle a ses marguilliers comme les autres églises de Paris.

Hélas ! à peine ces nouveaux « fabriciens» sont-ils installés, qu'aussitôt ils se mettent à ravager leur église. L'illustre Pierre Lescot, cet abbé de Clagny, ce chanoine de Notre-Dame, architecte habile entre tous, avait élevé un magnifique jubé, et Jean Goujon, le prince des sculpteurs de la Renaissance, l'avait décoré de ses mains. Les marguilliers le font abattre ; ni le génie, ni l'art, ne trouvent grâce devant eux (1745). Dans leur véritable rage de destruction, ils vont plus loin encore. Ne pouvant ruiner le monument, ils le défigureront. Tout ce qui rappelle l'antiquité, l'art, la piété, tout cela est condamné. A l'oeuvre les maçons et les démolisseurs ! Voici l'architecte Bacarit, voici l'entrepreneur Goupy : ces noms doivent être livrés aux vengeances de l'histoire. Qu'on écoute leurs exploits. (1747).

Malgré les outrages précédents, le chœur avait encore le caractère pur et pieux du treizième siècle : il restait encore quelques verrières et quelques rosaces. Les piliers, on les entaille, on les creuse par de pitoyables cannelures : les colonnettes, on les coupe et on les fait retomber à faux sur d'ignobles consoles ; les chapiteaux, on les remplace par des guirlandes de fleurs et de fruits ; les vitraux, on les enlève ; les nervures, on les tranche ; et de cette mutilation il sort je ne sais quel bâtard et monstrueux assemblage qui n'a de nom dans aucune langue, et qui n'offre aux regards que le spectacle d'une œuvre déshonorée et torturée à plaisir par l'ignorance et le mauvais goût.

Une flèche de pierre à quadruple clocheton surmontait la vieille tour, dont les premières assises sont contemporaines du roi Robert. La flèche est jetée à bas, et la tour découronnée reçoit une mesquine et misérable balustrade !

La statue de l'archange saint Michel dominait le pignon du grand portail. Elle est détruite et remplacée par... une girouette !

Après toutes ces merveilles, il se rencontre un écrivain pour dire : « M. Bacarit a trouvé dans son génie le moyen de détruire le gothique informe de Saint-Germain-l'Auxerrois, en conservant un exact rapport avec le reste de l'édifice. » L'ouvrage de ce panégyriste a en six éditions !

Bien plus, l'académie de peinture s'associe à cette barbarie, et une commission officielle de cinq de ses membres visite, approuve et exalte l'œuvre et l'artisan ! En vérité, si un tel vandalisme n'était pas si odieux, il serait cruellement ridicule ! Ce n'est pas tout encore. En 1792, on transporta à Saint-Germain l'orgue de Saint-Honoré et celui de la Sainte-Chapelle. Nouvelle cause de désastres. Pour placer la soufflerie de cet instrument, on n'hésita pas à démolir la magnifique rose du portail et a construire a l'extérieur l'ignoble cabane qui a pendant tant d'années affligé tous les regards et souillé la façade de l'église.

Voila l'état dans lequel le dix-huitième siècle légua l'antique collégiale aux temps révolutionnaires. Deux dates funèbres vont encore ajouter à tant d'outrages, de spoliations et de ruines : 1793 et 1831.

1793 transforma l'Eglise dévastée en fabrique de salpêtre. Les théophilantropes continuèrent la profanation en y établissant leur orgueilleux et risible culte (1795).

L'acte mémorable du Concordat fit rendre Saint-Germain au catholicisme en 1802. De 1802 à 1830, elle reçut les dispositions absolument indispensables pour la célébration décente des saints mystères, et la piété des princes lui restitua une partie de sa splendeur. Mais on n'avait pas encore réappris le respect et l'admiration pour les travaux des âges chrétiens, et aucune des injures du siècle précédent ne fut réparée.

Survint la révolution de 1830. Insurrection contre l'Église autant que contre l'autorité royale ; elle déchaîna les plus détestables passions ; et la rage des impies éclata le 13 février 1831. On sait les détails de cette hideuse journée où Paris mêla les scandaleuses folies du carnaval aux infamies du sacrilège et de la dévastation. La garde nationale, assistant impassible aux scènes hideuses de désordre et de destruction ; les forçats libérés exécutant les vengeances et obéissant aux excitations de bourgeois révolutionnaires ; la presse conservatrice applaudissant ; l'autorité indifférente ou complice ; les croix abattues ; les ornements sacrés jetés à la rivière ; l‘archevêché saccagé ; les tabernacles profanés ; les boiseries, les autels, les lustres, les tableaux mis en pièces avec un acharnement impitoyable, les tombeaux violés, les ossements des morts exhumés et servant de jouet à une multitude ivre et forcenée ! Tel fut le spectacle de ce triomphe abominable de la barbarie civilisée. En quelques heures les vandales de 1793 étaient surpassés par les vandales de 1831 !

L'église désolée fut fermée : un écriteau l'indiqua comme « mairie du 6° arrondissement, » et le clergé et les fidèles reçurent à Saint-Eustache une pieuse et fraternelle hospitalité.

Front du 4ème arrondissement (division de 1796 à 1860). Place Saint-Germain l'Auxerrois, 1834 ; estampe de Potémont.

Front du 4ème arrondissement (division de 1796 à 1860). Place Saint-Germain l'Auxerrois, 1834 ; estampe de Potémont.

Le gouvernement songea d'abord à la faire démolir : cette pensée souleva les plus énergiques et les plus éloquentes protestations. Le préfet de la Seine loua l'édifice profane à un constructeur de ballons aérostatiques, qui y installa ses ateliers pendant quelques mois.

Cependant l'opinion publique se plaignait hautement. L'autorité diocésaine multipliait ses réclamations : un moment, et en présence de l'héroïsme du clergé pendant le choléra (1832), on put croire que le scandale allait cesser. Mais ces intentions favorables furent paralysées, et il fallut attendre.

Enfin une pensée de remords et de justice entra dans les conseils du gouvernement, et le 13 mai 1837 une ordonnance rendit au culte la royale basilique. Le soir, a huit heures, aux flambeaux, Mgr de Quélen pénétra dans l'église dévastée et fit la cérémonie de la réconciliation ; et le lendemain, jour de la Pentecôte, une première messe basse fut célébrée sur l'autel relevé à la hâte.

Une foule immense de fidèles était accourue pour se réjouir de cet acte de réparation. C'était un aspect émouvant jusqu'aux larmes que ce sanctuaire désolé, ces vitraux brisés à travers lesquels passaient les sifflements du vent, ces autels dépouillés, ce monceau de ruines, ces pavés détachés et ces tombes entrouvertes. Mais au milieu de ce désastre les regards se portaient avec une profonde admiration sur la seule statue qui fût restée debout, sur le seul signe sacré qui eût échappé aux ravages des barbares. C'était l'image de la très-Sainte-Vierge. Autour d'elle, tout avait volé en éclats : le retable placé derrière était en pièces, les murailles étaient labourées de coups de sabre et de coups de marteau. Seule elle était intacte : la couronne qui ornait son front et celle du divin Enfant, les grappes de raisin offertes en ex-voto n'avaient pas été touchées. La Vierge souriait a ses enfants recouvrés, et ce fut parmi les fidèles un élan de joie et de reconnaissance : ce fut un vrai triomphe et un présage d'allégresse et d'espérance.

En effet, la vieille basilique allait sortir de ses cendres, et « sa jeunesse allait se renouveler comme celle de l'aigle. »

Le conseil municipal de Paris, l'Etat, la couronne, prirent a tâche de rendre au monument sa dignité et son éclat, et de faire disparaître la trace de ses jours néfastes. Des sommes considérables y furent employées avec un zèle et une générosité dignes des plus grands éloges. Et tout ce que le talent de nos architectes et de nos sculpteurs peut offrir fut consacré à cette belle œuvre, qui sera un honneur pour notre temps et pour notre cité.

Telles sont les vicissitudes diverses qui ont marqué l'histoire du royal sanctuaire.

Mais ce n'est là encore qu'un des aspects sous lesquels nous devons en esquisser le tableau. Il faut voir maintenant quelles étaient dans le passé l'étendue et la splendeur de la noble collégiale.

Dessin de l'intérieur de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois

Dessin de l'intérieur de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois du XIXe siècle.

Étendue de son territoire et de sa juridiction, Son chapitre, Ses principaux usages.

Quand on jette aujourd'hui les regards sur la capitale, on ne se fait guère une idée de ce qu'elle était, non-seulement aux jours de son origine, mais même dans les temps plus voisins de nous. Et si on a quelque peine a reconstruire part imagination et par la science les anciens quartiers et les vieilles demeures, ce travail est plus difficile pour le territoire de Saint-Germain que pour tout autre, tant il a été remué, bouleversé transtormé d'âge en âge. Nulle part peut être le temps et les hommes n'ont plus laborieusement tracé leur infatigable sillon.

En effet, de toutes les paroisses de Paris, Saint-Germain a été celle qui possédait la plus vaste étendue ; elle l'a vue successivement diminuer, et les terrains qui lui restent ont été et sont encore le théâtre des plus grandes entreprises de démolition et de reconstruction.

Formé d'abord de terres appartenant à la juridiction de l'évêque de Paris, qui y avait sa prison (le For-l'évêque), sa maison de campagne (la Ville-l'évêque), un port qu'on appelait de son nom le Port-l'évêque ; le territoire primitif de la a grande paroisse, comme on disait, se composait du bourg de Saint-Germain, nommé aussi bourg l'évêque, et d'une immense circonscription parsemée de villa, de bourgs, de bois, de marais et de terres en culture. Ses limites commençaient en un lieu dit la Croix penchante, à moitié chemin de Saint-Denis ; elles descendaient au Grand-Châlelet, et depuis cette forteresse suivaient la rive droite de la Seine jusqu'auprès de Saint-Cloud.

D'abord peu habité, sauf ce qui était enclavé dans la ville de Paris, ruiné ensuite, comme nous l'avons dit, par l'invasion des Normands, ce vaste district se repeupla assez rapidement après que la terreur des hommes du Nord et les frayeurs de l'an mil furent passées. Il fallut même bientôt pourvoir par des dénombrements successifs aux besoins religieux des populations. Ainsi déjà vers les années 890 à 900, la collégiale de Sainte-Opportune avait été fondée à l'extrémité de la paroisse du côté de la ville. La basilique de Saint-Germain y avait consenti à la condition de conserver un droit de patronage et de nomination aux prébendes du nouveau chapitre.

En 1060, on voit qu'il existait un vieux et un nouveau bourg ou Saint-Germain ; le village du Roule s'était formé ; il y avait des fermes à la Grange Bataillère, et tout auprès une sorte de champ de manœuvres destiné aux exercices militaires.

Avec le douzième et surtout avec le treizième siècle, les démembrements se multiplient, mais le chapitre de Saint-Germain, s'il cède aux justes vœux des peuples ou aux demandes des rois et des seigneurs, réserve avec soin le titre et l'honneur de son antique juridiction et de son illustre patronage.

Ainsi, quand les bourgeois, voisins du Châtelet, bâtissent l'église de Saint-Leufroy, les chanoines gardent l'élection du curé (1113). La collégiale de Saint-Thomas-du-Louvre (1187) ne s'érige qu'avec leur consentement, et lorsque l'église d'Auteuil, près Paris, devient paroisse, une charte de l'évêque (1192), Maurice de Sully, leur confirme la collation de ce bénéfice dont le territoire leur avait été donné par le pieux roi Robert. Il en est de même pour la paroisse de Saint-Landry en la Cité (1192) ; pour la collégiale de Saint Honoré, instituée de 1201 à 1209, par Benold de Cherey ; pour la paroisse de Saint-Sauveur, anciennement nommée chapelle de la Tour ; pour l'hospice des XV-XX, créé par saint Louis sur son territoire (1260) ; pour la paroisse de Boulogne, près Saint-Cloud (1343), à laquelle l'évêque et le chapitre nommaient alternativement ; et enfin pour les trois plus grandes et plus riches églises de la rive droite, Saint-Eustache, la Madeleine et Saint-Roch.

Un mot sur chacune de ces filles de Saint-Germain, dont la splendeur contraste tant aujourd'hui avec la pauvreté de leur mère.

En 1213, il existait, sur les confins de la paroisse de Saint-Germain, une petite chapelle dédiée à sainte Agnès, et dont le souvenir est gardé, dit-on, dans une crypte située à la partie orientale de l'église actuelle. Cette petite chapelle était sous la dépendance du doyen de Saint-Germain. Dix ans après (1223), une autre chapelle y tut jointe ; elle était construite sous le vocable de saint Eustathe saint « Huistace, » comme on écrivait en 1312, saint Eustache, comme nous disons aujourd'hui. Ce dernier patron a prévalu. En 1257, le vicaire qui l'administrait voulut prendre le titre de curé ; le chapitre de Saint-Germain s'y opposa, et l'érection n'eut lieu que sons la réserve de tous ses droits.

Les origines de la Madeleine datent de cette même époque. Elle était chapelle du bourg de la Ville-l'évêque, et lorsqu'elle devint paroisse, en 1238, le doyen de Saint-Germain garda le pouvoir d'aller y officier solennellement le jour de la fête patronale, en signe authentique de la conservation de sa juridiction.

Quant à Saint-Roch, il faut descendre jusqu'au seizième siècle pour en trouver la fondation. L'official de Paris avait autorisé l'érection de la chapelle des Cinq-Plaies en paroisse. Cette chapelle dépendait de Saint-Germain. Le doyen réclama, comme c'était justice. La contestation dura de longues années : la paroisse ne fut érigée qu'en 1629, après l'acquisition de l'hôtel de Gaillon (I622), sur le terrain duquel s'éleva l'église actuelle, et la nomination du curé demeura acquise au chapitre.

Ajoutons enfin, comme dernier démembrement, la création de la paroisse de Passy, près Paris, qui, en 1672, fut distraite de la cure d'Auteuil, et dont le pasteur resta à l'élection du chapitre, lequel venait, chaque année, célébrer dans l'église nouvelle la fête patronale de l'Annonciation.

Mais il est à remarquer que toutes ces créations ne détruisaient pas le droit et le pouvoir de la collégiale. Car il est constant que, sous François Ier, sa juridiction comprenait tout l'espace couvert d'églises, de monastères, d'hôpitaux, de cimetières, de rues, d'hôtels et de labours, depuis le pont Notre-Dame jusqu'à Saint-Cloud en longueur, et en largeur, à partir du même pont, sur une ligne qui suivait la rue des Lombards, du côté de l'hôpital Sainte-Catherine, les rues de la Ferronnerie, Saint-Honoré et faubourg Saint-Honoré, le Roule, Chaillot, Passy et Boulogne jusqu'à la rivière.

On comprend maintenant et ce titre de « Grande-Paroisse » attribué à Saint-Germain-l'Auxerrois, et le rang éminent et la haute distinction qui environnaient son chapitre.

Paris: Le Pont Neuf et l'Eglise Saint Germain l'Auxerrois.

Le personnel de la collégiale répondait, du reste, à cette renommée. D'après une Bulle d'lnnocent III, on voit qu'en 1207, il se composait d'un doyen, de douze chanoines-prébendiers, d'un diacre et d'un sous-diacre ayant chacun une demi-prébende.

Quelque temps après, à l'époque de sa plus remarquable splendeur, le chapitre comptait un doyen, quatorze chanoines, quatre hauts-vicaires, ayant séance aux stalles hautes, et quatre bas-vicaires, séant aux stalles basses ; douze chantres-prêtres, douze chapelains, deux clercs-prêtres-margnilliers, un greffier du chapitre, un chapelain ponctueur, un receveur canonial ; le chœur était érigé par un maître de chapelle, et huit enfants y étaient attachés et recevaient l'éducation dans les bâtiments de l'église. Deux bedeaux étaient affectés au service du chœur.

La paroisse, qui faisait un corps distinct, quoique dépendant, était desservie par un vicaire perpétuel du chapitre, qui recevait le titre de curé et prenait rang après le dernier chanoine, et par cinquante ou soixante prêtres habitués. Un clerc-prêtre était chargé de tout ce qui regardait le service des prédicateurs ; un autre avait la garde des reliques et des ornements de la paroisse. Six bedeaux faisaient les bas offices, et trois laïques marguilliers étaient adjoints à l'administration temporelle.

A cette pompe ecclésiastique, il faut encore ajouter une garde de sûreté, prise parmi les bourgeois de son territoire ; et même dans le douzième et le treizième siècle, de nobles seigneurs, qui se faisaient gloire de s'appeler les avoués, les chevaliers de Saint-Germain-l'Auxerrois.

Un dernier trait complétera ce tableau : il ne s'agit plus ici que de la paroisse proprement dite, enclavée dans la ville de Paris. Voici quelques chiffres qui vont établir son importance. Ce sont des extraits d'anciens rôles de contributions.

Les cartulaires de l'église ont conservé les rôles de plusieurs tailles levées sur les bourgeois et habitants de Paris en 1292 et 1313, sous Philippe-le-Bel : en 1389, à l'entrée d'Isabeau de Bavière ; en 1501 et 1504, aux deux entrées de la reine Anne de Bretagne.

En 1292, Saint-Germain figure pour un total de 2,257 contribuables et de 2,303 liv. 4 sous.

En 1313, nouvel impôt : «Taille des dis mile liures deus au roy nostre sires pour la chevalerie le roy de Nauarre son ainsne filz. » Cette taille levée à l'occasion de la réception comme chevalier du fils aîné de Philippe aurait fait une somme d'un million cent dix mille livres de notre monnaie. Saint-Germain fournit 2,361 liv. VIII s. 1 denier. C'est la plus forte contribution après celle de la paroisse Saint-Jacques-de-la-Boucherie.

Telle était la puissance de la célèbre Collégiale.

Cet éclat était rehaussé par la magnificence des cérémonies, par la richesse des ornements, par la possession de reliques insignes, par la perpétuité de pieux et touchants usages, par la gloire des souvenirs historiques. On nous permettra d'en rappeler rapidement quelques exemples.

Le clergé de Saint-Germain, nous l'avons vu, avait déjà, du temps de Charlemagne, la préséance sur tous ceux des églises de Paris : le chapitre de Notre-Dame et l'abbaye de Saint-Denis étaient seuls placés avant lui. Ce rang lui fut constamment réservé, et quand le chapitre fut supprimé, en 1741, ses membres rentrèrent de plein droit dans le chapitre métropolitain. La fille retournait au sein de sa mère.

On sait la réputation de ses écoles : les historiens du temps de Henri II la rappellent comme ceux du temps de Charlemagne, comme ceux du temps de Chilpéric. En 1198, une prébende de chanoine est établie par l'évêque Eudes de Sully pour veiller spécialement à l'éducation des enfants de chœur.

Le chant y était l'objet d'une application particulière, et la chapelle avait une réputation méritée qu'elle possédait encore en 1790.

Les cérémonies y étaient splendides. On y remarquait des usages dont les uns rappelaient l'église cathédrale, dont les autres sont empreints d'une profonde piété. Ainsi, comme a Notre-Dame, le jour de la Pentecôte, au moment où le célébrant entonnait le Venti Creator, une colombe blanche, symbole de l'Esprit saint, volait vers l'autel. Le même jour, pendant l'épître, des étoupes enflammées figurant les langues de feu, descendaient de la voûte.

Puis, pendant la nuit de Noël, une simple et naïve représentation de la crèche de Bethléem attirait autour d'elle une foule empressée de vénérer la « Gésine de Notre-Dame. » Le jour de Pâques, les saintes huiles renfermées dans un vase d'or étaient exposées sur un autel latéral à la vénération des fidèles. Les fiançailles se célébraient sous le porche ; et, lors de la communion, un diacre ou un acolyte suivait le prêtre et distribuait après la sainte Eucharistie un peu de vin dans une coupe. La procession de la Fête-Dieu ou du Corpus Domini s'y faisait avec une rare magnificence, et on y voyait figurer des scènes ou mystères de I'Ancien et du Nouveau-Testament. Et à tous les jours de fête une sonnerie de huit cloches jetait dans les airs ses joyeuses et solennelles volées.

Des reliques notables ornaient son trésor, et le jour de l'Ascension elles étaient toutes offertes aux hommages du peuple : ces précieux restes étaient de saint Germain-d'Auxerre, de saint Landry, évêque de Paris, de saint Pierre, de saint Jacques, de saint Vincent, de sainte Avoye.

Enfin le chapitre jouissait d'un beau privilège : lorsque le Saint des saints sortait de son temple et passait devant la prison du Châtelet et devant le For-l'évêque, l'officiant entrait dans ces lieux de désolation et y délivrait quelques captifs en l'honneur de Celui qui a racheté le genre humain.

Terminons par un fait qui est une des gloires de l'Eglise de France et de notre Collégiale : c'est le chapitre de Saint-Germain qui donna, l'un des premiers, le noble exemple de l'affranchissement de ses serfs : une charte de liberté ou de mana-mission, émanée de son doyen, précède d'un demi-siècle l'édit d'affranchissement que Louis-le-Hutin (Louis X, 1315) rendit en faveur des serfs du domaine de la Couronne.

Il nous reste maintenant à appeler l'attention sur le titre spécial qui a été de tout temps l'un des plus glorieux attributs de la basilique : celui de paroisse des rois de France. A ce titre, on peut dire que l'histoire de Saint-Germain est une partie et comme le résumé de notre histoire nationale.

Paroisse Royale

Statue du roi Childebert Ier, tirée du portail de Saint-Germain-l'Auxerrois de la ville de Paris.Le grand nom de l'évêque d‘Auxerre apparaît à l'aurore de notre monarchie, comme l'un de ceux que la reconnaissance et la piété

des races royales invoquait avec la plus entière confiance. Saint Germain partageait avec saint Martin le protectorat de la patrie. « Dans toutes nos calamités, disait l'Eglise de Paris, nous avons tant de fois éprouvé le secours et l'assistance du bienheureux Germain, que nous le tenons pour le protecteur de la France entière. » Les plus anciennes liturgies le célèbrent comme un « homme apostolique, vir apostolicus, » et le jour de sa fête est nommé a vénérable et sublime.

C'est à lui que la pieuse et sainte reine Clotilde, se rendant à Soissons pour épouser Clovis, demande la conversion de son barbare et royal époux (492) ; c'est à lui qu'elle fait vœu d'élever une basilique, et c'est sous sa tutelle spéciale qu'elle place et sa couronne et sa famille. Inaugurée par l'illustre reine à qui, après Dieu, le royaume de France doit d'être devenu le royaume très-chrétien, la dévotion des souverains envers saint Germain s'accrut et se perpétua d'âge en âge. La fondation de la basilique de Childebert, à Paris, en est la preuve.

Plus tard, à Auxerre, Clother II et la reine Ingonde, sa femme, offrent de riches présents au tombeau vénéré du grand Apôtre, a ce tombeau, où saint Grégoire de Tours et saint Avitus avaient fait leur pèlerinage et près duquel ils « respirèrent un parfum de lis et de roses, bien qu'on fût au mois de novembre.»

Charles-le-Chauve va, par deux fois, au milieu des douleurs et des angoisses de l'invasion, invoquer le saint ; il assiste à la translation de son corps sacré ; lui-même et son fils, Louis-le-Bègue, se fon honneur de porter sur leurs épaules la châsse qui contient les précieux restes (841-859).

Après les deux premières races, les Capétiens rivalisent encore de zèle et d'hommages. On a vu. les marques éclatantes de la vénération du roi Robert. En érigeant la Collégiale, il lui confirma son titre d'église royale. qu'elle tenait de Childebert. Elle n'a pas cessé depuis lors de posséder ce privilège.

Un lien plus étroit, en effet, allait lui rattacher la demeure de nos rois. Philippe-Auguste avait choisi, sur le territoire de Saint-Germain, l'emplacement du château du Louvre. Le sentiment d'une profonde et religieuse reconnaissance n'était pas étranger à ce choix. Dans la grande lutte qu'il venait d'entamer contre les Flamands et contre l'empire Germanique, le jour de cette mémorable bataille de Bovines, où allaient se jouer le sort de la couronne et l'indépendance de la patrie, le roi, s'humiliant au pied des autels, avait invoqué dans sa ferveur les illustres patrons de son peuple, saint Denis et saint Germain (27 juillet 1214). On sait les prodiges de valeur que les chevaliers et les communes déployèrent à l'envi : on sait le triomphe de nos armes. Le vainqueur et la France entière se plurent à en reporter l'honneur sur l'intercession des deux grands évêques, et la tradition a conservé le souvenir d'une apparition de saint Germain qui annonçait lui-même le succès de la journée. Aussi, le roi tint-il à élever sa résidence près de l'église qui était consacrée a ce grand saint, et lorsqu'en 1222 il stipula avec Guillaume de Seignelay, évêque de Paris, les conditions de l'achat des terrains sur lesquels fut construite la maîtresse tour, il affecta, par le traité, une partie de l'indemnité à la Collégiale. Ce traité solennel fut, pour la basilique, une confirmation nouvelle de son titre de paroisse royale.

A partir de cette époque, les actes de la vie religieuse des princes et princesses se célébreront dans l'enceinte de l'église et seront attestés par ses registres. Et de même, d'importantes, de magnifiques cérémonies, où interviendront les hauts dignitaires de l'Etat, développeront leur pompe sous ses nobles arceaux.

Quelques dates formeront, durant près de six siècles, une série non interrompue.

Ainsi, en 1313, le fils posthume de Louis X, le petit roi Jean, qui ne vécut que huit jours, fut baptisé à Saint-Germain ; de même, eu 1389, pour Isabelle de France, fille de Charles VI et d'Isabeau de Bavière ; et, en 1573, pour Marie-Isabelle de France, fille de Charles IX et d'Elisabeth d'Autriche. En 1820, le curé de Saint-Germain-l'Auxerrois est appelé aux Tuileries pour assister à l'Ondoiement de S. A. R. Mgr le duc de Bordeaux, et l'acte est transcrit sur les registres de la paroisse. Le 24 août 1838 et le 2 mai 1841, les mêmes formes sont employées pour l'ondoiement et le baptême du comte de Paris.

Conservons religieusement ici et avec une vénération profonde le souvenir d'un des plus beaux jours de la vie de cette auguste et sainte femme, victime de nos discordes et de nos révolutions, que la France, l'Europe et l'Eglise pleurent aujourd'hui, et dont la vertu n'a été égalée que par les infortunes.

Le 6 avril 1790, Marie-Thérèse de France, la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, confondue au milieu des autres jeunes filles de la paroisse royale, faisait sa première communion à Saint-Germain-l'Auxerrois. Dans cette habitation des Tuileries, où le roi était déjà captif, « Madame Royale » avait reçu de sa mère, de sa tante, de son père, les solides enseignements et les doux et austères exemples de la foi. Voici les prophétiques et touchantes paroles par lesquelles le petit-fils de saint Louis couronnait cette chrétienne éducation, en bénissant sa fille, le matin, avant de l'envoyer à la Basilique :

« C'est du fond de mon cœur, ma fille, que je vous bénis, demandant au ciel qu'il vous fasse la grâce de bien apprécier la grande action que vous allez faire. Votre cœur est innocent et pur aux yeux de Dieu, vos vœux doivent lui être agréables ; offrez-les-lui pour votre mère et pour moi. Demandez-lui qu'il me donne les grâces nécessaires pour faire le bonheur de ceux sur lesquels il m'a donné l'empire, et que je dois considérer comme mes enfants. Demandez lui qu'il daigne conserver dans ce royaume, la pureté de la religion. et souvenez-vous bien, ma fille, que cette sainte religion est la source du bonheur, et notre soutien dans les adversités de la vie. Ne croyez pas que vous en soyez à l'abri : vous êtes bien jeune, mais vous avez vu votre père affligé plus d'une fois. Vous ne savez pas, ma fille, à quoi la Providence vous destine, si vous resterez dans ce royaume ou si vous irez en habiter un autre. Dans quelque lieu que la main divine vous pose, souvenez-vous que vous devez édifier par vos exemples, faire le bien toutes les fois que vous en trouverez l'occasion. Mais surtout, mon enfant, soulagez les malheureux de tout votre pouvoir : Dieu ne nous a fait naître dans le rang où nous sommes, que pour travailler à leur bonheur et les consoler dans leurs peines. Allez aux autels où vous êtes attendue, et conjurez le Dieu de miséricorde de ne vous laisser oublier jamais les avis d'un père tendre. »

Quel spectacle! Celui qui devait être le roi-martyr frappé déjà par les sombres pressentiments d'un avenir que révélaient trop cruellement d'odieux attentats, étendant sa main paternelle sur celle qui devait être l'héroïne du Temple, et la fortifiant par avance contre les coups de l'adversité ! Louis XVI, à la veille de la funeste constitution civile du clergé, offrant en quelque sorte les prières de cette âme d'enfant si candide et si pure, comme un holocauste de propitiation destiné à préserver la religion en France des horreurs du schisme et de la persécution ! Le monarque, abreuvé déjà de si détestables ingratitudes, faisant intercéder sa fille pour le bien de ce peuple qui l'outrageait avant de le conduire à la mort, et ne trouvant dans son cœur ulcéré, que les accents de la charité, de la générosité, de la pitié pour les malheureux ! Ah ! certes, c'étaient des trésors d'énergie et de courage dont elle allait avoir besoin, la jeune et pieuse princesse qui, pour la première fois, recevait le pain des forts. Aux Tuileries, au Temple, sur les marches du trône, pendant sa royauté d'une heure, et dans son triple exil, que ne lui a-t-il pas fallu de mâle vertu, d'incomparable résignation, de calme sérénité d'âme, d'abandon absolu en Dieu ? Eh bien ! aujourd'hui, après soixante-douze années exposées à des vicissitudes inouïes, que près de la tombe à peine fermée de Marie-Thérèse, on relise les paroles de cette matinée du 6 avril, on ne pourra s'empêcher de remarquer avec admiration combien la fille de Louis XVI est demeurée fidèle aux conseils de son père. Et ce témoignage de l'histoire sera peut-être le plus bel éloge de cette vie si grande par la majesté du malheur et de la sainteté, qui se résume en ces deux mots : « Elle a tout souffert, et elle a tout pardonné ! »

Faisons trêve aux impressions qui nous assiègent et reprenons l'étude d'un passé moins rempli d'émotions.

Il n'était pas une grande cérémonie, une fête nationale qui namenât à Saint-Germain le roi, les princes, les grands officiers de la Couronne. ll n'y avait pas une solennelle procession que Saint-Germain n'y prit une part privilégiée. Nous ne saurions nous représenter l'attrait si religieux et si profond que ressentaient nos pères pour ces splendides déploiements des pompes de notre culte, pour ces hommages publics de confiance et de vénération, rendus aux restes sacrés des confesseurs et des martyrs, dont les chasses étaient solennellement portées à travers la ville. (...)

Source : Notice sur l'église royale et paroissiale de Saint-Germain l'Auxerrois par Henry Camusat de Riancey.

photo pour Eglise Saint-Germain-l'Auxerrois

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 120897
  • item : Eglise Saint-Germain-l'Auxerrois
  • Localisation :
    • Ile-de-France
    • Paris 01
  • Code INSEE commune : 75101
  • Code postal de la commune : 75001
  • Ordre dans la liste : 49
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Type d'enregistrement : site inscrit
  • Date de protection : 1862 : classé MH
  • Date de versement : 1993/06/24

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site inscrit 06 08 1975 (arrêté). 18 04 1914 (J.O.). 23 05 1923 (Certificat).
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : e298b460dc87115efd0e6a69736e4b18.jpg
  • Détails : Eglise Saint-Germain-l' Auxerrois : classement par liste de 1862
  • Référence Mérimée : PA00085796

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies