photo : Petite Jeanne
Trye-chateau, Trye-Château et mieux Trie-Château (Castrum de tria) est un joli village, situé à 28 kilomètres de Beauvais, au confluent de la Troësne et de l'Aunette, et sur la route de Rouen à Beauvais, qui fut longtemps une place importante ; c'était le poste avancé de la France vers la frontière normande. Le château qui lui donna naissance fut fondé, au temps du roi Philippe Ier, par Dreux de Chaumont, frère de Hugues Pille-Avoine et d'Enguerrand, comte de Chaumont, qui, vers la fin de sa vie, se fit moine à Saint-Germer.
Les seigneurs de Trie tiennent un rang distingué dans l'histoire de France. Jean II, de Trie, combattait, à la bataille de Bouvines, près de Philippe Auguste. Jean III, de Trie-Dammartin, fut en guerre avec Simon de Nesle, le Dévêtu, évêque de Beauvais. et mourut en 1301, à la bataille de Mons-en-Puelle. Parmi les autres sires de Trie on compte un archevêque de Reims, un amiral, un grand maître des arbalétriers, plusieurs chambellans et maréchaux de France. La châtellenie de Trie comprenait sous sa mouvance les seigneuries de Sérifontaine, du Vaumain, de Flavacourt, de Chambors, etc., etc. Elle passa successivement dans les maisons de Dammartin, de Chabannes, de Montmorency, de Bourbon-Estouteville, de Bourbon Longueville et de Bourbon-Conti.
Le château se composait primitivement d'une double enceinte. La première, que traversait le grand chemin de France et Normandie, avait la forme d'un arc de cercle dont la rivière de la Troësne formait la corde ; elle était défendue par un gros mur qui s'appuyait, aux deux extrémités, sur celte rivière et était percé de deux portes, la porte de Gisors et celle de Chaumont. La seconde enceinte formait le château proprement dit ; il s'appuyait à la première et en son milieu. Sa forme était pentagonale, et trois tours, reliées entre elles par des courtines à mâchicoulis, en formaient la principale défense ; au milieu, et sur une hauteur faite de terres rapportées, s'élevait le donjon. Lorsque la Normandie fut devenue française, ce château subit de nombreuses modifications. Adrienne d'Estouteville, femme de François de Bourbon, comte de Saint-Pol, qui y séjournait, en fit, selon l'usage d'alors, une résidence de plaisance, et fit abattre la plupart des ouvrages de défense ; elle y mourut en 1560 et fut inhumée dans l'église paroissiale de Sainte-Madeleine. C'est à cette princesse que l'on doit les trois tours et les deux bâtiments qui les réunissaient, appelées le Château-Vieux du temps des princes de Conti. Ceux-ci avaient fait élever en retour d'équerre un château neuf dont on vantait au loin la magnificence.
Trie était un de leurs séjours de prédilection à cause des avantages que ce domaine offrait au temps de la chasse. Louis II, de Bourbon-Conti, offrit, en juin 1769, un asile à Jean-Jacques Rousseau au château de Trie ; il y résida une année, dans une chambre située au second étage de la tour qui seule subsiste encore de l'ancien château, et c'est là qu'il termina, dit on, ou revit son Emile. vivant dans la solitude et la retraite, et ne visitant seulement qu'à de rares intervalles l'abbesse de Gomerfontaine, Mme de Nadaillac.
Le château de Trie avait été cédé, par la maison de Conti, à Monsieur, frère de Louis XVI ; il fut vendu et détruit à la révolution, à l'exception de la tour du milieu et de quelques chambres qui, heureusement réparées et embellies dans ces derniers temps, forment aujourd'hui, entre les mains de la famille de M. le comte C. de La Ferronnays, une des plus agréables habitations des environs. L'église de Trie a été reconstruite plusieurs fois ; mais son portail, qui parait dater du VIIIe ou du IXe siècle, est extrêmement curieux : c'est un des monuments religieux les plus anciens de tout le département de l'Oise. Trie-Château est ainsi désigné pour le distinguer de Trie-la-Ville, situé à un kilomètre plus au nord sur les bords de l'Aunette. Il y avait, avant la révolution, à Gomerfontaine, entre Trie et Cliaumont, une abbaye de religieuses de l'ordre de Citeaux ; elle a été convertie en ferme. Dans les bois voisins, les antiquaires admirent un dolmen bien conservé. La ferme de M. Fortelle était jadis, ainsi que l'indique son nom, une maison forte, fief relevant de la châtellenie de Trie, qui elle même dépendait du bailliage de Senlis. Trie-Château est la patrie du conventionnel Dupuis, auteur de l'Origine de tous les cultes. On y fabrique des dentelles, et la plupart des habitants, que les soins de l'agriculture ne réclament point, trouvent une lucrative occupation dans une belle filature de laine, qui occupe l'emplacement de l'ancien moulin banal.
Source : La France illustrée. Géographie, histoire, administration et statistique par Victor-Adolphe Malte-Brun